Affaire Théo : le barnum médiatique qui étouffe la justice

Après un an de procès, et le changement à la tête de l’exécutif, l’affaire Théo suscite deux questions sur la nécessité de préserver la justice de la politisation.

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Affaire Théo : le barnum médiatique qui étouffe la justice

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 janvier 2018
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Par Frédéric Mas.

Il y a du nouveau dans l’affaire Théo, du nom de ce jeune homme grièvement blessé lors d’une interpellation par des policiers à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Entre les policiers et Théo, les versions différaient radicalement : du côté policier, Théo se serait violemment interposé au moment de l’arrestation d’un dealer, tandis que du côté de Théo, le policier aurait utilisé sa matraque pour le violer.

La vidéo de la ville d’Aulnay publiée par Europe 1 semble confirmer la version des policiers, ce qui, bien sûr, restera à déterminer par les magistrats qui jugeront du policier mis en examen pour viol.

La politisation de la justice

Tout ça semble assez simple, certes vu de loin, et les responsabilités relativement faciles à déterminer dans cette affaire sordide. C’était, bien entendu, sans compter sur la politique et son cortège médiatique de passions et de calculs. Un fait divers s’est transformé en affaire d’État alliant violences policières, ressentiment identitaire et suspicion de racisme à tous les étages.

En effet, en moins d’un an, l’affaire Théo est devenue le véhicule de toute une gauche médiatique et politique pressée de faire le procès global de la police et de défendre symboliquement une victime de sa violence, et cela avant même d’avoir plus d’information sur le procès en cours.

C’est une tribune dans Libération qui inaugure la politisation de l’histoire : des artistes et des « people » signent un texte s’en prenant à la violence endémique prêtée à la police, qualifiant au passage les quatre policiers mis en examen de « brebis galeuses », d’« agents du désordre » et de « monstres ». Plus fort que Judge Dredd et Robocop, pour nos artistes conscientisés, l’affaire était pliée depuis le début, les policiers étaient nécessairement coupables. Il suffisait de le déduire de leur fonction.

Violence policière et racisme institutionnel

Suite à cette affaire, la question des violences policières devient le sujet d’actualité qui occupent les rédactions, de Libération à L’Obs, en passant par Society ou Bastamag. Mais le barnum médiatique ne s’arrête pas là, il prend un tour éminemment politique. Élever Théo au rang de victime du racisme institutionnel et de la violence policière vise, pour une frange de la gauche et de l’extrême-gauche, à attiser la colère et le ressentiment dans les banlieues.

À des milliers de kilomètres de là, aux États-Unis, les violences policières et les tensions raciales ont donné naissance au mouvement Black Lives Matter qui, par son caractère populaire et subversif, à sans doute inspiré certains défenseurs du point de vue de Théo. Comme pour Black Lives Matter, l’affaire Théo peut aussi permettre à une frange de la gauche de renaître grâce aux problématiques identitaires.

Le concours de François Hollande

Le récit de la victime poussé par la gauche médiatique va recevoir un coup de pouce inattendu, celui de François Hollande.

En effet, alors qu’on aurait pu attendre des pouvoirs publics un geste pour apaiser les tensions grandissantes, le président de la république se rend au chevet de Théo.

Dans le même esprit, son Premier ministre et ancien ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve sort de son silence pour s’adresser aux forces de police d’un ton martial, et qui ne laisse aucune équivoque quant à sa conviction d’alors : « Je sais à quel point les policiers et les gendarmes sont exposés dans la lutte antiterroriste et aux violences, mais ils doivent être à chaque instant absolument exemplaires », déclara-t-il alors. « Lorsqu’il y a des manquements graves à la déontologie, que la plus grande fermeté, à l’égard de ceux qui sont à l’origine de ces manquements, prévale. »

Quand l’exécutif prend partie

Ce n’est plus la gauche et l’extrême gauche qui adoptent le point de vue de Théo par attentisme politique, mais bien la tête de l’exécutif qui va mettre son poids dans la balance médiatique pour faire pression sur la justice et créditer le récit d’une des parties au procès en cours.

On pense ici au procureur Abe Weiss du roman de Tom Wolfe Le bûcher des vanités, qui accueille avec joie la nouvelle d’une affaire où il allait pouvoir défendre le point de vue des minorités contre un blanc présumé coupable.

Pour une fois, lui et son cabinet d’avocats allaient être du côté des opprimés, ce qui est bon pour les affaires et l’estime de soi. Ici, pour une fois, le sommet de l’exécutif allait enfin avoir l’occasion de soutenir les victimes contre l’État policier et le racisme institutionnel, ce qui semblait être politiquement un bon calcul et une manière facile de gagner des points aux yeux de la gauche morale.

S’il n’y a pas eu violation formelle de la séparation des pouvoirs, il y a tout de même une confusion des genres qui n’a pas vraiment profité à la sérénité de la justice. Symboliquement, c’est le récit des violences policières et du racisme contre un « jeune exemplaire », consciencieusement mis en place, qui va devenir officiel dans le débat public, avec l’onction du sommet de l’État lui-même.

Après un an de procès, et le changement à la tête de l’exécutif, l’affaire Théo suscite deux questions sur la nécessité de préserver la justice de la politisation.

Premièrement, la justice a été la grande oubliée de la campagne présidentielle, ce qui est inquiétant dans un État de droit. Sommes-nous en mesure de préserver son bon fonctionnement des pressions de la rue ou de la classe politique ?

Deuxièmement, quand on voit avec quelle facilité la tête de l’État français a fait sien le récit de Théo, aujourd’hui mis à mal par la justice, quelle légitimité l’exécutif a-t-il pour se faire le principal pourfendeur des fake news ?

 

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  • Le « barnum » est du fait des médias qui n’ont pas relayé les faits tels qu’ils se sont passé, pas plus pas moins !
    Que les médias n’en est pas été informé est possible, mais ils ont bien appuyé sur le peu qu’ils savaient.
    Ce qui ne peut pas valider l’enfoncement d’une matraque dans l’anus de theo, nous voyons très bien que le geste n’est pas autrement que volontaire et non un geste pour le calmer car ce n’est pas un coup qui est donné mais bien le désire d’enfoncer la matraque dans l’anus en profitant du pantalon baissé ! (et là, nous comprenons que Théo a menti)

    • Contradictoire, ou incompréhensible …

    • J’ai du mal a comprendre votre commentaire.
      Etes -vous un spécialiste du maniement de la matraque? Les rapports de l’IJPN montre qu’un coup appuyé sur la partie charnue des fesses fait partie des gestes recommandés pour calmer un forcené et que le policier n’avait pas le moyen de viser l’anus du sujet dans un temps aussi bref et, surtout, à travers le caleçon! Regardez la vidéo.
      Celle-ci a d’ailleurs obligé Théo à revoir une partie de son argumentaire (il a d’abord accusé les policiers de lui avoir abaissé son pantalon avant de reconnaître qu’il est tombé tout seul).
      Qu’il y ait eu blessure, personne ne le conteste. Ce sont les conditions dans lesquelles elle s’est produite qui sont importantes et le caractère volontaire de l’intromission de la matraque n’est pas prouvé ni prouvable. La vision de la vidéo permet de balayer toutes les allégations victimaires des habituels thuriféraires du camp du bien.

    • Dans ce genre de confrontation violente, et on voit avec quelle violence il se débattait, il est impossible physiquement de calculer ses coups qui ne frappent plus qu’au hasard. Tout peut arriver, même la mort comme on l’a constaté avec le gauchiste mort dans la bagarre qu’il avait déclenché avec des skinheads. Le corps humain est fragile et s’endommage facilement dans ces circonstances brutales. N’importe quel légiste le dira!

  • En fait, je pense que ce sont ces voyous eux-mêmes, qui ne raisonnent qu’en termes de rapport de forces, qui doivent être sidérés de la bêtise et de la lâcheté de toutes ces âmes bien pensantes, ce qui conduit naturellement à un mépris total de ces institutions. Bref, open bar pour la racaille…

  • Qu’il veuille lui faire mal ne fait aucun doute. Mais bon les coups donnés depuis le début ne sont pas là pour faire autre chose qu’obéir un Théo pour le moins violent lui aussi. Le procès devra déterminer si la personne a pensé à la lui mettre dans l’anus (bonne chance pour cela) et y est parfaitement arrivé du premier coup ou s’il désirait seulement appuyer sur théo afin de le plaquer alors qu’il se débattait dans tous les sens.

    Les 3 autres policiers semblent parfaitement hors de cause pour ce « viol en réunion ».

    Mais tout cela c’est mon humble avis, qui pourrait se révéler faux si par exemple les policiers avaient certains antécédents… Bref j’en sais rien.

    Des leçons à en tirer ?
    -> obligation aux policiers de porter des caméras (en passant obligation pour les véhicules de pompiers/ambulance/police/gendarmerie/bus scolaire d’avoir des dashcams)
    -> une n-ième leçon pour les médias afin d’apprendre à la fermer, à cesser d’interroger le passant, le copain, la famille, le suspect et à laisser la justice travailler plutôt que de faire du sensationnalisme.
    -> une n-ième leçon pour les politiques afin d’apprendre à la fermer -> cela mériterait un discourt du Président donnant des leçons à tout le monde en direct à la télévision.

    Tout ce cirque est indigne de mon pays se prétendant civilisé et me fait honte.

  • si le théo en question s’était tenu tranquille , tout ça ne serait pas arriver ;

  • Hollande est un spécialiste des mauvaise cause. Avant d’avoir rendu visite à Théo il s’était rendu à la prison de la santé rendre visite à Battisti, le terroriste des Brigades Rouges condamné en Italie pour 4 meurtres, pour lui apporter son soutien.
    La gauche soutient toujours les criminels et les voyous en les présentant comme des victimes, ce n’est pas nouveau!

  • ça m’ amuse ce Libération car je le vois avec un tiret entre le é et le r un morceau de liberté en somme . Les fondateurs était ils des humoristes ou des cyniques enfin c’ est pareil pour eux .
    ET  » ils s’engagent » y compris des dames là les socialos féministes vont certainement se plaindre .
    MORILLE Alain

  • Allez jusqu’au bout de votre raisonnement, et demandez vous pourquoi la goooôche « bien pensante » et le gouvernement de l’incapable Hollande ont pris fait et cause pour un délinquant pourtant bien connu (lui et sa famille) des services de police.
    A cet égard, demandez vous où passe en France une partie de l’argent du trafic de drogue ?

  • L’histoire de l’anus est inexplicable au vu de la vidéo.
    Il n’est pas pénétré par une matraque.
    Si il est prouvé que Théo avait effectivement une blessure interne, on peut alors émettre l’hypothèse qu’il avait peut-être un cylindre (métallique ?) dans l’anus pour transporter ses sacs de poudre, comme les « mules » le font souvent. La bagarre, les torsions et les chocs reçu par le policier qui tentait de le maîtriser par derrière peut alors peut-être expliquer des lésions internes. Il se sera débarrassé de son encombrant objet une fois relaxé. Le mal étant fait, il a mis cela sut le compte de la matraque lors du constat médical.
    Est-ce une explication plausible ? Je n’en sais strictement rien.

  • Les commentaires sont fermés.

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