Propriété : les sirènes de l’autogestion

L’autogestion, ou syndic bénévole, a toujours existé. Certes, elle progresse. À cause de la médiocrité de certains syndics ? Peut-être. En vérité ce sont surtout les lois inflationnistes des quinze dernières années qui l’ont provoquée.

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Propriété : les sirènes de l’autogestion

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 14 novembre 2017
- A +

Par Gilles Frémont.

Pas facile de relancer les mauvais payeurs, surtout quand ils sont vos voisins de palier.

Les esprits s’emballent pour le tout numérique, univers lumineux aux possibilités infinies dans lequel l’Homme jouit de la plus grande liberté de choix et d’action, nouveau continent aux mille merveilles où il peut tout découvrir, tout faire, tout seul, tout de suite, et presque tout gratuit.

La sensation full digital débarque aussi en Copropriété et on s’en réjouit. La vieille dame avait bien besoin d’un coup de jeune. Grâce au numérique les copropriétaires consuméristes sont mieux informés (la sacro-sainte information) et les échanges entre eux ou avec leur syndic sont fluidifiés (à condition toujours de savoir s’exprimer).

Les applications collaboratives

Les logiciels développent des applications collaboratives où chacun peut maintenant participer à la vie de son immeuble. Tout le monde peut donner son avis, même si personne n’en tient compte. Tout nouveau tout beau. Voilà un bon outil de communication et peu importe que la dématérialisation des conversations encourage les comportements hostiles.

Maintenant faire croire aux copropriétaires que le miracle numérique va d’un coup de baguette magique leur permettre de s’autogérer en trois clics et se libérer enfin du joug de l’affreux syndic, bon à rien, inutile et toujours trop cher, n’est que boniment du marchand.

L’autogestion, ou syndic bénévole, a toujours existé. Certes, elle progresse (10% en 2015 contre 5% en 2005). À cause de la médiocrité de certains syndics ? Peut-être. En vérité ce sont surtout les lois inflationnistes des quinze dernières années qui l’ont provoquée.

À surcharger toujours plus le syndic de tâches administratives, les lois l’ont contraint à remonter ses honoraires. La loi gâte les choses en voulant les rendre meilleures, et à cause d’elle les petites copropriétés n’ont plus les moyens de se payer un gestionnaire professionnel.

Point d’emballement, car même avec de séduisants logiciels intuitifs, et malgré un syndic un peu plus cher, l’autogestion demeurera toujours marginale. Pourquoi ?

Syndic, l’autorité régulatrice

Le métier de syndic a des origines séculaires et répond à un besoin naturel : l’autorité. Dans la célèbre pyramide de Maslow, la satisfaction du besoin de sécurité arrive immédiatement après la satisfaction des besoins physiologiques. Interrogez les professionnels et ils vous diront tous qu’ils sont un peu le maire du village, son défenseur et son gendarme, l’autorité qui régule, et même son médecin de famille qui écoute et soigne les maux, l’autorité compétente.

On peut tout demander à son syndic, de s’occuper des affaires communes bien sûr, mais aussi des petites affaires privées qui arrangent tout un chacun. Il n’y a plus de gardien, le syndic l’a remplacé.

On peut lui taper dessus sans se donner mauvaise conscience puisque l’être humain se désincarne dans l’institution syndic, une personne morale et professionnelle qui ne peut avoir mal. Pour la paix de l’immeuble, mieux vaut hurler sur son syndic que sur son voisin.

Au fond, le syndic est là pour ça, il a bon dos et c’est pour ça qu’on l’aime, diront les plus honnêtes… ou qu’on le paye, diront les plus mesquins.

L’autogestion est éphémère

Il n’est pas impossible toutefois de se passer du syndic professionnel, quand les planètes s’alignent, quand se conjuguent multiples facteurs humains : un copropriétaire leader, disposant de temps libre (à la retraite ou en freelance), une petite équipe de bénévoles autour de lui (parce qu’on ne peut pas tout faire tout seul), des voisins qui ne se déchirent pas, et que tout ce bel édifice dure dans le temps.

Car la rotation des propriétaires dans un immeuble s’accélère aussi. Que se passera-t-il le jour où cette perle rare de copropriétaire meneur et dévoué vendra son appartement et quittera l’immeuble ? Sera-t-il aussitôt remplacé par un voisin clone de même valeur ?

Bien sûr que non. Les copropriétaires pousseront l’un d’entre eux à prendre le relais, le volontaire-désigné d’office acceptera sans joie, et fera illusion un temps avant que ses amis ne se rendent compte que ce n’est plus tout à fait comme avant. Ils commenceront par être un peu déçus, et après plusieurs essais ratés avec plusieurs chanceux, désappointés, ils s’en retourneront voir le bon vieux syndic, celui-là même qu’ils avaient quitté l’esprit empli d’illusions.

Ils se diront que même s’il n’est pas parfait, au moins il fera le boulot et le sale boulot, et eux pourront s’en retourner à leurs occupations, leur travail, leurs proches, leurs loisirs, leur repos. Fin de l’aventure.

L’inspiration anarchiste des humains se croyant aptes à s’organiser sans dirigeant est utopique. Les expériences montrent que l’autogestion, dans le champ politique ou économique, mène à des résultats très contrastés. Elle peut exister, mais de façon  marginale et éphémère. « La précipitation est presque toujours suivi du repentir ».

Le travail n’est pas gratuit

Les militants de l’autogestion, pour qui la baisse inconditionnelle des charges est une obsession, plaident la raison économique.

Admettons que les autogérés économisent leur quote-part d’honoraires du syndic, disons quinze euros par mois et par personne. Mais comme dans la vie rien n’est gratuit sauf l’air qu’on respire, ils paieront de leur temps et de leur énergie.

Et lorsque les choses iront se compliquer, ils se paieront aussi un expert-comptable pour remettre de l’ordre dans leurs comptes, et un avocat pour interpréter leur Règlement de copropriété qu’ils ne savent pas lire.

Au bout du compte feront-ils vraiment des économies ? Pas vraiment. Chacun est libre de cultiver son potager plutôt que d’acheter au supermarché. On n’est jamais mieux servi que par soi-même certes, mais faire soi-même c’est long, c’est fastidieux, c’est compliqué… c’est du travail. Et le travail, ça se paye.

Alors ne balayons pas le syndic d’un revers de main, mais ne balayons pas non plus quelques avantages de l’autogestion. Les deux modes d’administration peuvent très bien se croiser.

La voie médiane de la cogestion

La cogestion se dose suivant les besoins de l’immeuble, la volonté et les compétences du conseil syndical, et la souplesse du professionnel. Bien que les esprits chagrins ressassent le contraire, le syndic et le conseil syndical savent se parler et organiser leurs relations depuis longtemps, et notre bien-aimé digital facilite grandement les choses.

L’accès aux documents du syndicat sur un site sécurisé extranet s’est développé chez les syndics, bien avant son obligation en 2015. Les nouveaux syndics en ligne, quoiqu’on en pense, sont un exemple de cogestion rendue possible grâce au numérique.

Et grâce à la loi aussi, car en effet dans les immeubles de quinze lots au plus, la loi Alur en 2014 autorise la délégation de pouvoirs au conseil syndical pour la mise en application et le suivi des travaux et contrats financés dans le cadre du budget prévisionnel de charges (art. 25a loi du 10 juillet 1965).

Ne pas se priver du support du syndic

Légalement, le conseil syndical assiste et contrôle la gestion du syndic. Il est d’usage que certains conseils assistent un peu, d’autres beaucoup, et encore d’autres pas du tout, c’est ainsi.

Une grande implication du conseil syndical se rapprocherait d’ailleurs de l’autogestion, mais sans se priver du support du syndic, avec ses conseils, sa médiation, sa carte professionnelle, sa garantie financière et sa responsabilité civile professionnelle. Sans l’entrave du contrat de syndic type, les parties pourraient plus facilement concevoir leur cogestion sans avoir à passer par de curieuses conventions annexes.

La cogestion inspire d’ailleurs l’avant-projet de réécriture de la loi du 10 juillet 1965 élaboré par le groupe de travail appelé GRECCO. Celui-ci instaure pour les grandes copropriétés un conseil d’administration autonome et plus efficace, autrement dit un conseil syndical aux pouvoirs élargis.

La cogestion est donc possible dans les petites comme dans les grandes copropriétés. Tout est une question de liberté de choix et de modus operandi entre les parties (exit donc le contrat de syndic type trop strict). Le numérique ne fera qu’aider. Les copropriétaires dévoués seront contents de s’occuper de leurs travaux, et laisseront leur syndic s’occuper des mauvais payeurs… et de tout autre sujet qui fâche.

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