La théâtralisation française

La théâtralisation française est quasiment cette obligation d’ajouter du drame aux négociations, de l’aigreur au dialogue, de la révolte à l’acceptable, du désordre à la tranquillité des échanges.

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Capture d'écran JT de 20h de TF1 : Emmanuel Macron et Edouard Philippe

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La théâtralisation française

Publié le 16 septembre 2017
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Par Philippe Bilger.

Au moment où j’écris ce billet, je n’ai pas d’indications précises sur le succès ou non des manifestations contre la loi Travail. Je relève cependant – et je ne suis pas étonné – la contradiction forte et habituelle entre le nombre affiché par les manifestants de Paris (60 000) et celui donné par la police (24 000).

Je ne me moque pas de ce qui s’est déroulé durant cette journée du 12 septembre mais j’admets que le président de la République a été bien avisé de se rendre enfin – il ne le pouvait pas auparavant, comme il l’a expliqué – dans les îles sinistrées, livrées aux pillages et aux destructions. Ce qui n’a pas empêché la ministre en charge de déclarer que l’État avait été à la hauteur.

Fainéantises collectives ou singulières

Je n’ai pas l’intention non plus de traiter les opposants protestant dans la rue de fainéants. Le président de la République a usé de ce terme – en le confirmant par la suite – et je ne le blâme pas.

Il y a en effet des fainéantises collectives ou singulières. Ce que je lui reproche, parce que la polémique était inévitable à cause de son abstention, est de n’avoir pas précisé qui il visait. Dénonçant dans le vague, il a agacé tout le monde. Il paraît que l’accusation de paresse ciblait les conservateurs depuis trente ans. Pourquoi pas ?

Ce qui est passionnant dans l’élaboration de ces ordonnances réformant le Code du travail et de sa suite frondeuse du 12 tient à ce qu’on pourrait baptiser de théâtralisation française.

En effet, et sur ce plan il y a quasiment consensus, la méthode utilisée par le Premier ministre et concrètement par la ministre Muriel Pénicaud – moins à louer ailleurs – a été remarquable de pertinence et d’habileté. Pour une fois l’expression galvaudée de dialogue social a eu du sens et les réunions se sont multipliées avec les syndicats pour aboutir à ces nouvelles dispositions.

Amour de la contestation dans la rue

Elles sont certes jugées trop molles par certains du côté du patronat et de l’opposition de droite « non constructive » ou beaucoup trop dures par la CGT, La France Insoumise et le FN. On pourrait en conclure l’heureuse issue d’un compromis, qu’une forme de synthèse a été menée à bien et qu’elle signe la réussite d’un gouvernement ayant divisé les syndicats mais quasiment obtenu l’aval de la CFDT et de FO (Le Figaro).

Mais nous sommes en France et ç’aurait été oublier que nous n’aimons rien tant que la contestation par la rue, même quand elle semble superfétatoire, en tout cas vouée à l’inefficacité. C’est comme si elle représentait un élément constitutif de notre démocratie, qui doit forcément s’ajouter au débat politique ou parlementaire…

Notre pays apparaîtrait orphelin si les forces syndicales ne récusaient pas par principe les conclusions, voire le consensus qui apparaît comme scandaleux en lui-même. Un progrès octroyé par l’État est forcément impur : il faut qu’il soit arraché, pour donner l’illusion d’une lutte sans laquelle notre France ne serait plus elle-même.

La posture d’abord

Que tout pouvoir soit présumé de mauvaise foi n’est pas nouveau. Mais chez nous cela va plus loin. On ne s’oppose pas à lui parce qu’il se serait trompé. Il s’est forcément trompé pour qu’on puisse s’abandonner à une opposition qui est dans notre ADN, notamment syndical. La posture d’abord : après, on trouve toujours de quoi la justifier !

La théâtralisation française est quasiment cette obligation d’ajouter du drame aux négociations, de l’aigreur au dialogue, de la révolte à l’acceptable, du désordre à la tranquillité des échanges, la contradiction prévisible de la rue à l’insupportable sérénité d’un processus engagé par le pouvoir et mené à son terme.

La France est très en retard. Elle n’a toujours pas compris que la force du rapport était plus décisive que le rapport de force. Et le réel et son évidence plus convaincants que l’outrance et le tohu-bohu visant à les nier.

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  • la 1er chose est de diminuer les dépenses publique…ça c’est une autre histoire…
    DE remettre sur la table …et d’en résoudre le ou les problèmes.. .
    la CSG nos parlementaires se sont vite empressé de ne pas l’appliquer pour soi-même. ..
    une seule caisse de Sécurité Sociale. …et les mêmes droits pour tous les Français. ..là,en rêve. ..pas prêt d’être fait…
    loi de moralisation de nos élus !!! du cinéma. ..
    simple à faire un élu qui se présente le casier judiciaire doit être vierge d’aucune condamnation durcis compris et aussi pendant son mandant..loi pipeau !!!
    emploi familiaux interdit ….qui n’empêche pas de contourner la loi ….je prend ta compagne tu prend ma fille…ou épouse. ..donc on résout rien…l’on contourne la loi dans la l’égalité. ..
    bref on change dans la continuité. ..bref des mots …

  • Je rejoins complètement l’analyse de Monsieur Bilger.
    Je vis beaucoup à l’étranger et suis entouré essentiellement d’anglo saxons.
    L’immense différence dans le dialogue avec un anglo saxon est qu’il respecte toujours vos idées, même s’il ne les partage pas ! Jamais il ne vous traite avec mépris, ne vous regarde de haut, ne parle de manière péremptoire ! Je parle là de dialogue aussi bien que de discussions en groupe !
    Et l’éducation nationale (puisque beaucoup de parents n’ont plus de « principes d’éducation » semble t-il ?) serait bien avisée d’enseigner aux enfants l’art du dialogue, de la conversation, de la confrontation d’idées ?

  • Superbe méthode de négociation nous dit-on. Avec comme résultat après 3 mois bien peu de changements, et bien peu de volonté de jouer le jeu dans la nouvelle configuration. Le seul bénéfice à ce jour est celui du doute, et nul ne sait encore en faveur de quel camp il va jouer. On en reparle dans deux mois ?

  • je répond Mr milrem..
    la loi doit être égalitaire. ..et non pas réservé pour le petit peuple …
    effectivement un parlementaire ce n’est pas un salaire mais une indemnité. ..bien chère payé pour le travail effectué. ..voir à l’assemblée entre faire la sieste lire le journal…le téléphone. …
    UN Smig leur conviendrer…ou une retraite de 1200 euros maxi..apres vous êtes riche…

  • Parler de fainéants n’était pas si bête. Parce que le fainéant, c’est comme le riche, c’est toujours… l’autre !

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