Droit du travail : 9 questions non résolues

Dans son programme électoral, Emmanuel Macron annonçait : « dès le début du quinquennat, je demanderai au gouvernement de simplifier le droit (du travail) ». Quel bilan peut-on aujourd’hui en dresser ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Droit du travail : 9 questions non résolues

Publié le 27 janvier 2018
- A +

Par Alain Mathieu.

Lors de sa campagne, Emmanuel Macron avait précisé :

« Les horaires effectifs ou l’organisation du travail seront négociés au plus près du terrain. Ils seront définis par accord majoritaire ou par référendum d’entreprise […] nous rétablirons les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires ».

En outre, le site de campagne indiquait :

« Nous instaurerons un plafond et un plancher pour les indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (hormis les cas de discrimination, de harcèlement, etc.). Le plancher permettra de protéger les droits des salariés. Le plafond donnera aux entreprises une visibilité et une assurance qui permettront de lever les freins à l’embauche en CDI. »

 

Ce que prévoit une ordonnance

Une ordonnance a effectivement prévu un plancher et un plafond pour ces indemnités. Les juges seront tentés d’accorder souvent le plafond (vingt mois de salaire), lui-même supérieur au taux moyen actuel pour carrières longues (quinze mois).

Les planchers feront encore augmenter la moyenne des indemnités à verser. Sur les 60 000 licenciements jugés chaque année par les prud’hommes il y en aura peut-être quelques centaines dont les indemnités seront limitées par le plafonnement. Les avocats des salariés essaieront d’y échapper en invoquant le harcèlement, la discrimination ou la « violation d’une liberté fondamentale », nouvelle cause de non-application du plafond.

Ces avocats y seront d’autant plus enclins que fournir la preuve de la non-discrimination (ou du non-harcèlement ou de la non-violation d’une liberté) sera à la charge de l’employeur.

Par ailleurs, les indemnités pour le million annuel de licenciements non abusifs seront augmentées jusqu’à 25 %. Au total il est certain que les licenciements coûteront plus cher aux entreprises. Les « freins à l’embauche en CDI » n’auront pas été supprimés.

 

Les accords d’entreprises

Quant aux accords d’entreprises sur les « horaires effectifs ou l’organisation du travail », qui devaient être « négociés au plus près du terrain », il n’en est plus question. Les horaires effectifs relèvent maintenant de l’accord de branche. L’accord d’entreprise ne prévaudra sur l’accord de branche, dans tous les cas importants, que s’il « assure des garanties au moins équivalentes » à l’accord de branche.

Autrement dit : à l’issue de la cinquantaine de réunions tenues par la ministre avec les syndicats, l’accord d’entreprise a été enterré. Les éventuels accords d’entreprise qui subsisteraient devront être approuvés par des syndicats représentant 50 % des voix, et non plus 30 % comme auparavant.

Les syndicats préfèrent les accords de branche, qu’ils contrôlent entièrement par leurs permanents syndicaux, aux accords d’entreprise où le chef d’entreprise et les salariés de l’entreprise ont leur mot à dire.

Les syndicats ont même obtenu que pour les entreprises entre 11 et 50 salariés un CSE (nouveau nom du Comité d’entreprise) puisse être institué, alors que la limite antérieure était à 50 salariés ; que la subvention versée par l’employeur au CSE soit augmentée de 10 % pour les entreprises de plus de 2000 salariés ; et que le plan de formation soit décidé après avis conforme du CSE.

 

Et la simplification du travail ?

Code du travail (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)Emmanuel Macron avait déclaré à Davos le 23 janvier 2016 que, en cas d’accord d’entreprise, la majoration de salaire pour les heures supplémentaires pourrait être inférieure à 10 %. Il n’en est plus question. Pas plus que de rétablir les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires.

La simplification du droit du travail n’est pas davantage à l’ordre du jour.

Des centaines de pages ont même été ajoutées au Code du travail. Et pourtant Emmanuel Macron écrivait dans Révolution : « pour une TPE le compte pénibilité est quasi impossible à mettre en œuvre ».

Mais la révolution de la simplification, comme celle de la négociation « au plus près du terrain », n’est plus en marche.

 

Questions essentielles

Les questions essentielles suivantes ne sont toujours pas abordées :

  1. suppression des 35 heures (y compris dans la fonction publique) ;
  2. allongement possible de la durée maximum des CDD (jusqu’à 6 ans comme pour les fonctionnaires et non 18 mois comme actuellement) et durée minimale à supprimer ;
  3. durée de la période d’essai des CDI (portée à trois ans comme en Italie ?) ;
  4. relèvement des seuils d’effectifs déclenchant de nouvelles obligations pour les entreprises ;
  5. monopole syndical au premier tour des élections professionnelles à supprimer ;
  6. réduction des pouvoirs de l’inspection du travail (au niveau de ceux des pays qui en ont une) ;
  7. dépénalisation du droit du travail : un simple oubli de formalité, constituant un « délit d’entrave au droit syndical », peut jeter un chef d’entreprise en prison pour un an ;
  8. définition de la « cause réelle et sérieuse » d’un licenciement : la réorganisation de l’entreprise pour améliorer la productivité de l’entreprise devrait devenir une cause réelle et sérieuse ; comment définir « tous les efforts de formation et d’adaptation pour conserver le salarié » que l’employeur doit avoir faits ?
  9. financement des syndicats : suppression des financements publics (y compris la taxe de 0,016% des salaires).

 

Les syndicats ont abusivement critiqué le gouvernement pour le libéralisme de sa réforme du droit du travail. En réalité ses bonnes intentions initiales se sont perdues dans la négociation avec les syndicats, et les questions les plus importantes n’ont pas été abordées.

Sur le web

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • Il est d’autant plus déplorable que ces points n’aient pas été traités que certains d’entre eux pouvaient se résoudre en 24 heures (seuils, monopoles syndicaux, financement syndicaux par exemple), montrer ainsi la fermeté des positions, et que personne ne serait descendu dans la rue pour s’y opposer.

  • Les sacro-saints syndicats restent maîtres du jeu
    Vue lors incompétence et leur médiocrité,la France a peu de chance de s’en sortir

  • Un mensonges de plus. Notre socialiste est comme tous les gens de gauche: un MENTEUR, un charlatan, un escroc!

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Philbert Carbon. Un article de l'IREF France

C’est sous cet intitulé alléchant que s’est tenue, le 10 janvier 2023, une soirée-débat à l’initiative de La Fabrique de l’industrie, le think tank de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM).

Pour commencer, arrêtons-nous sur le mot « souveraineté » qui a bien besoin d’être défini. Le co-président de La Fabrique de l’industrie, Pierre-André de Chalendar, par ailleurs président du groupe Saint-Gobain, rappela que souveraineté ne veut pas dire indépendance ni ... Poursuivre la lecture

Par Xavier Fontanet.

Tout le monde parle de relocalisation et c’est très bien. Est-ce qu’il y a effectivement l’opportunité de le faire aujourd’hui ? Probablement. Ceci dit ça ne se fera pas par un simple claquement de doigts. D’abord, on ne peut pas qualifier la délocalisation d’erreur ou alors cela signifie qu’on n’a rien compris à ce qui s’est passé. Pour prendre les bonnes décisions il faut commencer par analyser les raisons pour lesquelles notre industrie l’a fait. La première idée simple à faire passer c’est que la délocalisati... Poursuivre la lecture

Par Claude Sicard.

Les Français auxquels on a toujours dit que le pays est une grande puissance, en position numéro six dans le monde, sont stupéfaits de découvrir avec la crise du  coronavirus qu'il est extrêmement dépendant de l’étranger pour un très grand nombre de produits, y compris les plus essentiels comme les médicaments. Ceux-ci proviennent presque tous de l’Inde ou de la Chine.

Il en va de même pour les respirateurs artificiels dont nos hôpitaux ont besoin pour équiper les services de réanimation : les Allemands ont d... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles