APL : à votre bon coeur, propriétaires !

Les propriétaires sommés de baisser de 5 euros le loyer mensuel de leurs locataires : le président de la République Emmanuel Macron, est-il tombé dans la très petite politique politicienne, démagogique ?

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APL : à votre bon coeur, propriétaires !

Publié le 11 septembre 2017
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Par Michel Albouy.

À la surprise générale, le président Emmanuel Macron a demandé aux propriétaires bailleurs de baisser de 5 euros leurs loyers. Bien sûr, 5 euros, ce n’est pas grand-chose pour des nantis. Mais est-ce que tous les propriétaires sont des nantis, et que cache une telle proposition en matière de vision économique ?

En demandant aux propriétaires bailleurs de baisser de 5 euros le loyer mensuel de leurs locataires, le président de la République, Emmanuel Macron, est tombé dans la très petite politique politicienne, proche de la démagogie. Avec cette intervention présidentielle on est très loin de la présidence jupitérienne qu’il veut incarner. Est-ce vraiment au président de la République de traiter de tels sujets ménagers à l’heure d’une situation internationale aussi tendue ?

 

Baisse des APL : pour ménager les étudiants remuants à la rentrée ?

Pourquoi 5 euros ? Tout simplement parce qu’à la suite de celui de François Hollande, le gouvernement a validé la réduction de l’APL (allocation logement) de 5 euros. En fait, on ne saura jamais vraiment l’origine de cette baisse, mais toujours est-il qu’elle existe pour les bénéficiaires de l’APL qui comprennent beaucoup d’étudiants, une population remuante et à ménager en période de rentrée universitaire.

Ainsi, une baisse de subvention versée par l’État aux locataires devrait être compensée par les propriétaires bailleurs. Et puis, 5 euros c’est quoi pour des propriétaires qui bénéficient de la rente immobilière ? Allez, soyez raisonnables chers bailleurs et compatissez à la misère de l’État ! Il vous en sera reconnaissant.

Comment justifier une telle proposition, véritablement surréaliste, de la part d’un président de la République ? Imagine-t-on le général de Gaulle faisant une telle déclaration ? Pourquoi les propriétaires bailleurs – et ce quel que soit le montant du loyer mensuel – devraient baisser uniformément de 5 euros leurs loyers ?

À noter que 5 euros par mois cela fait 60 euros par an, un chiffre déjà moins sympathique pour un propriétaire de studio. En effet, sur le loyer d’un studio loué 400 euros par mois net de charges (un montant qui correspond à la province), cela fait quand même une baisse de 1,25 % de revenu, alors que la CSG va prochainement augmenter, ainsi que les impôts fonciers. Par contre, sur un grand logement en location, cette proposition de baisse est forcement moins lourde. Équité ?

 

L’État ne peut pas tout

Le président a justifié sa décision en affirmant que l’État ne pouvait pas tout payer. On connaissait la fameuse déclaration de Lionel Jospin, à savoir que l’État ne pouvait pas tout ; il l’a d’ailleurs payé très cher par la suite auprès de son électorat socialiste.

Eh oui, l’État et ses satellites n’en peuvent plus malgré l’énorme ponction sur l’économie qui s’élève à 57 % du PIB. L’État en est à demander 5 euros aux propriétaires bailleurs pour boucler son budget ! Allez un petit effort de générosité, chers propriétaires.

La demande faite par Emmanuel Macron aux propriétaires bailleurs de réduire de 5 euros leurs loyers s’inscrit dans une curieuse philosophie économique. Elle revient en effet à leur demander de réduire leurs prétentions pour faire en sorte que la baisse de l’APL versée par l’État soit indolore pour les locataires.

 

Une curieuse conception de l’économie

Bien sûr, pour tous ceux qui sont convaincus de l’existence d’une rente immobilière et de la féroce rapacité des propriétaires, cette demande est, non seulement justifiée, mais également insuffisante. Il faudrait, en effet, encadrer davantage les loyers et éventuellement les bloquer. Avec une telle approche du marché du logement, on est sûr d’arriver à sa perte.

Déjà, les divers observatoires de l’immobilier ont mis en évidence une baisse des loyers, mais également – et cela est plus inquiétant – une baisse des dépenses d’investissement dans le parc locatif. Raboter la rente immobilière finira effectivement et inéluctablement par une baisse des investissements au détriment de l’entretien du parc immobilier.

Ce phénomène a toujours été observé dans tous les pays qui ont pris des mesures d’encadrement des loyers, et la France n’y échappera pas. Pour tous ceux qui veulent voir les conséquences d’un blocage des loyers il suffit d’aller à Lisbonne : immeuble délabrés et marché bloqué. D’autres exemples pourraient être cités.

Au-delà de la demande surréaliste du président de la République adressée aux propriétaires bailleurs de réduire de 5 euros leurs loyers mensuels, on peut également s’interroger sur la logique d’un État qui d’un côté finance à coup de déductions fiscales le marché du logement et d’un autre veut davantage taxer les propriétaires de biens immobiliers. La réduction du périmètre de l’ISF aux seuls biens immobiliers n’étant que le dernier avatar d’une volonté de « tuer la rente immobilière ».

 

Anéantir la rente immobilière ?

Le problème, c’est qu’à force de tirer sur l’ambulance immobilière, il est à redouter que les investisseurs particuliers s’en détournent vraiment. Or, la construction de logements privés participe bien évidemment à la richesse nationale – qui pourrait le nier –  et permet de répondre à de vrais besoins de logement pour les Français.

De ce point de vue, on ne voit pas très bien la justification d’un ISF réduit uniquement aux actifs immobiliers parce qu’ils seraient jugés « improductifs ». À l’opposé, seuls les capitaux investis dans des actifs financiers (actions, obligations, assurance-vie, etc.) feraient partie du capital productif… Comprenne qui pourra !

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, la demande du président Macron adressée aux propriétaires bailleurs, n’est pas qu’un cri du cœur en faveur des « pauvres locataires » touchés par la baisse des APL. Elle s’inscrit dans une philosophie économique qui s’attache à réduire, voir à anéantir « la rente immobilière ».

Plus gravement, elle renforce l’opposition entre locataires et bailleurs en renvoyant à ces derniers la responsabilité d’une baisse des subventions de l’État. Bonjour, la paix économique avec de telles propositions !

Article publié initialement dans Le Cercle Les Echos le 8 septembre 2017.

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  • à tout les propriétaires , je dis : ne rien faire et laisser braire……quand on se permet de claquer 9000 euros de maquillage par mois sur le dos des contribuables , on la met en veilleuse…..( mais qu’est ce qu’il se met sur la tronche tout les jours pour arriver à une somme pareille ????? )

  • On ne peut pas augmenter librement les loyers qui sont « encadrés », mais on est prié de les baisser !?! Pourquoi l’Etat s’occupe-t-il des loyers alors qu’il a déjà tant de mal à assurer ses missions régaliennes de sécurité et de justice.

  • Et pas un pour relever que si on le prenait au mot:
    -5€ sur le loyer = -2,50€ d’impôt sur le revenu foncier (TMI 30% ce qui concerne beaucoup de monde et 15,5% de csg et autres contributions « sociales », donc son économie de 400 millions serait réduite de moitié!!!!!!!!!!
    Ha ha ha je me marre!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

  • Les apl font couler bcp d’encre mais qui sont les propriétaires en recevant le plus , publics ou privés de chez privé ?
    Je dirais public donc ce mec s’attaque à l’état ..ou plutôt aux office d’HLM., ce n’est pas une bonne chose ?

  • Bel exemple de l’inconsistance de notre élu. Il augmente les impôts et taxes mais demande aux proprios de baisser leur loyer? Il a appris cela à l’ENA?

  • Eh bien, pour 5 euros par mois que personne ne versera réellement, ça permet de savoir qui est vraiment Macron, et je trouve que ça n’est pas cher payé du tout pour la leçon.

  • Qu’est-ce qu’il vient braire le pré six dents
    Les loyers ont baissé dans la plupart des villes. Entre 0.5% et 1%. Rares sont les endroits ou les loyers augmentent.

    L’âne brait et la caravane passe …

  • Je ne serais pas contre une réduction de 60€/an du loyer à la condition d’une baisse de 60€ de ma TF…
    Indolore pour le locataire et pour le proprio…
    Le rêve, quoi…

  • Je vais jouer la provoc’, et tant pis pour ceux qui s’en trouveraient indisposés.
    Considérant que le logement est un droit vital, et qu’au-delà de ça, il constitue le fondement même de notre civilisation, je serais proprio, je pratiquerais le dumping. Ce n’est pas de cinq euros que je baisserais mes loyers, mais de cent. Je me mettrais à dos l’Etat et les sbires de l’UNPI, mais cela aurait l’avantage de créer un précédent et peut-être, de casser une dynamique que j’estime très dangereuse. Vous dites qu’il n’y a pas de rente immobilière ? Oui et non. Il y a des gens qui louent en prévision de leur retraite, et qui se comportent honnêtement avec leurs locataires, et qui sont assujétis comme les autres et comme leurs locataires à une foultitude de taxes et produits dérivés étatiques, et il y a des gens qui louent pour s’assurer une rente, qui héritent de grands apparts qu’ils tronçonnent en « studettes » innommables pour des loyers s’apparentant à du racket, qui ne produisent rien, qui vivent en parasites, et ce seront ceux-là qui les premiers iront se plaindre que les loyers ne sont pas assez chers, que les locataires sont trop protégés, etc. Macron il fait son job de politocard : il ménage la chêvre et le chou, il occupe l’espace d’ici les prochaines élections en profitant un max des avantages qui lui sont, et lui seront alloués à vie. Ce n’est pas lui qui fera bouger les choses en matière de logement, où la crise est plus grave encore qu’au niveau de l’emploi. Et le système est ainsi fait que s’il n’y avait pas d’APL, les proprios seraient bien forcer de baisser les loyers…

    • Je ne me trouve pas indisposée par votre réponse mais elle est loin de refléter la réalité des petits bailleurs car la majorité des propriétaires bailleurs n’ont qu’un à trois logements.
      La réalité, c’est le coût d’entretien d’un logement pour le maintenir en bon état, les charges qui augmentent et l’impossibilité de les répercuter sur les locataires car les loyers prennent en effet une part importante du budget des ménages.
      Que coûtent les interventions des artisans, etc… auquel s’ajoutent des taxes et charges qui elles ne baissent pas, loin s’en faut.
      Plus un logement est grand, plus le poste « entretien » et charges est important, raison pour laquelle il sera de plus en plus difficile d’en trouver à la location.
      Nombreux sont les investisseurs qui se détournent des grands logements et « tronçonnent en studettes ». Cela me choquait il y a quelques années, aujourd’hui je reconnais qu’ils ont raison.
      J’ai hérité d’une maison et en prévision de la retraite, je l’ai rénovée et mise en location. Je n’ai pas voulu la tronçonner à l’époque mais elle était trop grande pour rentabiliser l’opération.
      Résultat : 2 locations et à chaque fois un logement rendu sale, dégradé, et à remettre en état.
      Un locataire veut louer un logement en bon état, propre, et c’est normal mais cela a un coût pour le bailleur et force est de constater que la remise en état d’un studio de 20 ou 30m² coûte bien moins cher que celle d’une maison de plus de 160 m², et la différence de loyer, surtout en province ne couvre pas les frais.
      Un studio à remettre en état coûtera au pire 6 mois de loyers voire un an maximum dans le pire des cas, la remise en état (débarras, nettoyage, peintures, sols…) peut coûter plusieurs années de loyers à son propriétaire.
      Je viens de récupérer une maison louée 600€ par mois en province. Je n’ai pas un impayé trop important grâce aux APL que vous critiquez mais plus de 30m3 de détritus divers à évacuer (du grenier à la cour), un gros nettoyage et une remise en état de la maison. Plus de 25.000€ de travaux ! Faites le calcul. Je vends.
      Mon acheteur sera soit une famille, soit un investisseur qui « tronçonnera » en deux ou trois logements.
      Sans les APL, il y aura plus d’impayés et plus de logements vacants ou dégradés car les bailleurs ne pourront pas maintenir leurs biens en bon état. Que penser des loyers de 1948 et de l’état de ces logements au bout de quelques années ?
      Si l’on veut éviter une crise du logement en France, la solution n’est pas l’encadrement ou la baisse forcée des loyers mais un juste équilibre des droits et devoirs de chacun. Le jour où l’on supprimera toutes les protections dont jouissent les locataires (je sais je vais choquer), les loyers baisseront d’eux-mêmes par le jeu de l’offre et de la demande car nombre de biens aujourd’hui fermés reviendraient sur le marché locatif …

      • Je ne critique pas les APL, et je suis d’accord avec vous sur le fait que sans celles-ci, il y aurait davantage d’impayés « de bonne foi », car les gens ne s’en sortent plus, et ce ne sont pas des polytocards qui n’ont pas la moindre idée de ce que ça peut représenter, devoir jongler entre loyer et factures avec un Smic, un salaire médian, une retraite à moins de 1000€ imposables, ce ne sont pas ces gens-là qui résoudront la crise du logement, qui est un fait, et je dirais même que de cette crise découlent les autres.

        Les protections dont jouissent les locataires… Si on compare avec ce qui existe en Allemagne, où les loyers sont nettement plus bas, où les baux sont plus longs, sans possibilité de vendre en cours de bail pour les propriétaires, et cessibles, on peut dire qu’en France le locataire est précarisé.

        Si les loyers n’étaient pas si élevés, s’ils n’avaient pas explosé depuis la fin des années 90, au point de contraindre les actifs et les petits retraités à devoir se replier loin des centre-villes, il n’y aurait pas tant d’impayés. Cette augmentation, on la doit certes à une fiscalité compulsive, mius aussi et surtout à la spéculation. La bubulle immo, phénomène artificiel puisqu’il n’existait pas quelques années plus tôt, qui a monté, monté au début des années 2000, elle a servi les intérêts de qui ? Du secteur immobilier avant tout, des propriétaires qui ont bénéficié de cette spéculation, des pouvoirs locaux qui se sont garanti par là une masse de citoyens imposables quoique surendettés, des notaires et des organisme de crédit. Elle a pénalisé qui ? Les gens qui ne peuvent pas acheter et qui ont besoin d’un toit, ceux que l’on a convaincus d’accéder à l’Eldorado du statut de propriétaire moyennant un petit apport personnel, par le sortilège d’un crédit sur trente ans ! Et entre ces extrêmes, l’ouvrier, le petit employé, le cadre moyen qui cherche à acheter pour arrondir sa retraite, pour qui un studio en centre-ville qui vingt ans plus tôt valait l’équivalent de 20.000 €, en vaut à présent 200.000, et se trouve hors de sa portée, à moins qu’il ait envie de s’engluer dans les crédits pour le restant de ses jours.
        L’appart est le même, le quartier est situé au même endroit, la ville a seulement la particularité d’être un bassin d’emplois et d’avoir vu en vingt ans sa périphérie, ses quartiers naguère ouvriers, devenir le Bronx. Cette ville pourrait être la vôtre. Pas la mienne, qui est de celles où les « pauvres » viennent s’installer, faute de pouvoir aller habiter où ils le souhaitent, où ce serait plus commode pour eux, mieux équipé, où il y aurait des distractions… plus près de leur boulot, car le bassin d’emplois le plus proche se trouve quand même à cinquante kilomètres par une route accidentogène qui bloque dès qu’y circule un tracteur. Mais ici, on trouve encore des T2 à moins de 450 €.

        Hiatus entre ce que peuvent débourser les locataires lambdas, et les exigences des propriétaires en termes de loyers et de garanties, déconnection entre l’état de la Société telle qu’elle est et un marché devenu délirant : la crise du logement, elle est là.

        On ne viendra pas à bout du vieil antagonisme bailleur-locataires car les deux parties ne défendent pas les mêmes intérêts. Et nos polytocards pourront continuer à brandir l’éternel argument des logements sociaux à construire, à améliorer, etc… pour éviter d’avoir à résoudre concrètement cet antagonisme, c’est voué à l’échec. Le droit au logement s’assortit certes de devoirs à l’endroit du bailleur, mais le bailleur continue à jouir de pouvoirs hérités de la féodalité, encouragés par le système spéculatif qui fait vivre le secteur immobilier, les notaires, les organismes de crédit, les assurances, etc… et le hiatus risque de se creuser encore.

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