La Silicon Valley face à la liberté d’expression

Les entreprises du numérique veulent-elles afficher leur volonté de faire quelque chose, tout en limitant leur responsabilité face aux discours haineux ?

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La Silicon Valley face à la liberté d’expression

Publié le 24 août 2017
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Par David Glance

Un article de The Conversation

À la suite des violences qui ont eu lieu à Charlottesville, où Heather Heyer a été tuée, certaines entreprises de l’industrie du numérique ont commencé à supprimer l’accès à certains de leurs services à des groupes associés à l’extrême droite.

Apple a ainsi désactivé son service Apple Pay à des sites vendant des marchandises avec des logos nazis et des slogans de suprémacistes blancs. GoDaddy et Google ont cessé de fournir leurs services au « Daily Stormer », un site Internet néonazi. Des entreprises comme Uber, Facebook, Twitter, MailChimp et WordPress ont également pris, à des degrés divers, des mesures similaires.

Un dilemme : protéger ou censurer ?

Les actions des entreprises du numérique provoquent le débat. Faut-il réguler les propos incitant à la haine, ou bien préserver la sacro-sainte liberté d’expression, notamment aux États-Unis ?

Si l’Electronic Frontier Foundation (EFF) s’est félicitée de ces actions  menées contre les groupes néonazis, elle a également exprimé ses inquiétudes concernant une possible atteinte à la liberté d’expression. L’EFF est en effet préoccupé par le fait que les utilisateurs de ces plates-formes numériques ne pourront plus exercer correctement leurs droits, leurs voix étant ainsi réduites au silence. Aux États-Unis, le droit à la liberté d’expression est consacré par le premier amendement de la Constitution.

Mais la situation est plus complexe et confuse que cela, et, surtout, elle ne se limite pas aux actions prises par ces entreprises à la suite des violences de Charlottesville. Facebook a été récemment critiqué pour la censure de billets écrits par des membres de la communauté LGBTQ (lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, trans, queer), car ils contiennent des mots et des propos que l’entreprise a jugé offensants. D’un autre côté, la communauté LGBTQ se trouve souvent ciblée par des discours de haine sur la plate-forme.

Dans la charte des standards de la communauté Facebook, il est écrit que l’entreprise supprimera les publications qu’elle considère comme des discours incitant à la haine. Cependant, malgré ce positionnement, Facebook a lutté contre une loi allemande qui souhaitait réguler les discours incitant à la haine sur les réseaux sociaux. La loi a promulgué le fait que les plates-formes de réseaux sociaux se verraient infliger une amende pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros s’ils ne parvenaient pas à supprimer des contenus illégaux (dont des discours incitant à la haine) de leurs sites dans les jours qui suivaient leur notification.

Mais, lors de sa lutte contre la loi, l’entreprise Facebook a affirmé qu’elle ne disposait pas de la technologie pour filtrer et traiter le volume total d’images et de contenu affiché sur sa plate-forme. L’entreprise a également affirmé que la régulation des discours incitant à la haine sur sa plate-forme n’était pas de sa responsabilité… mais de celle du « public et de l’État ».

By: John S. QuartermanCC BY 2.0

Un problème difficile à résoudre

Il est facile de penser que les entreprises du numérique veulent seulement afficher leur volonté de faire quelque chose, tout en limitant leur responsabilité dans la résolution systématique du problème des discours incitant à la haine sur leurs plates-formes.

À première vue, il s’agit d’un défi considérable. Concrètement, comment permettre la liberté d’expression tout en arrêtant les discours incitant à la haine, qui ciblent des personnes en fonction de leur race, religion, origine ethnique, origine nationale, orientation sexuelle, sexe, identité sexuelle, infirmité ou encore leur état de santé ?

En Allemagne, Facebook a expliqué qu’il lui faudrait engager des milliers d’avocats pour examiner les messages qui lui ont été signalés. Pourtant, l’entreprise commercialise sa plate-forme à des annonceurs sur la base du fait qu’il est capable de leur fournir des informations personnelles détaillées en fonction de ce que ses 2 milliards d’utilisateurs mensuels publient et lisent.

De plus, Facebook évoque souvent ses progrès en matière d’apprentissage automatique et de reconnaissance de texte et d’image. L’entreprise est donc au moins capable de mettre en évidence des messages ou des copies d’images jugées problématiques, afin qu’ils soient examinés par un humain.

Distinguer la liberté d’expression du discours haineux

Ce dilemme existe-t-il seulement aux États-Unis ? Non, car le droit à la liberté d’expression est universel. Il est également consacré par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’ailleurs, les lois d’autres pays (comme l’Allemagne) et des conventions internationales, limitent explicitement la liberté d’expression lorsqu’elle est utilisée lors de discours incitant à la haine.

L’illégalité du discours haineux est explicite dans l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme ainsi que dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale des Nations Unies. Les tribunaux nationaux et internationaux ont déjà traité de nombreux cas qui ont abouti à une détermination des différences entre liberté d’expression et discours incitant à la haine.

Les entreprises du numérique pourraient créer des règles claires sur leurs plates-formes, sur ce qui est et n’est pas autorisé en termes de liberté d’expression. Cela signifierait que les entreprises américaines devraient être de plus en plus conscientes des différences existantes entre la culture américaine et la législation des autres pays.

Il est toujours triste de constater que c’est la mort d’une personne qui risque d’inciter les entreprises du numérique à changer leur comportement. Il reste à savoir si elles seront capables de changer, et si les changements persisteront. Car, par la suite, Facebook ou d’autres entreprises pourraient très bien déclarer que, finalement, ce n’est pas leur problème.

 

Sur le Web.

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  • Otez moi d’un doute.
    le premier amendement de la constitution US ne concerne que l’État. Les Facebook et autre Google mais aussi bien les journaux papiers et TV ne sont pas obligés de donner la parole ou fournir leurs services à des groupes qu’ils jugeraient contre leurs chartes ?

  • La liberté d’expression est une et indivisible. Si on commence à la limiter où s’arrêtera t-on? Qu’entend-on par discours de haine? Cela reviendra à supprimer la critique en l’assimilant à la haine?

  • de mon temps, les censeurs interdisaient Hara Kiri, journal bête et méchant …

  • La liberté d’expression n’est que la liberté d’expression; elle n’inclut pas le fait d’utiliser les services d’autrui pour diffuser son message. Google ou Facebook sont dans leur bon droit et si les néonazis veulent s’exprimer, qu’ils se débrouillent. Ils n’ont aucun droit à se servir de ces entreprises comme diffuseur obligé de leurs idées.

  • Au Québec, la semaine passée, il y a eu une manifestation d’un groupe de « droite », La Meute, et ce sont les groupes de gauche qui ont foutu le bordel dans les rue de la ville de Québec. Va-t-on censurer les groupes de gauche responsable de ça? Ou on censure seulement la droite?

    •  » Va-t-on censurer les groupes de gauche responsable de ça? Ou on censure seulement la droite?  »

      Les crimes communistes sont les plus grand impunis de l’histoire et le restera tant que la gauche n’aura pas fait son devoir de mémoire toujours baigné dans sa culture de l’excuse. Bref cela répond à votre question.

  • Il y a quelque chose de très important à comprendre c’est le mécanisme de racket mis en place par les antiracistes aux usa. Les entreprises comme Google, Facebook,.. (et autres de la silicon valey) sont des entreprises où il y a énormément peu de diversité (les cadres sont presque que des hommes blancs). En fait, on observe un mécanisme où les entreprises avec très peu de diversité attaquent les autres pour leur manque de diversité. Cela s’explique par l’industrie de racket mise en place aux usa par les groupes de droits civiques. Les associations de droits civiques attaquent les entreprises qui manquent de diversité avec des recours collectifs pour discrimination raciale tout cela pour obtenir des dommages et intérêts. Donc les grandes entreprises pour échapper à cela acceptent de financer ses associations. et d’embaucher certains responsables des droits civiques. Le parfait exemple c’est Eric holder ancien ministre de la justice qui a été embauché uniquement pour empêcher le racket des associations de droits civiques. Les entreprises de la silicon valey étant très riche se sont des cibles idéales pour le racket des associations de droits civiques. Le pire c’est que la volonté de diversité n’est juste qu’une attaque contre les blancs. En nba les basketteurs sont à plus de 75% noirs alors que les noirs ne représentent que 13% de la population. Ça gêne personne preuve que la diversité n’est prônée que contre les blancs et c’est ni plus ni moins qu’un racisme antiblanc qui ne dit pas son nom

  • Si je parle de cela c’est qu’il y a un mécanisme très inquiétant qui se passe. C’est que les associations antiracistes et de droits civiques font pression sur les entreprises de la silicon valley pour qu’elles mettent en place une censure contre toute pensée non politiquement correct. Et les entreprises de la silicon valley ayant peur d’avoir des problèmes avec les associations de droits civiques (notamment d’être accusé de complicité avec l’extrême droite et de complicité d’incitation à la haine raciale) acceptent de mettre en place une censure.
    Le problème c’est que cette censure fait des dommages collatéraux car les algorithmes ne sont pas infaillibles à tel point que même des partisans du politiquement correct (vous en donnez l’exemple dans votre article) se font censurer.
    Ce qui est assez ironique de voir des gens prôner la censure être des victimes collatérales de cette censure

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