Histoire longue des cyclones aux Antilles

Le cyclone Irma est-il lié aux « dérèglements climatiques d’origine humaine » comme l’assènent certains médias et politiciens ces derniers jours ? Certainement pas, comme nous l’indique une étude récente.

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Histoire longue des cyclones aux Antilles

Publié le 15 septembre 2017
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Par Benoît Rittaud.

Le cyclone Irma qui a dévasté Saint-Martin et Saint-Barthélémy dans les Antilles françaises a servi de prétexte à de nombreux commentateurs et journalistes pour en remettre une couche sur les « dérèglements climatiques d’origine humaine ».

Comme d’habitude, les vagues éléments de prudence rappelant qu’on ne peut tirer de conclusions d’un élément isolé ont vite été noyés par les « appels à l’action » et l’invocation de l’Accord de Paris de 2015.

Or, s’agissant du climat aux Antilles l’année 2015 a été importante pour une toute autre raison que la signature de l’Accord de Paris : c’est l’année de publication d’un article de recherche tout à fait passionnant sur les ouragans dans cette région du monde.

Le marégraphe de Brest

La longue tradition d’observation scientifique de notre pays avait déjà pour emblème le fameux marégraphe de Brest, fascinante série longue de données sur l’évolution du niveau marin à nulle autre pareille. Grâce à cet article de 2015 d’Emmanuel Garnier et al., nous disposons désormais, en outre, d’une exceptionnelle série de données sur les ouragans ayant frappé les Antilles françaises depuis le XVIIe siècle. Il faut se pincer pour y croire.

Regrettable oubli de nos médias ces jours-ci : pas un journaliste n’a pensé à interroger les auteurs de cette étude qui apporte pourtant un si utile éclairage sur la catastrophe naturelle qui vient de frapper les Antilles. On n’ose imaginer, bien sûr, que cette étrange indifférence trouverait sa source dans le fait que cette étude est fort loin d’apporter de l’eau au moulin des catastrophistes du climat.

Virtuellement certain

L’introduction indique que

Le GIEC souligne qu’il est « virtuellement certain » qu’il y a un accroissement de l’activité cyclonique tropicale depuis 1970 dans l’Atlantique nord. Cependant, l’absence de séries longues — c’est-à-dire la disparité des informations et des méthodes d’observation — empêche l’analyse de long terme pré-1970.

Voilà qui ressemble à une façon diplomatique d’expliquer combien il est présomptueux de tirer des conclusions à long terme sur la base de séries de données trop courtes.

Quoi qu’il en soit, en l’absence de technologie satellitaire disponible avant les années 1970, comment pourrait-on remonter plus loin dans le temps et disposer ainsi d’une vraie mise en perspective ?

Une documentation exceptionnelle

Pour les Antilles françaises, il y a une solution : les archives écrites, qui remontent jusqu’à 1635, époque de l’installation de la puissance française aux Antilles. Selon les auteurs, ces archives offrent une documentation qui n’est rien moins qu’« exceptionnelle ».

Elle fait honneur à l’administration française qui a, pendant quatre siècles, consigné les événements extrêmes « selon des procédures administratives standardisées [qui les rendent] homogènes et chronologiquement continues. »

Un véritable trésor, donc, dont on peut en passant se demander pourquoi il a attendu 2015 pour être mis au jour. La réponse tient à de bêtes questions de langue : les archives sont en français, et les principales études menées jusque là l’ont été par des chercheurs anglophones ou hispanophones.

Typiquement frenchie

En d’autres termes, les Français ont fait des merveilles pour consigner le climat des îles pendant des siècles selon des protocoles d’une parfaite rigueur, avant de laisser moisir ces inestimables documents au fin fond des archives.

Gâcher ce qu’on a de meilleur : attitude typiquement frenchie, heureusement corrigée, donc, par cette étude qui descend en droite ligne des fameux travaux qu’on ne présente plus de Le Roy-Ladurie sur l’histoire du climat.

Comme vous le voyez, nous voilà, pour notre plus grand plaisir, fort éloigné de la climatologie people contemporaine. On n’a d’ailleurs pas vraiment envie d’y revenir, fût-ce pour la critiquer. Mais bon. Tout ça pour dire que la conclusion de l’étude est à l’opposé de ce qui nous a été asséné sans nuance ces jours-ci (ma traduction, gras ajouté) :

Notre série révèle une forte variabilité de l’activité cyclonique [dans les Antilles françaises], avec un accroissement des occurrences entre 1750 et 1850 suivi d’une tendance décroissante jusqu’au XXe siècle. Pour ce dernier siècle toutefois, un tournant est visible à partir de 1956, avec un net accroissement des cyclones suivi à son tour d’un fort ralentissement après 1979. Depuis cette date, rien dans l’observation des cyclones ne soutient l’idée d’un changement climatique.

La figure suivante, tirée de l’article, l’illustre très bien :

Figure2

Il faut donc désormais, hélas, ajouter une nouvelle barre en 2017 qui monte jusqu’à la catégorie 5. Un soi-disant accroissement depuis 1970, en revanche, se fait heureusement toujours attendre.

Source : Garnier, E., Desarthe, J., and Moncoulon, D.: The historic reality of the cyclonic variability in French Antilles, 1635–2007, Clim. Past Discuss., https://doi.org/10.5194/cpd-11-1519-2015, 2015.

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  • Comment la force des cyclones a-t-elle pu être évaluée avant l’époque moderne ?

    • La catégorisation des cyclones se faisait avant les diffusiomètres satellitaires et les anémomètres, comme la mesure du vent suivant l’échelle Beaufort, par leurs effets sur les constructions et la végétation. C’est plutôt l’époque moderne qui a introduit des biais, en suivant les cyclones par avion et satellite même lorsqu’il n’y a pas de terre à proximité. Les interprétations mal intentionnées peuvent ainsi retenir aujourd’hui pour un cyclone une catégorie élevée tandis qu’avant les années 1970, seule la catégorie correspondant à la période où il avait affecté des terres, et donc souvent atténuée par ces terres, était disponible.

  • remarquons que les périodes 17560/1850 et 1956/1979 correspondent à des époques de refroidissement (!!!) ce qui est cohérent avec l’accroissement du gradient de température entre pôle et équateur durant ces époques ….

    • Donc si je comprends bien, avec un accroissement de températures plus fort au poles qu’à l’équateur, il devrait y avoir moins de cyclones ?

  • « On n’ose imaginer, bien sûr, que cette étrange indifférence trouverait sa source dans le fait que cette étude est fort loin d’apporter de l’eau au moulin des catastrophistes du climat. »

    … ou peut-etre parce que le papier de Garnier et al. a été refusé par le journal pour défauts méthodologiques et statistiques majeurs ?

    • Les défauts, dont certains réels et d’autres plus de non-conformité à l’étiquette des climato-globalistes anglophones, identifiés par les reviewers dans la présentation et l’interprétation des données, ne remettent nullement en cause les données elles-mêmes.
      Au contraire, le rejet ne fait que confirmer la fermeture du monde des catastrophistes du climat à tout ce qui ne peut pas être repris pour confirmer leurs thèses.

      •  »
        Au contraire, le rejet ne fait que confirmer la fermeture du monde des catastrophistes du climat à tout ce qui ne peut pas être repris pour confirmer leurs thèses.
         »
        Les complotistes disent exactement la meme chose.

        • Il y a une différence fondamentale entre accuser quelqu’un de fermeture d’esprit, sur la base de ses critiques rendues publiques envers un texte, ou de complot et d’intentions cachées. En l’occurrence, VB suggère que les données ne seraient pas valables parce que le papier a été rejeté, je prétends après les avoir lus que les commentaires des reviewers portent essentiellement sur la non conformité des présentations et des analyses à ce que j’estime leur schéma de pensée prédéfini, et quelle que soit l’opinion que je puisse avoir de ce schéma de pensée, ça n’est pas la question, les données ne sont pas remises en question, on ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et on ne peut transformer une absence de soutien en une condamnation.

    • Il ne fait état que des archives de l’administration française, donc il ne peut être défectueux.

    • Pour avoir commencé à lire les raisons du refus, ça ne me semble pas avoir d’impact tangible sur la conclusion finale.

      Un des problèmes soulevés c’est de faire la correspondance entre « l’échelle » des archives françaises et celle utilisée aujourd’hui.

      En quoi cela n’a pas de réel impact sur la conclusion ? Parce que, sans faire de comparaisons avec les cyclones des dernières décennies, les archives françaises seules montrent qu’il n’y a une forte variabilité des cyclones.

      L’autre problème mentionné est que les archives ne concernent que les Antilles françaises et qu’il est donc inapproprié de comparer avec les cyclones d’autres aires de la région étendue.

      • refusé par les pairs..
        mais quand on regarde ce qui a été accepté par les pairs …
        ce travail est factuel sauf la force des cyclones non?
        Assez curieusement des travaux de reconstruction conduisant à des résultats essentiellement hypothétiques sont publiés tous les jours et dans les conclusions vous trouvez rarement la liste des hypothèses faites…

      • Vous voulez dire que dans la mesure où les archives de l’administration française qui donnent des données fiables et relativement précises concernant la situation des antilles françaises se limitent aux antilles françaises, elles ne seraient pas appropriées dans le cadre d’une étude globale ?
        Oui, peut-être, il faut les prendre pour ce qu’elles sont : des données locales.
        Maintenant, imaginez Irma au XVIIe siècle. Comment ce cyclone aurait-il été évalué ? Il aurait été noté dans les archives de l’administration française, concernant les îles sous sa juridiction. Quid des zones sous juridiction espagnole, britannique ou sous aucune juridiction ? Est-ce que l’absence d’archives nous obligerait à conclure que le cyclone ne les a pas touchées ?

        Ma conclusion est que ces archives anciennes donnent quand même une bonne vision *statistique* de ce qui a pu se produire par le passé. Et le fait que cette vision ne cadre pas avec l’idéologie dominante, qui est celle qui permet d’avoir des crédits de la part des politiques aujourd’hui, a peut-être un impact sur le côté publiable ou non de l’étude.

      • « L’autre problème mentionné est que les archives ne concernent que les Antilles françaises et qu’il est donc inapproprié de comparer avec les cyclones d’autres aires de la région étendue. »

        Cela rappelle furieusement le refus des climato-réchauffistes (il y a qq années) de prendre en compte le réchauffement de l’optimum médiéval (survenu sans intervention carbonée humaine…) au prétexte qu’il ne s’agissait que d’un événement local (Europe), considération s’appuyant sur la faiblesse des données anciennes hors Europe (comblée depuis) et sur certaines analyses comme la courbe en crosse de Hockey de M.Mann (reconnue comme fausse depuis).
        Diverses études et analyses faites de part le monde ont retrouvé des traces de l’optimum médiéval un peu partout et cela a clos la discussion sur ce point particulier.
        Si une administration pléthorique et tatillonne est une marque du « savoir-faire » français, les autres colonies espagnoles et anglophones n’en étaient pas dépourvue non plus, loin s’en faut. Espérons que cette étude donne des idées à d’autres chercheurs. Il suffirait de données à peu près similaires recueillies à 2-3000 km pour pouvoir étendre les conclusions de l’article au moins à l’ensemble de la région des caraïbes.

        • L’extension régionale est un très gros boulot, mais qui mériterait en effet qu’on s’y intéresse. L’historique aux Antilles françaises permet de tirer des conclusions uniquement (mais c’est déjà beaucoup) aux Antilles françaises. Un historique en un autre lieu, même proche, ne permettrait de tirer de conclusions que pour cet autre lieu, étant donnés les forts gradients climatologiques sur les conditions extrêmes dans ces zones. Pour le golfe du Mexique, des études ont été réalisées il y a une quinzaine d’années, financées par les pétroliers (*), qui complétées par un historique similaire permettraient de faire le lien local-global pour la région. Toutefois, il faudrait refaire des études équivalentes pour une nouvelle région, ce qui se chiffrait en centaines de milliers de dollars, et retrouver des experts comparables alors que ceux qui avaient été réunis pour la rédaction des normes ISO pour l’industrie pétrolière sont pour la plupart hors-circuit, voire décédés. Seules les compagnies d’assurance et de réassurance pourraient en avoir la motivation et les moyens, ils n’est pas du tout évident qu’elles parviendraient à réunir un groupe d’experts comparable au comité Metocean de l’E&P Forum de l’époque, et quand bien même, une fois les résultats utilisés aux fins privées et commerciales des assureurs, qui veillerait à ce qu’ils soient analysés honnêtement dans une optique de climatologie à long-terme ? J’ai moi-même constaté que ceux financés par les pétroliers — rien que ça est devenu d’ailleurs une provocation — étaient interprétés à contre-sens ou négligés lorsqu’ils sont devenus publics à l’issue de la période de confidentialité.

          (*) voir par exemple Berek, Cooper, Driver, Heideman, Mitchell, Stear, & Vogel (2007). Development of Revised Gulf of Mexico Metocean Hurricane Conditions for Reference by API Recommended Practices. . 10.4043/18903-MS.

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