Légiférer sur les fake news est inutile et dangereux

Les fake news ne sont ainsi pas révélatrices d’un problème de demande, mais d’offre : d’offre politique trop peu séduisante, d’offre médiatique trop peu attrayante.

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Légiférer sur les fake news est inutile et dangereux

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 janvier 2018
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Le Président Macron a récemment annoncé un projet de lutte contre les fake news : « en période électorale, sur les plateformes Internet, les contenus n’auront plus tout à fait les mêmes règles ». Comme toute bonne intention, ce projet est un nouveau pavé pour l’enfer : il est historiquement redondant, juridiquement incertain et démocratiquement périlleux.

Se référer à l’histoire est utile pour prendre du recul : les fausses nouvelles ne sont peut-être pas une nouveauté radicale. N’alimentaient-elles pas la rumeur, la propagande et les libelles mensongers hier ? L’historien Robert Darnton rappelle qu’« on retrouve tout au long de l’Histoire l’équivalent des textes et tweets venimeux1 ».

Liberté d’expression et fausses nouvelles

Notre droit est également très riche. La loi de 1881 sur la liberté de la presse prévoit depuis son origine que « la publication ou reproduction de nouvelles fausses sera punie » si elle trouble « la paix publique ».

C’est ainsi qu’en 1968, la Cour de cassation a confirmé la condamnation du Nouvel Observateur qui avait publié un papier relatif à une enquête sur la mort de Ben Barka, fausse information « de nature à produire sur le public une impression (…) vive » et « à faire naître un doute sur la loyauté des pouvoirs publics2 ».

Le gouvernement propose aujourd’hui d’alourdir ce contrôle, en confiant un pouvoir immense au juge, qui pourra être saisi afin de « supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l’accès au site Internet ».

Le juge arbitre de la vérité

Fera-t-on interdire le site qui défend l’extraterrestre de Roswell ou celui qui remet en cause pour raisons religieuses l’évolution darwinienne ? Au lieu de se préoccuper du légal, le juge deviendra l’arbitre de la vérité.

Cette extension du contrôle de la liberté d’expression est inquiétante : au nom de la lutte contre la « fascination illibérale », la France va promouvoir une nouvelle forme de censure, particulièrement dans les moments les plus intenses de la vie démocratique !

Dans une démocratie, les citoyens devraient être libres de croire ce qu’ils veulent. Que l’État prétende les accompagner, comme s’ils étaient immatures, est révélateur d’un paternalisme malvenu.

La théorie qui consiste à expliquer le succès des sites alternatifs par la rustrerie des citoyens fait l’impasse sur le fait qu’ils sont en réalité des consommateurs plutôt éclairés : les sondages montrent que Français et Américains se méfient des informations qui circulent sur les réseaux sociaux et que c’est aux sites des journaux de référence qu’ils accordent leur principale confiance, valorisant leurs marques3.

Les fake news ne sont ainsi pas révélatrices d’un problème de demande, mais d’offre : d’offre politique trop peu séduisante, d’offre médiatique trop peu attrayante. Celles-ci doivent se renouveler en valorisant l’information de qualité : les labels de garantie commencent d’ailleurs à se développer pour séparer progressivement le bon grain de l’ivraie.

C’est un processus long, probablement exigeant et douloureux, mais il sera bien plus efficace que la régulation et la sanction qui risquent de donner à un prochain gouvernement moins « progressiste » les armes juridiques pour réaliser un programme néfaste.

Sur le web

  1.  Le Monde, février 2017.
  2.  Cass, crim., 26 juin 1968, pourvoi n°68-90074.
  3.  OpinionWay, octobre 2017 ; Pew Forum, octobre 2014 ; Ipsos, juin 2017.
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  • Bon sang, on en veut au Gorafi !!!

  •  » l’internet représente une menace pour ceux qui savent et qui décident , parce qu’il donne accès au savoir autrement que par le curseur hiérarchique  » . Jacques Attali

  • Je suis moins préoccupé par les fausses nouvelles et autres diffamations qu’on peut toujours combattre et contester que par les révélations authentiques qui violent le secret professionnel ou la vie privée et sont aussi impunément colportées par la presse subventionnée qui en tire un lucratif supplément de revenus.
    Plutôt que d’ajouter des lois scélérates, appliquons enfin celles qui sont justes.

  • Macron, toutou de l’UE dictatoriale, instaure la dictature point barre.

  • L’auteur pose les mauvaises questions. Roswell, Darwin, même le 11 septembre, Macron s’en fout et le projet de loi, tel qu’on l’a compris, ne visera, en réalité, que l’incursion de puissances étrangères ou de puissants étrangers dans des campagnes électorales française. Macron a gardé une dent contre certaines officines russes qui ont propagé des rumeurs à son égard. On est dans une forme de vengeance spécifique et ciblée.
    La solution contre l’inondation des réseaux sociaux par de « fausses nouvelles » visant à déstabiliser certains candidats ne se trouve pas dans la loi de 1881 ; le but est moins de punir ou de sanctionner financièrement (ce qui aujourd’hui possible) que d’obliger ces réseaux ou ces sites à retirer ces rumeurs ou à réussir à les fermer (impossible de manière rapide aujourd’hui).
    La seule liberté d’expression qui soit menacée, dans ce cadre, c’est celle des puissances étrangères qui s’immiscent dans le jeu politique français. J’ai du mal à voir, ce qui, à ce stade, peut poser problème…
    S’agissant de la menace potentielle de l’utilisation d’une telle « arme » par un gouvernement despotique qui pourrait diriger la France, j’espère que l’auteur n’est pas naïf au point de croire, que si celui-ci arrivait armé de mauvaises intentions liberticides à l’encontre de son peuple, il disposerait de bien d’autres solutions, existantes ou à venir, pour pratiquer l’illibéralisme…

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