La bienveillance, clef du nouveau management

Un entretien avec Philippe Rodet, auteur d’un livre sur le Management bienveillant sorti aux éditions Eyrolles.

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La bienveillance, clef du nouveau management

Publié le 13 janvier 2018
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Par Virginie Joly1.

Après la chronique de son ouvrage co-écrit avec Yves Desjacques Le management bienveillant, je rencontrais Philippe Rodet, spécialiste du bien-être au travail et plus particulièrement du lien entre stress et motivation.

Je profite de l’écriture de cet article pour confirmer tous les propos positifs entendus sur Philippe Rodet car il n’est pas toujours aisé de trouver une personne aussi cohérente entre ses propos et son attitude. Une qualité rare qui mérite d’être soulignée. Une rencontre qui vous met à l’aise, vous donne le sourire et vous fait dire que tout est possible.

On ne présente plus Philippe Rodet mais revenons tout de même sur quelques points marquants de son parcours atypique.

Le lien entre stress, motivation et santé

Médecin urgentiste, il s’intéresse dès ses études, au fonctionnement des humains et à leur faculté à être motivés par ce qu’ils font. Plus tard, notamment, c’est au cours de voyages humanitaires à Sarajevo ou encore dans la Roumanie post Ceausescu, qu’il met en pratique ses réflexions et constate le lien entre stress, motivation et santé.

Il va également l’étudier auprès de cyclistes professionnels. En 2007, il débute ses interventions en entreprise pour ne plus se consacrer, à partir de 2008, qu’au conseil auprès de dirigeants, conférences et interventions publiques sur le management bienveillant…succès oblige.

Il nous livre rapidement ses considérations sur le sujet à travers quelques questions.

Virginie Joly : Quels ont été les impacts et retours de votre dernier ouvrage Le management bienveillant sorti en février dernier ?

Philippe Rodet : L’ensemble des retours ont été positifs. Même le journal L’Humanité en a parlé dans un de ses articles. Je pensais que la participation de prêtres à l’écriture de l’ouvrage allait poser question, mais en fait aucune allusion n’a, jusque-là, été faite à ce propos.

Les ventes continuent de progresser malgré le fait que le livre soit sorti quasiment il y a un an.

Ce qui a certainement contribué au bon accueil de l’ouvrage est la présentation de solutions et non seulement de constats : oui le stress augmente chez les individus au travail mais nous ne voulions pas apparaître résignés par cette affirmation et avons voulu tourner la problématique positivement en proposant des clés et des propositions concrètes accessibles à tous. L’introduction d’éléments scientifiques lui donne une portée différente et crédible.

Qu’est ce qui peut expliquer le décalage flagrant entre le traitement du mal-être au travail par bon nombre de consultants et le fait que le stress des salariés ne faiblit pas, voire continue d’augmenter ?

La considération du bien-être au travail a connu différentes étapes. Il y a encore 8 à 10 ans, les dirigeants se préoccupaient de leurs salariés davantage par obligation que par conviction. Par la suite, ils ont compris la nécessité de prendre le problème à bras le corps mais en ne sachant pas comment faire. Dorénavant, même si cela n’est pas généralisé, malheureusement, leur approche a changé favorablement et ils y voient un intérêt au-delà du simple impact financier.

Pour parvenir à intégrer ces éléments dans la tête des dirigeants, encore faut-il parler leur langue et comprendre leur manière de penser et de fonctionner. La question essentielle à se poser en tant que consultant est : quelle approche pour quelle entreprise et quel dirigeant ? Le souci provient souvent d’une difficulté à être suffisamment agile et ainsi de ne pas parvenir à s’adapter au contexte de l’entreprise dans sa globalité.

En utilisant les bons mots, on peut parvenir à faire bouger les lignes et à lever les doutes des dirigeants. Il faut avoir une chose en tête : c’est seulement quand ils seront certains de la réussite de la démarche du bien être en entreprise qu’ils deviendront complètement entreprenants sur le sujet, aucun risque ne doit être pris. Un échec est pire que tout : perte de crédibilité, baisse de la motivation des salariés, remise en cause des valeurs d’entreprise.

On entend beaucoup parler des représentants des générations Y et Z. Auront -ils un rôle spécial à jouer dans la diffusion de la bienveillance en entreprise ?

C’est un des sujets à la mode actuellement et on peut facilement le constater dans les blogs consacrés au management ou aux ressources humaines.

Les jeunes générations font effectivement parler d’elles. Les avis sont contrastés mais personne ne reste indifférent à la question de savoir comment les intégrer au mieux au sein des entreprises. Beaucoup de dirigeants et managers sont perdus, surtout qu’à l’heure actuelle, compte tenu de leur âge, ils n’influent pas encore suffisamment sur le fonctionnement de l’entreprise. Ils le subissent.

Il est nécessaire que les dirigeants adaptent leur communication pour les attirer, le process de recrutement devient un véritable risque majeur tout comme le turnover des jeunes qui est conséquent. Le besoin d’agilité que développe cette génération est à prendre en compte. C’est la génération du zapping, de l’accès immédiat à l’information qui recherche le plaisir notamment au travail.

Les jeunes générations apparaissent comme détachées, détendues, cools. Je ne suis pas persuadé qu’elles se portent si bien que ça. Dans le monde instable qu’est le nôtre, elles ont besoin de repères, d’un cadre même souple. Les managers doivent être attentifs à ces comportements pour parvenir à donner une image dynamique de leur entreprise et attirer les futurs talents tout en les rassurant sur l’accompagnement à les faire progresser.

Autre sujet à la mode : l’entreprise libérée. Ne pensez-vous pas qu’une confusion s’installe dans l’esprit de beaucoup de personnes entre cette notion et celle de bien-être au travail,  au détriment de la mise en œuvre d’actions concrètes au bénéfice des salariés ?

Il y a confusion car les deux conceptions font référence au bonheur au sens large.

Les deux notions peuvent être liées, tout dépend le contexte et les raisons qui ont poussé le dirigeant à faire progresser son mode de management. Est-ce pour développer l’autonomie  de chacun et prouver la confiance qu’il a dans ses collaborateurs ? Y a-t-il une opportunité de redorer l’image de l’entreprise ?  Ou est-ce une occasion pour profiter de sortir certains cadres de l’entreprise ?

La mise en place de l’entreprise libérée peut paraître brutale à certains salariés qui ont toujours vu leur activité contrôlée, suivie de près par leur manager. L’essentiel est de trouver « un juste niveau d’autonomie ».

L’entreprise agile peine à trouver un second souffle même si des spécialistes, tel Yves Desjacques avec qui j’ai collaboré pour l’écriture de mon dernier ouvrage, parviennent à bouger les lignes de l’organisation classique de l’entreprise. Mais sa mise en œuvre est loin d’être possible dans tout type de structure et de contexte ; elle doit être la volonté du dirigeant après évaluation de l’ensemble des actions à mener et de leur potentialité de réussite. Ce processus constitue un risque et un échec aurait un retentissement terrible sur l’image véhiculée par l’entreprise.

Quelle est selon vous la petite habitude des managers la plus dévastatrice ?

Sous prétexte d’humour, certains managers n’hésitent à déblatérer des petites phrases assassines qui ne font rire que lui et blessent énormément ceux à qui elles sont destinées.

Et la meilleure ?

Le petit geste qui ne coûte rien et apporte beaucoup est certainement le coup de fil de remerciement, de félicitations. Ça chauffe le cœur de celui qui le reçoit et ça booste pendant des années.

 

  1. Virginie Joly est conseillère en organisation et management bienveillant pour petites et moyennes structures pour Welwillend.
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  • Comment comprendre cette idée portée aux nues par tous les « progressistes » qui nous entourent et veulent nous conduire qu’est la bienveillance, sinon une énième résurgence de l’humanisme. Je ne pense pas que l’on ne doit être ni bienveillant, ni malveillant, on peut être normal, et pour tout dire normalement égoïste.

  • Oui, on sait, vaut mieux être bienveillant que malveillant, gentil que méchant, humaniste plutôt qu’égoïste, doux que violent, pour dénonce ton porc plutôt que circonspect, pour la censure des idées qui ne vont pas dans le bon sens plutôt que réactionnaire, athée que croyant, palestinien qu’israélien…
    En un mot, socialiste plutôt qu’autre chose.
    Quelle médiocrité abyssale. Celle qui nous a conduit là où nous en sommes. Quelle dénégation de la notion de la notion de responsabilité. Quelle infantilisation du rapport manager/managés.

    Alors que j’étais en prise avec des salariés d’entreprises publiques endoctrinés aux idées de gauche, indécents de revendications immorales, faisant preuve d’une cécité écœurantes sur tout ce qui ne les concernaient pas, il est dommage que je n’ai pas eu l’idée de la bienveillance, solution pourtant évidente.

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