Remaniement ministériel : Macron ratisse à gauche

Analyse du remaniement qui a eu lieu cette semaine au gouvernement.

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Emmanuel Macron en juillet 2017 by Presidencia de la Republica mexicana(CC BY 2.0)

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Remaniement ministériel : Macron ratisse à gauche

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 novembre 2017
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Par Eric Verhaeghe.

Le remaniement qui a eu lieu cette semaine est probablement moins anodin qu’il n’y paraît. Il flanque Bruno Le Maire de deux secrétaires d’État (dont l’un aux côtés de Darmanin) qui devraient resserrer la surveillance autour d’un ministre difficile à gérer. Dans la foulée, Macron continue sa stratégie de grignotage à gauche.

On avait parié sur une éviction brutale de Bruno Le Maire, qui multiplie les sorties tonitruantes et les initiatives perfides (comme la commande d’un rapport sur l’invention fiscale du temps où Macron était en charge du dossier à l’Élysée). Finalement, l’attribution du poste de porte-parole à Benjamin Griveaux à plein temps permet un mouvement de translation limité, mais qui comporte plus d’une facette.

Une spécialiste de la grande entreprise auprès de Le Maire

L’arrivée de Delphine Gény-Stephann auprès de Bruno Le Maire devrait enfin doter Bercy d’un ministre qui a une connaissance concrète de l’entreprise. Les différentes sorties et arbitrages de Bruno Le Maire sur le sujet, en l’état, montrent en effet la perception stratosphérique, voire lunaire, de l’entreprise par le ministre qui en est en charge.

Delphine Gény-Stéphann ne peut se revendiquer d’une expérience réussie dans la vie concrète des entreprises, mais elle a participé à de nombreux conseils d’administration d’entreprises dont l’État est actionnaire. Polytechnicienne, elle a commencé sa carrière à Bercy et s’est occupée des participations de l’État. Elle devrait donc apporter une ligne directe avec l’Élysée sur tous les sujets de cessions d’actifs et d’intervention dans le financement privé.

On se souvient ici que c’est un sujet qui intéresse aussi particulièrement le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. On voit poindre l’arbitrage sous-jacent : dans la pratique, le volet « économie » de Bercy devrait commencer à reprendre une forme rationnelle, c’est-à-dire moins planante.

Remaniement à Bercy : un secrétaire d’État proche de Hamon

Olivier Dussopt, député socialiste qui n’a pas voté le projet de loi de finances pour 2018 manifeste la parfaite cohérence de son engagement en devenant secrétaire d’État… à Bercy. C’est la très grande prouesse de Macron de « renouveler » la politique en transformant la trahison et l’opportunisme en principe du futur.

L’intéressé présente donc un avantage : il devrait jeter un œil très politique sur les agissements de Bercy. Cet ancien porte-parole de Martine Aubry, proche de Hamon, est aussi président de l’association des petites villes de France. Il n’a donc pas hésité à dénoncer la baisse des emplois aidés dans les collectivités.

On comprend donc qu’il est aussi un gage donné aux élus locaux, notamment aux maires, sur la prise en compte de leurs besoins.

Un remaniement qui penche à gauche

Ce faisant, la nomination d’Olivier Dussopt est un nouveau signal envoyé par Macron sur un ratissage à gauche. Après la nomination d’Éric Lombard à la tête de la Caisse des Dépôts, le choix d’Olivier Dussopt est un nouveau braconnage sur les terres de gauche que Macron peut considérer comme « rattrapables ».

En l’espèce, l’analyse des profils concernés est intéressante et en dit long sur la recomposition politique à l’œuvre.

Lombard est issu de la grande bourgeoisie industrielle et membre historique des Gracques. Cette mouvance « rocardienne », de centre gauche avait en son temps manifesté sa défiance pour Ségolène Royal et la gauche qu’elle incarnait. Lombard appartient à cette gauche libérale, européiste, éclairée, volontiers élitiste, qui paraît assez naturellement assimilable au macronisme.

Olivier Dussopt est d’une « nature » très différente. Il n’appartient pas à cette grande bourgeoisie orléaniste qui constitue l’un des piliers essentiels à la majorité actuelle. Il est plutôt issu de la « province fédéraliste », de cette France du sud de la Loire où la relation à l’État central est façonnée par des siècles de distance.

C’est cette France-là qui frétille à l’idée d’une solidarité mutualiste plus que centralisée. Ce n’est pas la France de l’économie de marché au sens où nous l’entendons. Elle ne prise guère la libre concurrence et se méfie du grand capital. Mais c’est une France de petits bourgeois, de petits entrepreneurs qui sont attachés à leur « chez soi », à leur indépendance, et qui portent en eux une recherche d’équilibre proche de l’écologie et de la terre.

Il est intéressant de voir que cette France-là, celle des petites communes rurales, celle d’un revenu universel version solidariste au fond, se vit aussi comme Macron compatible.

Le travail de ratissage à gauche continue. Qui sera le prochain ?

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  • En attendant Macron nomme 2 ministres de PLUS, ce qui nous éloigne encore de l’idée d’un gouvernement « resserré ».

  • Olivier Dussopt m,’a surtout l’air d’un bon opportuniste. C’est une girouette prêt à tout pour être au pouvoir. Je pense pas que cela lui pose un problème de se renier pour un meilleur poste

    • @ Jacquessvd

      C’esr vraisemblable! Mais est aussi habile de « convertir » ses opposants influents! Si c’est une girouette, il trouvera une excellente explication convaincante à ce 180°! Le pouvoir est une drogue, comme l’argent!

  • Notre polichinelle de service se prétendait ne pas être socialiste.
    Il se disait « ni de gauche ni de droite » !… et il ratisse à gauche ? Et en « même temps » il est quoi ? Le sait-il vraiment ?

  • A parce que ce gouvernement n’est pas de gauche ?

    • @ Stéphane Boulots

      Non il n’est pas vieillottement de gauche! Ni de droite! On n’est pas président pour faire la politique qui plaît à une petite moitié des Français! Certains veulent même être le président de TOUS les Français! Même de ceux qui ne sont pas d’accord avec lui! Il n’est pas socialiste puisque ministre, il a démissionné et qu’il na été inscrit au parti que 2 ou 3 ans; il n’est même pas inscrit au parti LREM! Vous ne sortez pas de votre sysytème en bon Français résistant à tout changement sui ne soit pas une répétition du passé et des petites cases que vous avez en tête: pas étonnant que ce pays soit inréformable!

      • « Certains veulent même être le président de TOUS les Français »
        En accélérant l’intégration à une Europe technocratique dont une majorité croissante de français (c’était déjà plus de 55% en 2005 et tout montre que ça n’a fait qu’augmenter depuis) ne veut plus ?
        La bonne blague.
        Pas de gauche, en ne pensant pour résoudre chaque problème que taxes et régulations étatiques ?
        Quant au fait qu’il n’ait pas pris la peine de s’inscrire formellement à un parti qui n’a pas d’autre justification que de le servir (et dont il a bombardé un fidèle président tout en le gardant pour gérer les relations avec le parlement), l’argument confine au grotesque.
        Je ne sais toujours pas si vous êtes juste lobotomisé par l’idéal macroniste ou si vous êtes salarié de son équipe de communication mais vous êtes décidément gratiné.

        • La lobotomie est un sport national, ce pays est peuplé de zombies.

        • @ humpty-dumpty

          – Oui, une intégration européenne plus importante est évidemment le but poursuivi de 1954 à 2005 et la France y a participé dès le début.
          – Referendum 2005: le non n’a pas atteint 55%
          – Le traité n’a pas été adopté: décision conforme
          – Le traité de Lisbonne a été adopté (sans referendum: décision purement française) par le président de la république et les représentants du peuple français
          – La gauche n’a pas du tout l’exclusivité ni de la création de taxe ni de la régulation étatique, loin de là!
          – E.Macron a créé un mouvement « En Marche » dont il a démissionné le lendemain de sa transformation en parti « La République En Marche »
          – Le Délégué Général du Parti LREM, Ch.Castaner, a bien été élu, alors qu’il était seul candidat
          – J’ajoute qu’E.Macron, alors ministre, a bien démissionné volontairement du gouvernement (fait suffisamment rare pour être souligné!)

          Donc non, je ne suis pas « lobotomisé » mais certainement plus accessible à un système politique de « coalition » plus ouvert grâce à la proportionnelle où dans un large « centre » on trouve plus facilement des solutions nuancées aptes à aboutir à un consensus réaliste (qui ne sera pas « détricoté » par le suivant) que par un système binaire forcément réducteur (« droite – gauche ») renforcé par le vote majoritaire qui exige un vainqueur et un vaincu!

          Si vous regardez autour de la France, vous verrez que ce régime n’a rien d’exceptionnel!

          Maintenant, je comprend bien que cette « nouveauté » puisse vous troubler en brouillant ainsi vos cartes!

          • Près de 55% et pas plus de (en fait je voulais mettre plus de 54,5%), désolé pour cette faute de frappe qui ne change rien à l’affaire, c’est déjà considérable et je maintiens que ça a certainement augmenté depuis. Et si la France a effectivement participé à la construction européenne dès le début, le problème est précisément ce qu’elle est devenue ensuite, sans les Français puis même contre eux. Je ne considère pas que les représentants du peuple français aient, en 2008, représenté ledit peuple ; plutôt ce qu’ils estimaient bon pour lui (sans doute de façon sincère, pour beaucoup). C’est ce paternalisme technocratique (le divorce peuple/élites est devenu un lieu commun) qui me semble à la fois non libéral, non démocratique, et en définitive, mauvais.

            Aller arguer de la « décision conforme » et du « vote des représentants » c’est très joli du point de vue du respect des _formes_ démocratiques. Mais comme le rappelle très bien une des meilleures affiches du collectif Antigone présentant les photos de MLK et Rosa Parks, une loi même démocratiquement votée selon tous les critères formels attendus peut être outrageusement injuste.

            Toujours sur ce problème d’adéquation de la forme au fond, si vous ne voyez pas le problème dans une élection à un seul candidat désigné par un chef qui « officiellement » n’est pas le chef, je ne peux plus rien faire pour vous.

            Enfin, mon problème n’est pas la « nouveauté » de recherche d’un « consensus réaliste », c’est que je crois le « consensus » auquel on aboutit délétère pour le pays. Et les six premiers mois ne m’ont pas fait changer d’avis.

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