Pourquoi l’État doit céder ses parts dans les entreprises publiques

Depuis plusieurs années, l’Etat a tendance à considérer « ses » entreprises publiques, comme des sources de financement, quitte à obérer leur capacité à investir. C’est pour cette raison – et elle seule – que la cession est une bonne nouvelle.

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Pourquoi l’État doit céder ses parts dans les entreprises publiques

Publié le 10 février 2018
- A +

Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari

La première opération de cession des participations de l’État dans certaines entreprises publiques a débuté, avec la mise en vente de 4,5 % du capital du groupe énergétique Engie. À terme, le but est de financer l’innovation et la recherche à hauteur de 10 milliards.

Le patrimoine de l’État comme la situation financière des entreprises publiques laissent cependant à penser que l’État aurait intérêt à se désengager d’une manière générale, indépendamment de l’enjeu que représente le financement de l’innovation.

Une particularité de l’État français est son très haut niveau d’endettement, nourri au fil de l’eau par l’accumulation de déficits. Ces derniers résultent du choix de ne pas baisser suffisamment d’autres dépenses pour en financer de nouvelles, ni augmenter en proportion les recettes.

La dette publique française représente pas loin de 100% du PIB et la question est de savoir ce à quoi elle a servi. Ou dit autrement, les déficits servent-ils, comme le pensent certains, à financer des investissements que le privé ne serait pas intéressé à mener ou bien financent-ils des dépenses courantes ? L’État est-il un bon investisseur ?

Le patrimoine des administrations publiques

Pour répondre à cette question, il est utile d’examiner le patrimoine des administrations publiques. En effet, un patrimoine positif serait un bon indicateur de ce que l’État prépare l’avenir de façon efficace.

Or, loin de l’image d’Epinal de l’État bon investisseur, les données de l’INSEE sur le patrimoine économique national montrent aussi que les actifs des administrations publiques ne peuvent suffire à couvrir l’ensemble des engagements pris par nos pouvoirs publics. Fin 2016, la richesse des administrations française, en baisse, équivaut à 8,5% du PIB. Elle représentait 25% du PIB en 2010.

Ajoutons à cela que la réalité est encore pire car si on intègre les promesses faites au titre des retraites des fonctionnaires et assimilés, le vrai patrimoine net des administrations est largement négatif.

L’évaluation du patrimoine des administrations montre qu’elles créent de la dette pour financer les dérapages courants, le contraire de ce que ferait un investisseur stratège et bon gestionnaire.

L’Etat actionnaire

Par ailleurs, un rapport de la Cour des comptes datant de janvier 2017 intitulé L’État actionnaire pose aussi la question de sa capacité à être un vrai investisseur de long terme. La réponse est sans aucune ambiguïté : l’État n’est pas un bon actionnaire.

Les résultats financiers indiquent ainsi que la situation des 1 800 entreprises à participation publique s’est sensiblement dégradée au cours des dernières années. « La rentabilité financière des entreprises à participation publique chute lourdement pour s’établir à 2,8 % en moyenne entre 2010 et 2015, contre 10 % pour les entreprises de l’indice SBF 120. »

De fortes tensions existent dans ces secteurs où l’État est un acteur historique, comme ceux de l’énergie, des transports ferroviaires, et de l’audiovisuel.

La capitalisation boursière d’EDF a ainsi baissé de 70% entre son entrée en bourse en 2005 et 2016. Celle d’Areva a baissé de plus de 90%. La SNCF a dû inscrire dans ses comptes de dépréciations massives de l’ordre de 12 milliards qui selon la Cour des comptes sanctionne « un manque de rentabilité devenu chronique ». Et dans l’audiovisuel public, les résultats nets sont systématiquement négatifs depuis 2013.

L’État n’a plus beaucoup de marges budgétaires parce qu’il s’est montré mauvais gestionnaire, à la fois vis-à-vis de ses administrés et de son portefeuille de participations.

Depuis plusieurs années, il a tendance à considérer « ses » entreprises publiques, comme des sources de financement, quitte à obérer leur capacité à investir. C’est pour cette raison – et elle seule – que la cession est une bonne nouvelle. Il est, en effet, fort probable que la deuxième partie de la proposition, affecter les ressources au financement de l’innovation, s’avèrera in fine une chimère.

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  • L’État doit céder TOUTES SES PARTS ! Point final.

    • L’Etat, c’est la copro de tous les Francais.
      De fait, il se devrait de posséder les infrastructures inter-individus, mais ne devrait pas être l’exploitant de ces infras. Tout ce qui est ressource commune (espace public) doit être propriété commune, donc de l’Etat, et mise a dispo (moyennant rétribution) des exploitants de ces ressources. Un réseau d’adduction de quoi que ce soit est un bien collectif en monopole (on ne va pas installer deux réseau d’eau en parallèle…) , par contre ce qui est véhiculé dedans est de la consommation individuelle, fournie par des entreprises potentiellement en concurrence.
      Finalement, en revenant au préambule de la constitution, tout ce qui acquiert un caractère de monopole devient propriété de la collectivité, et le reste, on laisse le privé gérer.
      Seulement aujourd’hui , on fait l’inverse, on demande a l’Etat de recruter du fonx pour fournir le service sur des infrastructures en monopole que l’Etat a revendues au privé… on attaque même plein gaz avec les aéroports par exemple…

  • bien gentil comme arguments , petit bémol … allez dire ça aux syndicats vous n’allez pas etre déçu de leur réaction ,a ce propos macron prend des risques il n’y a qu’a se souvenir du gouvernement juppé !

    • Les syndicats auraient, je prends le pari, un mal fou à mobiliser pour s’opposer à un changement dans la répartition du seul capital. Juppé, ça n’était pas le retrait des entreprises publiques qu’il proposait — et d’ailleurs, il aurait tenu 10 jours de plus et la contestation lâchait.

  • Il faudrait sans doute rappeler pourquoi l’etat a de prime abord pris une participation dans une entreprise.. en général il le fait pour de mauvaises raisons , à la rigueur les raisons de basse politique comme protéger un groupe particulier sont préférables à des raisons économiques où des élus pensent être compétents par la grâce de l’élection.
    Mais compte tenu que l’action est motivée par de mauvaises raisons on ne voit pas pourquoi la conclusion ne devrait pas être négative.
    Ceci dit tant que la volonté politique est exprimable.. par exemple sauvegarder l’emploi ( le revenu) des mineurs ou des cheminots ou je ne sais qui ..et supportable par le reste de la société , par des impots et des dettes , ça continuera.
    je vois de plus en plus l »élus locaux se prendre pour des agents économiques pertinents…ou avancer des raisons absurdes pour dépenser de l’argent public.

    • « Il faudrait sans doute rappeler pourquoi l’etat a de prime abord pris une participation dans une entreprise ».

      Rappelez-vous le débat de 1981 lors duquel Mitterrand fit part de sa volonté d’achever l’oeuvre inachevée du général Mongaulle : https://www.youtube.com/watch?v=x9vM69F2Tc8.

      Et bien vous avez la réponse : ce n’est pas parce que la personne qui devint célèbre par ces mots « tutto nello Stato, niente al di fuori dello Stato, nulla contro lo Stato » fut pendu haut et court que le fascisme est mort.

      Suite à la légendaire séance photo, il fallut bien que quelqu’un reprît le flambeau.

  • Personnellement, en bourse j’ai une règle: « ne jamais investir sur une entreprise où l’état a une participation ». Il est possible que ça me prive de certaines bonnes actions, mais le risque est trop grand: à chaque gouvernement, les décisions peuvent changer et ne sont souvent pas liées à l’entreprise elle même mais au contexte politique. Cette volatilité s’ajoute à la volatilité intrinsèque, et du coup je ne pense pas que le couple risque/rendement puisse être favorable. Qui aurait confiance en une entreprise dont une part des décisions sont prises par ses concurrents?

  • L’état se doit d’être quasiment à toutes fins utiles l’arbitre, sans jamais s’impliquer dans la partie !

  • Les commentaires sont fermés.

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