Sécurité routière : une nouvelle « Agence » pour la maintenance des routes ?

Bientôt la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires ? Et pour coordonner les réformes routières, la création d’une nouvelle agence.

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Slow by Philippe Agnifili(CC BY-ND 2.0)

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Sécurité routière : une nouvelle « Agence » pour la maintenance des routes ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 1 janvier 2018
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Par Laurent Meillaud.

80km/h : une préconisation de la Sécurité routière

Selon toute probabilité, et avec des arguments qui défient toute logique1 , comme quoi la France sait ériger en modèle dominant la médiocrité et l’incompétence, la Sécurité routière va donc réussir à imposer le 80 km/h sur certaines routes secondaires. Et cela, en vertu d’un modèle statistique selon lequel une baisse de 1 km/h de la vitesse a pour impact une baisse de 4% de la mortalité (raisonnement démonté par une étude indépendante2).

Il y a peut-être des raisons d’espérer une amélioration (…. ou pas), dans le cadre des Assises de la Mobilité, où des experts pensent qu’il faudrait une politique plus cohérente, évitant une inflation répressive.

Une nouvelle agence pour l’entretien des routes

Évidemment, la répression n’est pas oubliée. J’aurai l’occasion d’y revenir. Mais, les Assises ont permis au moins d’évoquer l’infrastructure. La route et son entretien sont des domaines jamais évoqués et que l’État a totalement abandonnés, en se déchargeant auprès des collectivités locales.

Ainsi, le groupe de travail sur les mobilités plus sûres préconise de créer une Agence Routière Nationale, présidée alternativement par l’État, les départements et les communes. Cette coopération aurait pour but de planifier « une maintenance prédictive des infrastructures routières de notre pays », afin « d’éviter de reproduire au niveau routier la coûteuse négligence observée sur le réseau ferroviaire national ces dernières décennies ».

La vocation de l’agence serait de partager la connaissance du réseau routier, mettre en commun et garantir l’accès aux données, partager les retours d’expérience, mutualiser les expertises d’accidentalité, les standards et les priorités d’entretien, en mettant à sa disposition l’ensemble de l’écosystème technique et professionnel existant (CEREMA , IDDRIM, USIRF…), mais aussi les services routiers des départements.

Un effort particulier est recommandé pour l’infrastructure secondaire, afin d’en identifier les sections accidentogènes. Cela pourrait passer par la mise en œuvre concertée, avec les départements, d’une politique de limitations de vitesse graduée prenant en compte le niveau de sécurité offert par l’infrastructure, de signalisations renforcées et de déploiement de radars sur les sections potentiellement dangereuses du réseau secondaire. Les experts évoquent un 70 km/h par défaut, qui pourrait être relevé à 90, voire 110 km/h en fonction des caractéristiques. Toute la question est de savoir quels seraient ces experts habilités à fixer de telles règles.

Déjà quelques bémols

Il faut souligner que l’Agence appuierait ses travaux « sur une expression des usagers, dont la forme reste à définir ». Chiche ! Vu la façon dont les automobilistes sont traités (des pétitions réunissant des centaines de milliers d’avis sont ignorées alors que des associations fantoches anti-voitures ont l’oreille des décideurs), ce ne serait pas du luxe.

Si cela se vérifie, ce serait une avancée majeure.

Mais, ne nous réjouissons pas trop vite. Il se trouve quand même des experts qui souhaitent « rendre progressivement obligatoires sur les véhicules individuels les éthylotests anti-démarrage », ainsi que les « boîtes noires ». Ils voudraient pouvoir utiliser aussi les images des dashcams pour déterminer les responsabilités en cas d’accident.

Plus étonnant, ils trouvent maintenant des vertus aux avertisseurs de zones de danger, qu’ils voulaient pourtant interdire en 2011. Ces systèmes permettent, il est vrai, d’échanger des informations en cas de bouchon ou d’accident.

Au fait, comment les gens de la Sécurité routière appréhendent-ils les aides à la conduite ? Mal, évidemment. Pour eux, ce sont des « risques nouveaux » et ils craignent que l’électronique embarquée ne conduise à une forme d’hypovigilance. Tant de mauvaise foi, doublée d’une ignorance abyssale, laisse rêveur.

C’est étonnant qu’un homme aussi intelligent que le nouveau Président de la République n’ait pas encore perçu l’incompétence de l’administration qui est censée sauver des vies. Ou alors c’est le cas et les choses vont changer….

Sur le web

  1. La Sécurité routière a envoyé aux préfets une note dans laquelle sont détaillés des arguments en faveur de l’abaissement de la vitesse maximale à 80 km/h sur certaines routes secondaires. Le document a été publié par le site moto-net.com. Et son existence a été confirmée. On peut y lire que la mesure permettrait de sauver plusieurs centaines de vies par an, entre 200 et 400 selon le type de voies. Ça, c’est pour la théorie.
    Le même document aborde le test en cours depuis deux ans sur certaines routes, où la mesure est appliquée. Il est question d’une amorce à la baisse de l’accidentalité, mais on ne sait pas dans quelle proportion. Et surtout, la Sécurité routière reconnaît qu’il faudrait 5 ans en principe pour tirer des conclusions scientifiques. Dès lors, on se demande pourquoi l’État n’attend pas trois ans de plus, au lieu d’imposer cette baisse de vitesse, qui va nécessiter de déployer 40 000 panneaux. Un vaste chantier qui va prendre 6 mois et dont le budget n’est pas précisé.
    Du coup, la Sécurité routière met en avant d’autres arguments, dont un gain de 120 euros par an au niveau du carburant et une baisse de 30% des émissions polluantes. Ce dernier chiffre est d’ailleurs faux. Le gain serait en fait de 20% selon l’ADEME.
  2. À la demande de la Ligue de Défense des Conducteurs, la Société de Calcul Mathématique, cabinet de mathématique indépendant, a réalisé une étude qui met en lumière la totale absence de légitimité des formules utilisées pour lier scientifiquement la vitesse à la mortalité routière. Son analyse porte notamment sur trois études qui s’appuient sur la formule « 1% de vitesse en moins c’est 4% de morts en moins » et encouragent le déploiement renforcé des radars.
    La Société de Calcul Mathématique tire les conclusions suivantes : « Du strict point de vue de la logique, les modèles utilisés par ces document sont inappropriés, incohérents et n’ont jamais fait l’objet de la moindre validation. Il ne s’agit que d’approches non scientifiques qui se citent entre elles. On ignore sur quelles données ils s’appuient et quelle est l’incertitude sur ces données. Les modèles ne font pas la distinction entre différentes situations qu’il faudrait manifestement différencier ».
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  • Si passer de 90km/h à 80km/h sauve 200 à 400 vies par an, on se demande pourquoi ne pas passer à 70km/h ou même 50km/h pour sauver encore plus de vies. Le gouvernement se rend donc directement responsable de la mort de centaines de personnes.
    Pourquoi ne pas mettre sur pied une class-action contre l’Etat pour meurtres délibérés, parce que la solution est connue : 0km/h, voiture au garage fermé = zéro tué !

    • Pas panique, ils finiront bien par interdire les lits, puisque l’on y meure trop souvent … :mrgreen:

    • Le problème avec cet argument, c’est que a) il renforce l’idée fausse que réduire de 10km/h sauverait 200 à 400 vies, alors qu’au contraire des études récentes ont montré que la vitesse optimale, pour laquelle le nombre d’accidents augmente tant quand on l’augmente que quand on la diminue, est plutôt de l’ordre de 95 km/h sur la plupart des routes sans séparation centrale, et b) que d’aboutir à une conclusion absurde n’est pas compris dans l’opinion comme la preuve qu’on soit parti d’hypothèses absurdes, mais simplement qu’on a poussé le raisonnement trop loin.

  • J’ai envoyé une critique semblable à mon journal régional. Je vous en fais part très volontiers. L’ACB est l’automobile club de Bourgogne et BFC est la région Bourgogne-Franche-Comté.
    Voici: Pourquoi changer la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h ?
    La première question à poser est de savoir si la limitation à 90 km/h est respectée. D’après ce qu’on lit, les vitesses réelles des véhicules tournent autour d’une moyenne de 90 km/h. Il faudrait savoir quelle est la distribution des vitesses réelles autour de cette vitesse, si toutefois c’est la vitesse moyenne observée. Vu le nombre de détections radar ou au sol, les données existent mais personne ne les connait.
    La deuxième question est la relation entre la vitesse limite et le nombre d’accidents. Monsieur Lemaire, directeur régional BFC de la Prévention routière, demande une expérimentation sur cinq ans, comme on ferait en sciences expérimentales. Par ailleurs, il déclare que 36% des accidents se produisent entre 70 et 110 km/h. Mais les autres ? Se produisent-ils à 64% entre 0 et 70 et entre 110 et plus ? Si les données sur une éventuelle relation entre vitesse limite et accidents manquent, puisqu’il faudrait effectivement faire pratiquer des vitesses limites de 50, 60, 70 etc. jusqu’à 110, ce qui n’est pas envisageable, cela n’empêche pas Monsieur Lemaire de déclarer, comme une vérité, que si on baissait de 1% (sic) la vitesse (limite ou moyenne réelle ?) sur les routes, il y aurait 1% d’accidents en moins. Une telle interpolation (à partir de quelles données ?) ce n’est pas scientifique. Cela suppose en effet que le modèle mathématique est linéaire et qu’il existerait des données précises pour le démontrer. Or, on se rend bien compte que la vitesse réduite entraîne l’ennui et la perte d’attention, génératrice d’accidents. Le projet de réduction est de plus de dix pourcents, il faut donc montrer que l’on ne sort pas de la zone linéaire de la supposée relation entre limite de vitesse et nombre d’accidents.
    La statistique est une méthodologie scientifique difficile. Les gens incompétents ou mal intentionnés font dire aux nombres (qu’on appelle à tort « chiffres ») ce qu’ils veulent démontrer. Par exemple, sur la même page du journal, l’encart « en chiffres » cite deux nombres de tués en novembre 2016 et en novembre 2017. Il s’agit de la France, surface sans doute suffisante pour effectuer une étude des données. Mais il fallait donner les nombres sur 10 ou 20 ans par exemple en novembre, s’il y a effet du mois de l’année, pour l’année entière s’il n’y a pas d’effet significatif du mois. Il est possible donc que ce taux d’augmentation de +41,66% dont le nombre est de 23, ne soit pas significatif. Le deuxième exemple est une plaisanterie ; passer de zéro à deux tués montre seulement que la Côte d’Or est une surface trop petite pour raisonner mois par mois (les écarts ne relèvent plus de la distribution normale).
    Je pense que cela n’a pas de sens de « tester » sur un tiers du réseau français pour 5 ans. Une France à deux vitesses ; est-ce démocratique ? Je suis sûr que les données existent ; il faut les réclamer et il faut juste des gens capables de les exploiter.
    J’attends donc toujours une publication sérieuse donnant les vitesses réelles pour tous les accidents, éventuellement en tenant compte des limitations à 50, 70, 90, 110 et 130. Vu les taux de 36% entre 70 et 110, donc de 64% en dehors de cette plage de vitesses, je pense que ni la vitesse réelle et ni la limitation de vitesse n’ont d’effet significatif sur les distributions des accidents.
    Dans cette hypothèse (en statistiques, on appelle cela l’hypothèse nulle), la seule solution me semble donc de considérer les conducteurs comme des adultes responsables et de se limiter à signaler les endroits dangereux où il faut descendre bien en dessous de la limite de vitesse autorisée. Cela permettra une économie considérable, car il suffira d’ajouter des panneaux là où il le faut, au lieu de remplacer des milliers de panneaux 90 par des 80. De plus, on pourra mettre les gendarmes à ces endroits. Je rejoins donc ici l’encart de l’ACB.
    Hubert Dulieu

    • Avec les élus, il est généralement contre-productif d’avoir scientifiquement raison.

    • Il ne faut pas demander à nos politiciens du bon sens ou une approche scientifique, ils en sont incapables!

    • Il est très difficile de donner précisément la vitesse à laquelle un accident s’est produit, même en présence de traces de freinage sur la chaussée.
      De même, il est très difficile de valider le postulat de Nilsson (1 % de vitesse en moins = 4 % d’accidents mortels en moins) du fait même qu’il y a eu très peu, depuis l’énoncé de ce postulat, de variation de limitation de vitesse dans le monde. Nilsson a sorti son postulat au début des années 80, et depuis les années 70, les limitations de vitesse ont été, grosso modo, figées à 10 km/h près. Le postulat s’exprime « toutes choses égales par ailleurs », et « bénéficier » de conditions d’accidents strictement identiques (environnement, véhicules, infrastructures…) est quasi impossible. Empirisme total (cad pas de démonstration théorique) et impossibilité de valider par l’expérience… bref, c’est du foutage de gueule.
      Quant à l’expérience française dans 3 départements : elle devait se faire à périmètre constant, en réalité, beaucoup de travaux de sécurisation ont été accomplis sur les axes concernés, et malgré cela, l’expérience est si peu probante que les résultats sont tenus secrets.
      Pour le dire crûment : sur cette affaire, on nage en pleine idéologie, et faire rouler les gens à 80 km/h, c’est au mieux de la gesticulation politique, au pire, une façon supplémentaire de rendre les transports en commun (un peu plus)concurrentiels, en dégoutant les automobilistes et/ou en les ponctionnant toujours plus.

      • Pour que les transports en commun soient concurrentiels, il faudrait déjà qu’il y en ait…
        Ce qui fait qu’on est très mal barrés :/

  • La création d’une nouvelle agence n’est pas étonnante, vu la déconfiture socialiste. Macron a quelques copains au chômage à recaser!

  • que les hauts fonctionnaires, fonctionnaires et vacataires du ministère de l’équipement soient virés d’abord pour dégager le budget de cette nouvelle agence !

  • Qu’on commence par reverser l’intégralité des taxes lié à l’automobile à l’entretiens des routes, ça ira tout de suite mieux.

  • « C’est étonnant qu’un homme aussi intelligent que le nouveau Président de la République n’ait pas encore perçu l’incompétence de l’administration qui est censée sauver des vies. Ou alors c’est le cas et les choses vont changer…. »

    On pouvait le croire pendant la campagne, car il était un des rares, sinon le seul, à s’être ouvertement déclaré hostile à l’abaissement généralisé de la limitation de la vitesse. Les autres candidats, surtout ceux de gauche, qui cultivent l’autophobie à un bon niveau, s’étaient tous prononcés pour nous faire rouler à 80 km/h.
    On voit aujourd’hui qui est aux commandes : c’est la sécurité routière et son incompétence congénitale. Puisque tout le gouvernement du ministre de l’intérieur au premier ministre a été marabouté par ces nuisibles.

  • J’ajoute qu’il y aurait beaucoup à dire sur :

    1. l’obsession des chiffres de la mortalité routière, qui est, à ce jour, une des plus faibles causes de mortalité humaine (rien qu’en maladies nosocomiales, on doit être au double !)

    2. le caractère illibéral de certaines mesures, comme le port de la ceinture ; s’il est évident qu’il convient de réprimer les comportements nuisibles aux autres, vouloir faire porter une ceinture à un automobiliste ou un casque à un motard contrevient à toute notion de responsabilisation du citoyen

    De fait, les chiffres de la mortalité routière agrègent aujourd’hui l’équivalent d’homicides (par ex rouler bourré ou brûler un feu rouge et provoquer un accident mortel) et l’équivalent de suicides (ne pas accrocher sa ceinture). Que dirait-on si le ministère de l’intérieur agrégeait les meurtres et les suicides dans ses statistiques sur la délinquance ?

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