Les libertés publiques : une idée du passé ? Sur le énième projet de loi anti-terroriste

Alors qu’un nouveau texte est aujourd’hui discuté à l’assemblée nationale pour inscrire dans la loi les dispositions sécuritaires de l’état d’urgence, Contrepoints republie cet article en forme de mise en garde sur l’érosion de notre État de droit.

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Derrière le barbelé - Furcifer pardalis(CC BY-NC 2.0)

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Les libertés publiques : une idée du passé ? Sur le énième projet de loi anti-terroriste

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 septembre 2017
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Par Pierre-Marie Meeringen.

Selon les informations du journal Le Monde, confirmées par le Garde des sceaux, un nouveau projet de loi visant à « renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » est actuellement examiné par le Conseil d’État. Le principal objectif du gouvernement est par ce texte d’inscrire dans la loi certaines dispositions en vigueur dans le cadre de l’état d’urgence, portant notamment sur la surveillance administrative, les perquisitions, la fermeture des lieux de culte, l’instauration de périmètres de protection.

L’intérêt politique d’un tel projet de loi se comprend assez aisément. L’exécutif croit pouvoir y trouver une voie de sortie de l’état d’urgence – qui ne pourra pas être indéfiniment reconduit sans encourir une annulation du Conseil d’État, tout en rassurant le citoyen-électeur sur son intention de ne pas baisser la garde en matière de lutte contre le terrorisme.

Qu’en est-il exactement ?

Un projet en continuité avec les lois précédentes

En un sens, le projet de loi s’inscrit parfaitement dans la continuité des diverses lois votées depuis 2013 par la précédente majorité.

Une fois encore, la prétendue vigilance du gouvernement contre le terrorisme se traduit sur le plan législatif par le triptyque restriction des libertés publiques, extension des pouvoirs de police, marginalisation du juge judiciaire.

Toutefois, si l’on en croit les informations publiées par Le Monde, les atteintes aux libertés publiques prévues par le projet prendraient des proportions inconnues jusqu’ici. Songeons par exemple que pourrait être assigné à résidence par simple décision du ministre de l’Intérieur toute personne « dont il existe des raisons de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ». Ou que pour les mêmes raisons, l’autorité administrative pourrait décider de perquisitions avec la même simplicité ; qu’elle pourrait ordonner des perquisitions nocturnes dans les mêmes conditions, sur autorisation purement formelle du procureur de la République.

Recul consenti des libertés publiques

Le projet de loi n’étant pas à ce jour publié, il serait prématuré de commenter plus avant les dispositions qui y figureraient. Notons simplement que, dans quelques décennies, notre époque sera lue comme celle du recul partiellement consenti des libertés publiques face aux impératifs de sécurité.

Il fut un temps où l’on distinguait la sécurité et la sûreté. La sécurité, disait-on, supposait la protection des personnes et des biens face aux atteintes à leur intégrité. La sûreté, relevait-on, concernait la protection des citoyens face à l’arbitraire de l’exécutif, celui des lettres de cachet et des atteintes injustifiées à leur liberté. Saisie d’une hyperconscience des impératifs de la sécurité, notre société semble devenue aveugle aux exigences de la sûreté.

Il fut un temps où l’inviolabilité du domicile était un droit sacré. Churchill se félicitait de la supériorité du régime britannique sur les régimes totalitaires en observant que, au Royaume-Uni, lorsque quelqu’un frappait à la porte en pleine nuit, on savait qu’il ne s’agissait que du laitier. Désormais, la banalisation des perquisitions, notamment nocturnes, déplace durablement le curseur entre la protection de la vie privée et les prétendues nécessités de l’enquête.

Le mépris de l’autorité judiciaire

Il fut un temps où l’autorité judiciaire était, selon les termes de la Constitution, la gardienne de la liberté individuelle. L’administration qui s’apprêtait à porter atteinte aux libertés individuelles devait scrupuleusement défendre sa position auprès de juges qui, dans leur formation et leur pratique, étaient indépendants de l’univers administratif. Or, l’autorisation du juge judiciaire, peu à peu perçue comme une gêne pour l’administration, a été soit marginalisée soit remplacée par un contrôle a posteriori du juge administratif.

Il fut un temps où les défenseurs des libertés publiques n’étaient pas perçus comme des naïfs, complices objectifs du terrorisme ou dangereux gauchistes anti-flics. Car s’il y a de la naïveté à sous-estimer les exigences de la sécurité publique, il y a aussi de la naïveté à sous estimer la dynamique d’extension de l’État répressif et policier qu’ont pu constater, dans d’autres contextes, John Locke ou George Orwell.

Comme ce temps semble lointain. Si le projet de loi est adopté en l’état, nous aurons avancé d’un grand pas vers la servitude, jugeant que la lutte contre le terrorisme mérite bien une nouvelle fois le sacrifice de nos libertés. L’aurons-nous fait par peur, par ignorance, par incurie ? L’histoire jugera.

Cet article a été publié une première fois le 13 juin 2017.

Voir les commentaires (17)

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  • Cela va surtout créer des emplois de « surveillants » de contenu des commentaires de tous les sites web. Il va leur falloir, à ces sites de surveillances généralisés nationaux, une « moultitude » d’interprètes, puisque la France est multiculturelle par obligation d’état.
    Et là, avec les légions d’interprètes en langues orientales, il faudra aussi créer un bataillon de « surveillants » de ces « experts orientaux ».
    A toute complication, il faut complicationner et demi.

    • Oui, c’est sûre qu’avec ces réformes, ont va consacrer une partie plus importante du PIB, à construire des murailles autour des écoles, à doubler la sécurité au moindre événement sportif ou culturel, à mettre des caméras de surveillance partout… ce qui n’empêchera jamais un barbu de se faire sauter, mais allons y, on a trop sous à dépenser.

  • Bonjour,
    je ne suis ni diplômé en droit et ni en philosophie.
    Je ne vois pas trop ce que mes libertés publiques vont subir je ne suis tout simplement pas terroriste. Mais il paraîtrait que je ne comprends rien…..ah bon!.

    • Et bien, essayez de répondre à ces quelques questions simples :
      – Qui décide qui est considéré comme un terroriste ?
      – Qu’est-ce qui empechera cette personne de vous désigner terroriste à tord ? — et donc d’appliquer tout l’arsenal anti-terroriste à disposition

    • je ne suis tout simplement pas terroriste

      … et je vous en félicite!

      Beaucoup de gens comme vous se disent qu’ils n’ont rien à craindre de la police ou de la justice car ils n’ont rien à se reprocher.

      Mais ce n’est pas vous qui décidez si ce que vous faites est bien ou mal. Ce sont les agents chargés de vous surveiller qui en décident. De plus ce qui vous semble innocent aujourd’hui peut parfaitement être considéré comme un délit demain.

      Une petite recherche ouaibe sur « dérives état d’urgence » vous donnera des idées de ce qui peut vous tomber dessus sans contrôle du juge.

      • Après recherche…. j’ai pas grand chose de significatif

        • Ne vous inquiétez pas pour ça.
          Le moment venu, « on » trouvera bien quelque chose à vous reprocher 🙂

        • Si vous n’avez rien à vous reprocher alors vous n’avez rien à craindre !

          Non ?!

        • Bah, être gay fait parti des choses dont on a pas a cacher si l’on a rien à se reprocher dans plusieurs régions du monde.

          Avec des punitions amusantes de kalinours, comme la pendaison en publique.

      • @ fm06
        Vous avez tout -à-fait raison: manifestement le texte de loi proposé ne cible pas spécifiquement le terrorisme, qui peut, lui, demander des mesures d’exceptions; « l’ordre public », c’est vague et ça peut s’élargir à souhait: une manifestation habituelle, (marche dans la rue) peut être une raison de craindre un « trouble à l’ordre public ».
        Et évidemment le pouvoir du procureur (qui dépend peu ou prou du garde des sceaux) à la place de l’autorisation d’un juge (théoriquement plus indépendant) est bien dangereuse et complètement anti-« démocratique ».

  • Et on lit un peu partout que Macron serait libéral…

    • @ Jacques Peter
      C’est le côté « gaullien » d’E.Macron qui sans « suivre » Ch.De Gaulle, en utilise certains « tics » (une communication bien contrôlée et plus rare) mais aussi la décision « in fine » du chef de l’état: la constitution de la Vième prévoit cette autorité du seul chef (président) sur tout autre, même si le président consulte ministres et conseillers, en suivant ou pas leur avis, selon son seul jugement!
      Après l’attentat de Bruxelles-National, l’aéroport, une difficile identification (image d’une caméra de surveillance, chapeau, lunettes …), a nommé un suspect de façon erronée: le pauvre a évidemment subi un calvaire avant d’être lavé de tout soupçon. Pourtant personne n’est à l’abri d’une erreur!

  • « L’histoire jugera. »
    Malheureusement, quand l’Histoire juge, c’est qu’il est déjà trop tard :/

  • « Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, »
    – « Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
    – Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression »
    – Art. 12. -La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
    – Art. 16. « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

    Il n’y a qu’à rayer les articles désagréables/gênants/encombrants, quand on est politicien.

    – « Le terrorisme est la meilleure arme politique car rien ne motive davantage les gens que la peur d’une mort subite. »– Adolph Hitler

    – « Le Peuple n’a qu’un seul ennemi : son gouvernement. » – Antoine de Saint-Just.
    –  » Quand le Peuple craint son gouvernement, il y a tyrannie. Quand le gouvernement craint le Peuple, il y a liberté. » – Thomas Jefferson.

  • un ancien fiché  » S  » , intègre la police nationale ….apparament ,  » on  » le considère comme guéri …( valeur actuelle )

  • Sans vouloir blesser personne, en réalité toutes ces mesures nouvelles et les débats sans fin qu’elles génèrent sont en grande partie futiles. La réalité est que nous avons renoncé depuis un certain temps déjà à appliquer nos lois anciennes et nouvelles à certaines catégories de personnes vivant en France. Les politiques, les « associations », les juges, les enseignants, certains policiers et une majorité de nos lâches concitoyens sont responsable de cet abandon de notre état de droit et des valeurs républicaines. Nous avons commencé à payer l’addition, conséquence directe de ces choix. La note finale sera épouvantable… Les mêmes diront: « Comment est-ce possible? On ne savait pas », comme en juin 40!

  • Après les derniers attentats et après quelques temps ,les auteurs étaient connus…
    nos responsables par leurs négligences veulent se protéger. …..

  • Les commentaires sont fermés.

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