Cessons de réglementer la déréglementation

Modifier une réglementation dans le but de la simplifier est devenu une démarche complexe dans nos sociétés, malgré l’enjeu économique que cela représente. À moins de suivre certaines bonnes pratiques.

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Cessons de réglementer la déréglementation

Publié le 2 février 2018
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Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari

Il semble entendu que nos pays développés souffrent d’une réglementation excessive nuisant à l’innovation et au développement économique. Nombre d’acteurs sont convaincus de la nécessité d’alléger la régulation mais, une fois ce constat fait, réalisent rapidement qu’il n’est pas aisé de passer à l’action.

Déréglementer un système complexe est sans doute tout aussi compliqué que de le réglementer, comme l’illustre la tentative récente de déréglementer la publicité sur les trottoirs. Cette expérience, sur un enjeu mineur, permet d’identifier trois bonnes pratiques clef pour faciliter la conduite du changement.

Demander la permission pour tout

La première est l’importance des démarches visant à renouer avec le pouvoir d’« innover sans demander la permission ». Selon l’économiste Michael Munger, la « permissionless innovation » est la bonne pratique la plus importante en économie politique. Or elle se réduit comme une peau de chagrin dans nos sociétés où il faut demander la permission pour tout.

C’est le cas pour les marquages pour trottoirs, interdits par le Code de la route et le Code de l’environnement français. Pour pouvoir les expérimenter, il fallait en amont modifier le cadre juridique national. C’était l’objet du décret du 22 décembre 2017 rendant possible une dérogation, très encadrée, à ces deux textes.

Cette piste des dérogations est un moyen puissant pour penser la déréglementation dans nos sociétés complexes, avec de nombreuses parties prenantes ayant des intérêts divergents.

La démarche du décret « trottoirs » permettant de déroger pour expérimenter aurait du sens dans une multitude de domaines. Par exemple dans le domaine du travail, on pourrait expérimenter la possibilité de déroger au Smic en autorisant les chômeurs de plus de quatre mois à négocier directement avec leur futur employeur un salaire inférieur au minimum légal.

Dans le cas de la santé, on pourrait faciliter le dé-conventionnement en l’accompagnant de la création de systèmes d’assurance parallèles susceptibles de prendre en charge les personnes démunies. Cela suppose de penser des moyens rapides de faire passer des textes permettant les dérogations quand une opportunité est identifiée.

Résister à l’envie de micro-manager la déréglementation

La seconde bonne pratique est de résister à l’envie de micro-manager la déréglementation. La cacophonie générée par le décret sur la déréglementation du marquage du trottoir est liée à la difficulté à résister à cette tentation. Souvent le diable se cache dans les détails.

Le décret précisait les villes susceptibles de participer à l’expérimentation. À peine publié, deux d’entre elles se sont inscrites en faux, faute d’unanimité au niveau local. Bilan, le périmètre de l’expérimentation s’est réduit comme une peau de chagrin.

Or si les pouvoirs publics avaient offert cette possibilité à toutes les communes le souhaitant, il est probable que l’accueil aurait été différent avec des échanges plus constructifs entre parties prenantes. Partout où un accord aurait été trouvé, l’expérimentation aurait été rendue possible.

D’où l’intérêt de concevoir les démarches d’expérimentation comme libérant purement et simplement l’action dans un domaine, sans brider an amont l’expérience en précisant où et comment elle doit être conduite.

Assumer le désordre

Enfin, une autre bonne pratique consiste à assumer le désordre que peuvent susciter les processus décisionnels au niveau local. Comme l’explique l’écrivain Nassim Nicholas Taleb dans son ouvrage Antifragile, Les bienfaits du désordre (Les Belles-Lettres, 2013), la variabilité, le bruit, les batailles, les frictions dans le cours régulier des affaires rendent les décisions et les actions au niveau municipal « antifragiles ».

Bien sûr, nombre d’erreurs sont commises, nombre de projets se révélant infaisables ou contreproductifs. Mais ces erreurs multiples au niveau local, sont moins un danger qu’une opportunité d’apprentissage.

D’une part, elles ne risquent pas de se transformer en « cygne noir » susceptible d’ébranler toute la société. D’autre part, elles sont une source d’enseignements, fournis par l’implication et l’identification directe des acteurs.

En cherchant à tenir compte plus systématiquement de ces trois bonnes pratiques, on ouvre un champ bien plus grand aux déréglementations. On se donne les moyens d’éviter qu’un processus de déréglementations échoue avant même d’être tenté, ou ne produise pas les résultats escomptés du fait d’avoir été micro-managé.

Ces bonnes pratiques permettent d’identifier plus facilement les acteurs désireux d’expérimenter. Elles permettent aussi de réduire la capacité des opposants à bloquer les changements, en ouvrant la voie à de réelles négociations.

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  • Tout ça semble bien joli sur le papier, mais si un certain type de jardin parfaitement géométrique et ordonné a pris le nom de notre pays ce n’est pas pour rien. Le haut fonctionnaire français a horreur du désordre, il lui faut sa belle organisation.

  • Les commentaires sont fermés.

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