Ceux qui prennent des risques davantage taxés que les rentiers

L’affaire Pénicaud de cet été a fait couler beaucoup d’encre à propos des stocks options de la ministre du Travail. Mais qu’en est-il aujourd’hui de la fiscalité des différents revenus en France ? Taxe-t-on plutôt l’argent facile ou l’argent durement gagné ?

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Ceux qui prennent des risques davantage taxés que les rentiers

Publié le 15 septembre 2017
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Par Yves Buchsenschutz.
Un article d’Emploi 2017

De nos jours, si l’on caricature un peu, et même si personne ou presque n’a réellement le choix, il y a en fait quatre possibilités – légales – de s’enrichir :

Gagner à la loterie mais c’est assez aléatoire… nous l’écartons ;
Hériter de son papa ou de son oncle ou de quiconque d’autre, lequel héritage sera soumis à l’impôt sur les successions ;
Disposer d’un capital et le placer pour en tirer un revenu, lequel sera soumis à des prélèvements sociaux, l’impôt sur les revenus mobiliers, voire l’ISF.
Travailler et toucher une forme de rémunération en échange, le plus souvent un salaire soumis aux charges sociales et à l’IRPP.

Le sens de la pression fiscale

Tout le monde sera probablement d’accord pour observer que ces formes de gain sont classées ici dans un sens croissant d’effort pour le bénéficiaire. En ce sens, l’argent du salarié est un peu plus légitime que celui du rentier qui est lui-même un peu plus légitime que celui de l’héritier. Le rentier peut en effet avoir constitué lui-même son patrimoine ou lui consacrer du temps pour qu’il fructifie.

Et pourtant, le sens de la pression fiscale va globalement… à l’envers de l’effort demandé à l’individu ! Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le taux d’imposition des différents revenus :

Si l’on commence par les salaires, le taux d’imposition marginal maximum de l’impôt sur le revenu est de 45% qui s’ajoutent à environ 22% de charges sociales salariales et 42% de charges sociales patronales. Dans ce cas, pour 100 euros de salaire super brut au début… il en reste 30 à l’arrivée ! Quelle motivation ! ;

Les revenus mobiliers supportent – hors abattements et déductions – le même taux d’impôt sur le revenu, mais seulement 15,5% de prélèvements sociaux1 ;

Le taux d’imposition de l’héritage est beaucoup plus difficile à simplifier. Mais compte tenu des usages, exceptions, possibilités de dons, etc., et si l’on regarde les transmissions en ligne directe pour des montants usuels, il tend souvent vers celui de la loterie, c’est-à-dire sinon zéro, du moins de l’ordre de seulement 20% !

Rentiers contre travailleurs salariés

Il est donc assez frappant de constater qu’en France on taxe surtout les travailleurs salariés et on protège les rentiers-possédants. Ces derniers pourraient d’ailleurs être les investisseurs qui manquent tant ici. Mais ce qui est un comble c’est que le rentier-possédant verra sa rentabilité diminuer s’il prend des risques en investissant dans des start-up !

En effet, l’imposition des plus-values en France est souvent aussi forte que celle des revenus mobiliers sans risques. Ainsi, quand l’investisseur perd, il ne peut souvent rien déduire, mais quand il gagne, il paie toujours autant d’impôts. Le taux d’imposition est donc de fait inversement proportionnel à l’effort personnel déployé pour acquérir le revenu.

Comme tout cela était un peu trop voyant, et par clientélisme, le gouvernement Hollande a fait diminuer le nombre de ménages imposables sur le revenu (à 43% d’entre eux contre 50% en début de mandat), laissant la charge quasi totale sur ce que l’on a coutume d’appeler les « classes moyennes et supérieures ». Monsieur Macron, lui, se propose pour le moment de faire la même chose avec la taxe d’habitation ! Chercher l’erreur.

Des progressistes contre l’enrichissement

L’entreprise est un système de création de richesse qui, de fait, repose sur un contrat social entre le capitaliste qui met de l’argent au jeu et en attend un revenu et/ou une plus-value aléatoire, et le salarié qui vend sa force de travail en échange d’un salaire fixé d’avance. Dans les cas de très bonnes performances et résultat, l’intéressement des salariés et la participation permettent une sur-rémunération conditionnelle du salarié qui y a contribué.

Mais qu’en est-il du capitaine du navire (le management) ? Autrefois, celui-ci avait droit à une part significative de la revente de la cargaison au même titre que l’armateur (les marins souvent aussi d’ailleurs). Les gains aléatoires de l’entreprise étaient partagés entre le capital et le ou les « cadres supérieurs ».

Le processus des stocks options n’est en réalité que la transposition à notre époque de cet état de fait : donner une chance aux dirigeants opérationnels qui ont une incidence majeure sur les résultats de l’entreprise de participer aux gains en capital dans un mode adapté, comme l’apporteur de capital.

Pénalisation de l’effort

Cette disposition est fondamentalement sociale : des salariés, à condition de réussir, auront le droit de se constituer un patrimoine. Pourtant, tout ce que la France compte de personnes qui se veulent progressistes essaie jour après jour de préserver le privilège des possédants face à des salariés qui pourraient risquer de créer, à l’instar des États-Unis par exemple, une société dans laquelle la richesse se renouvelle en fonction des efforts et des apports des individus à la collectivité et non en fonction de l’héritage !

On nous oppose que le cadre dirigeant ne prend pas de risque. Mais aucun stock option n’a jamais rien rapporté si l’action n’a pas monté… Cela dépend donc directement du résultat atteint. Et nos chers politiques qui glosent jour après jour sur les stocks option de Carlos Ghosn, n’ont pas discuté les plus-values réalisables par l’État sur Renault (environ 5 milliards d’euros en 5 ans il nous semble). Mais s’enrichir, pour un salarié, c’est mal !

  1.  Qui ont néanmoins souvent été payées dans un premier temps car il faut bien que ce capital ait été constitué.
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  • Je pense malgré tout que le vrai problème reste sur les dépenses publiques qui ne cessent de dérapées et ne couvrent même plus le service minimum attendu. La racine de tous nos problèmes n’est donc pas les taxes mais leur cause. Quand réussira t on à imposer à nos élites une gestion de ce Pays. Quand exigerons nous de ces imposteurs la restitution de ce qu’ils nous ont volés, sur leur bien personnel. Nous passons nos vies à être financièrement, socialement, juridiquement dépouillé pour servir ces dictateurs.

    • La réduction de la dépense publique relève d’un autre monde, personne ne fait le lien entre réduction de la dépense publique, baisse des prélèvements que permettrait cette réduction, et meilleure vie pour chacun qu’induirait l’augmentation du reste à vivre net de prélèvements. Un tel cheminement intellectuel est pour beaucoup de la spéculation gratuite (donc une arnaque).
      Le même principe prévaut pour les investissements à risque versus ceux dits sans risque, le cheminement intellectuel suivant lequel en moyenne les investissements risqués apportent plus de profits que ceux sans risque demande l’effort de calculer la moyenne et rebute nos Français auxquels on a appris que l’arithmétique était un ennui et une excuse facile pour leur refuser ce qu’ils désirent.
      Quant à imaginer que la taxation puisse obéir à d’autres considérations que d’attraper l’argent où il se trouve en punissant ceux qui l’ont acquis, et forcément plus ceux qui en ont beaucoup que ceux qui n’ont pas cherché à en gagner, ce sont là des idées subversives d’étranger (et moi j’aime pas les étrangers, ils viennent manger l’pain des Français — Fernand Raynaud).

  • plusieurs erreurs philosophique ou fiscale dans ce document :

    La légitimité d’une possession (plus ou moins grande) ne se mesure pas à l’effort réalisé pour la constituer mais si les droits fondamentaux des individus n’ont été respectés ou pas.

    Ici, toutes les possessions énoncées sont parfaitement légitimes, aucune ne prend le pas sur l’autre.

    Si on prenait l’effort comme mesure, alors le maçon devrait être plus riche que Steve Jobs.

    Ce qui mesure la richesse, c’est la capacité à bien servir le consommateur.

    Sur le point fiscal, le salaire supporte des prélèvements sociaux qui donnent droits à des prestations sociales (de basse qualité, certes, mais ce n’est pas le sujet ici) tandis que les prélèvements sociaux sur les revenus fonciers, financiers ou succession ne donnent droit à rien, ce sont de vrais impôts, comme l’a convenu la cour des comptes.

    Bien cordialement,

    • « Si on prenait l’effort comme mesure, alors le maçon devrait être plus riche que Steve Jobs. »
      Qui dit effort dit énergie, sachant que le cerveau consomme 20 % de l’énergie du corps et cela 24 h/24, on doit remettre les choses dans l’ordre.

  • L’auteur de l’article a une approche de ce qu’il appelle les rentiers-possédants qui semble très théorique. Il me fait penser à ces vieux communistes qui traitaient des petits patrons de buveurs de sang sans avoir la moindre idée du travail qu’ils faisaient. La réalité est que les possédants qui permettent à la France d’être un pays avec des murs d’aplomb doivent bénéficier d’une fiscalité allégée pour ce faire au lieu d’être matraqués de taxes et de contributions. Outre le fait que les mêmes sont le plus souvent aussi des salariés qui utilisent leurs revenus disponibles après taxation pour investir et devenir éventuellement bailleurs. C’est un boulot assez exigeant qui comporte des risques (vandalismes coûteux, impayés) et qui bénéficie à la société. Quant aux héritiers, dans la plupart des cas, ils héritent surtout d’une charge de travail. De fait, l’héritier se retrouve au service du bien hérité plutôt que le contraire. La motivation de l’héritier, ce n’est pas de profiter mais de transmettre. Il hérite surtout d’un système de valeurs qui donne un sens à l’héritage dans la transmission. Sa mission, c’est de maintenir, de faire évoluer et de transmettre. Ce n’est pas une sinécure. Il devrait au moins être respecté pour le travail qu’il fait et qui permet au pays d’avoir des murs d’aplomb. Le possédant n’est ni un consommateur ni un rentier, c’est un créateur et un producteur de patrimoine. C’est aussi comme ça qu’un pays se construit.

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