Manifeste pour la défense de toutes les femmes

Toutes les femmes ne se reconnaissent pas dans les demandes des mouvements féministes actuels. Beaucoup n’attendent pas tout de l’État et n’ont pas envie ni besoin d’être une grande cause nationale pour se sentir libres.

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Manifeste pour la défense de toutes les femmes

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 novembre 2017
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Par Marianne Ferrand.

Ce week-end un grand ramdam féministe était hébergé sous les ors de la République. Le Président Emmanuel Macron avait convoqué au Palais ce qui se fait de mieux en matière de défense des droits du deuxième sexe. Et il n’y est pas allé par quatre chemins : l’égalité entre les femmes et les hommes est devenue la grande cause du quinquennat.

J’ai suivi avec curiosité, et grâce à Instagram, la glorieuse manifestation qui a suivi dans les rues de Paris. À l’occasion de la journée contre les violences faites aux femmes, les collectifs, les associations, les anonymes se sont regroupés pour marcher et donner de la voix place de l’Opéra.

C’était plein de couleurs, de mom’s jeans, de tambours, de maquillage griffé, de sticker, de pancartes, de sororité en somme. Mais ce qui est terrible dans ce déballage a priori positif d’œstrogènes dans l’espace public, c’est que je ne me suis sentie ni représentée par mes « sœurs », ni rassérénée par les annonces présidentielles.

Une demande féministe alternative

Je vous vois lever les yeux au ciel, encore une qui accepte d’être une chatte docile plutôt qu’une chienne de garde. Encore une meuf de droite, conservatrice et réfractaire au progrès. Encore une privilégiée qui dénie la cruelle situation des femmes tuées, violées, frappées, humiliées, oubliées chaque année.

Là n’est pourtant pas le sujet. Sans nier l’importance et le bien-fondé de certaines annonces, de l’accompagnement des victimes à l’accent mis sur l’éducation des plus jeunes, j’aimerais dire que toutes les femmes ne se reconnaissent pas dans les demandes des mouvements féministes actuellement en retour de gloire.

Beaucoup n’attendent pas tout de l’État et n’ont pas envie ni besoin d’être une grande cause nationale pour se sentir libres et donc s’accomplir. Et j’aimerais qu’à la place du discours à la mode sur l’émancipation nécessaire de notre sexe, l’on entende la voix de ces femmes que souvent les autres femmes regardent mal. De toutes celles qui ne sont pas discriminées par leurs frères, maris, fils, ou pères, mais qui le sont par les représentantes de leur propre sexe.

Mères au foyer et prostituées

Je pense d’abord aux mères au foyer, à celles qui choisissent de rester à l’intérieur à l’heure où l’on exige des femmes d’être des working girls, mais surtout des filles qui occupent la rue et donnent de la voix. On oublie en parallèle souvent celles restées chez elles par choix ou par manque de moyen, celles qui luttent à petits pas pour avoir une vie digne sans devenir des passionarias.

Celles aussi qui assument jusqu’au bout leur volonté et leur vision du monde et s’en portent très bien. La solitude, le décalage social, l’heure du lever, du déjeuner, du goûter, du bain et du dîner des enfants sont leur lot quotidien et leur liberté tant qu’une « sœur » émancipée ne vient pas leur seriner la grande leçon de la modernité.

Je pense ensuite aux prostituées, aux escorts, aux maîtresses, à celles qu’on estime dominées par principe. Dans le magazine Antidote, Zahia, la femme à la cambrure incroyable dit : « Pour moi la pute représente la liberté ».

Dans cet échange, elle déclare que la plus grande de ses souffrances fut l’étiquette que par bien-pensance on lui colla sur la tête :

J’étais très mal, je ne sortais pas, je ne voyais personne. Je restais seule. Pour moi, je n’avais plus d’avenir, j’étais Zahia la pute. Et je sais que, dans cette société, ce genre de femme est diabolisé, comme si c’était quelque chose de mal… Mais ce n’est pas mal ce qu’elles font, elles apportent juste du plaisir. Pour moi, la pute représente la liberté. Mais ce n’était pas perçu comme ça, ma vie est devenue un enfer. J’avais le choix entre me suicider ou avancer dans mes objectifs et les atteindre.

Qu’a fait Zahia pour s’en sortir ? Elle n’a compté que sur elle-même et entreprit.

Briser le plafond de verre

Je pense encore à toutes celles qui rêvent d’être président, algologue, docteur, lieutenant, ministre, auteur, agriculteur, entrepreneur, penseur, ou encore chef. Que fait-on de leur liberté d’être quand on décrète quelles seront plutôt autrice, présidente, entrepreneuse, ou lieutenante ? Est-ce en rappelant dès notre titre notre condition de femme que nous briserons le plafond de verre ? Je crains que cela fasse en réalité plus de mal que de bien à nos affaires.

Je pense enfin à toutes celles qui ne voient pas des rapports de domination abusifs de partout, à celles qui encouragent également les hommes à entretenir leur virilité, celles qui chérissent la galanterie et adorent se faire siffler. Et je finirai sur ces mots de Simone Veil :

Ma revendication en tant que femme c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin.

Car à force de demander une égalité parfaite nous finirons par aboutir à l’uniformisation de nos comportements. Ne rejetons pas tous les clichés de genre, ils ne sont pas uniquement notre boulet, ils sont aussi notre liberté. Luttons donc pour avoir le droit de ne pas devenir des hommes pressé.e.s.

 

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  • Bah oui, revendiquons mesdames, via la Force publique, un énième appel à plus de contraintes, pour certains, histoire de garantir des bribes de libertés pour les autres!

    Réflexe devenu quasi pavlovien…

  • Enfin, cela me fait plaisir de lire ça !

    Si cela est vrai dans la plupart de nos pays occidentaux, il n’y a rien de plus oppressif que de partir du principe qu’une femme qui adopte tel mode de vie est une opprimée, une ignorante, rien de plus insultant que de lui donner des leçons parce qu’elle ne répond pas à l’image fantasmée que l’on se fait de la femme au XXIème siècle.

    Il y aura toujours cette contradiction dans le féminisme actuel : le refus, voire la négation, de toute différence entre les sexes d’un côté, et l’affirmation ostensible d’une condition féminine de l’autre (je pense plus particulièrement à l’écriture inclusive).

  • Bravo! Vous avez parfaitement écrit ce que je pense et ressens. Il est temps que les femmes comme vous, comme moi, comme Zahia puissent vivre comme elles le souhaitent sans être montrées du doigt ou plaintes à tort.

  • Je me battrais pour que la prostitution (de femme libre et volontaire cela va sans dire) soit toujours possible mais je conserverais bien sur ma liberté de désapprobation morale vis à vis de cette pratique. Les vices ne sont pas des crimes mais restent des vices.

  • Enfin un peu d’air frais sur ce sujet et surtout beaucoup d’intelligence.
    Merci Madame.

  • Agréable à lire.
    Je suis devenu antiféministe à force d’être HARCELÉ par l’insupportable lamento permanent de leurs lobbys.

  • Merci !

    Bizarre aussi comment celles qui s’empressent à fustiger le modèle familial de certaines familles sont moins virulents à l’égard d’autres, bien plus rétrograde (d’environ 600 ans) sur leur vision de la place de la femme dans la société…

  • Personnellement, je ne me sens pas « représentée » par ces femmes, quoique j’adhère à certains de leurs combats, notamment : égalité salariale et féminisation des noms de métier. On est encore loin de compte, quoique certains veuillent en penser, et j’en ai fait moi-même l’expérience avec quelque incrédulité sur ce qui m’était dit le plus « naturellement » du monde : remplaçant un homme au poste de chef de service, et m’entendant dire que j’aurais les trois quarts de son indemnité liée à ce poste, lorsque j’ai demandé pourquoi, la réponse fusa spontanément, et… de la bouche d’unE DRH, qui plus est bien plus jeune que moi : « Ben, parce que tu es une femme ! »
    Une DRH qui se disait par ailleurs « se sentir dévalorisée » si on la nommait « directRICE » des relations humaines. Plutôt navrant, et encore plus quand ça vient d’une jeune femme d’à peine plus de trente ans dans les années 2000 !
    Sur ce point-là, il me semble que les femmes, par rapport à ma génération de 68, ont plutôt régressé que progressé elles-mêmes.

    Hélas, sur ce plan-là comme sur beaucoup d’autres – notamment les affaires à la Weinstein –, je déplore que nombre de femmes soient elles-mêmes promptes à se déprécier et à se taire, plutôt que de faire savoir, et vite, et haut et fort ! Je suis aussi plutôt étonnée d’entendre certaines qui disent aujourd’hui avoir été « harcelées », mais qui ont mis des années à le DIRE, sans même avoir fichu une bonne gifle au harceleur sur le moment !
    CES femmes-là, à moi, ne me font pas ressentir de la solidarité, mais, au contraire, un sentiment pénible un peu honteux, car, de fait, je trouve honteux qu’elles n’aient pas réagi TOUT DE SUITE – et que, aujourd’hui, elles semblent demander à la société dans son ensemble de faire le boulot qu’elles n’ont pas voulu faire : se faire res-pec-ter. Certes, ça peut avoir un coût, mais je ne peux m’empêcher de ressentir quelque malaise en me disant que les femmes qui parlent aujourd’hui de faits qui leur sont arrivés il y 10 ou 20 ans dans le cas d’un Weinstein sont des femmes qui ont D’ABORD profité de leur silence, avant d’en faire porter la responsabilité à cet odieux personnage, et en le laissant ainsi poursuivre ses agissements envers les suivantes.
    Où est la solidarité ?
    Bien sûr, je n’incrimine pas, ici, les femmes qui ont réellement été victimes de faits aussi graves que peuvent l’être un viol ou une tentative de viol, ou des menaces de violences, etc., je parle de celles qui a priori ne sont pas les moins averties de la marche du monde, vont néanmoins dans la chambre d’un producteur hollywoodien richissime et habitué à faire régner son pouvoir sur le Tout-Hollywood – et qui ont mis 10 ou 20 ans à faire savoir qu’il s’était conduit odieusement. Pourquoi ont-elles tant tardé ? Pourquoi n’ont-elles pas ameuté tout l’hôtel, hurlé, flanqué une gifle, etc. ? Qu’ont-elles fait durant ces 10-20 ans ? Profité de leur silence pour pouvoir faire carrière ? Et tant pis pour les suivantes ?

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