Libéralisme : Hayek, théoricien du laissez-faire

L’économiste autrichien Friedrich Hayek est connu pour sa défense originale des idées libérales, qu’il opposait à la conception trop dominante qu’il jugeait trop rationaliste ou « constructiviste ».

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Libéralisme : Hayek, théoricien du laissez-faire

Publié le 13 mars 2018
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Par Marius-Joseph Marchetti.

Qui est Hayek, cet auteur libéral incontournable du XXème siècle qui est réputé avoir introduit le laissez-faire en économie ? Friedrich Hayek a reçu le « prix Nobel » d’Économie de 1974 pour ses travaux sur la théorie des cycles économiques, approfondissant les travaux de son mentor Ludwig Von Mises (figure emblématique et centrale de l’École autrichienne, connue dans les milieux libéraux et libertariens pour son ouvrage d’économie L’Action Humaine, son magnum opus de 900 pages). Si l’on devait résumer l’œuvre de Hayek, nous pourrions simplement dire qu’elle fut sans cesse dédiée à combattre les idées constructivistes.

Qu’est-ce que le constructivisme ?

Le constructivisme, ou rationalisme constructiviste, n’est pas à confondre avec le rationalisme évolutionniste. Le constructivisme résulte d’une prétention criminelle, d’une « présomption fatale » (pour reprendre le titre de son ouvrage), qui consiste à croire qu’on peut ériger un ordre par la seule volonté, en faisant table rase des conventions et des ordres existants.

La dénonciation du constructivisme par Friedrich Hayek occupa la seconde partie de sa vie, durant laquelle il rédigea La Route de la servitude, Droit, Législation et Liberté, La Constitution de la Liberté, La Présomption Fatale, et bien d’autres encore.

Il nous semble nécessaire de rappeler que l’anti-constructivisme de Hayek provient de sa conception conséquentialiste, à l’opposé de l’utilitarisme classique. Dans son Droit, Législation et Liberté, Hayek pose clairement sa préférence pour ce qu’il nomme un Rule-Utilitarianism (qui consiste à découvrir des règles de juste conduite qui permettent d’accroître le degré de complexité de l’ordre étendu et de la civilisation), à l’inverse de l’Act-Utilitarianism, qui correspond à des formes d’utilitarisme plus classique que l’on retrouve chez Jeremy Bentham et John Stuart Mill.

>>> Lire aussi sur Hayek : Droit, Législation et liberté

Pourquoi donc ? Car selon lui, le processus de sélection des normes ne pourrait permettre autant de bénéfices publics si on s’opposait à lui au nom d’un « principe de non-nuisance » (Stuart Mill), ou d’une conception de « justice sociale », qui s’intéresserait à un état qui peut se dégrader pour certains individus (imaginons que l’entreprise d’un individu fasse faillite, il y aura nuisance pour lui et les personnes qu’il fait travailler) plutôt que sur un processus qui accroît le nombre de fins possibles pour un nombre toujours croissant d’individus1.

Longtemps avant qu’Auguste Comte n’introduise le terme « positivisme », Bentham avait posé solidement les fondations de ce que nous appelons aujourd’hui le positivisme légal et moral : c’est-à-dire l’interprétation constructiviste des systèmes de droit et de morale selon laquelle la validité et la signification de ceux-ci sont considérés comme dépendant pleinement de la volonté et de l’intention de ceux qui les ont conçus. Friedrich Hayek, La Présomption fatale

Cette opposition nous permet de nous rendre compte de la différence qui existe entre deux grandes formes de rationalisme. Cette différence, entre ce que Hayek nomme le rationalisme constructiviste et le rationalisme évolutionniste, peut être résumé par ce propos de Hayek :

L’homme ne naît pas sage, rationnel et bon, mais a dû apprendre à le devenir. Ce n’est pas notre intelligence qui a créé notre morale, mais plutôt les interactions humaines régies par notre morale qui ont rendu possible le développement de la raison et des capacités qui lui sont associées. L’homme est devenu intelligent parce qu’il y avait pour lui une tradition – celle qui se tient entre l’instinct et la raison – pour apprendre.

Le rationalisme évolutionniste de Hayek se caractérise par une appréhension de phénomènes complexes qui existent depuis des siècles, en se modifiant et s’étendant au fur à mesure que les interactions humaines évoluent. Il estime que les conceptions qui permettent aux hommes d’appréhender le monde aujourd’hui proviennent de trois strates successives qui se sont formées au cours de l’évolution culturelle : Instinct, Tradition et Raison.

Il est donc absurde pour lui de considérer que l’Homme serait apte à former un ordre étendu et civilisationnel par la seule raison, comme l’extrême opposé lui semble tout aussi absurde, le cas d’un ordre qui ne dépendrait que des acquis strictement naturels et génétiques des hommes, comme peuvent le défendre certains sociobiologistes.

Les lois de de la conscience que nous disons naître de la nature, naissent de la coutume. (Montaigne)

La dénonciation : par l’économie

Le rôle de Hayek dans l’étude des phénomènes de boom a été très important : il est connu pour sa dénonciation des manipulations monétaires exercées par les organismes étatiques qui modifient les structures productives de l’économie, entraînant des « mal-investissements » dans l’économie, qui se réajustent lorsque la politique monétaire cesse, à cause d’une peur de l’inflation ou que la bulle créée explose à cause d’effets externes.

Pour éviter la récurrence des bulles et la force des crises occasionnées par leur explosion, il propose, dans un cadre où l’État gère encore la monnaie, le retour à l’étalon-or (qui est selon lui la moins mauvaise politique monétaire), puis lorsqu’il entendra parler de la possibilité dans le futur d’une monnaie commune européenne, dont les expérimentations commenceront avec le Système Monétaire Européen, il arrêtera ses travaux en cours pour écrire son livre Denationalization of Money (La dénationalisation de la monnaie) et mettre en garde la population du danger de cette proposition (avec les connaissances que nous pouvons observer aujourd’hui).

Friedrich Hayek est également caractérisé par ses travaux sur l’impossibilité de calcul économique dans les régimes collectivistes à cause de la suppression du système des prix, qui, bien qu’imparfait, constitue une façon assez efficace de faire circuler les informations et les connaissances des agents économiques.

Le profit, quant à lui, représente pour Hayek un signal aux entrepreneurs pour leur permettre d’imaginer plus ou moins quel bien et dans quelle quantité produire. Comme le dira Ludwig Von Mises dans son livre Socialisme en 1920, l’ironie des systèmes planificateurs est qu’en supprimant l’existence du système des prix, il est désormais impossible de planifier quoique ce soit.

C’est dans ce même livre que Mises annoncera des décennies à l’avance l’effondrement des régimes collectivistes, qu’ils soient bolcheviques, nazies ou fascistes (ce qui lui vaudra d’ailleurs sa place plus tard sur la liste noire des Nazis, la réquisition de ses biens et son exil aux États-Unis pour lui, et à Londres pour Hayek).

Comme l’ont montré et le montrent encore les nombreuses expériences collectivistes, la planification centralisée et étatique se caractérise par d’importantes pénuries et des phénomènes de files d’attentes (comme au Venezuela aujourd’hui) ou alors par des gestions irresponsables, comme le montre l’exemple du Canada et de sa gestion de l’offre du lait qui conduit au fait que de très importantes quantités de lait ont purement et simplement été jetées.

Hayek est également l’adversaire assidu d’un autre économiste de l’époque, Lord Keynes, écrivain de La théorie générale de l’emploi et de l’intérêt (et dont la logique inspire une bonne partie de notre classe politique, n’hésitant pas à parler de relance et de dépense publique), qui enseignait au même endroit que lui, à la London School of Economics.

Ils divergeaient sur leur solution de sortie d’une crise économique. Là où Keynes préconisait une intervention plus importante de l’État dans le but d’endiguer le chômage de masse et la dépression, Hayek préconisait la non-intervention de l’État, acteur de la crise et ne pouvant ajuster les structures qu’il avait lui-même contribuer à pervertir.

Ainsi, Hayek et les économistes autrichiens nous envoient un message fort. Pour sortir de la crise, nous devons laissez-faire. L’État ne peut pas nous sortir d’une crise qu’il a créée.

La dénonciation : par la philosophie

Si le nom de Friedrich Hayek est généralement associé à des thèses purement économiques, sa contribution et son intérêt pour la philosophie politique et l’étude du Droit ne sont pas en reste.

Prenons La Route de la servitude, que les gens citent en général lorsqu’ils parlent de Hayek : ce manifeste libéral du XXe siècle, qui est encore un best-seller de nos jours, montre comment l’emballement totalitaire qui ravage l’Europe des années 1940 est la conséquence directe des idées purement autoritaires caractérisant les socialistes de la pré-époque des fascistes, nazis et bolcheviques qui ont prévalu durant l’entre-deux guerres, à l’opposé des explications étatistes qui pointent du doigt une dégénérescence du capitalisme.

Pour Hayek, la socialisation de l’économie et l’intervention massive de l’État sur le marché débouchent sur la suppression des libertés individuelles ; il n’existe pas de différence de nature mais seulement de degré entre le communisme et le nazisme, entre le socialisme et le totalitarisme. Ayn Rand a dit quelque chose de bien similaire : « la différence entre un État-Providence et un État totalitaire est une question de temps. » C’est ainsi que Hayek déclare que ce sont moins les idées purement allemandes que l’autoritarisme socialiste qui sous-tend ces idées qui ont conduit au nazisme.

Hayek est aussi un grand partisan de la Rule of Law, comme il le montre dans La Constitution de la liberté, en 1960, qui reprend de manière plus positive le cadre normatif (Rule of Law, état de Droit) qui sous-tend un ordre politique libéral. La Rule of Law pourrait être traduite de plusieurs manières : le gouvernement du Droit, le règne de la loi, ou encore – mais l’expression a été reprise dans un autre sens – l’état de Droit.

L’état de Droit est la représentation d’une loi supérieure à n’importe quelle puissance politique. Ce que nous nommons donc le règne du droit est l’ensemble des règles de juste conduite que les hommes ont érigé pour maintenir un Ordre étendu. Ces règles de juste conduite sont des contraintes minimales qui respectent le principe d’universabilité soulevé par Kant (ou principe de réciprocité).

Ces règles de juste conduite s’appliquent à tous indifféremment, et permettent donc leur application à tout humain, et c’est cela qui a permis à un ordre global d’émerger. Cette somme de règles abstraites que tous respectent permet à chacun de conserver son domaine de liberté sans nuire à autrui ; et elles ont été découvertes par un processus d’essais et d’erreurs, souvent grâce aux juges.

Comme Hayek le rappelle, si nous devions appliquer le même nombre de règles que celles que nous trouvons dans les sociétés tribales et les sociétés plus anciennes à la civilisation, celles-ci s’effondreraient à terme.

C’est pour cela que Hayek dit qu’à bien des égards, le socialisme prépare le retour du tribalisme, car le socialisme octroie une masse de devoirs supplémentaires aux individus, au nom d’une justice sociale qui ne peut respecter le principe de réciprocité et de contrainte minimale dont un ordre étendu (ou un ordre de marché) a besoin.

 

  1. « Un acte de justice pris isolément est fréquemment contraire à l’intérêt public ; et s’il devait rester, sans être suivi par d’autres, il pourrait en lui-même être très préjudiciable à la société (…) Pas davantage, chaque acte de justice particulier, considéré à part, n’est-il favorable à l’intérêt privé plus qu’à l’intérêt public (…) Mais si contraire à l’intérêt tant public que privé que puisse être un simple acte de justice, il est certain que l’ensemble du plan ou système est hautement utile, voire absolument nécessaire, à la fois au maintien de la société et au bien-être de chaque individu. » – David Hume, Traité de la nature humaine, III, II, section II (trad. Leroy, Aubier-Montaigne, p.615)
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  • Ce qui est intéressant dans cette approche c’est qu’il n’y a pas de barrières entre la philosophie et l’économie. Cela ne met évidemment pas un point final aux controverses mais c’est infiniment plus satisfaisant que l’approche de nombre d’économistes médiocres qui se contentent de jouer avec des modèles douteux pour servir les intérêts politiques à courte vue des clans auxquels ils se raccrochent.

  • Excellent article sur ce grand penseur du libéralisme. Une précision toute fois, l’utilitarisme de la règle (Rule-Utilitarianism) est aussi classique que l’utilitarisme de l’acte (Act-Utilitarianism), car il remonte à Hume. La pensée de Bentham a évolué tout au long de sa vie, et celle de Mill n’est pas toute à fait la même que celle de son maître.

  • Une chose à retenir de cette approche économique et philosophique de ce grand penseur « libéral » et dit « Anarcho-capitaliste » c’est que « Le Socialisme est une erreur ».

    • Hayek n’est pas anarcho-capitaliste.

      • La première spécificité du libertarianisme tient à sa nature utopique. A partir d’un texte très important écrit par Hayek en 1949 et appelant à la constitution d’une utopie libérale visionnaire et subversive, et des travaux de Paul Ricoeur sur l’utopie, nous proposons de définir le libertarianisme comme une mutation en utopie du libéralisme classique, à travers un double processus de généralisation et de subversion. L’utopie libertarienne projette d’une part la logique du marché sur toutes les aspects du vivre ensemble – et pas seulement sur la sphère économique – et mue, d’autre part, la défense des libertés individuelles en une lutte contre l’Etat. Le libertarianisme se présente ainsi comme un libéralisme d’opposition au pouvoir existant et d’exploration d’un autre possible. (Les libertariens face au pluralisme des valeurs, 2012)

        • Et c’est toute l’ambiguïté du libertarianisme d’être un constructivisme qui nie tout constructivisme dans tous les domaines.

          D’où à mon avis la nécessité de repenser ce mouvement d’idée qui s’inscrit fortement dans le contexte historique du XX° siècle, Rand, Hayek, Rothbard et même d’une certain façon Friedman ayant été très fortement influencé (et/ou en réaction) par le matérialisme dialectique (et sa descendance) quoiqu’ils en disent.

          Même si l’abstraction très poussée dans certain domaines comme l’éthique, la monnaie, la morale … sont d’indéniables avancées.

        • La caractéristique des utopies est d’être contraire à la nature.

          Les droits de l’homme ne peuvent pas constituer le principe fondateur d’une politique car ils sont destructeurs de toute organisation sociale. Ils ont été utilisés pour détruire la féodalité et l’ancien régime, puis pour détruire les sociétés libérales et les remplacer par le socialisme, et maintenant ils sont utilisés pour détruire les nations. L’émancipation de l’individu à l’égard du collectif est une avancée importante de la civilisation, mais l’individu ne saurait être la base de l’organisation sociale.

          Pour paraphraser Churchill, et je m’adresse aux libertariens, vous voulez éviter l’esclavage au prix du collectif, vous aurez le collectif et l’esclavage.

          • C’est l’argument de Rousseau, qui est sorti en boucle alors qu’il repose sur le sophisme de la nature humaine dissociée de la société et dont on sait actuellement que les exemples pris comme preuve sont absolument faux.

            « Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, en donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant.  »

            Cette affirmation de Rousseau est jolie, romantique, fait du bien à l’ego, mais est totalement erronée: l’homme est un animal moral par nature, comme d’ailleurs d’autres animaux dans une moindre mesure. La moralité humaine ne vient pas de « l’Etat civil », mais d’un long processus d’évolution dont bien sur la collectivité fait partie : aucun homme ne naît plus depuis des dizaines de siècles dans une cellule familiale coupée des autres individus de la même espèce.

            L’individu est la base de l’organisation sociale qui n’existe que par les relations des individus entre eux.

            • Je ne sais pas à quoi vous faites référence dans mes propos en parlant d’argument de Rousseau, et je m’en moque, car je ne souscris à aucune théorie du contrat social.

              Les individus ne s’organisent pas en société, comme l’affirment les théories du contrat social, mais ils trouvent une société organisée à leur naissance, dont ils doivent respecter les règles. Une société avec des institutions politiques libérales permet aux individus de s’épanouir, mais ces institutions libérales ne résultent pas de conventions volontaires entre individus, elles résultent d’un processus historique, avec ses conflits et ses rapports de forces.

              Je ne considère pas que j’ai des droits parce que je suis humain, ces droits ne valent pas l’encre et le papier sur lesquels ils sont écrit, mais que j’ai des libertés parce que je suis citoyen français, que mes ancêtres se sont battus pour les conquérir et les défendre, et qu’ils sont inscrits dans l’ordre juridique de la France. Les droits de l’homme ne sont garantis par rien, alors que les libertés du citoyen français ont été garanties par le passé par la capacité de l’état français à mener une guerre industrielle, et sont garantis actuellement par 300 têtes nucléaires.

              Sans puissance la liberté n’existe pas, et il n’y a pas de puissance sans état. Toutes les spéculations du monde sur l’individu et la société, qui alimentent les utopies, ne peuvent changer ce fait de la nature humaine, telle qu’elle s’est exprimée dans l’histoire.

              • Vous êtes drôle : vous dénigrez le contrat social de Rousseau et ce que vous décrivez est exactement … le contrat social de Rousseau !

                C’est complètement utopique de croire que l’Etat puisse garantir ou fournir la liberté aux individus. Ça ne marche pas comme cela, ça n’a jamais marché comme cela : le rôle de l’Etat est de contraindre, de réprimer, de réduire les libertés, d’imposer l’ordre par la force.

                L’Etat est un tyran quelque soit sa forme parce que c’est ce qu’on lui demande d’être : concrétiser la justice et l’ordre. Et au plus ce tyran est fort, au plus il peut être juste : un Etat faible ne sert à rien alors autant le supprimer dans ce cas là car il devient nocif car il cherche à justifier son existence en s’occupant de tout et de n’importe quoi.

                Et désolé, mais il y a bien plus de libertés en Suisse qui n’a participé à aucune des 2 guerres mondiales, qui n’a aucune tête nucléaire et dont l’Etat n’a jamais mené aucune guerre industrielle.

                • Ce que je décris n’a strictement rien à voir avec le contrat social de Rousseau. C’est tout le contraire en fait.

                  L’état a la puissance pour imposer les règles nécessaires à la vie sociale, à la sécurité des personnes et des biens, à l’exercice des libertés. L’absence de règles n’est pas le règne de la liberté mais celui de la licence, qui est invivable. Vos propos sur l’état sont complètement hors sujet par rapport à la question du libertarisme, car celui-ci ne remet pas en question la nécessité d’imposer des règles par la force si nécessaire, mais pose la question de savoir qui doit les imposer. Mon point de vue, appuyé par l’histoire, est que la privatisation de son état ferait d’une population une proie facile, pour ses ennemis de l’extérieur comme de l’intérieur.

                  Très drôle l’exemple de la Suisse. Qui a instauré la République helvétique ? C’est ça votre conception de la liberté, laisser un pays voisin vous envahir, et vous imposer ses institutions politiques ? ce n’est pas la mienne. Et la Suisse n’a pas de service militaire, ni de matériel moderne…bref on est très loin du monde des bisounours des libertariens.

                  • « On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un État libre. […] Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu’on s’y prenne tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée.

                    Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous.  »

                    Ce que vous écrivez est exactement ce qu’écrit Rousseau.

                    La souveraineté n’a absolument rien à voir avec la liberté, vous n’associez les deux que parce que votre vision de l’Etat est la démocratie : l’Etat représente le peuple et il y a un lien entre les deux.

                    Alors que pour les libéraux, cela n’a rien à voir : l’Etat est une propriété comme les autres et pour les plus radicaux (dont nombre de « libertariens ») il faut qu’il y ait un propriétaire physique à sa tête pour qu’il y ait un responsable physique des actions que l’Etat effectue (responsable devant le peuple et devant la justice)

                    On est très loin du monde des bisounours.

                    • Les propos de Rousseau que vous citez, en dehors de ceux sur la loi naturelle que je ne partage pas car je ne crois pas à un état de nature distinct de l’état social, sont des lieux communs. La liberté sans règles et sans justice s’appelle la licence. Je sens que bientôt vous allez citer Hitler et me dire que je suis d’accord avec lui…

                      La souveraineté fait partie des libertés dans le sens ou elle permet à une population via ses institutions politiques, qui ne sont pas nécessairement démocratiques, de gérer ses affaires dans son propre intérêt (c’est là que la démocratie a l’avantage sur les autres formes de régime politique).

                      L’état ne peut pas être une propriété comme les autres puisqu’il ne sert pas des intérêts particuliers mais l’intérêt général. Un état privé est une cleptocratie qui utilise les privilèges de la puissance publique dans un intérêt privé. Et s’il n’a pas de privilège de puissance publique, ce n’est pas un état.

                      La responsabilité n’implique pas la propriété. Dans un régime démocratique le chef d’état est responsable politiquement, et légalement s’il enfreint la loi.

                    • Et ben voila, vous avez mis le doigt au bon endroit. Les propos de Rousseau ne sont pas des lieux communs.

                      « Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois » : je ne suis pas d’accord avec cela, et je ne suis pas le seul.

                      La souveraineté n’est pas une liberté : je ne suis pas d’accord avec cela.

                      L’Etat est une propriété comme les autres, l’intérêt général, ça n’existe pas, c’est une fable : il n’existe au mieux qu’un plus petit dénominateur commun entre les intérêts particuliers.

                      Un Etat peut exister sans privilège de puissance publique, il y a de très nombreux exemples historiques et encore maintenant la puissance publique n’est pas un privilège dans les états fédéraux.

                      Il n’y a jamais de responsabilité sans propriété : agir au nom des autres n’est pas une responsabilité, c’est une déclaration d’intention. Vous en connaissez beaucoup d’élus mis en prison pour avoir endetté ou ruiné leur pays ou même leur commune ? La responsabilité des élus, c’est une totale utopie et nous en avons la preuve tous les jours : ces gens passent leur temps à se protéger légalement pour ne pas avoir de problèmes.

                    • Les propos de Rousseau sont des lieux communs.
                      La souveraineté est une liberté.
                      L’intérêt général existe, et on peut même le définir comme la création et la préservation des règles qui sont utiles à tous. C’est l’utilitarisme de la règle dont parle à juste titre l’auteur de l’article.
                      Sans privilège de puissance publique on ne peut pas parler d’état mais seulement d’une organisation privée. Les états fédéraux ne lèvent pas d’impôts peut être…ils vivent des cotisations volontaires… LOL
                      La responsabilité politique n’est pas la responsabilité judiciaire.

                    • Vous prenez pour des vérités des affirmations qui ne sont que des prises de positions contestables.

                    • Elles sont tellement contestables qu’elles sont à l’origine des grands démocraties libérales occidentales…lol

                    • Non, elles sont à l’origines des social-démocraties continentales, je ne sais pas si vous avez raté le match à la télé, mais les pays anglo-saxons ont pas mal de reproches sur cette philosophie politique en ce moment.

                      « Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois » Ce n’est pas le cas aux US où la jurisprudence et la cours suprême sont au dessus des lois, ni en Angleterre où la jurisprudence et la Reine sont au dessus des lois également (c’est la Reine qui promulgue les lois votées en son nom)

                      etc…

                    • Rien à voir avec la sociale démocratie.
                      Vous mélangez tout.
                      Faire la loi comme le fait le congrès ou le parlement, ou dire le droit comme le font les cours de justice, n’a strictement rien à voir avec être au dessus des lois. Ces activités sont subordonnées à la constitution écrite ou non écrite, qui est une norme juridique. Il n’y a que dans les dictatures que des gens sont au dessus des lois.

                      Vous ne comprenez pas plus le droit que l’économie. Vous êtes ridicule.

  • Bon article à part le ressassé « retour à l’étalon or » absolument faux : Hayek était un farouche partisan de la concurrence au sein des monnaies et à l’abolition totale des monopoles et donc bien évidemment celui sur l’or qui est utilisé par les Etats comme le principal instrument de servitude depuis des siècles.

    Je ne sais pas d’où vient ce mythe urbain, si quelqu’un a une référence, celle-ci est bienvenue.

  • Hayek était pour la concurrence des monnaies en pensant que c’est l’or qui l’emporterait…

    • Des sources ? On ne peut pas être pour la concurrence et penser qu’un monopole s’établirait, c’est un non sens total.

      • « It seems not unlikely that gold would reassert its place as ‘the universal prize in all countries, in all cultures, in all ages’. . . if people were given complete freedom to decide what to use as their standard and general medium of exchange. »

        Hayek, Choice in Currency

        • Ok, maintenant je comprend : Hayek parle de monnaie or et pas du tout d’étalon or.

          Monnaie or : l’or est utilisé comme monnaie. Étalon or : la monnaie fiduciaire est convertible en or.

          • Ce n’est plus un non sens total ? LOL

            L’or utilisé comme monnaie, et l’or utilisé comme garantie d’une monnaie papier, ou électronique, sont exactement la même chose. Si je dispose d’un stock d’or, au nom de quoi m’interdirait-on d’émettre des billets convertibles en or du moment que je n’émets pas des billets non convertibles (qui seraient analogues à des chèques sans provision) ? C’est une pure question de commodité. En revanche, décréter que seuls mes billets, convertibles en or ou pas, peuvent être utilisés comme moyens de paiement est une tout autre question.

            On peut très bien être pour la concurrence tout en pensant qu’elle conduirait à un producteur unique, car comme l’a démontré Rothbard les seuls monopoles sont légaux.

            • « L’or utilisé comme monnaie, et l’or utilisé comme garantie d’une monnaie papier, ou électronique, sont exactement la même chose.  »

              Absolument pas et c’est tout le débat : qu’est-ce qui garantit la persistance de la monnaie ? Dans un cas, c’est la matérialité de la monnaie, dans l’autre c’est la promesse de convertibilité.

              L’étalon or n’a absolument rien à voir avec le principe de monnaie pleine dont vous parlez (« du moment que je n’émets pas des billets non convertibles »), c’est même carrément l’inverse : l’or sert alors d’étalon de valeur, qui fixe la valeur de la monnaie, empêche la fluctuation des changes entre monnaies (sauf à modifier le stock d’or et donc à flouer les possesseurs de monnaie) et rend de facto impossible toute concurrence, les valeurs entre monnaies étant fixées l’étalon.

              • Dans un système de monnaie libre qu’est-ce qui m’interdit d’émettre des billets convertibles à la place de pièces ou de lingots ? pas de réponse.

                L’or n’empêche aucune concurrence s’il n’est pas imposé comme monnaie. La nature de la monnaie et la liberté d’utiliser la monnaie de son choix sont deux sujets différents, que vous mélangez allègrement.

                • « s’il n’est pas imposé comme monnaie » : donc il ne s’agit pas d’un étalon or, mais bien d’une monnaie or.

                  • Je n’ai pas utilisé le terme étalon or. Vous me confondez avec l’auteur de l’article.

                    Votre distinction entre la monnaie comme or, et des billets convertibles en or est absurde. Donc je répète, dans un système de monnaie libre qu’est-ce qui m’interdit d’émettre des billets convertibles à la place de pièces ou de lingots ?

                    • Votre question n’a aucun sens : qu’est ce qui me garantit que vous échangerez toujours les billets contre de l’or ? Rien, à part votre promesse.

                    • Et qu’est-ce qui vous garantit que je vais exécuter mes obligations lorsque vous contractez avec moi ? pardonnez moi mais à ce stade vous êtes ridicule.

                    • Vous n’avez pas compris la notion de monnaie fiduciaire qui est dénoncée par Hayek. Une monnaie or n’est pas une monnaie fiduciaire : c’est juste de l’or (sous forme de pièce de monnaie)

                    • Donc il faut une concurrence entre monnaies mais seule les pièces d’or sont acceptables…LOL

                    • Les monnaies n’ont pas à être forcement en or, cf Bitcoin et consorts.

                    • Donc des billets non convertibles sont ok mais pas des billets convertibles en or … vous n’avez rien compris

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