L’héritage pessimiste du marxisme

Une grande partie des thèses marxistes tirent leur existence en partie du pessimisme caractéristique des auteurs classiques.

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Karl Marx by: fhwrdh - CC BY 2.0

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L’héritage pessimiste du marxisme

Publié le 24 février 2018
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Par Marius-Joseh Marchetti.

À la base de la réflexion de nombreux auteurs contemporains, de gauche, néo-ricardiens, néomarxistes, on trouve quelques traces de l’héritage de Karl Marx. Ce que nombre de ses partisans ne savent pas (ainsi que nombre de ses détracteurs d’ailleurs), c’est qu’une grande partie de la pensée de l’auteur du Capital est déduite directement de la pensée des auteurs classiques. Et l’élément prédominant qui revient sans cesse, c’est la valeur-travail.

La valeur chez David Ricardo (auteur classique, comme Adam Smith) s’inscrit dans la continuité de la valeur-travail que l’on retrouve chez d’autres auteurs classiques, c’est-à-dire que la valeur échangeable est déterminée par des quantités de travail nécessaire à la production :

Il sera toujours vrai de dire cependant que la valeur échangeable des objets produits est proportionné au travail employé à leur production, et je ne dis pas seulement à leur production immédiate. (P. Chap 1 . Section III).

Influence des économistes classiques

Plus tard, ce sera Karl Marx qui s’inspirera de la théorie de la valeur-travail ( “La valeur-travail : la valeur d’un objet dépend de la quantité de travail nécessaire à sa production” ). On voit clairement les influences des économistes classiques lorsqu’il déclare :

En utilisant plus de machines en général, en employant davantage de capital fixe, le même nombre d’ouvriers transforme en produits une plus grande quantité de matières premières et auxiliaires dans un même laps de temps – c’est-à-dire avec moins de travail.

Marx  développera sa théorie de la plus-value pour expliquer, et pour mettre en avant l’aliénation du travailleur. D’après cette thèse, toute marchandise est payée à son coût de production ; le travail n’échappe pas à cette règle et il est donc payé à son coût de production, c’est-à-dire ici de reproduction, au plus simple niveau de la subsistance : il s’agit du minimum vital assurant la survie du travailleur et lui permettant d’avoir une progéniture :

La plus-value, c’est-à-dire cette partie de la valeur totale de la marchandise où est incorporé le surtravail, le travail impayé de l’ouvrier, voilà ce que j’appelle le Profit. (Karl Marx (1818-1883) : Salaires, prix et profits, chap. XI : les différentes parties… la plus-value, p. 67.)

Il [le capitaliste] fera donc travailler le fileur [l’ouvrier], mettons douze heures par jour. En outre et en sus des six heures qu’il faut pour produire son salaire ou la valeur de sa force, l’ouvrier aura donc à travailler six autres heures que j’appellerai heures de surtravail, lequel surtravail se réalisera en une plus-value et en un surproduit. ( Id. Chap. VIII : la production de la plus-value, p. 60.) ;

L’exploiteur capitaliste

Il existe donc une différence entre la valeur de la production réalisée par les travailleurs et le coût de production des travailleurs (c’est-à-dire le salaire) : cette différence constitue la plus-value, fruit du travail du salarié, et que le capitaliste s’approprie selon les thèses de Marx :

L’ouvrier a donc travaillé une moitié du jour pour lui-même et l’autre pour le capitaliste. (Karl Marx : Le capital, livre I, 3ème section, chap. IX : le taux de la plus-value, p. 168.).

C’est pour cela, encore aujourd’hui, qu’un certain nombre de militants et de penseurs socialistes anglophones évoque le wage slavery.

On retrouve aussi la théorie de la subsistance (décrite plus haut) née de la valeur travail qui énonce que :

La loi qui maintient constamment l’équilibre entre la surpopulation relative, ou l’armée industrielle de réserve, et l’ampleur et l’énergie de l’accumulation, rive beaucoup plus fermement le travailleur au capital que les coins d’Héphaistos ne clouèrent jamais Prométhée à son rocher. Elle implique une accumulation de misère proportionnelle à l’accumulation du capital. L’accumulation de richesse à un pôle signifie donc en même temps à l’autre pôle une accumulation de misère, de torture à la tâche, d’esclavage, d’ignorance, de brutalité et de dégradation morale pour la classe dont le produit propre est, d’emblée, capital.

En somme, plus le capital est utilisé et accumulé et moins le travail a de valeur, ce qui conduit l’ouvrier à être dans une situation de misère constante et circulaire.

Cela l’a également conduit à formuler la théorie sur la baisse tendancielle du profit. La baisse tendancielle du taux de profit est un concept central chez Marx. Il affirme que le taux de profit dans une économie capitaliste est condamné à chuter en raison de l’augmentation de l’intensité capitalistique au détriment du travail. Ce n’est pas sans rappeler la thèse de David Ricardo sur les rendements décroissants (où la rente foncière se trouve favorisée à terme au détriment du profit) : 

La tendance progressive à la baisse du taux de profit général est tout simplement une façon propre au mode de production capitaliste d’exprimer le progrès de la productivité sociale du travail.

La loi de la baisse du taux de profit qui traduit un maintien du taux de plus-value ou même une hausse de ce dernier signifie en d’autres termes : étant donné une certaine quantité de capital social moyen, un capital de 100 par exemple, la fraction de celui-ci qui représente des moyens de travail ne cesse de croître et celle qui représente du travail vivant ne cesse de diminuer.

Cette tendance chez Marx représente l’inéluctable faillite du capitalisme par ses propres mécanismes sur le long terme. Une grande partie des thèses marxistes tirent donc leur existence en partie du pessimisme caractéristique des auteurs classiques. Peut-être la vision de notre monde les aurait tiré de leur scepticisme face à l’avenir.

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  • « Peut-être la vision de notre monde les aurait tiré de leur scepticisme face à l’avenir. »

    Je ne crois pas., s’il s vivaient à notre époque ils seraient conscient des limites à la croissance.
    Ils raisonnaient dans un monde sans limites physique d’aucune sorte, ce qui était vrai à leur instant t.
    L’embellie passagère dont nous pouvons tous nous réjouir aujourd’hui, ne repose que sur l’utilisation du pétrole, ou plus largement, les énergies fossiles carbonées.
    Les esclaves sont les petro machines.
    l’ouvrier a pu s’embourgeoiser grâce au pétrole.
    La suite ?

    • Belle déclaration de pessimisme, du plus noir. J’aime beaucoup « l’ouvrier a pu s’embourgeoiser ». Est-ce nostalgique ?

      • 🙂 pas nostalgique( pour le moment) de notre confort petro dépendant.

        pic all (pas que oil) les amis…Ah on cumule, vraiment pas de bol nos générations.
        Tout comme vous j’attends les lapins qui vont sortir du chapeau et qui rendrons mon réalisme actuel caduc.
        Des pistes tangibles ?

  • Les commentaires sont fermés.

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