Le marché, meilleure défense contre le harcèlement sexuel

Un marché libre, c’est un premier pas pour mettre fin à toutes formes d’exploitation au travail, y compris concernant le harcèlement sexuel.

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Le marché, meilleure défense contre le harcèlement sexuel

Publié le 16 novembre 2017
- A +

Par Jeffrey Tucker.
Un article de la Foundation For Economic Education

Lin Farley est la femme qui inventa l’expression « harcèlement sexuel » en 1975. Aujourd’hui, elle est profondément mécontente de la tournure que prend le mouvement qu’elle a lancé et pense même qu’il a échoué. Elle écrit :

Au début, on avait l’impression que ce terme avait le pouvoir de tout changer, les femmes actives ont immédiatement adopté cette expression qui, enfin, décrivait la coercition sexuelle qu’elles subissaient quotidiennement.

Il est vrai qu’en donnant un nom à cette pratique, ajoute-t-elle, les règles régissant la vie des entreprises et de l’État ont commencé à changer. Les programmes de formation contre le harcèlement sexuel sont devenus courants. Les femmes jouissant d’un certain degré de réussite professionnelle, disposant de ressources et d’alternatives ont désormais accès à de nouvelles procédures pour demander réparation. La loi a changé. Les avocats ont gagné gros.

Cependant, en ce qui concerne la femme active lambda, Lin Farley est moins convaincue que beaucoup de choses aient réellement changé dans la pratique.

Mettre des mots sur ce phénomène a beaucoup moins encouragé la parole que je ne l’avais imaginé en 1975, je pensais que cela contribuerait à un vrai changement dans notre culture.

Pire encore, le terme « harcèlement sexuel » a permis à tous ceux qui prétendent que la culture et les dynamiques de pouvoir ont évolué de citer les nouvelles règles pour preuves.

Les lois sont inefficaces

Ce n’est pas la première fois que de nouvelles lois ne donnent pas l’effet escompté. Que propose alors Lin Farley ? Excepté recommander plus de discussions, plus de visibilité, plus de hashtags #metoo, elle ne semble pas avoir de solution si ce n’est écrire des articles d’opinion rageux dans le New York Times.

Demander davantage d’intervention étatique revient seulement à combattre la coercition avec davantage de coercition – ne voilà pas une voie très prometteuse.

Je propose une alternative : un marché du travail libre comme meilleure défense possible contre toutes les formes d’exploitation sur le lieu de travail, y compris celles qui prennent une forme genrée ou sexuelle.

Les lois, les obligations et les règlements qui emprisonnent les individus dans certains emplois, industries et parcours professionnels rendent les salariés plus vulnérables aux abus de la part des employeurs. Un marché du travail hautement concurrentiel est le meilleur moyen d’équilibrer le pouvoir entre les propriétaires/directeurs et la main d’œuvre.

Plus nous nous éloignons de la réalité d’un marché libre, plus l’exploitation du personnel devient un problème majeur.

Précisons tout de suite qu’il n’y aura jamais de solution utopique. Notre monde ici-bas ne verra jamais régner une sainte morale universelle. Il nous faudra toujours compter avec les trolls, les abrutis et les patrons qui exploitent.

La véritable question qu’il faut se poser est la suivante : comment réduire le pouvoir qu’ont les personnes néfastes sur les gens biens, d’une manière causant le moins de tort possible aux individus et à la société ? Au minimum, les victimes et les victimes potentielles ont besoin d’un moyen de s’échapper. L’issue de secours doit être claire, peu coûteuse et non préjudiciable.

Cela va plus loin que le simple droit de démissionner et de trouver un nouvel emploi. L’enjeu est d’établir un marché de l’embauche extrêmement compétitif, de telle sorte que les employeurs se doivent d’être des personnes honnêtes s’ils veulent attirer et retenir la main d’œuvre. Ils doivent se comporter correctement au risque de perdre des talents au profit de leurs concurrents.

C’est l’argent qui incite, instruit et forme les individus à devenir de meilleures personnes. Ce serait une économie dans laquelle personne ne se verrait imposé ou ne serait forcé d’endurer des humiliations faute d’alternatives.

La voie capitaliste

Rendre possible une telle échappatoire était au cœur de la révolution libérale du XVIIIe siècle : plus  de servage, plus d’esclavage, plus de servitude. C’est ce qui nous a donné le capitalisme, le seul système économique qui ait réussi à éliminer l’exploitation dans les relations entre le travail et le capital (Marx avait compris l’exact inverse).

Regardons ce que Ludwig von Mises écrivait en 1927 sur le pouvoir du travail par rapport au pouvoir du capital dans un marché libre :

 

L’embauche d’un travailleur dans une entreprise privée n’est pas un témoignage de bienveillance mais un marché dans lequel les deux parties, l’employeur et l’employé, trouvent leur compte. L’employeur doit s’efforcer de payer à l’employé une rémunération en rapport avec son rendement. S’il ne le fait pas, il court le risque de voir l’employé passer chez un concurrent payant mieux. L’employé doit s’efforcer de s’acquitter de ses fonctions de telle sorte que son salaire soit justifié et qu’il ne coure pas le risque de perdre sa place. L’emploi n’étant pas une faveur mais un marché, l’employé n’a pas à craindre d’être congédié parce qu’il serait tombé en défaveur. Car l’entrepreneur qui congédie pour une telle raison un employé capable et méritant ne nuit qu’à lui-même et non à l’employé, qui trouvera une utilisation correspondante.

C’est beau, n’est-ce pas ? Absolument. Cet idéal semble fabuleux à condition que nous parvenions à le mettre en pratique. En tout premier lieu, Mises souligne le problème que pose le fait d’intervenir dans un marché libre.

Toute intervention donne naissance à des modes de management bureaucratiques censés remplacer les forces du marché ; ce qui ne fait que réduire les droits réels des salariés, même lorsque cela se produit au nom du droit du travail.

Quelles sont donc ces interventions qui ont fait reculer les droits des travailleurs et qui ont donné aux patrons l’impression de ne pas tant être l’une des parties d’une transaction commerciale que d’ « accorder des faveurs » réclamant contrepartie à leurs salariés ?

La liste est longue mais on y trouve la couverture santé et les congés payés obligatoires, les charges patronales, les permis d’exercer, le salaire minimum et le reste de ce qui constitue le soi-disant « droit du travail » qui ne fait que piéger les salariés dans des emplois qu’ils ne peuvent quitter.

Tous ces règlements étouffent la concurrence sur le marché du travail. Ils nuisent à l’employabilité des salariés et les incitent à s’accrocher à leur poste actuel. Pour bien faire comprendre mon argument : l’Obamacare a massivement contribué à faciliter le harcèlement sexuel.

Garder son travail à tout prix

Pensez à votre propre situation. Si vous quittiez votre emploi aujourd’hui, combien de temps vous faudrait-il pour en trouver un autre ? Combien de temps seriez-vous sans revenu ? Dans certaines branches du secteur tertiaire comme la restauration ou l’hôtellerie, cela prend généralement quelques semaines. Mais dès que vous aspirez à des postes plus élevés, vos perspectives s’assombrissent. Il faut parfois de six semaines à deux mois pour décrocher un nouveau travail.

L’indemnité de licenciement, par tradition, ne couvre que deux semaines de revenus. Ensuite, il faut songer à ce problème crucial que représente la couverture santé. La course contre la montre démarre tout de suite. Vous devrez vous rendre sur le mal nommé « marché » dominé par l’Obamacare ou payer une pénalité à l’État.

Et puis, vous devrez peut-être déménager, et cela représente un coût certain. Pendant ce temps, vous essayerez de passer le plus d’entretiens possible et de faire bonne impression alors même que vous êtes en panique au sujet de votre vie, de votre statut social et de vos finances comme jamais auparavant.

Vous pensez à tout ça et vous vous dites :

« Bon, je pense que je vais garder mon travail. C’est vrai, mon patron est un abruti. Il me met mal à l’aise. Il a toutes sortes de problèmes. Mon manager m’a déjà fait de vagues insinuations qui m’ont gêné. Il me crie dessus sans raison, juste pour montrer son pouvoir. Mon superviseur trolle sur mes réseaux sociaux et pose des questions personnelles qui ne le regardent pas. Mais que puis-je faire ? Personne ne veut être au chômage.»

Cette stagnation au niveau du marché de l’emploi explique de manière notable pourquoi les employeurs  ont un pouvoir disproportionné sur leurs salariés. C’est un facteur contributif majeur qui permet et perpétue l’exploitation. Plus il y a de choix sur le marché du travail, plus les salariés sont en mesure d’exiger de la part de la direction un management honnête, respectueux et bienséant.

« Revenez, s’il-vous-plait ! »

Il y a quelques années, à une époque où l’économie était en pleine croissance et où les entreprises cherchaient avidement de la main d’œuvre, je fus témoin dans une petite épicerie d’une scène que je n’oublierai jamais. Une jeune employée arriva en retard de quelques minutes. Son patron était furieux contre elle, il se mit à lui crier dessus devant les clients, le visage rouge de colère.

Elle se tint là, encaissant tout. Quand il eut fini, elle enleva calmement son badge et le posa sur le comptoir. Elle lui dit « au revoir » et sortit par la grande porte.

Que pensez-vous qu’il se passa après ? Tout de suite, le patron se rendit compte de son erreur idiote. Il se précipita vers la porte pour l’arrêter et la supplia de revenir. Je ne pouvais pas entendre la conversation, mais il parut la convaincre. Excuses, augmentations, de meilleurs horaires, la promesse de ne plus se comporter comme un abruti… je ne sus pas ce qui lui fit changer d’avis mais quelque chose la persuada de revenir et de reprendre le travail.

Je regardai cette scène émerveillé. Voilà, l’image d’un idéal ! Le contrat de travail est un échange dont les deux parties bénéficient. Si l’une des parties veut se retirer, l’accord est rompu.

Personne n’est jamais blessé. Personne n’est jamais humilié. Personne ne devrait jamais avoir à fournir un quelconque service, qui n’est pas dans le contrat, pour obtenir une contrepartie. La justice, l’honnêteté et les valeurs humanistes peuvent triompher.

Un marché libre est un premier pas pour mettre fin à toutes formes d’exploitation au travail, y compris le harcèlement sexuel, l’obscénité, les gestes inappropriés, les promotions canapé, les déjeuners qui durent trop longtemps et deviennent trop intimes, les textos suggestifs, les mails personnels envoyés tard le soir, les questions envahissantes sur la vie personnelle, les intimidations subtiles ou pas si subtiles que ça, ou toute autre forme de contrainte.

Le chemin vers la paix et la dignité humaine est le même ici que partout ailleurs: en rendant toutes choses volontaires.

Vous avez envie de rétorquer que ça ne mettra pas fin au problème ? En effet. Mais c’est le meilleur moyen possible pour améliorer nos vies et diminuer la souffrance humaine. Et c’est bien plus que ce que n’importe quelle loi, n’importe quel éditorial, n’importe quelle campagne d’humiliation ou n’importe quel espoir rêveur que l’humanité puisse s’améliorer d’elle-même ne pourront jamais accomplir.

Traduction Contrepoints

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  • Le marché libre signifie concrètement la suppression du salariat qui établit un esclavage rétribué : travail contre argent, dans lequel le rapport de force ne sera que très rarement en faveur de l’employé.

    • pourquoi donc ? Dans le cas où l’employé peut facilement trouver du travail ailleurs, en quoi le fait d’échanger son travail contre de l’argent le rendrait-il dépendant de son employeur ?

      • C’est un échange gagnant perdant.

        C’est l’échange qui crée la richesse, pas le travail qui ne peut être valorisé que si le produit du travail est échangé.

        L’employeur a la capacité de s’enrichir, alors que l’employé ne le peut que si il y a un mécanisme de redistribution, ce qui veut dire socialisme. C’est l’employeur qui gère la création de richesse et qui en exclut l’employé quand celui-ci est salarié.

        • @ Stéphane Boulots
          Votre conception du salariat est trop limitée. Le salariat permet de bénéficier d’un encadrement pour acquérir de l’expérience et faire évoluer ses compétences. Rien ne vous oblige à rester salarié à vie. Le salariat, c’est comme les études, une étape dans un parcours professionnel dont l’objectif est toujours de réaliser un idéal d’indépendance et de liberté créatrice de valeurs.

  • Admirable cette photo de Weinstein faisant un discours devant des jeunes femmes en admiration, dans une université qui, comme chez nous, n’admettent que des gens de gauche à y venir.

  •  » C’est l’argent qui incite, instruit et forme les individus à devenir de meilleures personnes.  »

    Parce que chez « les malfaiteurs professionnels », l’argent n’est pas ce qui peut motiver de passer à l’acte, sans doute?

    La morale, c’est bien beau! Mais où commence le harcèlement?
    Dans les dernières années, des divorces « difficiles » ont donné naissance à des plaintes de pédophilie du partenaire avec qui partager la garde, bien sûr sans témoin et sans preuve autre qu’un discours appris par un enfant de 5 à 10 ans: le juge ne peut pas choisir! Mais le mal est fait!

    L’homme (le plus souvent) a été accusé en justice de pédophilie et, disent les gens: « il n’y a pas de fumée sans feu »!

    « Mission accomplie! »

  • Merci à l’auteur pour cet article très juste. J’ajoute qu’en matière de harcèlement, j’ai souvent observé que les hommes et les femmes savent souvent s’entendre pour en protéger les victimes potentielles. Par exemple, dans les entreprises les harceleurs sont connus et les dernières recrues sont généralement prévenues par les personnes en place.

  • Comme tout ce qui est dénoncé par cette gauche malfaisante, la campagne anti harcèlement actuelle me semble une fois de plus enfoncer des portes ouvertes. C’est au moment où les femmes ont acquis beaucoup plus de force pour se défendre des harcèlements et où la catégorie des hommes harceleurs a laissé la place à des hommes plus évolués qui sont de plus en plus rarement concernés par ce type de comportement, qu’une gauche avide de semer la zizanie vient poser un problème en passe d’être de mieux en mieux résolu sans elle.

    • @ Virgin

      Oui, je comprends bien: entre la gauche forcément « maléfique » et la droite « la plus bête du monde », une campagne anti-harcèlement sexuel « forcément de gauche » enfonce des « portes ouvertes » (ce sont les femmes trop « accueillantes ». Et les hommes ont évolué (on rêve?) ultra-maîtres d’eux mêmes et de leurs pulsions, malgré les encouragements de la gauche!
      N’importe quoi dans un pays où 1 femme meurt tous les 3 jours sous les coups (physiques) de son partenaire! Ça a bien commencé d’une façon!!!

      Pourquoi se ridiculiser avec la politique qui n’a rien à voir: on fait comme d’hab’, on balaie ça sous la carpette?

  • C’est un non sens économique de parler de discrimination dans une économie de marché, il y en a pas A COMPETENCES EGALES. Une entreprise pratiquant de la discrimination disparaitera au profit d’entreprises ne pratiquant pas la discrimination. les seules facons d’avoir de la discrimination dans une économie de marché c’est soit que les consommateurs soient prêts à payer plus chers pour se fournir auprès d’entreprises qui discriminent soit que la discrimination est imposé par l’état. C’est la base même de l’économie.
    Le meilleur moyen de lutter contre la discrimination s’est par le marché. Si on regarde l’histoire, la plupart des discriminations sont causés par l’État. En israël, PQ y a t il eu une amélioration de la situation des arabes israéliens ? C’est grâce au fait qu’Israël s’est libéralisé. Avant israël était très socialiste, bcp d’entreprises appartenaient à l’État donc forcément elles engageaient plutôt des juifs. Avec la libéralisation, les entreprises sont devenus privées donc elles engagent leurs employés pour leur compétence. Imaginons que les entreprises discriminent les femmes. Celles ci coûteront moins chers sur le marché de l’emploi donc d’autres entreprises les engageront et disposeront d’un avantage substantiel sur leurs concurrents qui discriminent. Celles ci auront le choix entre arrêter de discriminer ou faire faillite. Je conseillerais de lire les travaux de Gary Becker (prix nobel d’économie) sur le sujet. Il a montré que la concurrence permettait de grandement diminuer les discriminations.
    Les discriminations se font toujours avec l’aide de l’état.

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