Et si des robots prenaient soin de notre santé, comme au Japon ?

Pour faire face au Papy boom japonais, différentes solutions sont mises en œuvre, parmi lesquelles la robotisation des services et des établissements de santé. Une source d’inspiration possible pour la France ?

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Et si des robots prenaient soin de notre santé, comme au Japon ?

Publié le 13 février 2018
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Par Sandra Bertezene.
Un article de The Conversation

À l’hôpital, des robots assistent les chirurgiens lors d’opérations de la colonne vertébrale ; des machines assurent la préparation des médicaments et leur délivrance auprès des patients ; des personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) réapprennent à marcher avec un exosquelette, sorte d’armature permettant d’accompagner le mouvement grâce aux signaux émis par le cerveau.

Les machines sont désormais capables de prouesses inimaginables il y a seulement quelques années. Du coup, leurs ventes augmentent de manière spectaculaire à l’échelle mondiale. Selon la Fédération internationale de la robotique, les ventes de robots d’assistance aux personnes handicapées, par exemple, sont passées de 4 713 unités en 2015 à 5 305 en 2016 et celles d’exosquelettes, de 4 970 unités en 2015 à 6 018 en 2016.

S’il est un pays pionnier en matière de robots destinés à la santé, c’est bien le Japon. Il en développe et en utilise bien plus qu’on ne le fait en France. Ses pratiques peuvent être une source d’inspiration et nous aider à répondre à des problématiques similaires, notamment celle du vieillissement de notre population.

Le papy boom nippon

L’espérance de vie au Japon est la plus élevée au monde. Le taux de natalité, en revanche, figure parmi les plus bas. Dans ce pays comptant deux fois plus d’habitants que la France (127 millions), le défi est donc d’accompagner des personnes de plus en plus âgées, dépendantes, handicapées et malades, alors que le nombre de soignants ne cesse de diminuer, compte tenu du déclin démographique.

Pour faire face à ce déséquilibre croissant, différentes solutions sont mises en œuvre, parmi lesquelles la robotisation des services et des établissements de santé. Elle est largement soutenue par les pouvoirs publics puisque parallèlement, elle favorise croissance et productivité.

L’essor de la robotique médicale

Le Japon compte près de 1 280 robots pour 10 000 salariés, alors qu’en France le rapport est dix fois moindre. Cette situation s’explique par le soutien important de l’État japonais depuis plus de vingt ans au secteur de la robotique, qui se manifeste notamment par une prise en charge de 50 à 60 % du coût de recherche et de développement des fabricants.

L’État soutient aussi les entreprises qui produisent à « bas prix » (environ 800 euros) des robots capables d’accompagner les personnes dépendantes dans leur quotidien : les soulever depuis leur lit et les déplacer, les assister dans leur toilette, etc.

Miser sur la robotique a favorisé l’essor de la recherche et des emplois dans ce secteur, faisant du Japon un des leaders mondiaux en la matière.

L’objet peut être enterré avec le défunt

Dans la culture japonaise, le rapport aux objets (et parmi eux les robots) est différent du nôtre. Objets et humains font partie d’un tout. On le voit sur le mont Kōya, un lieu sacré au sud d’Osaka. Il accueille un immense cimetière, dont les tombes sont remplies d’objets aussi hétéroclites que des pompes à eau ou de la vaisselle.

Si un objet a fait partie intégrante de la vie d’un proche, s’il a changé et amélioré son existence – cela pourrait être le cas d’un fauteuil roulant, par exemple – alors il peut être enterré avec le défunt, comme l’explique Paul Dumouchel, professeur de philosophie à Kyoto, dans son article de 2015, La vie des robots et la nôtre.

Astro Boy versus Terminator

Ce rapport particulier aux objets peut s’expliquer par le principe d’immanence, notamment présent dans le shintoïsme, spiritualité prédominante au Japon. Les montagnes et les animaux ont une âme, les dieux sont présents dans chaque élément, vivant ou non, et l’au-delà n’existe pas. Cette vision non hiérarchisée et non divisée du monde s’oppose à notre approche occidentale du cosmos, imprégnée du principe de transcendance selon lequel un ordre supérieur régit le monde.

Le Japon a ainsi donné naissance aux robots Astro Boy et Goldorak. Ces attachants personnages de manga sont bien moins inquiétants que Terminator et les réplicants de Blade Runner dont le comportement remet en question la transcendance des hommes.

Améliorer, dépasser, inventer

Une autre différence culturelle entre l’Occident et le Japon se joue dans l’essor pris par les robots dans ce pays. En effet, Jean‑François Sabouret, sociologue spécialiste du Japon, écrivait en 2008 :

à chaque époque le Japon semble faire preuve d’une grande célérité pour introduire en les maîtrisant les technologies venues d’ailleurs. Tout au cours de son histoire, il a dominé aussi bien les savoirs venus de Chine que ceux venus d’Occident. Dominer veut dire ici, comprendre et refaire le même geste, c’est-à-dire recréer, puis, à partir de là, améliorer, dépasser, inventer.

Cette tradition explique le fait que les connaissances d’abord rapportées de Chine, puis plus tard des États-Unis et d’Europe, soient assimilées et enrichies en continu. Il en est de même aujourd’hui s’agissant du numérique en général et de la robotique en particulier.

Le Japon, un laboratoire d’idées pour la France

La France est très différente du Japon, mais nos problèmes de démographie nous rapprochent. Aujourd’hui, notre pays compte, parmi ses 67 millions d’habitants, 1,3 million de personnes âgées de plus de 85 ans. Et il y en aura 5,4 millions en 2060. Le vieillissement de la population fait émerger une nouvelle filière industrielle, l’économie des seniors ou « silver economy », considérée par la Commission européenne comme une source d’emplois importante pour les décennies à venir.

The ConversationLe Japon nous permet d’observer la mise en œuvre et les impacts des technologies du numérique et de la robotique auprès des personnes âgées, dépendantes, malades ou en situation de handicap.

Tout en portant une grande attention aux particularités françaises, nous pouvons utiliser l’exemple du Japon comme un véritable laboratoire d’idées pour les pouvoirs publics, les entreprises, mais également les organisations hospitalières et médico-sociales de notre pays.

Ces dernières se dotent déjà de ce type de technologies pour prendre en charge et accompagner nos aînés afin de maintenir leur autonomie aussi longtemps que possible. Dans ce cadre, il est toujours important d’apprendre des autres afin d’éviter les erreurs, de gagner du temps, de progresser.

Sandra Bertezene, Professeur titulaire de la Chaire de gestion des services de santé, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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  • Le Japon a préféré développer les technologies robotiques plutôt que de faire massivement appel à une main-d’oeuvre étrangère qui lui fait perdre ses valeurs et son identité.

    Ces robots seront bientôt aussi en France (surveillance, transports, médecine…). Reste le débat interdit sur la nécessité d’avoir une main-d’oeuvre exogène en situation de chômage de masse.

    • @breizh0613 : Vous instaurez un faux dilemme. Selon les crypto-nationalistes comme vous :
      – Soit on préserve nos valeurs et notre identité en interdisant (par la coercition étatique) de faire massivement appel à une main-d’oeuvre étrangère.
      – Soit on perd nos valeurs et notre identité en autorisant (aux propriétaires et employeurs) de faire massivement appel à une main-d’oeuvre étrangère.

      Il existe en réalité une troisième possibilité, mais seule une personne véritablement libérale peut l’entrevoir : On préserve nos valeurs et notre identité en réduisant ou en supprimant l’état-providence, les restrictions à la liberté d’expression et à la discrimination privée, la propriété publique, les impôts et la réglementation… ET en autorisant (aux propriétaires et employeurs) de faire massivement appel à une main-d’oeuvre étrangère.

      • Cher Commando,
        Lisez « La société ouverte, et ses nouveaux ennemis », du pourtant très libéral Alain Laurent, pour vous rendre compte que la situation n’est pas aussi binaire que votre mode de pensée, crypto-utopiste 🙂
        Là où je vous suis, c’est qu’on devrait pouvoir laisser les hommes circuler, du moment où la solidarité n’est pas forcée.

        Le nerf de la guerre, c’est l’argent. L’argent des autres. Vous savez, il fait froid dehors, et vivre en société c’est d’abord assurer sa survie en faisant tout pour ressembler aux autres, pour montrer qu’on adopte les codes culturels comme dans une famille.
        Or, aujourd’hui on offre des conditions de vie à grands frais, à des gens qui donnent à leurs enfants les prénoms de leurs dieux lointains, ne veulent pas manger et s’habiller/parler comme nous, etc .. et on laisse nombre « des nôtres » dans la misère.

        Qu’on nous laisse organiser nos assurance sociales communautaires (c’est interdit aujourd’hui). Organisons un divorce à l’amiable avec séparation de corps et de BIENS. Un libéral ne demande pas de compte aux hommes de l’Etat et ne cherche pas à vivre en free-rider grâce aux assurances sociales prélevées par la violence.
        Vous proposez de faire massivement venir de la main d’œuvre étrangère ? Des suédois je suppose ? Et bien je n’ai pas envie de vivre comme les coptes en Egypte, de voir mes filles porter un voile ou de devoir prier dans des catacombes.

        Notez aussi que mon côté nationaliste se limite aux frontières du « vieux pays de mes pères ».

        • « vivre en société c’est d’abord assurer sa survie en faisant tout pour ressembler aux autres, pour montrer qu’on adopte les codes culturels comme dans une famille. Or, aujourd’hui on offre des conditions de vie à grands frais, à des gens qui donnent à leurs enfants les prénoms de leurs dieux lointains, ne veulent pas manger et s’habiller/parler comme nous, etc … »


          @breizh0613 : À partir du moment où il n’existe plus d’état-providence l’immigration n’est plus un problème (même dans le cas où elle est extrêmement massive.) Car sans état-providence ce sera une question de survie pour les immigrés de s’intégrer à la société française par le travail. Si, tel que vous le craignez, les immigrés ne parviennent pas, pour des raisons culturelles/religieuses, à s’intégrer à la société française par le travail (s’ils ne parviennent pas à trouver un travail, ou à garder un travail, ou à attirer et élargir une clientèle), alors dans ce cas, et c’est là une chose cruciale à comprendre : une partie de ces immigrés rejetteront leur culture/religion, tandis que l’autre partie de ces immigrés (celle qui ne consentira à aucun compromis / celle qui refusera toute remise en question de sa culture/religion) finira d’elle-même par quitter la France libéralisée, en choisissant volontairement, de plein gré, sans subir aucune coercition étatique, l’option d’une émigration ou réémigration (« retour au bled ».)

          En outre, il faut également prendre en compte le fait qu’une fois que certains immigrés auront réussi a s’intégrer à la société française par le travail ces derniers s’opposeront à la ré-émergence de l’État-providence pour ne pas qu’il leur revienne à la figure comme un boomerang. Ou pour le dire autrement : ils s’opposeront aux impôts nécessaires pour financer l’État-providence parce qu’ils ne voudront pas que leur argent, gagné à la sueur de leur front, servent à entretenir des assistés (autochtones ou immigrés.)

        • « Vous proposez de faire massivement venir de la main d’oeuvre étrangère ? Des suédois je suppose ? »


          Ma position, qui n’est rien d’autre que la position libérale, est la suivante :
          L’Etat (les bureaucrates de l’Etat) est incapable de discerner mieux que les Français (propriétaires & employeurs) de quels étrangers ils ont ou non besoin. Par conséquent l’Etat devrait se contenter de veiller au respect des choix des Français (propriétaires & employeurs) plutôt que vouloir restreindre arbitrairement l’immigration. Si certains Français veulent des étrangers qualifiés, diplômés, c’est leur droit. Si d’autres Français veulent des étrangers non-qualifiés, non-diplômés, c’est aussi leur droit. Si certains Français veulent des étrangers provenant d’un continent A, c’est leur droit. Si d’autres Français veulent des étrangers provenant d’un continent B, c’est aussi leur droit. Quant aux Français qui ne veulent AUCUN étranger : c’est aussi leur droit.

          • Merci pour la clarification.
            En imposant sa « solidarité forcée » l’Etat crée une distorsion de concurrence sur les autres formes naturelles de solidarité. D’où le drame.

            Mais on s’est éloigné du sujet initial (pardon à l’auteur) : la société japonaise est certainement plus xénophobe que la nôtre puisqu’elle préfère la robotisation aux petites-mains étrangères.

            Différences de cultures: si un français vit au Japon et se mari et vit sur place, alors pas de problème de visa pour lui. Mais si le couple se sépare, il sera éjecté du pays. imaginez ce genre de lois en France…

            • @breizh0613 : Mon propos est le suivant : pour pouvoir déterminer si le Japon actuel a fait le bon choix en misant tout sur la robotique plutôt que sur l’immigration, et pour pouvoir affirmer que ce serait dans l’intérêt de la France d’imiter le Japon, il faut établir une comparaison entre le Japon actuel et un hypothétique Japon purement libéral.

              Dans un Japon purement libéral, le secteur robotique ne serait pas ultra subventionné tel qu’il l’est actuellement, le contribuable japonais ne serait pas aussi plumé qu’il l’est actuellement, et les japonais (propriétaires & employeurs) ne subiraient pas autant de restrictions étatiques arbitraires concernant la liberté de faire venir des immigrés. Si malgré tout ce libéralisme, le secteur robotique du Japon libéral était plus ou moins similaire à celui du Japon actuel, alors cela signifierait que le Japon actuel a fait le bon choix en misant tout sur la robotique plutôt que sur l’immigration, et que c’est une solution qu’il serait vraisemblablement dans l’intérêt de la France d’imiter.

              En revanche, si le secteur robotique du Japon libéral était très différent de celui du Japon actuel, alors cela signifierait que tout miser sur la robotique n’est pas une solution aussi miraculeuse qu’elle en à l’air, et qu’il vaudrait mieux ne pas s’empresser de l’imiter en France.

  • lA France et le Japon sont incomparables.

  • « il est toujours important d’apprendre des autres afin d’éviter les erreurs, de gagner du temps, de progresser. »


    Sauf que la première erreur à éviter, c’est de voir d’un bon oeil la dépendance du secteur robotique japonais envers les investissements publics de l’Etat japonais. Comme le rappelle l’article, l’Etat japonais prend notamment en charge « 50 à 60 % du coût de recherche et de développement des fabricants. » Cela signifie que si l’Etat japonais cesse de soutenir le secteur robotique, on découvrira très probablement que celui-ci est un colosse aux pieds d’argile.

    D’autre part, la dépendance du secteur robotique envers les investissements publics signifie que ce secteur est dépendant envers l’argent extorqué au contribuable japonais. Si cet argent avait été laissé au contribuable il est possible que cette liberté aurait engendrait des progrès encore plus spectaculaires. Au lieu de voir les choses positives qui se sont réalisées grace à l’interventionisme de l’Etat japonais, il faut comprendre qu’on ne voit pas les choses positives qui ne se sont pas réalisées à cause de ce même interventionisme.

    • Ou alors pas du tout. L’argent des contribuables auraient terminé dans la valorisation des biens immobiliers (comme d’habitude), déjà excessifs, et n’auraient absolument rien produit du tout. De plus, l’emploi généré par le secteur – certes artificiellement dopé – permet à l’économie de progresser ainsi que la compétence et la maîtrise d’un domaine phare.
      Franchement il faut arrêter avec le fantasme de l’état. Il y a deux types de dépenses de l’état : l’investissement, et le gaspillage. Le problème de la France, c’est que l’on réduit le premier, pas le second.
      Et vu l’état du japon, l’investissement est bien leur dernier espoir pour la prochaine génération.

  • Ce sont des robots d’ assistance diverses pas seulement médical par ex on peut en concevoir comme garde de défense , je pense qu’ ils doivent etre évolutifs càd ajouter des fonctions il y aura aussi le marché de location et revente mais les cotés néga sont la déshumanisation , les risques panne à bien gérer , l’ autonomie en énergie .
    L’ appareil que j’ avais breveté inpi tombé dans le dp pourrait etre adapté sur un robot par ex pour le soin des ongles .
    MORILLE Alain

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