Prisons, EHPAD : la gestion catastrophique du gouvernement

Les ministres experts du gouvernement sont en train de démontrer qu’ils sont des employeurs socialement beaucoup moins responsables que les entreprises qu’ils prétendent réglementer.

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Prisons, EHPAD : la gestion catastrophique du gouvernement

Publié le 1 février 2018
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Par Éric Verhaeghe.

On le sait, les capacités managériales de Nicole Belloubet, ministre de la Justice, ont fait transpirer à grosses gouttes Emmanuel Macron. Le conflit social dans les prisons a soudain révélé une faille dans la carapace gouvernementale.

 

La pratique de l’accord minoritaire au ministère de la Justice

Il aura fallu 13 jours pour que la sortie de crise s’amorce dans les prisons. Pour ce faire, la ministre a signé un accord minoritaire au moment même où les ordonnances Macron font l’éloge de l’accord majoritaire. Seule l’UNSA (40 % des voix) a signé un relevé de conclusions conspué par FO et la CGT.

On lira utilement les conclusions des non-signataires pour comprendre la méthode utilisée par la ministre pour « casser la grève ». Dans la pratique, le gouvernement a réduit la gestion du conflit à une relation bilatérale avec un seul syndicat bienveillant, reçu en priorité, et avec lequel l’essentiel de la négociation s’est déroulé dans la dernière journée.

Combien d’entreprises d’une taille analogue à l’administration pénitentiaire s’offrent encore le luxe de centrer leurs discussions sur un seul syndicat pour résoudre les questions vitales ? L’exemple des (non-)accords de compétitivité de Pimkie ou de PSA montre que cette technique éculée n’a plus sa place dans le secteur privé. Une fois de plus, l’État donneur de leçons aux entreprises a dévoilé le visage d’un État employeur dépassé par l’ampleur de sa tâche.

 

Un accord obsolète

Au passage, la lecture des mesures prises par la Chancellerie pour résoudre la crise laisse un peu rêveur. Une grande partie de la solution est liée à l’augmentation des moyens en personnels et des primes. On peut comprendre l’utilité de ces mesures. On reste néanmoins un peu sur sa faim.

Combien d’entreprises apportent-elles encore aujourd’hui une solution financière au mal-être des salariés ou aux difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs missions ? Il suffit de comparer le complexe dispositif dans le domaine de la pénibilité avec l’accord finalement retenu par la Chancellerie pour mesurer la faible attention apportée par le service public au confort de ses salariés.

Là encore, il n’est pas certain qu’une entreprise privée de taille analogue pourrait s’offrir le luxe de régler les problèmes avec aussi peu d’imagination.

 

Les « capacités managériales » d’Agnès Buzyn

On se souvient qu’à la mi-décembre, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a sorti une phrase bien sentie sur le manque de « capacités managériales » dans un certain nombre de maisons de retraite désormais appelées pudiquement EHPAD. Elle se ramasse aujourd’hui une grève en bonne et due forme sur l’ensemble du territoire.

Combien de patrons auraient survécu à une bourde de ce genre ? Il faut une étrange conception du management pour expliquer publiquement que la grogne des personnels provient d’une faiblesse du commandement intermédiaire. Car, même si c’est vrai, un dirigeant d’entreprise sait que l’aveu public qu’il peut en faire ne fera qu’aggraver le mal.

Ce faisant, on s’interrogera sur le savoir-faire de la ministre en situation de commandement. Personne ne doute de ses capacités techniques dans le domaine médical. En revanche, ses performances tant sur le plan de l’économie de la santé que sur son approche de la diversité d’opinion laissent un peu perplexe.

 

Une absence de réponse qu’aucune entreprise ne pourrait se permettre

S’agissant des EHPAD, l’absence de réponse ministérielle sur le fond souligne une fois de plus l’incapacité de l’État employeur à se mettre au niveau des entreprises privées. On lira d’ailleurs la tribune des organisations syndicales concernées (truffée de fautes d’orthographe) pour mesurer le naufrage managérial que représente la gestion buzynienne des dossiers.

On y apprend que la ministre refuse de recevoir les représentants syndicaux en grève. Mais dans quelle entreprise le patron refuse-t-il de rencontrer les salariés qui en font la demande collective ?… Ce genre de petit geste de mépris serait durement payé dans la presse.

 

Une crise très prévisible

La tension dans les EHPAD et les hôpitaux n’est pas nouvelle. Ces organisations sont soumises à d’intenses pressions financières et à des contraintes délirantes. La logique de concentration constante des établissements, au nom du dogme technocratique du big is beautiful déshumanise progressivement les structures.

La gestion mal ficelée des 35 heures dans la foulée de la suicidaire Martine Aubry oblige les personnels à travailler à flux tendu… les jours où ils sont là, pendant qu’ils empilent des congés délirants qu’ils peuvent difficilement prendre.

Que ces personnels se heurtent désormais à un mur de la part de la ministre illustre là encore la pauvreté managériale des services de l’État, pourtant toujours prompts à donner des leçons aux entreprises. Le malaise global de ces structures, le fort taux de conflictualité qui y sévit, la souffrance au travail qui y règne, exigent de l’employeur final, ou du donneur d’ordre qu’est l’État, une prise en compte en bon père de famille.

Là encore, l’opinion publique ne tolérerait un pareil mépris pour le « petit personnel » d’aucune entreprise privée. Seule la technostructure drapée dans la dignité de « l’intérêt général » peut se permettre de fouler au pied avec autant de morgue les principes élémentaires d’un management socialement responsable.

 

Le gouvernement des experts est-il adapté aux temps de crise ?

Les prisons comme les EHPAD montrent les limites d’un recours au gouvernement des experts. Par temps de paix, si l’on ose dire, ces experts sont parfaits. Ils peuvent déployer toute l’étendue de leur savoir.

Mais que le vent se lève et que la colère gronde, alors… ces capitaines de pédalos se révèlent autant de handicaps pour franchir les obstacles. Leur raideur et leur incapacité à réagir de façon agile aux difficultés peuvent transformer un coup de vent en tempête.

C’est que l’art de gouverner dans les salons parisiens, bien connu d’Emmanuel Macron, n’a rien à voir avec l’art de naviguer sur un océan battu par les vents. Les petites manies qui font la fortune des courtisans lors des dîners en ville sont autant de défauts qui agacent des Français peu habitués à l’esprit de coterie.

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  • Merci pour votre analyse pertinente.

    • Pertinente ? Plutôt pas : l’Angleterre a fait l’expérience d’une privatisation des prisons, service on ne peut plus régalien. Bilan 20 ans après, toutes les nouvelles constructions et gestion de prison reviennent dans le service public : trop cher, qualité pire.
      Le problème est sociologique, face à l’affaiblissement de l’état de droit, l’augmentation de la délinquance, les prisons sont surchargées, elles peinent à recruter compte tenu des salaires bas (agent publics C et B = pas beaucoup plus que le smic), des horaires décalées, weekend et risques de violences.
      Quant aux ehpad, elles font face au vieillissement. Pour le coup, les ehpad sont davantage privés que publics, mais, en l’absence de financement public obligatoire (cotisations sociales, excusez du gros mot), comme la 5e génération n’a pas cotisé quand il en était temps, elle n’est plus en mesure de le faire aujourd’hui tant les coûts sont énormes.
      D’où une tension sur les prix et le personnel, et ce n’est qu’un début : 20 années de génération papy boom arrivent à la retraite massivement, et il n’y a que des actifs précarisés pour financer. CA va donner.

  • Macron pour expliquer son échec de la façon de traiter la grève des gardiens de prison accuse le FN, une façon de faire de dernier de la classe ou de gamin de 4 ans de classe maternelle!
    Le moment où une grande majorité de Français va prendre conscience de sa nullité -il ne faut pas croire que ça va vraiment mieux sur le terrain de l’économie, de l’emploi et des finances- et comprendre qu’elle s’est faite rouler approche à grande vitesse. Le décrochage sera très brutal. Les traîtres, les mercenaires, les opportunistes, les conspirateurs, les médias et les financiers qui l’ont fait élire le lâcheront sans hésiter et sa majorité en marche de bric et de broc qui n’a que Ferrand et Castaner comme ciment va exploser. Une raclée historique se profile pour les prochaines élections.

  • Prisons, EHPAD, Hôpital, écoles, facultés, recherche
    Tout ce qui conditionnera notre avenir est délaissé …

  • Bien , mais rien ne changera ,ce n’est pas a cause du gvt mais de l’absence d’analyses du problème et de gens capables de faire cette analyse, problème causé par la concentration en un même lieu de toute la misère du monde, aucun personnel ne peut vivre cela sans perdre l’empathie nécessaire pour effectuer leur tâche.
    C’est le même problème rencontre dans les hôpitaux ou les abattoirs ou dans les tribunaux… L’homme fini par devenir un objet ,il perd son humanité.

  • Ca empechera pas les debiles de t’expliquer que « c’est la faute du capitalisme »

  • la solution?

    privatisons.

  • Etat obèse : constamment interventionniste mais toujours aussi incompétent dans l’économie, dispendieux et injuste dans le social où il passe son temps à créer des inégalités de traitement, incapable de manager son personnel en surnombre manifeste, pointilleux jusqu’à la caricature pour sanctionner la vie quotidienne des citoyens infantilisés (80km/h), mais totalement radin, méprisant et hautain pour le régalien (armée, police, justice/prisons), autant de domaines en déshérence qui relèvent pourtant exclusivement de la compétence d’un Etat normal et où l’excellence devrait être la norme.

    Conséquence de décennies de collectivisation socialiste menée avec une obstination pathologique, l’Etat obèse est le négatif d’un Etat régalien, optimal et efficient, strictement et fermement limité à son domaine de compétence naturel.

    • méprisant et hautain pour la fonction publique régalienne, c’est exactement cela. Bien dit Cavaignac. On exerce l’autorité envers ceux qui sont déjà au garde à vous mais on ne fait rien contre les zones de non droit . En plus on ment sur le budget: +6,8% pour l’intérieur dit Collomb en 2018, mais seulement 1,9% pour la police. …

  • Evidemment le management dans l’administration et particulièrement dans l’administration centrale est catastrophique et s’affiche plus particulièrement dans les périodes de crise (récurrentes). Pour les EHPAD la question de leur gestion financière est au coeur du sujet. Ils sont presque tous en « situation financière saine » (cf. rapport KPMG 2008) mais à prestations égales (soins, m² par résident, prestations supplémentaires) les écarts de coûts sont significatifs d’un établissement à l’autre et ne font que s’accroître depuis 2007.

  • Le gentil Dr Buzyn n’est là que pour donner l’impression que c’est un médecin qui s’occupe des affaires de santé. En réalité le vrai pouvoir est détenu par M. Nicolas REVEL, patron de la sécu et tenancier de la caisse à sous…

  • et les rats que va t-il en faire?les gardiens et les prisonniers sont envahis par les rats.. quelle horreur!

  • Il est douteux que Macron tienne le coup 5 ans. Sauf s’il renforce son côté despotique. Pauvres de nous!

  • Les commentaires sont fermés.

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