Elon Musk est-il Iron Man ?

On compare souvent Elon Musk, le créateur de SpaceX, à Iron Man, le héros des marvel comics. Cette semaine, le lancement d’une fusée Falcon Heavy pourrait continuer à alimenter la légende. Et si c’était du bluff magnifique ?

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Elon Musk est-il Iron Man ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 9 février 2018
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Par Frédéric Mas.

Elon Musk a offert à ses fans un spectacle de grande qualité le 6 février dernier. Devant des millions de spectateurs, à Cap Canaveral en Floride, mais aussi retransmis en direct sur youtube, le fondateur de SpaceX, PDG de Tesla Motors et inventeur de l’Hyperloop a permis le lancement de la fusée Falcon Heavy dans l’espace.

C’est d’abord une performance technique. Si ses 27 moteurs se sont mis en route pour envoyer en orbite une simple voiture Tesla, le lanceur aurait très bien pu emporter 64 tonnes en orbite basse et jusqu’à 27 tonnes en orbite géostationnaire, faisant de l’engin l’un des plus puissants jamais envoyé dans l’espace. Les deux boosters latéraux se sont aussi détachés et posés avec une précision d’horloge 8 minutes 20 après le décollage.

C’est un succès pour SpaceX. La société créée en 2002 pour concevoir des lanceurs lowcost et devenir incontournable dans le secteur de l’aérospatiale civile devient avec le Falcon Heavy un acteur que la Nasa ne peut plus négliger.

Elon Musk envoie du rêve. L’opération est aussi un exercice d’autopromotion extraordinaire. Le brillant entrepreneur milliardaire, visionnaire et ambitieux, repousse les limites de l’innovation technique et du marché. Nathalie MP a raison quand elle décrit Elon Musk comme étant capable de nous faire rêver par son ambition, son intelligence et son inventivité : « Par son enthousiasme, par ses projets d’exploration au-delà des frontières habituelles, je trouve que Musk a tout du héros de Jules Verne pour lequel le champ de la découverte scientifique ne saurait connaître de limitation pour le plus grand bonheur de l’humanité, le sens de l’entreprise en plus. »

Elon Musk est-il donc Iron Man ? Ses admirateurs le comparent souvent au personnage des Marvel Comics Tony Stark, ce milliardaire brillantissime qui se crée une armure ultra-sophistiquée pour défendre les plus faibles sous le sobriquet d’Iron Man. Comme Tony Stark, Musk cultive une image de playboy technophile.
Dans la geste de Stark comme dans la communication publique d’Elon Musk, les valeurs individualistes comme les vertus de l’entrepreneur tiennent une place centrale.

Mais il y a deux différences essentielles entre Tony Stark et Elon Musk. D’abord, comme l’a rappelé Nathalie MP, le premier consacre sa fortune à l’industrie militaire, tandis que le second se consacre au but humaniste des énergies propres et de l’aérospatiale civile.

Ensuite, Tony Stark est un personnage qui pourrait figurer dans un roman d’Ayn Rand, la grande romancière apôtre du capitalisme le plus pur : son entreprise est totalement privée, et l’État qui cherche à s’approprier son armure n’est pas vraiment le partenaire bienveillant qui subventionne les entreprises du très réel Elon Musk. Et c’est sans doute là que le bât blesse.

Ayn Rand credits Ian (CC BY-NC 2.0)

En 2015, l’échec de Falcon 9 avait coûté la bagatelle de 112 millions de dollars au contribuable américain. SpaceX avait négocié avec la Nasa de recevoir au moins 20% du traitement prévu pour sa mission, et cela même si elle s’est finie au milieu de l’océan atlantique. L’enquête sur cet échec n’a pas été rendue publique, mais a légèrement terni l’image du milliardaire.

Celui-ci ne semblait pas pourtant très soucieux de ce genre de détails quand Falcon Heavy a décollé, puisqu’il a déclaré que même en cas d’explosion de l’engin, il fallait considérer l’opération comme une réussite. Là encore, les bailleurs de fonds auront apprécié.

Tesla, SpaceX et SolarCity vivent sous perfusion d’argent public. Selon un article du Los Angeles Times de 2015, les trois entreprises ont bénéficié de 4,9 milliards de dollars d’argent public. Tesla en particulier a bénéficié de 1,3 milliard de dollars grâce à plusieurs sources, dont des subventions fédérales et des abattements fiscaux pour la Tesla.

Ce n’est pas pour autant que Tesla se porte bien. Malgré les largesses du contribuable, l’entreprise de voitures automatiques n’a pas vraiment la cote. Contrairement à une idée répandue, Tesla n’a pas vraiment d’avance sur ses compétiteurs en matière technologique.

Plus encore, d’autres compagnies de voitures électriques risquent d’éclipser très rapidement l’entreprise d’Elon Musk. Un des arguments de vente essentiel de Tesla reposait sur le pilotage automatique des véhicules actuellement sur le marché. À cela s’est ajouté, plus récemment, la production de puces liées à l’intelligence artificielle que Musk déclarait être les meilleures au monde.

Cela n’empêche pas Tesla de figurer bonne dernière parmi les entreprises développant ce genre de technologies. En ce sens, lancer une Tesla dans l’espace peut apparaître comme un coup de pub désespéré pour relancer une machine qui n’a pas su s’en tirer en respectant les règles du marché.

Certains optimistes diront que l’argent public est mieux employé dans ce genre d’entreprises extraordinaires, et techniquement très fructueuses, que dans des ronds-points en Lozère ou des comités théodule chargés de produire des rapports bidons. C’est oublier que l’argent public fonctionne un peu comme le roi Midas, sauf qu’au lieu de transformer tout ce qu’il touche en or, il tend à transformer les chevaux de course en canassons.

Quand le modèle économique d’une entreprise commence à prendre en compte des incitations qui proviennent de la politique davantage que du marché, elle finit par agir non plus en fonction des désirs des consommateurs mais des pouvoirs publics qui peuvent aligner les dollars.

Le résultat est connu de tous les économistes, l’orientation globale de l’entreprise change pour entretenir le modèle politique au détriment du produit. Ici, on est parfois tenté de voir dans l’extraordinaire inventivité d’Elon Musk autant de signaux de « génie » comme autant de coups publicitaires pour inciter ses bailleurs de fonds à continuer à mettre la main au portefeuille, gouvernement américain compris, quitte à négliger les performances des entreprises.

Soyons optimistes cependant : l’introduction d’un peu de concurrence dans le secteur de l’aérospatiale civile doit nous donner confiance. L’étape d’après sera celle des explorateurs et des pionniers venant totalement de la société civile.

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  • combien de tonnes de CO2 pour envoyer une voiture électrique dans l’espace….

    • 1300 tonnes d’ergol (dérivé du kérosène)/vol pour l’Heavy Falcon dont une partie des gaz de combustion se disperse dans l’espace. Soit, en masse de carburant, l’équivalent de cinq A380 dont l’intégralité des gaz de combustion est relâchée dans l’atmosphère.

    • Je crois que vous n’avez pas tout à fait bien compris.
      EM n’a pas envoyé une voiture électrique dans l’espace.
      Il a pour la première fois tiré une fusée Falcon, seconde en terme de puissance. Il s’agissait d’un test, aucun satellite n’étant emporté.
      Et pour la première fois également, il a récupéré les deux boosters latéraux qui sont venus se poser dans un synchronisme parfait, ce que la NASA n’a jamais fait.
      Et comme dans tous les tests, il a emporté une masse inerte.
      Dans la plupart des cas, on met un bloc de béton.
      Il a mis un cabrio Tesla.
      Voilà.

    • Ce n’est PAS pour envoyer une voiture dans l’espace, mais un test d’un lanceur lourd pour vérifier si tout marche bien. Plutôt que de l’envoyer sans rien, ils ont décidé d’y mettre la voiture pour le fun.

  • Ne soyons pas béats d’admiration, certes, mais « en même temps » ce qu’il a fait jusqu’ici est assez unique. Utiliser les subsides de l’État est un moyen comme un autre, et il serait idiot de s’en priver, d’autant que je suppose que lui comme tous les salariés de ses usines paient des impôts, de la TVA, etc … Votre critique des Tesla me semble aussi un peu exagérée, les articles des experts automobiles qui ont essayé leur dernier modèle sont très élogieux,
    Bref, ce type est quand même assez exceptionnel, et ça pose question sur la capacité d’un seul homme à influencer notre avenir commun.

    • Hier, Tesla a annoncé 675 M$ de pertes au 4e trimestre 2017. Tesla n’a jamais fait de profits. Il n’utilise pas seulement les subsides de l’Etat, mais l’argent des gogos qui lui font confiance. Je serais d’avis de limiter cela à la seconde catégorie tant qu’il en est encore temps.

  • Le gouvernement ne tire aucun profit ni aucune reconnaissance de cette gabergie d’argent public. Comment ce modèle pourrait-il changer l’orientation globale de l’entreprise au détriment du produit ?

    • Parce que l’objectif de l’entreprise visera à sécuriser ses apports de subventions en cherchant en priorité à contenter les décideurs de ces subventions. Ces décideurs étant des politiques, les retombés intéressant un politique sont très variées: image, réputation, impact médiatique…etc Les retombés économiques n’étant pas prépondérantes car moins rapide à survenir et d’analyse plus difficile.
      Il est plus facile de chercher à contenter des politiques qu’une clientèle dont les désideratas peuvent être très variés et faire l’objet d’offres concurrentes qui nécessiteront souvent beaucoup plus d’efforts pour être contrées. Une entreprise s’engageant dans cette voie peut complètement perdre de vue les besoins de la clientèle « payante » de son secteur d’activité… avec ce que cela implique sur le moyen terme.

  • Il y a un point commun être ces deux super héros ,le premier épisode de leur aventure était formidable ,les suivants sont de gros navets.
    L’aventure spaciale n’est pas flash Gordon ou Tintin sur la lune mais une entreprise de conquête de la terre à partir de l’espace….la recherche des petits hommes verts permet seulement l’approbation des foules qui ne demande qu’à rêver.
    Malgré tout, cette quête permet des avancées technologiques , le rêve est un moteur de l’imagination sans limites. Merci Mr Musk ,bonne continuation..au fait , qu’est devenu le roadster ,explosé en vol ?

    • non, il doit se mettre en orbite solaire apparemment, quelque part entre la Terre et Mars – des infos doivent être dispo sur le web.

  • Si son truc à Musk c’est la chasse aux subventions, aux US il construit des véhicules électriques, des fusées réutilisables, il planche sur l’hyperloop ; en France, il aurait fait pousser . . . des éoliennes . . . et puis c’est tout.

    • ce qu’il fait avec les panneaux solaires

    • Il a lancé un pôle hyperloop à Toulouse, qui se trouve être encore en France, si je ne m’abuse. Toujours avec de l’argent public, évidemment (et beaucoup).

      • Même la SNCF qui est une entreprise publique a investit dans hyperloop.
        Ils ont tellement peur de louper le coche qu’ils investissent tout marché émergent ; blablacar, autocars macron …
        Avec la place prise par l’état en France, difficile de ne pas composer avec le public et sa composante la subvention.

  • Etant tendance écologiste il a eu le tord de se laisser influencer par cette idéologie si en vogue en Californie. C’est pourquoi il a cru le temps venu de créer Tesla, pour être le premier sur le marché. Mais les américains roulant beaucoup plus que les européens, ils ne sont pas plus prêts à passer à l’électrique!

  • J’ai eu le plaisir de déjeuner avec Elon Musk en 2008 . Il y avait aussi les dirigeants d’Arianespace et les presidents des opérateurs et équipementiers. Elon Musk était « guest speaker » et y présentait son projet SpaceX qui n’était alors que du papier. Nos amis Français ( ariane, Airbus, Eutelsat…) s’esclaffaient: il n’y arrivera jamais ! c’est pas un bon ingénieur bien de chez nous! il n’a rien compris à l’industrie spatiale ! ( financée quasi à 80% par les gouvernements en Europe , je le rappelle ) Neuf ans plus tard , en 2017, il a réussi 18 lancements commerciaux , avec les grands opérateurs de satellite, avec des lanceurs quasi à moitié prix de ceux d’Ariane, il sort ses innovations bien plus rapidement , et permet à la NASA d’économiser beaucoup d’argent ( car il est aussi 2 fois moins cher que Boeing ou Lockheed Martin sur les lanceurs ) . Alors messieurs les moqueurs , continuez, mais ne soyez pas surpris si , une fois encore , l’Europe se fait rattraper et doubler dans un domaine où elle représentait l’excellence , par un entrepreneur « capitaliste » génial. Heureusement , il n’a pas le CNES ou l’Agence Spatiale Européenne pour lui mettre des batons dans les roues…

    • Ce sont ses ingénieurs qui conçoivent les fusées! Le terme génial est inapproprié, disons visionnaire!

    • la moquerie n’est pas le sujet…c’est l’argent public…

    • Incroyable ! Musk sait lancer des fusées. Airbus doit trembler !

      On me dit dans mon micro que même la corée du nord sait le faire.

    • Les dirigeants et présidents de l’industrie spatiale européenne sont effectivement des rigolos dans le domaine de la recherche de subventions publiques, comparés à Elon Musk. Ils viennent d’un ancien monde, où comptent les amitiés et les réseaux de connivence établis et prouvés, et une certaine arrogance qui sur-évalue la difficulté technique à faire des choses qu’on sait faire sans problème depuis des lustres. Face à un beau parleur comme Elon Musk, ils n’ont aucune chance. Mais cela ne signifie en rien qu’Elon Musk soit entrepreneur industriel, capitaliste non-étatique, ou génial. Sauf erreur, les comptes de SpaceX, entreprise privée, ne sont pas publics. Alors dire qu’il est deux fois moins cher qu’un concurrent qui lui publie ses comptes, c’est une extrapolation hardie : deux fois moins cher pour le client, c’est aussi ce qu’on a pour le ticket de bus dans ma ville française.

  • C’est bien, il a atteint le niveau technologique de l’URSS (premier pays a savoir envoyé des choses dans l’espace)… vers les années 60.

    Bon trêve de plaisanterie : l’innovation qui consiste à refaire venir les lanceurs est certes jolie a voir mais dans la pratique est-ce que c’est vraiment écologique (et économique !) d’utiliser plein d’énergie pour les ralentir ? Question ouverte.

    Bref, rien d’extraordinaire en soi, c’est bien mais c’est pas ca qui va révolutionner le monde (pour l’instant). Bien sûr, les vrais innovations arriverons certainement plus tard.

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