Glyphosate : Nicolas Hulot va sacrifier « humainement » les agriculteurs

Pour l’instant, aucune décision n’a été prise concernant le glyphosate. Ce que Nicolas Hulot considère comme une victoire bien commode pour effacer ses dernières déclarations sur le nucléaire.

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Nicolas Hulot 2013 by French embassy in the US(CC BY-NC 2.0)

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Glyphosate : Nicolas Hulot va sacrifier « humainement » les agriculteurs

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 novembre 2017
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Par André Heitz.

Le 9 novembre 2017, à Bruxelles, les États membres ont encore trouvé le moyen de ne pas décider quoi que ce soit à propos du renouvellement de l’autorisation du glyphosate : ni autorisation ni interdiction.

 

Glyphosate : ni oui ni non

Quatorze pays se sont prononcés pour une autorisation de cinq ans – la quatrième « enchère » descendante de la Commission après les 15 années qui seraient d’usage dans le cas d’une substance sûre déjà sur le marché depuis 40 ans, dix ans, et cinq à sept ans.

En faveur de la proposition : Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Irlande, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, République Tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède.

Neuf pays ont voté contre : Autriche, Belgique, Chypre, Croatie, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte.

Et cinq se sont abstenus : Allemagne, Bulgarie, Pologne, Portugal, Roumanie.

Au dernier tour de piste, ils étaient 17 à approuver une durée de dix ans… trois se sont abstenus sur les cinq ans parce qu’ils en veulent dix. On nage en pleine irrationalité.

Il y aura donc un comité d’appel d’ici la fin novembre, avec un vote sur la même durée de cinq ans. L’issue est prévisible. Et après ? Selon les règles de comitologie, il reviendra à la Commission de prendre la décision. Mais nous entrerons peut-être dans une nouvelle ère de la (dé-)construction européenne, la Commission ayant annoncé de manière répétée que la décision devait être « partagée », en fait prise, par les États membres.

 

Et pendant ce temps, le nucléaire entre dans les bonnes grâces du gouvernement

À Paris, les termes du marchandage sont aussi devenus clairs. Une fois de plus, l’agriculture et l’approvisionnement alimentaire ont été sacrifiés au nucléaire et l’approvisionnement électrique.

Le mardi 7 novembre 2017, M. Nicolas Hulot, ministre de la Transition Écologique et Solidaire, annonçait, en bref, le report aux calendes grecques de la réduction de 75 % à 50 % de la part de l’électricité d’origine nucléaire, pourtant actée « à l’horizon 2025 » dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

C’est une annonce qui devrait interpeller les amoureux de l’ordre démocratique et, disons-le, civique : où est l’autorité des institutions quand un Parlement adopte une loi – qui dispose pour un avenir lointain – et que, à peine deux ans après, un gouvernement non encore acculé à l’échéance décrète l’objectif inatteignable ? C’est certes le cas – pire, l’objectif est stupide – mais on aurait attendu l’annonce d’un projet de loi abrogeant la disposition en cause.

M. Hulot s’est évidemment fait le messager d’une décision présidentielle et gouvernementale à laquelle il est en principe hostile (mais son ex-fondation n’a-t-elle pas bénéficié de solides subventions de grands groupes de l’énergie, dont EDF ?). « Je préfère le réalisme et la sincérité à la mystification » a-t-il déclaré à l’issue du Conseil des ministres.

C’est là une préférence bien nouvelle ! On aurait aimé qu’il se l’appliquât et en convainquît ses amis « écologistes » à l’époque où l’Assemblée nationale fixait avec enthousiasme des objectifs à réaliser par d’autres. Mais on admettra sans peine que la Macronie vient de tirer un trait sur un des délires de la Hollandie. Ou faut-il dire Royalie…

Et c’est une préférence dont on aurait aimé qu’il se l’appliquât pour le glyphosate (ou encore pour la fin des véhicules à moteur thermique pour 2040).

 

Encore des plans sur la comète

Les amateurs de billard à trois bandes penseront que le moment de l’annonce a été soigneusement choisi : M. Hulot prend des coups – surtout de ses amis, bientôt ou peut-être déjà anciens – le mardi et le mercredi… et le jeudi il peut plastronner avec une grande victoire à Bruxelles.

Il a déclaré à des journalistes :

« On a franchi une étape, on était parti pour réautoriser dix ans, la France tient bon sur trois ans. »

Et cela se poursuit par de beaux plans sur la comète dignes du quinquennat révolu :

« C’est normal que le passage de dix ans à trois ans ne se fasse pas de manière si fluide, mais on avance, on est en train de changer d’échelle […] tout le monde a inscrit dans son logiciel qu’au-delà d’une réautorisation […], ce sur quoi il faut travailler, c’est comment […] on va s’affranchir de toutes ces molécules qui, de manière assez justifiée, occasionnent une défiance entre le consommateur et le mode alimentaire. »

Ainsi, dans le logiciel de la Macronie, on trouve le bug de la Hollandie : on décide d’abord ; on voit comment on fait ensuite…

On est pourtant conscient dans les hautes sphères que c’est une belle bêtise. Le 10 octobre 2017, devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Édouard Philippe avait notamment déclaré :

« Constatant qu’il n’existe pas à ce jour de produits qui puissent aboutir aux mêmes résultats que ceux élaborés à partir du glyphosate, constatant que certains agriculteurs souhaitent pouvoir transformer leur façon de produire mais que d’autres se trouvent dans la nécessité d’utiliser ces produits, j’ai demandé au ministre de l’Agriculture et au ministre d’État chargé de la Transition écologique de préparer une stratégie de sortie du glyphosate. »

Que penser de la gesticulation à prétention anesthésiante de M. Hulot ?

« Pendant ces trois ans, on va pouvoir travailler pour faire émerger les alternatives. »

Que c’est bien la preuve qu’à l’Hôtel de Roquelaure on sait qu’il n’y a pas d’alternative. Nous n’écrirons pas : « pas encore », car s’il y en avait – à l’échelle de l’agriculture française, et pas seulement d’une ferme prétendument vertueuse – cela se saurait. Et elles seraient déjà appliquées à grande échelle car, contrairement aux légendes urbaines, les agriculteurs ne sont pas des maniaques du pulvérisateur.

En fait, la réponse est déjà donnée par M. Hulot :

« Je comprends l’inquiétude des agriculteurs qui sont un peu accablés par toutes les contraintes qu’on leur pose : on va faire ça le plus humainement et rationnellement possible. »

« On » va sacrifier l’agriculture et les agriculteurs… mais « humainement ».

En 2007, lors du Grenelle de l’Environnement – sur l’instigation notamment de Nicolas Hulot et de son Pacte Écologique – le président de la République Nicolas Sarkozy avait sacrifié l’agriculture pour prix de la tranquillité (qu’il n’a pas vraiment eue) sur le nucléaire. François Hollande a poursuivi la politique des renoncements, et ce, pour des concessions étriquées, notamment sur les OGM et des pesticides « emblématiques » comme les néonicotinoïdes.

 

Ni OGM ni pesticides, ni glyphosate

En offrant le glyphosate à Nicolas Hulot comme hochet à agiter devant ses anciens amis et une opinion dite « publique » travaillée au corps, Emmanuel Macron vient toutefois de faire « mieux » que ses prédécesseurs.

Le refus des OGM était un renoncement à des progrès. Au-delà des grandes gesticulations d’Écophyto (dont certains éléments sont tout à fait positifs), le refus de certains pesticides a créé des difficultés qui n’étaient pas insurmontables (et – c’est contre-intuitif – des atteintes à l’environnement). Sans glyphosate, nous aurons une formidable régression agronomique, écologique, économique, sanitaire et sociale.

Tout ça pour maintenir la paix gouvernementale et succomber à la démagogie. Quelle déception !

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