Le Vélib’ et le progrès de la nouvelle économie sans profit

Coûteuse expérience pour nombre de municipalités de Paris à Beijing, le vélo en libre-service démontre que la nouvelle économie n’est pas toujours porteuse de progrès.

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Le Vélib’ et le progrès de la nouvelle économie sans profit

Publié le 2 décembre 2017
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Par Simone Wapler.

Le Vélib’ : beaucoup de citadins connaissent ce « tank à deux roues », comme dit joliment un chroniqueur de Contrepoints.

En France, il symbolise l’interventionnisme et les tentations de monopole des municipalités. En Chine, il cristallise une folie spéculative (encore une) qui est en train de mal tourner. Dans les deux cas, ce sympathique concept met en valeur cet étrange progrès du XXIème siècle qui peine à créer de la richesse.

Commençons par Paris. Le Vélib’ y a débuté il y a 10 ans. Bonne idée que de vouloir inciter des citadins à pédaler sans polluer. L’idée d’un vélo loué s’inscrit dans l’économie collaborative, le partage d’un bien plutôt que sa possession. Jusque-là tout allait bien.

Puis quelques technocrates de la municipalité de Paris, au lieu de se satisfaire d’organiser des espaces capables d’accueillir des bicyclettes en location de courte durée, ont préféré monopoliser l’idée. Résultat : une concession accordée à Decaux, un système de paiement lourd qui n’avait pas prévu d’emblée les smartphones ; chaque Vélib’ coûte à la municipalité 4 000 € par an et donne lieu à un déficit annuel récurrent de 16 M€.

Au moment où la concession change de main, où les rangées de bornes ressemblent à des mâchoires édentées en attente d’un nouveau dentier, la concurrence tente une percée. Des vélos plus légers, ne nécessitant plus d’être accrochés à un point fixe. Bon débarras et bonne idée, pensez-vous ? Pas si vite. Direction la Chine.

La bicyclette et le Chinois : un cliché qui reflète une part de vérité. Les sociétés de partage de vélos ont donc poussé comme des champignons en Chine, donnant naissance à de multiples start-ups et de plantureuses levées de fonds. Aujourd’hui beaucoup de ces sociétés sont en déconfiture ; leurs clients n’ont plus qu’à pleurer leurs dépôts de garantie envolés et leurs actionnaires leurs capitaux, comme le note le chroniqueur financier Wolf Richter.

Les licornes pédalent dans la semoule

En Chine, plus de 40 plates-formes et sites ont attiré 2 Mds$ de capitaux. De ce point de vue, on ne peut pas dire que la concurrence n’ait pas joué au pays des camarades-capitalistes.

Mais à côté de ces 2 Mds$, une montagne de vélos mutilés, volés, abandonnés pèsent 1 Md$. La récupération des bicyclettes jetées dans les fleuves, abandonnées en rase campagne, pendues aux arbres est devenue un casse-tête pour les municipalités.

Vendredi 24 novembre, le South China Morning Post faisait état de la faillite de Mingbike, qui avait une flotte dans plusieurs grandes villes. 99% des employés ont été licenciés et les clients se plaignent de ne pouvoir récupérer leurs dépôts de garantie de 199 yuans (environ 25 €). Mingbike avait levé 15 M$.

En février 2017, Bluegogo indiquait vouloir se développer à Beijing puis viser San Francisco. Son fondateur Li Gang avoue avoir asséché sa trésorerie.

Mobike et Ofo, les deux gagnants (si l’on peut dire), possèdent 95% du marché et ces « licornes » n’ont pas encore brûlé tout le capital levé. L’avenir ne s’annonce pas radieux pour autant.

La première des start-up est entrée en bourse en août. Changzhou Youon Public Bicycle System a levé 96 M$. Ses actions ont quadruplé dans les quatre premiers jours de cotation avant de plonger de 44% en trois mois.

Consommation de capital mal alloué, perte d’argent des clients, coûts pour les municipalités et leurs contribuables… Le concept Vélib’ semble regrouper tous les vices du créditisme, de l’argent surgi de nulle part et de l’appauvrissement final. Même pas gagnant-perdant mais perdant-perdant.

Pour plus d’informations, c’est ici

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  • Aura-t-on la chance de voir un jour des décideurs lucides qui comprendront qu’à partir du moment où ils veulent faire rouler tout le monde à vélo, il est préférable que chaque citoyen ait son propre vélo, dont il prendra soin, que celui d’une société couteuse pour le contribuable avec des vélos dont on n’a cure ? Hélas, vu les imbéciles qui sont aux commandes de certaines villes de France, plus préoccupés par la gloriole et la gesticulation politique que par les deniers du contribuable, j’en doute.
    PS : j’ai calculé, dans un autre commentaire, qu’avec le pognon que Paris a dépensé depuis dix ans avec cette gabegie, la ville aurait pu donner un million de vélo aux Parisiens !

    • Mauvaise formulation. La ville aurait pu laisser à chaque foyer fiscal parisien le prix d’un vélo, à dépenser à son gré.

      • Plus simple en effet. Il aurait suffi d’afficher le pourquoi de la ristourne fiscale.
        Ceci étant, pourquoi vouloir faire faire du vélo à tout le monde ? On en revient au sujet de l’article : « ces taxes qui nous veulent du bien ».
        Pour moi, la réponse est assez claire : l’hygiénisme sécuritaire est mis à toutes les sauces pour régler des problématiques qui n’ont souvent pas grand chose à voir avec la santé publique.

  • Bonne idée que de vouloir inciter des citadins à pédaler sans polluer. pourriez vos expliquer?

    • pourquoi alors ne pas inciter les gens à habiter ailleurs et polluer ailleurs? pourquoi ne pas inciter les gens à ne pas visiter paris?

      Ce qui baisse la pollution n’est pas pas le nombre de vélos en circulation, mais peut être le trafic automobile… Est ce que le vélo est LA solution? Il me semble que c’est anecdotique et symbolique.

      • « pourquoi alors ne pas inciter les gens à habiter ailleurs et polluer ailleurs? pourquoi ne pas inciter les gens à ne pas visiter paris? »
        Dans mon cas, c’est exactement ce qui est en train de se passer avec les gesticulations politiques d’Hidalgo. Je suis bien content d’avoir quitté la région parisienne il y a quelques années. Et sauf imprévu, je n’y remettrais pas les pieds avant longtemps.

      • Le vélo n’est pas LA solution. Aujourd’hui, à Paris, la majeure partie des déplacements se dont à pied ou en TC. Le vélo ne constitue qu’une excuse « poudre aux yeux » pour taper sur les voitures.
        Le prétexte est effectivement la pollution. Seulement voilà, même dans les villes européennes qui ont drastiquement réduit la circulation automobile, le gain en termes de rejets polluants a été très faible. Pourquoi ? Parce que le trafic automobile ne représente qu’une petite partie de la pollution atmosphérique. Je pense donc qu’il y a derrière cela avant tout une politique immobilière : il est plus rentable de construire logements et bureaux que parkings ou squares. Raisonnement de courte vue bien évidemment, puisque la vie des commerces des CV dépend bien sûr en partie de l’accès en voiture et la qualité d’une ville de la multitude de ses espaces verts.

        • Sur Paris et sa région, la majorité des déplacements, en nombre de kilomètres parcourus, se font en voiture, et de loin.

          • Pas à Paris, non. Dans la capitale, la voiture représente environ 13 % des déplacements. En Ile de France, la voiture devient le moyen de transport le plus utilisé, mais reste sous la barre des 50 %.

            • Vous parlez du nombre de déplacements. Quand je vais acheter ma baguette, sûr que j’y vais à pied. J’effectue deux déplacements, aller et retour domicile/boulangerie, de quelques centaines de mètres chacun.

              Comme on le voit, il s’agit là d’une statistique de mauvaise foi, sans grand intérêt et faite au doigt mouillé, car elle agrège des unités statistiques essentiellement non mesurables et surtout non comparables.

              En nombre de kilomètres parcourus, statistique fiable et pertinente, ce sont bien les véhicules individuels à moteur (voitures, camions de livraison, motos, scooters…) qui sont loin devant tous les autres modes de transports (à pied, vélo, bus, métro, RER…)

              • Je persiste et signale…
                A Paris intra-muros, environ 35 % se font en transport en commun.
                Or la portée moyenne d’un déplacement (jargon DRIEA) en TC est du même ordre de grandeur que celle d’une voiture (respectivement 5,3 km et 6,9 km). Pas de quoi bouleverser la hiérarchie. Même calculés en trafic, le poids du TC vaut le double de celui de la voiture.
                La moto reste d’usage faible avec une portée inférieure (2 %/4km). Pour le vélo, tant vanté par les édiles parisiens, c’est encore plus faible, du fait d’une porté inférieure.
                NB : il s’agit là des déplacements des Parisiens, pas de ceux qui transitent par Paris, et des particuliers, pas des entreprises.

                • Comme vous en avez l’intuition, les limites absurdes de ces statistiques les disqualifient. Déjà, la manipulation des concepts, nbs de déplacements au lieu de kms parcourus, les condamne sans appel. Sinon, les Parisiens ne sortent jamais de Paris ? Aucun banlieusard ne vient jamais travailler à Paris ? Et pour nourrir les parisiens affamés, aucun camion ne vient jamais de Rungis ou d’ailleurs ? Ah oui, mais ce n’est pas un camion « parisien ». Mais bien sûr, c’est évident ! En recourant à n’importe quel critère arbitraire au mépris du bon sens le plus élémentaire, on peut produire n’importe quelle statistique idiote.

                  Les véhicules à moteurs sont et seront encore longtemps le mode de transport privilégié à Paris, pour la simple et bonne raison qu’aucun autre mode de transport n’est aussi performant et efficient.

    • Raymond Aron:une idée fausse mène au contraire de ce qu’elle énonce…

  • Dommage que l’on ne puisse pas envoyer de photos sur ce site : vous y verriez des MILLIERS de vélos en libre service jonchant les rues de Pékin, avec un turn-over extrêmement faible et une emprise monstrueuse sur la voie publique.
    Bref, on a remplacé un pollution par une autre – visuelle celle-là – tout aussi dérangeante !

  • S’il n’y avait que le velib! En plus, il y a l’autolib! Quelle gabegie!

  • Les écolos verts sont les parasites des socialistes, lesquels ne connaissent rien aux lois du marché. C’était donc une catastrophe annoncée.

  • Quid des Pays-Bas ?
    Quiconque y a déjà mis les pieds aura vu que le vélo est fortement utilisé sans y créer des nuisances.
    Il est vrai que les néerlandais sont des gens très civiques, c’est ça leur secret où il y a autre chose ?

    • A mon avis, il y a deux secrets : les Pays-Bas sont plats, très plats, et le gouvernement ne s’y occupe pas de louer des vélos.

    • Amsterdam est toujours pris en exemple pour les tenants de l’exclusion des voitures de nos villes et leur remplacement par le vélo. Cependant, la partie d’Amtserdam où la voiture est quasi-bannie et où les transports en Commun et le vélo ont la part belle, ne correspond qu’au vieux centre qui fait l’équivalent du 5è et 6è Arrdt parisiens (ou des 1er, 2è, 3è et 4è si vous préférez). Dans le reste d’Amsterdam, vous circulez normalement en voiture.
      A Paris, nos écolos et leurs amis socialistes font tout pour progressivement chasser les voitures de l’ensemble de Paris. Et ils pensent que cela n’aura aucun impact économique…

  • Je ne vais pas être aussi négatif, développer les vélos est une bonne chose dans un pays qui n’a pas de pétrole.
    Oui, il y a beaucoup de vélos en Chine:
    https://file.army/i/1309I1 et la : https://file.army/i/13pUEA

    Mais c’est aussi a la municipalité de permettre la circulation et l’entreposage des vélos, comme a Canton ou la ville transforme des centaines de kms de trottoirs, comme ici le trottoir est en train d’être refait avec une piste pour les vélos: https://file.army/i/130Y4l
    Ça donne ça quand c’est fini: https://file.army/i/13ptJe

    Si les gens circule en vélo et pas en voiture, ils consommeront moins de pétrole, surtout quand le pays n’en a pas, pas besoin d’aller faire la guerre pour en avoir comme certains pays.

    • Le problème est ailleurs. Il y a 25 ans, à Shanghai, les autos se frayaient difficilement un chemin dans une circulation délirante de vélos dans tous les sens dans les petites rues, et occupaient deux voies sur les trois dans chaque sens sur les grandes avenues. Ce qui a changé, c’est que les trajets se sont considérablement allongés. La voiture et le vélo ne sont pas interchangeables, il ne sert à rien d’encourager le vélo — et à l’époque les dirigeants chinois étaient déjà bien conscients des implications sur la consommation de pétrole, la pollution, et le gaspillage de l’utilisation de l’automobile — si on laisse en même temps s’allonger les trajets domicile-travail.

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