Tolkien, l’anarchiste sympathique

J.R.R Tolkien est un homme appréciant les arbres, l’amitié sincère, les bonnes choses de la vie. Il valorise grandement la liberté individuelle, le principe de subsidiarité et méprise la coercition.

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Tolkien, l’anarchiste sympathique

Publié le 16 septembre 2017
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Par Johan Honnet.

Pour ce petit billet du weekend, je ne vous propose pas une fiche de lecture ou de recommandations sur tel jeu de rôle ou tel jeu vidéo. Je vais revenir sur une œuvre archiconnue, vous aurez deviné laquelle à la seule vue du titre : je veux bien entendu parler du Seigneur des Anneaux.

J’ai découvert ce livre en vacances, il y a de ça une vingtaine d’années. C’est instantanément devenu un compagnon de route. J’ai dû le lire une douzaine de fois. Je n’y voyais alors que le récit d’un voyage épique dans un monde fabuleux, un récit somme toute manichéen, où vous aviez les forces du bien, les forces du mal et un combat éternel pour l’avenir du monde.

En vieillissant, j’ai découvert, strate après strate, toute la profondeur de cette œuvre. Et surtout, de son auteur, ce bon vieux J. R. R. Tolkien. Il fait sans doute partie de ceux que beaucoup trouvent sympathiques sans jamais les avoir rencontrés, sans jamais les avoir entendus, simplement en lisant une œuvre de fiction fruit d’une imagination fertile. Malgré mon ignorance quasiment absolue de la vie de cet auteur, je ne peux m’empêcher de ressentir non seulement de la sympathie pour cet homme, mais également le sentiment que j’arrive à le comprendre dans une certaine mesure.

Avouez qu’il a l’air sympathique.

J’en suis arrivé à la conviction que J. R. R. Tolkien était une sorte d’anarchiste conservateur aimant les choses simples comme boire un coup avec des amis au pub, fumer la pipe au coin du feu ou lire un bon livre dans le confort douillet de son chez-soi.

J’ai la conviction que Le Seigneur des Anneaux est un récit de voyage et de défiance vis-à-vis d’une certaine modernité -indifférente, collectiviste, soumise à une autorité suprême-. Loin d’être une fuite dans l’imaginaire, le monde des Hommes n’a rien d’idyllique, il est pourri par l’ambition, la folie, la duplicité, les préjugés…, les nains et leur cupidité ne sont guère mieux lotis ; même les elfes, pourtant exempts de la plupart des défauts, sont -je pense-, critiqués pour leur passivité, leur détachement et leur incapacité à vivre l’instant. Il me paraît clair que Tolkien préférait et de loin les hobbits.

Et je pense pouvoir le démontrer uniquement en me fondant sur ce qu’il a pu écrire.

 

Ni allégorie, ni conte de fée

À titre liminaire, il faut que je clarifie tout de suite deux choses fondamentales sur Le Seigneur des Anneaux : Tolkien n’a pas écrit son œuvre en voulant en faire une allégorie ; il refuse également la position escapist parfois associée à la fantasy.

Le Seigneur des Anneaux n’est pas une allégorie. Cela a été dit, redit, répété et rabâché par Tolkien au cours des années : Sauron n’est pas Hitler, il n’est pas non plus Staline.

La tentation d’en faire une allégorie peut se comprendre : les livres ont été publiés entre 1954 et 1955, mais leur rédaction a débuté en 1937. Au vu du contexte historique de la rédaction du Seigneur des Anneaux, il pourrait paraître raisonnable de soupçonner que cette lutte du Bien contre le Mal n’est que l’écho du conflit qui prenait alors place dans le monde réel.

Tolkien ne saurait être plus clair lorsqu’il expose, dans l’avant-propos de la seconde édition du Seigneur des Anneaux :

« La vraie guerre ne ressemble en rien à la guerre légendaire, dans sa manière ou dans son déroulement. Si elle avait inspiré ou dicté le développement de la légende, l’Anneau aurait certainement été saisi et utilisé contre Sauron ; celui-ci n’aurait pas été anéanti, mais asservi, et Barad-dûr n’aurait pas été détruite, mais occupée. Saruman, n’ayant pas réussi à s’emparer de l’Anneau, aurait profité de la confusion et de la fourberie ambiantes pour trouver, au Mordor, le chaînon manquant de ses propres recherches dans la confection d’anneaux ; et bientôt il aurait fabriqué son propre Grand Anneau, de manière à défier le Maître autoproclamé de la Terre du Milieu. Dans un tel conflit, les deux camps n’auraient eu que de la haine et du mépris pour les hobbits, qui n’auraient pas survécu longtemps, même en tant qu’esclaves. »

Le Seigneur des Anneaux n’est donc pas une allégorie, de l’avis même de son auteur.

Mais est-ce de la littérature escapist, c’est-à-dire permettant de se réfugier dans un monde imaginaire immersif de nature à nous faire oublier les vicissitudes du quotidien ?

La réponse, là encore, est non.

Tolkien ne contestait pas que ses œuvres permettaient de s’évader du quotidien mais rejetait catégoriquement l’idée que la littérature de l’imaginaire ait cet objet-là. Le monde imaginaire permet de remettre en perspective notre propre monde ; il permet aussi de tirer du plaisir de l’expérience d’évasion. La guerre, la mort, le désespoir, la vengeance font partie du Seigneur des Anneaux, tout comme de notre monde ; mais l’œuvre dépasse cela et nous décrit le fardeau de l’immortalité et des choix, le goût amer du devoir, l’espérance qui persiste, l’héroïsme véritable car humble.

Dans On-Fairy Stories, Tolkien nous expose son opinion sur la question :

« I have claimed that Escape is one of the main functions of fairy-stories, and since I do not disapprove of them, it is plain that I do not accept the tone of scorn or pity with which “Escape” is now so often used : a tone for which the uses of the word outside literary criticism give no warrant at all. In what the misusers are fond of calling Real Life, Escape is evidently as a rule very practical, and may even be heroic. In real life it is difficult to blame it, unless it fails; in criticism it would seem to be the worse the better it succeeds. Evidently we are faced by a misuse of words, and also by a confusion of thought. Why should a man be scorned if, finding himself in prison, he tries to get out and go home ? Or if, when he cannot do so, he thinks and talks about other topics than jailers and prison-walls ? The world outside has not become less real because the prisoner cannot see it. In using escape in this way the critics have chosen the wrong word, and, what is more, they are confusing, not always by sincere error, the Escape of the Prisoner with the Flight of the Deserter.

Just so a Party-spokesman might have labelled departure from the misery of the Führer’s or any other Reich and even criticism of it as treachery. In the same way these critics, to make confusion worse, and so to bring into contempt their opponents, stick their label of scorn not only on to Desertion, but on to real Escape, and what are often its companions, Disgust, Anger, Condemnation, and Revolt. Not only do they confound the escape of the prisoner with the flight of the deserter ; but they would seem to prefer the acquiescence of the “quisling” to the resistance of the patriot. To such thinking you have only to say “the land you loved is doomed” to excuse any treachery, indeed to glorify it. » (Source)

Pour les non-anglophones, je peux résumer sa pensée en quelques mots : le mot Escape a été mal utilisé. Du fait de cette mauvaise utilisation, les détracteurs de la fantasy confondent la fuite du déserteur (celui qui abandonne la réalité) et l’évasion du prisonnier -qui n’est pas condamné à ne penser qu’aux murs de sa prison, mais peut et doit penser au monde réel et à ce qui l’attend dehors-. Il ajoute que cette confusion s’étend aux compagnons de l’évasion que sont le dégoût, la colère, la condamnation et la révolte. Il ajoute que non seulement les détracteurs de la fantasy confondent désertion et évasion mais qu’en outre certains semblent aller jusqu’à préférer l’acquiescement d’un Quisling (un politicien norvégien, fervent collaborateur du régime nazi) à la résistance du patriote.

Autrement dit, Tolkien nous dit (avec vigueur) que la fantasy a bien pour objet l’évasion mais que cette évasion n’est pas une fuite, c’est un fervent désir de réel, du monde tel qu’il pourrait ou devrait être. Par exemple, une œuvre comme Nous autres de Zamiatine nous plonge dans un monde imaginaire pour mieux nous ancrer dans le réel : la description d’un État totalitaire imaginaire ne peut que faire écho à la construction de tels États « dans la vraie vie ».

Ainsi en va-t-il de tout travail de fiction, qui loin de nous enchaîner à la loi d’airain d’une implacable nécessité, nous fait apprécier le goût de la liberté, nous permet de changer de perspective sur le monde réel en nous autorisant à nous demander Et si ?...

Je laisse le mot de la fin de ce paragraphe à Gandalf, et je vous laisse juge du point de savoir si Tolkien professe la fuite devant les difficultés dans son œuvre :

Frodon : Je voudrais que l’anneau ne soit jamais venu à moi. Que rien de tout ceci ne se soit passé.

Gandalf : Comme tous ceux qui vivent des heures si sombres, mais ce n’est pas à eux de décider. Tout ce que vous avez à décider, c’est quoi faire du temps qui nous est imparti.

 

Tolkien, un gars qui aime la simplicité

Maintenant que nous avons évité ces deux écueils rédhibitoires (considérer que le Seigneur des Anneaux est une grande parabole sur le monde réel ; considérer que ce n’est qu’un vulgaire conte qui ne nous dit absolument rien du monde réel), nous pouvons passer aux choses sérieuses.

Mon approche est simple : je ne cherche pas à voir un sens caché dans la moindre phrase ; je vais me contenter de décrire les grands axes de l’histoire et du monde, et voir si ces choix -qui sont des choix artistiques de Tolkien- peuvent nous permettre d’entrapercevoir la personnalité et les valeurs de l’auteur.

 

Le Seigneur des Anneaux : les individus et le groupe

Le Seigneur des Anneaux fait l’éloge de la petite communauté, presque autogérée. Alors oui, parfois, il y a de la mesquinerie et il est fort pénible de devoir supporter certains voisins. Mais lorsque vous quittez les frontières du village paisible pour aller dans le vaste monde, vous constatez que le hobbit est minuscule, dérisoire, infime, inférieur en tous points à un monde vaste, emplis de grandes lignées, d’histoires glorieuses et de terribles menaces. La Comté paraît être une île, ignorante des enjeux du monde.

Et pourtant, ce ne sont ni les elfes immortels, issus d’une race supérieure piégée par la nostalgie et les regrets, ni les nains -autocentrés et égoïstes-, ni les hommes -aveuglés par l’ambition et la discorde- qui parviennent à sauver le monde. Ce n’est ni un homme seul, ni un groupe indistinct. C’est une communauté libre, des individus entiers qui coopèrent dans un but commun.

Sans exagérer la portée de la chose, cela ne me paraît pas pour autant insignifiant sur ce qu’est une bonne communauté : on peut être différent, avoir des histoires différentes, des vécus différents et pourtant réussir à s’associer et tresser des liens forts de respect voire d’amitié dès lors que l’on est tendu vers un but commun.

 

Tolkien, un gars qui se méfie de ceux qui veulent diriger autrui

Certains ont vu dans l’Anneau Unique un symbole de la bombe atomique, de l’industrialisation, d’Hitler et du nazisme. À mon avis, c’est plus fondamental que ça : l’Anneau Unique, c’est le pouvoir de dominer autrui.

Je tiens d’ailleurs à relever que Gandalf ou Galadriel refusent avec effroi l’Anneau Unique : oui, oui, ils pourraient exercer ce pouvoir pour le plus grand bien de tous… mais ce désir, peut-être légitime, ne pourra que s’exercer par la contrainte, la coercition, et aboutir à de grands maux.

Ainsi, Galadriel est limpide quant à son refus :

« And now at last it comes. You will give me the Ring freely ! In place of the Dark Lord you will set up a Queen. And I shall not be dark, but beautiful and terrible as the Morning and the Night ! Fair as the Sea and the Sun and the Snow upon the Mountain! Dreadful as the Storm and the Lightning ! Stronger than the foundations of the earth. All shall love me and despair !

She lifted up her hand and from the ring that she wore there issued a great light that illuminated her alone and left all else dark. She stood before Frodo seeming now tall beyond measurement, and beautiful beyond enduring, terrible and worshipful.

Then she let her hand fall, and the light faded, and suddenly she laughed again, and lo ! she was shrunken : a slender elf-woman, clad in simple white, whose gentle voice was soft and sad. “I pass the test”, she said. “I will diminish, and go into the West and remain Galadriel. »

En résumé, cette coercition dans un noble but serait une terrible chose. Mieux vaut que les hobbits le gardent : ils ne désirent pas particulièrement faire le bien d’autrui malgré eux, et n’ont guère de désir de domination (tout comme Tom Bombadil, d’ailleurs).

Quant à Gandalf, être surpuissant qui se contente de guider les autres pour qu’ils accomplissent leur destinée en n’intervenant que rarement me semble être l’antithèse d’un Saroumane, qui veut intervenir sur la marche du monde, au départ pour créer le meilleur des mondes possibles. L’arrogance, l’envie de savoir et de pouvoir, son amour du contrôle et de l’organisation… tout cela mène à sa chute. Ce besoin compulsif de contrôle le dégrade au fur et à mesure du roman jusqu’à le transformer en une chose misérable à l’âme infiniment mesquine.

Il convient enfin de rappeler le propos d’Elrond, qui nous rappelle que le seul désir de l’Anneau corrompt le coeur.

Ce n’est donc pas l’exercice du pouvoir qui corrompt, c’est le désir de domination, y compris (surtout ?) pour viser le bien commun. Par exemple, Boromir n’a jamais eu besoin d’exercer le pouvoir de l’Anneau pour finir par être corrompu ; la seule perspective de pouvoir l’utiliser pour le bien du Gondor suffira à assurer la chute de ce personnage.

C’est d’ailleurs pour cela que Bilbo a su si bien résister à la corruption de l’Anneau : il n’a jamais voulu l’utiliser pour contraindre autrui.

La répétition de ce motif (à savoir que l’envie de domination, y compris pour de nobles raisons, souille l’âme et corrompt l’esprit et le coeur) me paraît trop présent pour n’être qu’un simple hasard. Il s’agit indubitablement de quelque chose auquel Tolkien croit. Sans faire de Tolkien un libéral classique, cette défiance à l’égard de celles et ceux qui veulent faire le bien d’autrui y compris par la contrainte me paraît à tout le moins indiquer que ce dernier ne devait avoir qu’un appétit modéré du socialisme, de la planification, de la centralisation et des autoritarismes divers.

 

Tolkien, un gars qui est plutôt conservateur

Deux points me semblent importants quant à son conservatisme : son catholicisme et son antimodernisme.

Son catholicisme

Tout dans l’œuvre de Tolkien démontre un profond attachement à la foi catholique. Deux exemples suffiront, un tiré du Silmarilion, l’autre du Seigneur des Anneaux.

Je vais vous spoiler le Silmarilion, du moins le début. L’Ainulindalëest le nom elfique donné à la Cosmogonie de la Terre du Milieu (d’Arda, pour être exact, qui est le monde où se trouve la Terre du Milieu), qu’on appelle aussi Grande Musique. Au commencement était  Ilúvatar, le Père de Tout, l’Un, bref, un Dieu Unique.  Il est également appelé Eru.

Ce dernier est assisté par les Ainur. Au cours de la Grande Musique, composée par les Ainur sur le thème d’Eru, le monde fut créé, ainsi que les elfes et les hommes.

Parmi les Ainur sont les Valars, les plus puissants d’entre eux. Ces derniers ont accepté de descendre sur Arda pour s’en occuper. Vous en trouverez la liste ici. Parmi les Valars se trouvaient Melkor, dont l’étymologie est limpide : Le Puissant qui se dresse. Il était le plus puissant des Ainur ; comme les autres, il participa à la création du monde, mais à mesure que la chanson avançait, Melkor considéra qu’il pouvait améliorer la Grande Musique et décida d’y inclure des modifications de son cru, ce qui altéra la Grande Musique et créa une discordance.

Melkor descendit avec les autres Valars sur Arda, et se décida à détruire et défaire tout ce qui n’était pas de sa création : il souhaitait régner seul. C’est ce désir tenance, et son orgueil, qui entraînèrent sa Chute et en fit le Seigneur des Ténèbres.

Ilúvatar est le Dieu chrétien, le seul Dieu, tandis que Melkor rappelle fortement Lucifer. Il ne paraîtrait pas surprenant que la foi, sincère et profonde, de Tolkien ait pu avoir quelque influence sur sa conception de la cosmogonie de son monde imaginaire.

Toute l’histoire de la Terre du Milieu me paraît être ensuite le récit d’un long déclin, où les lumières de la Création s’estompent, et où le présent n’est qu’un lointain écho du passé.

Je tiens toutefois à nuancer ce que je viens d’exposer : rien n’est univoque chez Tolkien, et on peut relever, par exemple, que le titre Père de Tout est le nom donné au dieu germanique Odin. On peut également relever l’importance des arbres dans la mythologique de ce monde imaginaire, arbres qui tiennent une place centrale également dans la mythologie germanique (l’Arbre Monde, Yggdrasil, Irminsul…).

Il est donc également recevable de relever des sources d’inspirations païennes dans la conception du Seigneur des Anneaux. Il n’en reste pas moins que la mythologie décrite est celle d’un lent déclin du spirituel vers la matière, approche que j’ose qualifier de conservatrice (ce qui n’a rien de péjoratif, entendons-nous bien).

L’autre exemple du profond catholicisme de Tolkien me paraît résider dans l’ensemble des figures maléfiques du Seigneur des Anneaux : Sauron, les orques, Gollum et Saroumane. J’ai pu les évoquer ci-dessus, je n’y reviendrai donc pas. En bref, aucune de ces figures n’était maléfique au début : les uns (Melkor, Sauron, Saroumane) voulaient au départ le pouvoir pour ordonner le monde en fonction de ce qui leur paraissait être le mieux, avant de sombrer et de devenir des tyrans ; les autres (les orques, Gollum…) sont des serviteurs qui préfèrent l’obéissance (aux ordres d’un tyran, à leurs pulsions…) à la rébellion. Il est d’ailleurs intéressant qu’une fois l’influence néfaste de Sauron dissipée, les orques n’ont plus guère la volonté de combattre.

Aucune de ces figures n’est mauvaise au départ ; aucune ne se voit refuser la possibilité du pardon : à la fin du Seigneur des Anneaux (il est d’ailleurs intéressant que la destruction de l’Anneau ne soit pas la fin de l’ouvrage, Tolkien a encore des choses à nous raconter), les orques ne sont pas anéantis ; des terres leur sont offertes, où ils peuvent s’organiser par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Gollum, à de nombreuses reprises, s’est vu proposé la possibilité d’une rédemption ; et c’est d’ailleurs la pitié qui, en dernière analyse, sauva la Terre du Milieu.

Son antimodernisme

Je vais évoquer la fin de la trilogie : le retour à la Comté.

Cet épisode me paraît d’autant plus intéressant qu’il n’a guère de sens si on considère que Le Seigneur des Anneaux n’est qu’une fable épique dépeignant la lutte du Bien contre le Mal : quel intérêt d’avoir un arc narratif concernant une province reculée, avec des enjeux dérisoires, après que l’aventure épique soit close et bien close ?

L’intérêt me paraît être dans la description de la Comté, et sa réaction face aux vicissitudes de la tyrannie. Plus que jamais, cette tyrannie prend les accents du machinisme : en revenant, Frodon, Sam, Pippin et Merry ne peuvent que constater que les mignonnes bicoques ont été remplacées par des cheminées crachant une fumée noire, que les arbres ont été abattus, et qu’à la quiétude bucolique le nouveau pouvoir en place a préféré une laideur toute industrielle.

Certains voient dans cette apologie constante de la Nature une allégorie écologiste, ou une forme de réaction à l’égard d’une certaine modernité. Indubitablement, J.R.R Tolkien a une fibre rurale, antimoderne ; mais loin d’être une apologie, Le Seigneur des Anneaux ne me paraît être que la traduction de l’amour de son auteur pour l’élément naturel.

En conclusion, J.R.R Tolkien me paraît être un homme appréciant les arbres, l’amitié sincère, les bonnes choses de la vie. Il valorise grandement la liberté individuelle, le principe de subsidiarité et méprise la coercition -y compris pour le plus grand bien-, la planification, le collectivisme et le machinisme.

Cela en fait-il un libéral ? Absolument pas.

Cela en fait-il quelqu’un qu’un libéral pourrait apprécier, y compris sur le plan politique ? Je pense que oui.

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  • La conclusion « Cela en fait-il un libéral ? Absolument pas. » aurait sérieusement besoin d’être étayée !

    Les gens qui « valorisent grandement la liberté individuelle, le principe de subsidiarité et méprise la coercition -y compris pour le plus grand bien-, la planification, le collectivisme et le machinisme. » ne sont déjà pas très nombreux, j’ai peur que la conception et l’exigence de l’auteur ne réduise le nombre de libéraux sur cette planète à l’épaisseur du trait.

  • Les commentaires sont fermés.

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