Hôpital : la réforme grâce au marché

Le problème profond de toutes les réformes hospitalières, c’est que la question du marché est strictement exclue de toute réflexion.

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Hôpital : la réforme grâce au marché

Publié le 3 mars 2018
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Par Jean-Baptiste Boone.
Un article de l’Iref-Europe

Le système de santé est dans une situation critique. D’où que l’on prenne la question, les problèmes budgétaires paraissent difficilement surmontables : par le haut, la branche maladie de la Sécurité sociale n’est pas équilibrée (4,1 Md€ de déficit en 2017, 0,8 prévus en 2018) ; par le bas, en aval, les hôpitaux sont de plus en plus endettés. C’est dans ce contexte connu depuis des années mais qui empire, que le gouvernement propose de réformer entièrement le système de santé.

Le Premier ministre souhaite proposer de profonds changements, évitant une énième réforme qui serait insuffisante. Pour l’ensemble des observateurs, il y a urgence et le remède doit être sévère. La Fédération hospitalière de France, regroupant les établissements publics de santé, annonce des déficits jamais vus, de 1,5 Md€ en 2017. La Cour des comptes confirme la gravité du diagnostic en rappelant que la dette des hôpitaux atteignait 29,3 Md€ en 2016, et que 320 d’entre eux étaient à considérer comme excessivement endettés.

La « stratégie de transformation du système de santé » est divisée en « cinq chantiers structurants » mais ce sont bien les problèmes d’ordre financier qui sont visés (la lassitude du personnel est surtout due à ce premier écueil). Le principe de la tarification à l’acte (T2A) est fortement remis en cause. Il consiste à coter chaque acte médical dans ses plus petits détails et conditionnant minutieusement la rémunération de l’hôpital. Cette tarification ne devrait plus représenter que 50% du financement des hôpitaux.

Ce mode de financement, adopté en 2004 et appliqué en 2007, est accusé de pousser à la réalisation d’actes trop nombreux et inutiles. Il entraînerait non seulement des surcoûts, mais aussi un désarroi accru du personnel. Auparavant, les hôpitaux étaient dotés annuellement d’une enveloppe plus ou moins fixe (dotation globale). On reprochait à ce système de ne pas permettre d’adaptations.

C’était donc un mauvais système, et le nouveau l’est également. Le ministre de la Santé, Agnès Buzyn, veut le ré-inventer : « Je veux valoriser la bonne médecine, ceux qui font bien » mais « c’est très compliqué techniquement. Il n’y a dans les tiroirs aucun mode alternatif ». Aussi, le choix ressemblera-t-il donc à un mélange de ces deux mauvais systèmes.

On touche ici le problème profond de toutes les réformes hospitalières. La question du marché est strictement exclue de toute réflexion. Or quand le ministre dit ne pas connaitre de mode alternatif, elle devrait se rappeler, ou conclure, qu’en fait il n’en existe qu’un seul qui fonctionne : la fixation des prix par le marché.

La réforme de la T2A a échoué parce que l’administration a voulu fixer les prix par une nomenclature kafkaïenne de 2700 occurrences qui peuvent être déclinées selon de nombreuses variables. Les prix arrêtés de manière réglementaire empêchent une juste qualification des actes, qu’Agnès Buzyn dit ne pas savoir comment valoriser. Il ne reste donc aux hôpitaux que la variable quantitative. Les tentatives de fixation des prix, dans ce qu’elles ont d’arbitraire, ne fonctionnent jamais.

Les systèmes d’assurance

Sur un marché, les acteurs fixent les prix librement, ce qui permet une capacité d’adaptation optimale. Seulement, si le prix est trop élevé, l’acheteur se désiste (ici le patient). C’est la toute la crainte dans un système qui se veut universel. Mais ce type de risque est couvert depuis longtemps par les mécanismes assurantiels. Écraser l’hôpital sous la charge administrative par crainte du marché ne résoudra rien.

L’Allemagne, les Pays-Bas ou encore la Suisse ont fait le choix de la libre concurrence pour les couvertures de santé. Les prestations y sont d’un niveau égal ou supérieur à celles de la France pour des coûts plus faibles. En France, les dépenses de fonctionnement des administrations de sécurité sociale sont de 100 Md€ !

La conclusion du rapport de l’IREF sur les systèmes de santé était sans appel :

Il apparaît que pour un niveau de qualité relativement plus élevé, le régime néerlandais nécessite des coûts plus faibles que le régime français. La réforme néerlandaise devrait donc être prise en exemple car elle permet simultanément d’améliorer la couverture des assurés, de réduire le fardeau de la santé sur les salaires et de diminuer le déficit public de l’assurance maladie.

Par ailleurs, le régime néerlandais est parvenu à remplir ce triple objectif en imposant des cotisations patronales deux fois moins élevées qu’en France, ce qui signifie qu’il est possible d’atteindre une plus grande efficacité dans l’assurance maladie tout en libérant les contraintes qui pèsent sur le coût du travail et donc sur le niveau de salaire.

La liberté face à la complexité

Le système de santé repose sur des structures mises en place en 1945 et de très nombreux acteurs y prennent part : l’État, les professionnels, les entreprises au travers des charges sociales, les mutuelles, les hôpitaux, les cabinets médicaux.

Face à une telle complexité, il est peut-être temps que cesse la prétention de l’État à gérer administrativement tout le système de soins par un planisme qui montre aujourd’hui ses limites. La grande réforme serait peut-être de permettre aux mécanismes de marché d’être pris en compte pour fixer les prix …

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  • J’ai fait la meme analyse après une étude fouillée du système Néerlandais , bien plus performant que le système français; J’ai par contre l’appréhention que l’on se dirige vers un système de plus en plus étatisé ( suppression des mutuelles pour un système 100% assuré par l’état par exemple) , et donc s’enfoncer dans la gabegie et l’incompétence.

  • Comme les français, et en particulier les politiciens, surtout ceux sortis de l’ENA, sont les plus intelligents au monde, ne comptez pas sur eux pour s’inspirer ou imiter la réussite de nos voisins!

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