Cameroun : une loi de finances spoliatrice ?

Le gouvernement camerounais élabore le budget du Cameroun avec le FMI sans associer le secteur privé et la société civile camerounaise.

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Cameroun : une loi de finances spoliatrice ?

Publié le 8 décembre 2017
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Par Louis-Marie Kakdeu.
Un article de Libre Afrique

Le projet de loi des finances (PLF 2018) du Cameroun prévoit une enveloppe budgétaire de 4513,5 milliards de FCFA, en hausse de 139,7 milliards par rapport à 2017.

Pour y parvenir, tout en réduisant la dépendance aux revenus pétroliers et le déficit à 2,3% du PIB conformément aux recommandations du mécanisme de la Facilité Élargie de Crédit (FEC) du FMI, l’élargissement de l’assiette fiscale a été retenu.

Sauf qu’au lieu d’introduire des mesures incitatives pour attirer plus d’investissements, le gouvernement semble avoir opté pour le dépouillement du peu de contribuables existants.

Un budget de technocrates

Le caractère décalé du PLF 2018 par rapport aux attentes et aux besoins des Camerounais provient d’abord de l’absence d’une approche participative lors de son élaboration. Le gouvernement camerounais élabore le budget du Cameroun avec le FMI sans associer le secteur privé et la société civile camerounaise.

Ainsi, dans un communiqué publié en mi-novembre 2017 en prélude à l’envoi du texte de loi au Parlement, « chambre d’enregistrement », le Groupement Interpatronal du Cameroun (GICAM), principal patronat, se plaint de n’avoir pas été associé à l’élaboration de la version finale du texte.

Il regrette que la quasi-totalité de ses propositions, « pourtant dûment motivées et transmises au gouvernement en temps utile », n’aient pas été prises en compte. Il craint que le caractère répressif du projet de loi ne vienne remettre en cause tous les efforts entrepris ces dernières années « pour créer les conditions de la confiance au sein du secteur privé ».

Une pression fiscale insoutenable et néfaste pour les entreprises

Selon le GICAM, la pression fiscale sur les entreprises représente 57,7% de leurs résultats. Désormais avec le PLF 2018, même les produits forestiers non-ligneux jusque-là épargnés parce que utiles à l’entrepreneuriat rural comme le piment, la noix de cola, le poivre, les feuilles comme l’eru ou l’okok, et cinq autres produits paieront une taxe de 5% à l’exportation sans aucune considération faite à la nécessité de leur compétitivité.

Le gouvernement explique que cette mesure vise à lutter contre certains opérateurs économiques véreux qui utilisaient ces produits non-taxés comme couverture pour vendre les produits taxés. Ainsi, au lieu de renforcer les mesures de surveillance, le gouvernement frappe plutôt l’activité économique.

Pis, il ne renforce pas d’autres mesures de bonne gouvernance comme la simplification des procédures d’exportation dont la complexité pousse à la fraude. Par conséquent, l’un des effets pervers sera le maintien de la pauvreté en milieu rural dans la mesure où les négociants répercuteront tout simplement les hausses fiscales sur les producteurs.

La concurrence profite aux consommateurs

Certains expliquent que cette mesure aura pour externalité positive la couverture en priorité de la demande intérieure jusque-là insatisfaite. Or, au lieu de mettre des mesures incitatives pour augmenter la production nationale, le gouvernement opterait ainsi pour le protectionnisme alors que c’est la concurrence qui profite aux consommateurs de même que c’est l’augmentation de la production qui garantit la stabilité de l’offre.

Une autre aberration du PLF 2018 est le maintien indu d’une charge fiscale sur les exploitants forestiers. En 1994, la loi forestière avait institué une Redevance Forestière Annuelle (RFA) que l’État prélève mais ne reverse pas la part des riverains (10%) prévue dans une démarche inclusive.

Le problème est que l’État continue à facturer aux investisseurs un service d’apaisement communautaire qu’il n’offre pas convenablement.

Par conséquent, ces derniers continuent de payer pleinement la RFA alors qu’ils sont exposés aux pratiques informelles et aux multiples tracasseries des riverains, propriétaires coutumiers, qui revendiquent un droit de regard sur la forêt laissée en héritage par leurs ancêtres.

En 2015 et 2016, l’État n’avait rien versé aux riverains et ne verse que 6,75% depuis 2017 sous prétexte que les fonds reçus sont mal gérés. Cette attitude paternaliste a suscité le courroux de l’association Forêts et Développement Rural (FODER) qui a initié une pétition en faveur du rétablissement des 10% réservés aux riverains.

Pour rester équitable, l’État devait soit rétablir les 10% ou réduire la RFA de 3,25% afin d’éviter le maintien d’une charge injustifiée sur les exploitants.

Des taxes en augmentation sur la propriété foncière

Le PLF 2018 accentue la pression fiscale également sur les droits de propriété. En 2018, les coûts de transfert de la propriété représenteront 19% de sa valeur contre une moyenne de 7,8% en Afrique subsaharienne.

Pis depuis 2017, l’État qui ne reconnaît pas la propriété coutumière (loi de 1974 toujours en vigueur), oblige même les non-détenteurs de titres de propriété foncière à payer sous forme de déclaration préremplie une taxe foncière de façon indue.

En 2009, le ministère en charge des Affaires foncières estimait à 9% le pourcentage des terres titrées dans la ville de Yaoundé. Au lieu d’ajouter dans la loi des mesures promotionnelles comme l’annulation des frais d’enregistrement pour inciter les habitants à titrer leurs terres, le gouvernement a opté pour la répression.

Pis, il affaiblit en 2018 le dispositif de remboursement des crédits de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), se donnant ainsi la possibilité de boucler son budget sans tenir ses engagements fiscaux auprès de ses contribuables.

Escroquerie fiscale

Ce faisant, la loi des finances 2018 valide des dispositions qui s’apparentent à une escroquerie fiscale dans la mesure où il n’y a aucun droit attaché à certains impôts payés.

Ainsi au lieu d’aggraver la pression fiscale pour s’assurer le financement de ses dépenses, l’État camerounais aurait dû élargir l’assiette d’imposition en : (1) réduisant les taux d’imposition afin de baisser l’attrait de la fraude ; (2) améliorant la gouvernance des ressources fiscales pour réhabiliter la légitimité des impôts ; (3) rationalisant les dépenses de fonctionnement pour réduire les besoins de financement et in fine, la pression fiscale.

Autrement dit, l’État doit cesser de recourir systématiquement à la solution de facilité, celle d’augmenter et de multiplier les impôts, et penser à réduire son train de vie (au lieu de l’augmenter comme en 2018 de 135,6 milliards) en faisant un véritable ménage dans ses missions et ses interventions. En l’état, ce budget a des allures de répression dans un pays où l’économie a plutôt besoin de bouffées d’oxygène.

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