Quand le socialisme a asservi le peuple russe

« Comprendre la révolution russe » de Martin Malia est une brillante leçon d’histoire philosophique qui mérite d’être lue et relue avec attention.

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Gisants soviétiques by Jean-Pierre Dalbéra Fragments de bas-reliefs représentant les peuples de l'URSS du pavillon soviétique de l'exposition internationale de 1937(CC BY 2.0)

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Quand le socialisme a asservi le peuple russe

Publié le 29 octobre 2017
- A +

Par Gérard-Michel Thermeau.

Peu d’ouvrages m’ont autant marqué que celui-là. Depuis longtemps dans ma bibliothèque, Comprendre la révolution russe avait été publié dans une collection de poche, Points histoire, en 1980. Ce livre très profond de Martin Malia bénéficiait d’une préface d’Alain Besançon. Il a été un temps mon livre de chevet et reste un des essais les plus pénétrants sur la mise en place du premier régime communiste de l’histoire.

Le socialisme est une licorne

Comme le souligne Martin Malia, le socialisme est une licorne. C’est une bête fabuleuse censée être l’antithèse parfaite d’un régime appelé le « capitalisme » par ses contempteurs. Le capitalisme est un terme vague qui renvoie à tout ce qui est censé ne pas aller dans le monde, un système reposant sur la cupidité et le profit, une société injuste écrasant l’être humain. Le socialisme, tout aussi vague, renvoyait à une socialisation des moyens de production et de distribution associée à l’image d’une société plus juste et fraternelle.

Le socialisme restait donc une pure abstraction au début du XXe siècle. Tout va changer en 1917 ou plus exactement en 1918, l’année décisive comme la nomme si bien l’auteur. Pour Martin Malia, il se passe cette année-là un phénomène unique dans l’histoire. Tout ce qui n’est pas ouvrier et paysan disparaît. Il n’y a plus d’élites en Russie. C’est ce vide social qui va permettre au Parti de remplacer la société. L’effondrement économique est par ailleurs total.

En juillet 1918, la situation est tellement désespérée pour le pouvoir bolchevik que Lénine décrète la Terreur. Les soviets sont épurés, les partis mis hors la loi. L’utopie « soviétique » a vécu. Le terme « ennemi de classe » va désigner désormais tous les ennemis de l’État à Parti unique. Lénine va réaliser, par des mesures improvisées, une étatisation de l’économie. Le socialisme prend pour la première fois un sens concret.

Étatisation et militarisation

Désormais toutes les mesures prises par le pouvoir vont s’interpréter comme permettant de réaliser le socialisme. La réquisition militaire des produits agricoles devient l’intensification de la lutte des classes dans les villages. L’abandon du communisme de guerre et la tolérance du marché noir sont rebaptisés alliance révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie moyenne.

Parallèlement à l’étatisation de l’économie il y a la militarisation de la société. C’est pour équiper l’armée rouge que fonctionnent l’industrie nationalisée et la politique agricole. Une fois éliminées les élites sociales, une fois transformé le prolétariat en salariés de l’État, il ne reste plus qu’un groupe social autonome, la paysannerie. La bureaucratie va donc remplir le vide laissé par la disparition de tous les groupes sociaux pouvant constituer une élite.

Le parti, souligne Martin Malia, devient un appareil d’administration. Le Politburo s’impose comme comité directeur aux pouvoirs absolus aux dépens du Comité central. Il fonctionne de façon autoritaire de haut en bas. Les effectifs gonflent de 125 000 avant la révolution à 600 000 membres à la fin 1920. La durée de la guerre civile va permettre l’établissement définitif du monolithisme du nouveau Parti. Ce monolithisme prendra le nom de « centralisme démocratique ».

Ni Thermidor ni Restauration possibles

La révolution russe ne connaîtra pas son Thermidor car Thermidor suppose l’existence d’une société civile qui avait totalement disparu. Toute Restauration est également impossible : il n’y a plus rien à restaurer. La société civile de l’ancien régime russe était trop faible pour supporter le poids d’une guerre totale moderne. Et les membres du Parti sont issus des rangs des sous-officiers et des contremaîtres de l’ancien monde, pas tout à fait le peuple mais tout ce qui reste comme « intelligentsia ». Ce nivellement social inouï unique permet la mainmise par le Parti-État.

Désormais tout ce qui n’est pas le Parti est au service du mal et le mal doit être écrasé. Il faut donc interdire toute opposition, même socialiste. D’autre part, les communistes ont connu, grâce à lui, une ascension sociale qui les pousse à s’identifier à la mission universelle du Parti. Mus par l’ambition et l’opportunisme plus que par l’idéologie, ils vont se reconnaître en Staline, l’un des leurs.

La paysannerie, représentant les trois quarts de la population, est dans l’incapacité de devenir la classe dirigeante. Le pouvoir dans un premier temps va lui accorder des concessions, la NEP, avant de la mettre au pas dans le cadre de la collectivisation sous Staline.

Une brillante leçon d’histoire philosophique

À partir de 1929, Staline va donc reprendre le communisme de guerre mais cette reprise sera une réussite. Il va ainsi réussir à créer une croissance durable, au prix fort, et permettre l’étatisation totale de la paysannerie. Car le but visé n’était pas économique mais politique. Plus rien ne pouvait menacer la position du Parti dans le pays. Le socialisme avait désormais un visage : celui du servage généralisé de la population. Telle est la triste conclusion de Martin Malia.

Cette brillante leçon d’histoire philosophique mérite d’être lue et relue avec attention.

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  • Bonjour,
    D’accord avec vous. Toutes les convictions défendues de bonne foi sont parfaitement respectables.
    Il n’empêche pourtant que (((parallèlement))) :
    —— Si la THEORIE socialiste a bien pris la forme d’une application systématique pour la première fois ; l’économie dirigée avait déjà existé 4000 ans auparavant.
    Et pas si mal que ça, puisque Kléopatra nourrissait Rome qui dédaignait de plus en plus le travail de la terre ((à part certains gentlemen farmers comme Pvblivs Vergilivs Maro ou Marcvs Portivs Cato)).
    Ce système, habilement adapté aux réalités ((crues du Nil)) a même donné lieu à la plus haute et plus longue Civilisation de l’Histoire ; il en reste l’expression populaire de  »travaux pharaoniques ». Et, en Egypte il ne s’agissait pas de gâchis gigantesques. Il suffit de contempler les œuvres qui subsistent encore ;
    —— Il ne faut pas non plus oublier d’expliquer POURQUOI la Terreur a pu aussi bien prospérer. Franz Kafka soulignait  »La guerre a ouvert les écluses du mal. La misère, la famine, les millions de réfugiés…. nous sommes emportés, bousculés, balayés, les masses n’ont plus rien à quoi se raccrocher ».
    Et, pour la Russie, s’ajoute à cette  »Paix » restaurée par les Grandes Puissances, tous les corps expéditionnaires qu’elles ont envoyés pour  »Rétablir l’ordre démocratique », et, accessoirement, s’arroger des zones de suzeraineté, mines, voies de commerce, etc…….
    Ca ne vous rappelle rien? les  »Emigrés » de Koblenz, le  »Manifeste de Brunswick » menaçant Paris de destruction intégrale….  »La Terreur à l’ordre du jour » et les £ois de Prairial interdisant aux ‘suspects » de prouver leur innocence…..
    ((sans parler des illuminés, conspirateurs, sociétés secrètes et toutes sortes de gangs prophétiques, qui n’ont pas disparu, comme par enchantement, avec l’assassinat du Tsar Alexandre II, qui préparait pourtant les réformes essentielles )).

    • Bonsoir Hugo,
      En 1773, Mayer Amschel Bauer ( appelé actuellement Rothschild, aurait rencontré en secret dans le maison des Rothschild, rue juive à Frankfurt, douze bailleur de fonds juifs influents (des juifs autoproclamé) en fait (les Sages de Sion) pour mettre à l’étude une projet qui contrôlerait toute la ou les fortune mondiale..!!
      Aux dire de Herbert G. Dorsey, ces bailleurs de fonds auraient souligné, entre autre, le fait que la fondation de la Banque d’Angleterre avait permis d’exercer une influence considérable sur la fortune anglaise.. Ils déclarèrent aussi qu’il serait nécessaire que les banque exerce un contrôle absolu afin qu’ils puissent créer les base qui permettraient de contrôler le et, les fortune mondial.. Ils en retinrent les grandes lignes par écrit.
      Selon les documents de Dorsey et William Guy Carre Pawns in the Game, se plan aurait finalement été connu sous le nom de <>. l’Origine des Protocoles remonte an fait, à des siècle en arrière, ils auraient été remaniés par Rothschild avant d’acquérir leur vraie signification..! Donc ces Protocoles furent gardés secrets jusqu’en 1901, date à laquelle ils tombèrent dans les mains du Professeur Ruse S. Nilus..
      Celui-ci les publia sous le titre <>..
      Vitor Marsden les traduisait en anglais en 1921. Les Protocoles des Sages de Sion<<parurent en france en 1926 pour la première fois.. Je vous rapporter ce qui suit afin que vous sachiez, que je compatissiez avec nos frères juifs qui sont manipulés par de grandes puissance Occultes autant que nous. Alors ils y a bien 24 Protocoles, pr le recueil complet des Protocoles dépeint le situation actuelle de notre Monde…
      La plupart des gens qui emploient à tout va le mot <> n’ont jamais tenu le livre d’histoire dans leur mains et n’ont pas vraiment étudié l’origine et la provenance du
      Judaïsme et de son passé.. Et je peu affirmé que moins de 2% de ces personnes ont lu le Talmud et ont eu connaissance de la teneur de la Foi de ces Talmudistes..!!
      Si vous voulez comprendre le pourquoi que les Espagnoles, les Français, les Russes, les Anglais, et plus tard les Allemands ont voulu chasser les Juifs de leurs Pays, (Khaszar).???
      OUI, pourquoi n’y-a-t-il pratiquement que des juifs qui ont participé à la Révolution Bolchevique.?? Ils l’ont planifiée, financée et faite..!! Pourquoi les médias et les correspondants sont-ils entre les mains juives, las Banques aussi, les Acteurs en majorité son juifs, idem pour les Chanteurs ou les comédiens, voir même les Miss son juives et actuellement même les présidents de divers Républic sont Juifs  » Khazar »..!!
      Alors, on a fait croire à l’opinion publique occidentale, contrôlée par les médias, dominés par des juifs Ashkénaze, donc Khazar, que le terme d’antisémitisme s’appliquait presque exclusivement aux juifs.. En réalité un juif d’aujourd’hui est aussi Sémite qu’un Américain est Grec.
      Pourquoi en 1995 aucun juifs Khazar ne pouvaient entrer en Malaisie.??
      Donc, je parlerait des Rothschild, de Jacob Schiff, des Wartburgs, des Windsors, de Karl Marx, de Staline, de Lénine etc… Or aucun n’est Sémite. Tous sont de purs Ashkénazes, donc KHAZARS..!!! Pour la suite ol faut voir d’après le très conservateur et très explicite Oxford Universal Dictionary, le mot Sémite a été employé pour la première fois en 1875..
      Voir aussi dans le Dictionnaire de Langer de l’histoire du Monde..

  • Tout à fait exact. N’ayant plus aucun droit ni pouvoir la population est réduite à l’esclavage au profit de la nomenklatura du parti qui forme une société féodale, chaque membre étant le vassal de son supérieur, jusqu’au sommet: le premier secrétaire!

    • +1
      Les communistes ont recréé une société d’ordres esclavagiste.

    • bah la dictature du prolétariat..mais par par les prolétaires faut pas déconner quand même… qui ne travaille pas ne mange pas…donc au poteau les capitalistes « fainéants »…le parti les remplacera..mais pas au poteau bien sûr…ça pourrait faire rire…

    • Parfaitement.
      Et, symétriquement, avez-vous lu « £e Rat d’Amérique » ((Jacques £anzmann, 1956))?

  • Les commentaires sont fermés.

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