Réforme du Code du Travail : qu’en aurait pensé Bastiat ?

Retour sur ce que contiennent les ordonnances de réforme du marché du travail, et surtout sur ce qu’elles ne contiennent pas du tout. Le tout grâce à Frédéric Bastiat.

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Réforme du Code du Travail : qu’en aurait pensé Bastiat ?

Publié le 2 septembre 2017
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Par Patrick de Casanove.

L’État-providence dans lequel nous vivons est à bout de souffle. Il repose sur la perversion de la Loi qui met en place et organise la spoliation légale.

« La chimère du jour est d’enrichir toutes les classes aux dépens les unes des autres ; c’est de généraliser la Spoliation sous prétexte de l’organiser. Or, la spoliation légale peut s’exercer d’une multitude infinie de manières ; de là une multitude infinie de plans d’organisation : tarifs, protection, primes, subventions, encouragements, impôt progressif, instruction gratuite, Droit au travail, Droit au profit, Droit au salaire, Droit à l’assistance, Droit aux instruments de travail, gratuité du crédit, etc. Et c’est l’ensemble de tous ces plans, en ce qu’ils ont de commun, la spoliation légale, qui prend le nom de Socialisme. » Frédéric Bastiat, La Loi (1850)

Les Français sont parfaitement conscients de la mauvaise situation de leur pays et de la leur par la même occasion. Les gouvernements ne sont pas en reste. Malheureusement les solutions adoptées par les politiques, quels qu’ils soient, ne remettent pas en cause notre système économique et social. Malgré les échecs, les hommes de l’État s’obstinent  à tordre dans tous les sens un système vicié au départ. Ils veulent en obtenir un résultat impossible : la justice et la prospérité.

Ainsi, bien qu’issu d’une majorité élue sur l’image de la nouveauté, le gouvernement, en ce début de quinquennat, se comporte en adepte de la spoliation légale. Il se contente d’en déplacer le curseur lors de mesures paramétriques. Arrêtons-nous un instant sur la réforme emblématique du Code du travail présentée le 31 août.

 

Ce que contiennent les ordonnances de réforme du marché du travail

  • Le délai de recours aux prud’hommes est raccourci à 12 mois quel que soit le motif du licenciement.
  • Le barème des indemnités prud’homales est limité et un employeur exonéré sur le fond ne pourra plus être condamné sur la forme.
  • La hausse des indemnités légales de licenciement, qui passent de 20 % à 25 % du salaire mensuel par année d’ancienneté.
  • Un plafonnement bas pour pouvoir négocier dans l’entreprise sans syndicat : moins de 50 salariés
  • L’augmentation du seuil pour valider des accords d’entreprise par les syndicats. Il passe à 50 % des voix aux élections professionnelles contre 30 % antérieurement.
  • Un « comité social et économique » est créé en  fusionnant les instances représentatives.
  • Un « compte professionnel de prévention » est validé pour la pénibilité au travail. (ancien compte pénibilité moins six critères).
  • L’appréciation d’un licenciement économique se fera dorénavant uniquement dans le contexte français et non plus international.
  • De nouveaux accords de compétitivité seront possibles pour que l’entreprise s’adapte rapidement au marché.
  • La création d’une rupture conventionnelle collective.
  • Les entreprises pourront parfois s’affranchir du cadre défini par la branche professionnelle dont elles dépendent (primes, agenda social).
  • Les négociations au niveau des branches resteront toutefois prépondérantes dans plusieurs domaines tels que les rémunérations et l’égalité hommes/femmes. Il est  ajouté aux branches des domaines de renouvellement et durée des CDD et CDI de chantier.

 

Une réforme insuffisante sur le fond

Il n’y a là dedans aucune réforme de fond, simplement des changements de réglementation.

Les optimistes considéreront que c’est un petit pas vers plus de liberté, en particulier pour les TPE/PME. Ils croiseront les doigts pour que ça marche et que le succès économique soit au rendez-vous. Les pessimistes constateront que ces mesures ne résolvent rien.

Le fond du problème est que l’État se mêle de la vie des entreprises. Une réforme fondamentale serait que l’État ne s’occupe plus d’économie, comme le disait bien Bastiat :

« Pour moi, je pense que lorsque le pouvoir a garanti à chacun le libre exercice et le produit de ses facultés, réprimé l’abus qu’on en peut faire, maintenu l’ordre, assuré l’indépendance nationale et exécuté certains travaux d’utilité publique au-dessus des forces individuelles, il a rempli à peu près toute sa tâche.

En dehors ce cercle, religion, éducation, association, travail, échanges, tout appartient au domaine de l’activité privée, sous l’œil de l’autorité publique, qui ne doit avoir qu’une mission de surveillance et de répression. » Frédéric Bastiat Profession de foi électorale de 1846

Exclure l’État du domaine économique paraîtra choquant à bon nombre de Français habitués à un État omnipotent et intrusif. Ces personnes imprégnées depuis leur plus jeune âge par le marxisme et la lutte des classes seront effrayées à l’idée de laisser l’employé ou l’ouvrier seuls face au patron, méchant par définition dans cette vulgate. Pour eux, toujours selon la même vulgate, l’État est par définition garant de l’intérêt général qu’il définit seul, de la justice sociale et protecteur d’individus incapables de se prendre en charge.

En vérité le fait de ne pas vouloir que l’État intervienne en économie pour, dans le cas qui nous concerne, en définir le droit, ne veut pas dire que le droit est rejeté hors de l’économie.

« Le socialisme, comme la vieille politique d’où il émane, confond le gouvernement et la société. C’est pourquoi, chaque fois que nous ne voulons pas qu’une chose soit faite par le gouvernement, il en conclut que nous ne voulons pas que cette chose soit faite du tout. Nous repoussons l’instruction par l’État ; donc nous ne voulons pas d’instruction. Nous repoussons une religion d’État ; donc nous ne voulons pas de religion. Nous repoussons l’égalisation par l’État ; donc nous ne voulons pas d’égalité, etc. C’est comme s’il nous accusait de ne vouloir pas que les hommes mangent, parce que nous repoussons la culture du blé par l’État. » Frédéric Bastiat La Loi (1850)

 

Pour Frédéric Bastiat la justice repose sur le respect des droits naturels : Propriété, Liberté, Personnalité.  Ils sont indissociables. Porter atteinte à un seul détruit les deux autres. Il en résulte :

  • Que la véritable réforme structurelle aurait été que l’État respecte la propriété privée et la liberté individuelle. Soit le contrat remplace la loi. Il y a suffisamment de professionnels de droit en France pour pouvoir développer un système jurisprudentiel où le droit, ici du travail, se construit à partir du bas, le contrat, les individus, et non à partir du haut, la loi, l’État. Ce droit serait vraiment la volonté du peuple au sens littéral. Il serait le fruit de décisions particulières, unanimement acceptées par la communauté du travail, instaurant une Common Law. Il serait stable sans être figé et peu sensible aux idéologies ou aux changements de gouvernement.
  • Que la véritable réforme structurelle consisterait d’abord à redonner aux Français la liberté de choix dans l’affection de leurs ressources. C’est la garantie du succès de toute réforme, y compris celle du droit du travail. Il faut que chacun puisse disposer librement de ses moyens. Pour un salarié c’est le salaire complet. Pour un non salarié c’est le chiffre d’affaire diminué des frais nécessaires à l’exercice de sa profession. Il faut que l’État ne reprenne pas d’une main ce qu’il a abandonné de l’autre. Il n’y aura donc qu’un seul impôt minime et proportionnel.

 

Grâce à cela les individus choisiront pour leur prévoyance et leur retraite ce qui générera une épargne importante disponible pour irriguer l’économie. Ils auront la liberté d’investir les capitaux restants, petits ou grands, là ou bon leur semble, immobilier, loisirs, industrie, services…

Cette manne financière irriguera un tissu économique débarrassé de ses boulets réglementaires étatiques. Ce sera la fin de l’État providence mais surtout du « mal investissement. » C’est-à-dire des investissements qui entraînent pertes et gaspillages parce que répondant aux besoins des politiques et non de l’économie.

« Mais quand la loi, — par l’intermédiaire de son agent nécessaire, la force, — impose un mode de travail, une méthode ou une matière d’enseignement, une foi ou un culte, ce n’est plus négativement, c’est positivement qu’elle agit sur les hommes. Elle substitue la volonté du législateur à leur propre volonté, l’initiative du législateur à leur propre initiative. Ils n’ont plus à se consulter, à comparer, à prévoir ; la loi fait tout cela pour eux. L’intelligence leur devient un meuble inutile ; ils cessent d’être hommes ; ils perdent leur Personnalité, leur liberté, leur propriété.

Essayez d’imaginer une forme de travail imposée par la force, qui ne soit une atteinte à la liberté ; une transmission de richesse imposée par la Force, qui ne soit une atteinte à la propriété. Si vous n’y parvenez pas, convenez donc que la Loi ne peut organiser le travail et l’industrie sans organiser l’injustice. » Frédéric Bastiat, La Loi (1850)

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  • Il s’agit de réformes homéopathiques , elles seront utiles seulement pour les convaincus. Empêcheront elles la fermeture des magasins en ville ? Bien-sûr que non ,tant que le chiffre d’affaire nécessaire à nourrir un épicier est insuffisant pour les causes que l’on connait , les épiciers disparaîtront , tant que les agriculteurs seront oppriimés par la réglementation , ils disparaitront…ces réformes ne concernent…pas grand monde et pourtant elles agiteront la sphère syndicale quelques mois voir des années…et pendant ce temps là , la grande braderie industrielle pourra se dérouler tranquillement . Comme prévu , le poids de la France continuera à diminuer au sein de l’UE ..de quoi faire sourire l’ éternelle chancelière allemande.

  • Dans une société quelconque, rien de voit échapper à la Loi. Elle ne pose de problème en économie que lorsqu’elle est dictée par une idéologie, comme le socialisme, qui distingue un bien et un mal sans rapports avec la morale naturelle, celle qu’on retrouve dans le décalogue et la majorité des religions.
    A contrario, nous pouvons mesurer chaque jour les inconvénients d’un syndicalisme « hors la loi » (La Loi de 1898 est une coquille vide). Personne n’a osé la remplir. Ce qui n’entre pas dans le droit commun ne peut être attaqué.
    Ce n’est pas le principe de la Loi qui doit être attaqué, mais la sottise de ses rédacteurs. Une Loi peut toujours être révisée, corrigée, voire abolie, si ses inconvénients l’emportent sur ses avantages.

    • Déclarer que « dans une société, rien ne doit échapper à la Loi » est un peu vite dit. Il se peut que, au contraire, dans une société humaine digne de ce nom, tout doive échapper à la Loi. Nous pourrions réaliser que nous n’avons pas besoin de la Loi, de même que nous n’avons pas besoin de la formulation des commandements du Décalogue pour savoir nous conduire dans l’existence. Pourquoi? Parce que nous sommes supposés avoir une conscience.

      De ce point de vue, la seule chose qu’une société humaine a à développer, ce n’est pas plus un arsenal de lois que le respect de commandements supposés divins, c’est la capacité d’une conscience pour les individus qui la composent. D’ailleurs c’est ce que nous nous employons tous à faire, chacun à notre niveau, sans y être obligés par quiconque, Etat ou commandement supposé divin, parce que c’est l’expression-même de notre liberté.

      Les lois naturelles régissent le règne animal. Les lois créés par les hommes sont des garde-fous provisoires pour gérer leur animalité et leur infantilisme provisoires dans l’attente de passer à un stade d’évolution supérieur.
      La prolifération des lois, règlements et préconisations diverses et variées dont nous sommes accablés est le symptôme d’un Etat abusif qui entend maintenir la population sur lequel son pouvoir s’exerce dans un état animal et infantile qui justifie sa répression et sa spoliation légales. Il nous appartient de nous en libérer pour atteindre un niveau de développement plus évolué. Tout en gardant provisoirement un arsenal léger de lois dont le respect relève d’un Etat régalien réduit à des dimensions nécessaires et suffisantes. Sans réduire trop cet arsenal de lois pour éviter le risque de sombrer dans une anarchie qui nous ferait régresser dans un état de développement antérieur. Question de mesure et d’équilibre à trouver pour sortir de l’impasse d’évolution où l’étatisme nous maintient bloqué.

    • Donc selon vous, la seule liberté disponible est celle de se taire ❓

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