Réforme du permis de conduire : Emmanuel Macron saura-t-il approfondir sa réforme très incomplète ?

La réforme du permis de conduire d’Emmanuel Macron il y a 3 ans est une avancée, mais très largement insuffisante. Saura-t-il aller plus loin ?

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Réforme du permis de conduire : Emmanuel Macron saura-t-il approfondir sa réforme très incomplète ?

Publié le 26 août 2017
- A +

Par Joseph Daigneault.

La France ne serait pas réformable. Tel est le discours ambiant depuis plusieurs décennies. Le pays s’enfonce dans la crise, paralysé, amorphe, alors que les solutions pour échapper à sa lente agonie sont bien connues. Aujourd’hui, c’est au tour du Code du travail de faire l’objet de toutes les attentions. La réforme est sur toutes les lèvres, mais il n’est pas certain que le résultat soit à la hauteur. L’expérience de la loi Macron — un peu trop oubliée depuis que ce dernier a élu domicile à l’Elysée — est là pour rappeler à tous les « promoteurs de la réforme » que même une fois passée sous les fourches caudines du Parlement, une réforme peut vite être enterrée. Celle portant sur le permis de conduire en est un exemple malheureusement probant et soulève par ailleurs bon nombre de questions quant aux compétences de notre président…

Rendre accessible le permis…

Il aura fallu attendre trois ans après le début du mandat de François Hollande pour que la grande loi sur la « croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » soit promulguée. Un laps de temps qui montre que rien n’est simple en France même sur les sujets autour desquels il existe un large consensus. C’est le cas de l’accession au permis de conduire. Un permis de plus en plus difficile à obtenir, pas tant en raison du niveau de maîtrise exigé, mais en raison du coût et d’un processus d’attribution des places d’examen biaisé.

Selon un sondage OpinionWay réalisé pour Le Parisien en juin 2017, seuls 60 % des 18-24 ans sont titulaires du permis de conduire. Une majorité — certes —, mais qui baisse assez vite puisqu’ils étaient plus de 65 % à en être détenteur en 2013. Le désamour entre les jeunes et le papier rose n’est pas nouveau et même les dispositions prises pour rendre le permis moins pénible et moins coûteux à obtenir ne sont pas encore parvenues à inverser ou même ralentir la tendance.

Les jeunes repoussent ainsi le passage du permis et les raisons sont avant tout économiques. En effet, le papier rose est devenu si onéreux à obtenir qu’il faut avoir les reins financiers solides. Une disposition qui n’est généralement pas compatible avec la vie d’étudiant. Si les prix pratiqués dans les auto-écoles traditionnelles sont en moyenne de 1000 euros, les heures de conduite supplémentaires s’accumulant, l’addition peut rapidement atteindre les 1500 voire les 2000 euros dans certains cas. Le permis à un euro par jour, introduit il y a onze ans, n’a pas été suffisant pour stopper l’hémorragie.

Le système des auto-écoles est sclérosé et une part croissante de la jeunesse préfère ne pas entrer dans un processus d’obtention qui ruine leurs maigres économies et dont le temps nécessaire augmente énormément en cas d’échec à l’épreuve de conduite.

Obtenir une place prend plus de trois mois et le délai d’attente est monté à plus de 120 jours pour un second passage à l’examen — la moitié des candidats sont recalés la première fois. La situation a donc soulevé bien des protestations de la part des étudiants qui ont eu la légitime impression d’être tombés dans une équation insoluble où les très chères heures supplémentaires viennent compléter un encadrement initial souvent défaillant. Une situation que beaucoup attribuent au comportement des auto-écoles traditionnelles : « le système actuel repose sur le monopole des auto-écoles qui rend la clientèle captive » affirme Delphine Granier, analyste au think tank Génération Libre.

… Une promesse et une loi déjà oubliées

Pour casser ce cercle vicieux et redonner aux Français le goût de la conduite, Emmanuel Macron avait promis de casser le « corporatisme » qui faisait du permis de conduire un enfer. Les différentes dispositions introduites dans la loi ont été largement décriées par les auto-écoles qui ont vu du jour au lendemain des concurrents venir sur un secteur qu’ils croyaient intouchable.

C’est ainsi que sont apparues les auto-écoles en ligne qui ont cassé les prix et révolutionné les méthodes de l’apprentissage du Code de la route. Moins chères et plus efficaces, ces auto-écoles du XXIe siècle ont été décrites comme illégitimes par les institutions ayant pignon sur rue.

Les auto-écoles en ligne ont su séduire un large public attiré par des prix moins élevés (600 euros en moyenne) et la promesse de délais moins longs. Sauf que la réforme, bien engagée dans un premier temps, a déjà atteint ses limites, comme l’a souligné l’Autorité de la concurrence dans un avis publié en mars 2016.

En effet, le système actuel fait la part belle aux auto-écoles traditionnelles et « fausse le jeu de la concurrence » puisque le nombre de places donné aux auto-écoles dépend du nombre de candidats présentés par le passé. Il y a une prime à l’ancienneté et non pas à la qualité. Les nouveaux acteurs sur le marché sont lésés et ne peuvent proposer à leurs étudiants que les miettes quand bien même ils ont plus d’apprentis conducteurs à présenter que certaines auto-écoles traditionnelles.

Consciente de cette réalité, l’Autorité de la concurrence a enjoint les différentes parties prenantes à agir. Les sages de la rue de l’Échelle ont ainsi indiqué que la méthode d’attribution des places d’examen devait « tenir compte mensuellement de la réalité des besoins : à cet égard, le principal indicateur pourrait être le nombre de candidats ayant déjà réussi l’épreuve théorique et n’ayant pas encore réussi l’examen pratique (et ce quel que soit le nombre de présentations du candidat) au sein de chaque auto-école ».

Les solutions existent. Pourtant, pour le moment, il n’en est rien… Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant que la capacité d’Emmanuel Macron à diriger le pays soit remise en cause et que ce dernier ne cesse de chuter dans les sondages… Que penser d’un président qui ne parvient pas à faire appliquer une loi qu’il a lui-même promue et qui porte son nom ?

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  • Solution: passer le permis à l’étranger?

  • Bonjour,

    Le volet financier est une chose car, effectivement, le permis est hors de prix. Mais il y a un autre aspect tout aussi, sinon, plus important c’est la nature de l’examen qu’il soit théorique ou pratique. Outrageusement compliqué, rempli de question inutile et totalement liseuse comme celle relative au développement durable ou le « réchauffement » climatique au code, l’examen est un ramassis de poncifs éculés daont la réussite dépend du bon vouloir de l’humeur de l’examinateur. Avec à la clé, des gens qui souvent conduisent soit comme des bons moutons de Panurge avec une autonomie de decision nulle en cas l’imprévu (l’accident est « réglementaire » mais il y a accident) ou n’importe comment (Il n’y a qu’à observer les A rencontrés sur la route pour comprendre). La seule solution des autorités: un renforcement constant de la répression (surtout pour renflouer les caisses vides de l’Etat) avec un rendement de plus en plus nul au plan de la sécurité qui appelle, in fine, à une répression accrue. Le nombre de personnes qui roulent sans permis et sans assurances augmentent régulièrement mais pour nos crânes d’oeuf, là n’est pas le problème.

    Bonne journée

  • A lire l’article et les commentaires, ça donne presque envie de devenir socialiste.
    Le papier rose est mort depuis un bail.
    La situation en Ile-de-France est effectivement tendue concernant les places d’examen, mais beaucoup moins en province.
    Le coût global est également moins élevé.
    Les places d’examen sont attribuées en fonction des présentations des candidats selon leur premier et second passage, mais aussi selon le nombre d’enseignants en activité au sein de l’école de conduite, ce qui revient indirectement à valider la qualité du travail effectué (pour le premier aspect).
    Les nouveaux arrivants ne sont pas la panacée, loin s’en faut.
    Il est toutefois vrai que les pouvoirs publics ne leur facilitent pas la tâche.
    Le véritable problème non abordé puisque l’auteur ne sait pas du tout de quoi il parle, ce sont les (pseudo) enseignants de la conduite et de la sécurité routière. Un ramassis de traîne savates pour la plupart, qui ont réussi à massacrer leur profession.
    Les exploitants des auto-écoles en laissant faire ont aussi largement concouru à scier la branche sur la quelle ils étaient assis.
    Il y a tout de même des gens sérieux et consciencieux dans cette profession, mais l’image de marque est fortement dégradée, et à juste titre.
    La libéralisation ne devraient effrayer que les incompétents. Les individus qui travaillent sérieusement n’ont absolument rien à craindre des nouveaux arrivants.

  • En effet, les places d’examens sont accordees aux auto-ecoles deja installees, d’ou une barriere a l’entree injustifiable.
    J’ajouterai 2 elements :

    – Ce sont les auto-ecoles (et non les candidats eux-memes) qui inscrivent les candidats a l’examen de conduite quand elles estiment les candidats sont pres pour reussir l’examen. On est donc dans une situation incroyable ou c’est le prestataire de service qui choisi quelle quantite de service il va vendre a son client ! La tentation est grande de fournir 35h de formation a son eleve alors que 20h seraient suffisantes. Quite a ralentir sa progression en diminuant la qualite de sa formation. Pourquoi ne pas laisser les candidats s’inscrire eux-meme a l’examen lorsqu’ils s’estiment prets ? La simple percective de devoir attendre 120 jours pour retenter l’examen serait suffisement dissuasive pour que des candidats pas prets ne tentent l’examen en faisant perdre du temps a l’examinateur.

    – 2e point : Meme si la France compte des centaines ou milliers d’auto-ecoles, il s’agit en realite d’une multitude de monopoles locaux. En effet, un jeune candidat habitant a la campagne ou dans une petite ville (la majorite de la population francaise) est peu mobile car il n’a pas encore le droit de conduire. Donc il va choisire l’auto-ecole pres de chez lui ou pres de son lycee, quel que soit les prix pratique dans cette auto-ecole. Il ne peut pas faire jouer la concurrence, meme s’il trouve une autre auto-ecole moins chere a 20 km de chez lui. De plus, le permis est un « produit » non subtituable car lorsqu’on habite dans un petit bled non desservi par les transports en commun, le permis est indispensable. On a donc un monopole de fait qui propose un produit indispensable et non substituable. Le candidat n’a d’autre choix que de raquer.

    • Vous devez savoir que l’administration impose un agrément afin de pouvoir ouvrir un établissement. Il s’agit d’une profession dite règlementée par les pouvoirs publics. A partir du moment ou la préfecture à délivrer l’agrément, l’exploitant peut ouvrir son auto école, pas avant. Lors d’une création, la nouvelle auto école « bénéficie » de 3 places d’examen pendant une année. Puis elle va constitue son capital au fur et à mesure de son activité. Comme je l’ai signalé plus haut, le nombre d’enseignants travaillant à temps complet ou partiel est aussi pris en compte. Mais il ne faudrait pas prendre les fonctionnaires pour des demeurés. L’exploitant peut très bien solliciter du délégué du département au bureau de l’éducation routière des places supplémentaires en cas de nombreuses inscriptions.
      Lorsque je parlais de travail qualitatif, sachez que les auto écoles sont dans l’obligation d’effectuer une heure d’évaluation avant l’inscription. De cette manière, l’élève pourra choisir en fonction de ses besoins préalablement définis parmi les formations proposées. Dans la plupart des cas, cette démarche n’est pas mise en place.
      De plus, il s’agit autant d’une relation pédagogique que d’une activité commerciale. Il existe un référentiel éducatif qu’il suffit de jalonner pour présenter les élèves à l’examen avec le maximum de chance de réussir. Les 20 heures sont un minimum défini par l’administration sur boîte mécanique et 13 heures sur boîte automatique. Cela dit, c’est parfois insuffisant au regard des rythmes d’apprentissage de certains élèves. Les auto écoles ne peuvent pas refuser de présenter un élève s’il insiste pour passer son épreuve pratique, même s’il a peu de chance de réussir selon l’équipe pédagogique.
      Pour faire simple sans rentrer dans la technicité, avant 2014, les candidats n’avaient pas le droit à l’échec, depuis ils peuvent échouer une fois et retenter assez rapidement (1 mois). Le problème ce sont les personnes ayant échoué 2 fois et plus qui elles sont quasiment condamnées de part le mode d’attribution des places par la préfecture.
      Enfin, la privatisation de l’examen du code à libérer les inspecteurs afin qu’ils soient disponibles quasi exclusivement pour les épreuves pratiques.

  • Désolé, messieurs, mais vous n’y êtes pas du tout.
    La seule bonne façon d’apprendre à conduire aux gens, c’est ce qui se fait aux USA: on apprend à l’école et c’est gratuit.
    J’entends déjà les lobbies des auto-écoles hurler comme tant de luddites.

  • Pour résumer, situation qui la conséquence:
    – d’une profession réglementée (ou presque) limitant donc la concurrence
    – d’une situation économique dégradée ayant entraîné une baisse des disponibilités financières des gens, dégradation dans laquelle l’Etat a le rôle principal.
    – d’un poids étatique étouffant par les charges administratives et fiscales (impôts taxes et cotisations sociales) toujours grandissantes

    Bref, l’Etat cherche des solutions (pas trop disruptives) à un problème dont il est la cause directe et indirecte.

  • Pourquoi passer un permis, alors qu’il devient impossible de rouler dans les grandes villes, le summum étant Paris et ses élus autophobes ? Pourquoi passer un permis que l’on peut perdre très vite par quelques radars de feux de vitesse et toutes les autres infractions parmi 500 possibles ? Pourquoi passer un permis si ce n’est pour donner son argent à l’État inventeur de nouvelles taxes automobiles exponentielles ?

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