« Hillbilly Elegy », le roman d’une Amérique déclassée

Un best-seller vendu aux États-Unis à plus d’un million d’exemplaires sur cette Amérique déclassée qui a participé à la victoire électorale de Donald Trump.

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« Hillbilly Elegy », le roman d’une Amérique déclassée

Publié le 4 novembre 2017
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Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari

Hillbilly Elegy, le roman autobiographique de J.D. Vance est traduit en français. Ce best-seller est un document exceptionnel qui aide à comprendre la situation actuelle des déclassés de l’Amérique profonde et les raisons de l’élection de Donald Trump. Avec pour conséquence, la perte de confiance à l’égard des institutions et la nécessité de reconstruire des communautés.

L’Amérique déclassée

Si vous ne l’avez pas déjà lu, procurez-vous au plus vite Hillbilly Elegy, ce roman autobiographique de l’américain J.D. Vance publié en français début septembre aux Éditions Globe et écoutez les excellentes chroniques que Brice Couturier y a consacrées sur France Culture (1, 2 et 3).

Pourquoi ? Parce que vous y trouverez un livre divertissant, poignant et intéressant. C’est un best-seller aux États-Unis où il a été vendu à plus d’un million d’exemplaires car c’est un témoignage sidérant de l’intérieur de la société américaine « déclassée ». Cela aide à comprendre comment une personnalité comme Donald Trump a pu y être élu le 45e président.

Faire mentir les probabilités

J.D. Vance est né et a grandi à Middleton dans l’Ohio aux États-Unis. Son père décide de le donner pour adoption au compagnon du moment de sa mère. Celle-ci a fait face à de graves problèmes d’addiction tout au long de sa vie et enchaîne les maris.

Dans ce contexte instable et parfois même dangereux, J.D. Vance trouvera refuge auprès de ses grands-parents maternels. C’est grâce à eux qu’il pense être parvenu à s’en sortir, à grimper l’échelle sociale et faire ainsi mentir les probabilités.

Conscient de la chance qu’il a eue, il a voulu écrire son histoire. Ce faisant, il comble le fossé qui sépare, selon l’expression du journaliste David Brooks, les « gens de Mots » (Word People) de ceux qui ne les manipulent justement pas aisément.

La fin du rêve américain

Diplômé de Yale, devenu avocat, J.D. Vance nous aide à pénétrer l’intimité de communautés sinistrées par le chômage, la pauvreté et la fin du rêve américain. Certaines pages sont des révélations sur la vie de ces gens et donnent un éclairage pertinent sur l’élection de Donald Trump.

Les membres de ces communautés peuvent davantage s’identifier à ce dernier qu’à un Barack Obama ou une Hillary Clinton. L’auteur écrit ainsi :

Aux yeux de beaucoup de Middletowniens, le président est un extraterrestre pour des raisons qui n’ont rien à voir avec sa couleur de peau. Il ne faut pas oublier qu’aucun de mes camarades de lycée n’est allé dans une grande université. Barack Obama en a fréquenté deux, dans lesquelles il a brillé. Il est riche, intelligent et il s’exprime comme un professeur de droit constitutionnel. (…) Le président Obama a fait ses débuts en politique alors que beaucoup de gens, dans ma communauté, commençaient à croire que, dans l’Amérique moderne, la méritocratie n’avait pas été forgée pour eux. Nous savons que nous sommes en train d’échouer.

Profond fatalisme

Vance ajoute que ce sentiment, en particulier le détachement que ressentent les membres de sa famille, de ses voisins, de sa communauté à l’égard de la société dans laquelle ils vivent, doit se comprendre à la lumière de la perte d’identité qu’ils vivent.

Car celle-ci s’est forgée sur le mythe du rêve américain, le sentiment de vivre dans le meilleur pays du monde. Or, ce mythe est brisé et un profond fatalisme s’est installé au sein de ces populations blanches du fin fond des États-Unis.

J’ai trouvé cet aspect passionnant. Le scepticisme que l’auteur porte à l’égard de toute solution simple aux problèmes qu’il décrit au fil des pages m’a aussi semblé percutant.

On aimerait qu’il y ait des solutions faciles à concevoir et à mettre en œuvre aux problèmes de nos sociétés, mais il n’en est rien. Le témoignage de J.D. Vance est un bon guide pour appréhender cette complexité et comprendre que les solutions sont aussi à chercher au plus proche des communautés elles-mêmes.

Il ne croit donc pas en une politique publique magique ou un programme gouvernemental innovant. Car le problème pour nombre d’enfants dans ces milieux, c’est avant tout ce qui se passe (ou ne se passe pas) dans leur foyer.

Et reliant sa réflexion à ses expériences, il est convaincu que ce qui compte pour ces enfants, c’est de pouvoir compter sur des membres de leur communauté susceptibles de les soutenir, les conseiller, les encourager.

Le rôle déterminant des services sociaux

Joignant l’acte à la parole, il a annoncé en mars dernier son retour dans les Appalaches afin d’y lutter au sein d’une association contre l’addiction aux opiacés. Pour lui, la reconstitution de communautés vivantes et dynamiques est plus importante que le transfert d’argent vers les plus démunis.

De même, il insiste sur le rôle parfois déterminant que jouent les services sociaux dans ces familles et plaide pour davantage de flexibilité dans l’exercice de leur fonction, en particulier quand il s’agit de savoir si un enfant peut être confié à un membre de la famille au sens large, même si celui-ci n’est pas formé et ne bénéficie pas d’un permis pour éduquer.

Pour J.D. Vance, il y a donc beaucoup à faire. Il faut redonner à ces communautés ce dont elles manquent cruellement : « Du talent, de l’énergie et des citoyens engagés à construire des entreprises et des institutions civiles viables ».

Au final, ce livre milite en faveur de la diversité institutionnelle. Il met en avant l’importance d’une cohabitation respectueuse entre arrangements humains, volontaires et complémentaires, permettant aux individus de continuer à vivre en société, sans tomber dans un choix binaire, celui de l’isolement ou du déracinement.

J. D. Vance, Hillbilly Élégie, éditions Globe, 2017.

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