Quel avenir pour l’armée française ?

L’armée ne peut pas être un palliatif de tous les dysfonctionnement sociaux, tout en ayant un budget constamment raboté. Il va falloir lui redonner une place identifiable. Mais laquelle ?

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Armée française by Chris(CC BY-NC-ND 2.0)

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Quel avenir pour l’armée française ?

Publié le 17 juillet 2017
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Par Bénédicte Chéron1.
Un article de The Conversation

Depuis qu’il a été élu président de la République, Emmanuel Macron a multiplié les signes propres à l’installer dans sa fonction de chef des armées. « En choisissant de remonter les Champs-Élysées à bord d’un véhicule militaire, le nouveau Président envoie un signe fort à un pays traumatisé par la menace terroriste », écrivait un journaliste au soir de son investiture, le 14 mai.

L’après-midi même, le nouveau Président s’était aussi rendu à l’hôpital militaire Percy pour une visite aux blessés de guerre, à huis clos. Depuis les visites se sont enchaînées, de celle – à Gao le 19 mai – auprès des militaires de l’opération Barkhane au spectaculaire hélitreuillage pour rejoindre le sous-marin nucléaire, Le Terrible, le 4 juillet.

armée
https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/882294413296369665

Le ministère de la Défense est devenu ministère des Armées. Au-delà des questions de périmètres, théoriquement inchangés, les mots ont leur importance : le terme « armées » revient au premier plan institutionnel, donnant au militaire un rôle central dans l’histoire immédiate de la défense nationale.

Il y a certes une part d’affichage et de communication dans ces choix, mais les symboles comptent dans un pays dont la relation entre la société, le monde politique et les armées s’est longtemps caractérisée par une valse-hésitation entre une lointaine indifférence et une condescendance polie.

Les saignées dans le budget de l’armée

La question se pose alors de la politique qui sera réellement menée après cette introduction martiale du quinquennat. Bien des acteurs et des spectateurs attentifs de l’actualité militaire étaient dans une expectative inquiète, pour ne pas dire plus, sur le sort budgétaire effectivement réservé à l’armée. Ils n’ont désormais plus guère de doute sur l’issue des arbitrages en cours.

Parce qu’on a légèrement freiné l’inexorable courbe de la réduction des effectifs militaires après les attentats de 2015, parce qu’on a beaucoup parlé de guerre au cours du dernier quinquennat et que certains ont adopté des postures viriles, parce que les candidats à l’élection présidentielle ont presque tous brandi les fameux 2 % du PIB comme un but à atteindre, certains ont pu croire que les préoccupations sur les moyens alloués à la défense nationale n’avaient plus lieu d’être. À tort.

Quelques observateurs légitimement obstinés ne cessent de le rappeler : les saignées des décennies précédentes sont loin d’être compensées. Il serait bon que leurs voix, heureusement plus présentes qu’elles n’ont pu l’être par le passé dans le paysage médiatique, ne deviennent pas peu à peu une petite musique de fond avec laquelle on compose sans vraiment en tenir compte.

Les responsables politiques devraient y être d’autant plus attentifs que les Français semblent bien être prêts à entendre un discours qui aille en ce sens : 82 % souhaitent que le budget de la Défense soit maintenu ou augmenté (IFOP-DICoD, mars 2017) et 66 % sont en faveur d’une augmentation et d’une modernisation des forces conventionnelles françaises pour en maintenir la crédibilité. Enfin, 55 % des Français considèrent que le budget actuel de la Défense est insuffisant pour que les armées puissent remplir leurs missions de défense (IFOP-DICoD, mai 2017), soit 20 points de plus qu’en 2012.

Resterait alors à utiliser ces nouveaux moyens pour une politique générale d’emploi des forces qui soit cohérente au regard des ambitions affichées.

Le sens de l’action militaire

Or, cet objectif ne sera jamais atteint si les responsables politiques n’ont pas le souci de rendre à l’armée une identité narrative qui ait du sens, pour reprendre les mots de Paul Ricœur dont on sait qu’ils sont chers au cœur du président de la République. Rappelons-le, l’identité narrative des armées peut difficilement être cohérente si elle ne renvoie pas, peu ou prou, à une trame épique. Rendre cette identité à l’armée, c’est accepter d’ordonner toute décision et toute parole qui les concerne à une fin supérieure : la compréhension du sens de l’engagement militaire, tout entier orienté vers le combat et vers la possibilité de donner la mort et de la recevoir au nom de la nation.

Alors que les interrogations sont nombreuses sur le projet de service national obligatoirequi n’aurait aucune fonction strictement militaire, alors que l’opération Sentinelle dure et mobilise toujours 7 000 soldats en permanence pour une mission dont l’utilité réelle, dans ce format, est débattue, la question de cette identité épique se pose. On ne peut affirmer vouloir faire des guerres (et les gagner) et demander à ceux qui la font de jouer massivement et durablement des rôles qui ne sont pas les leurs.

Il s’agit bien sûr, à court terme, d’une question de moyens (on y revient toujours). Il s’agit aussi, à moyen et long terme, de la compréhension par la société tout entière du sens de l’action militaire.

Les gestes et les paroles du Président

L’expression « outil militaire » (ou « outil de défense ») est désormais passée dans le langage courant. À tort, on ne s’interroge pas assez sur les significations induites par ces mots anodins. En certains contextes d’analyse des équilibres institutionnels, ils peuvent être légitimes, mais à force d’être répétés à tout bout de champ, ils disent aussi une réalité regrettable : l’armée est devenue le couteau suisse que les dirigeants politiques peuvent sortir de leur poche lorsque, confrontés aux échecs réels ou supposés d’autres institutions ou structures sociales, il leur semble que la pente à remonter est trop ardue.

Après des décennies d’effacement des réalités combattantes d’un imaginaire national blessé par les souvenirs guerres françaises du XXe siècle, cet usage durable des armées, dans des fonctions qui ne devraient être qu’annexes et conjoncturelles et que l’on survalorise pourtant, est au cœur d’un malaise devenu, depuis les années 1970, un objet médiatique récurrent.

La considération qu’un Président accorde aux armées par ses gestes et ses paroles n’est pas sans importance. D’autres chefs de l’État, en leur temps, n’ont même pas su répondre à cette mission première qui était la leur. Jacques Chirac a ainsi peiné à donner du sens à la mort de neuf soldats français, à Bouaké, en Côte d’Ivoire, en novembre 2004. Quant à Nicolas Sazkozy, il a promis une impossible transparence aux familles des dix défunts d’Uzbin en Afghanistan, en août 2008, donnant l’impression qu’une enquête sur le déroulement de l’embuscade pourrait dissiper le « brouillard de la guerre ». Par leurs mots malheureux, ils ont relégué des faits d’armes au rang de simples faits divers.

Sur ce plan, des lignes, semble-t-il, ont bougé. La dimension combattante des engagements militaires français n’est plus occultée par des responsables politiques qui ne seraient pas prêts à en assumer les conséquences. Le nouveau président de la République a manié abondamment les symboles depuis son élection. Reste à ce que cette considération affichée soit suivie de décisions qui rendent aux armées une identité épique cohérente et non seulement de façade.

Si l’armée continue à être considérée comme le palliatif de tous les dysfonctionnements sociaux tandis que Bercy demeure le décisionnaire ultime des moyens de notre puissance, le malaise continuera de coller aux semelles de ceux qui combattent au nom de leurs concitoyens.

Sur le web-Article publié sous licence Creative commons.The Conversation

  1.  Historienne, chercheur-partenaire au SIRICE, Université Paris-Sorbonne – Sorbonne Universités.
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  • Il suffit d’aller sur les sites militaires du net (blog Opex 360 par exemple) pour mesurer dans les commentaires la colère et la désillusion des armées.

  • Nos militaires seront toujours « baisés ».
    Mitterand les avaient grugé des 2 milliards de dédommagement pour la libération du Koweit, Chirac les a manipulé en les professionalisant sans « chemises et sans pantalons », Sarko les a envoyé en Lybie pour « effacer » les traces de son « financement de campagne présidentielle », et Hollande leur demande de faire des guerres religieuses. pour dire qu’il a vécu le plus beau moment de sa vie politique, acclamé par les cris des enfants maliens.
    Donc, monsieur Macron en profite pour leur laisser croire qu’il ne les abandonnera pas là-bas, mais ici, s’ils revenaient, il leur supprime le pognon que Hollande avait fait gelé par les députés socialistes.
    Qu’ils sont « c..s », ces militaires. En appliquant seulement le phrase de Michel Audiard: « Tu sais quand les types de 130 Kilos disent certaines choses ceux de 60 kilos les écoutent ! », ils pourraient « retrouver » leurs sous, et en plus « PERSONNE » ne viendra les critiquer. Et Bruxelles se fera tout petit petit. D’autant que quelques « mirages » pourraient finaliser le « problème européen » avec son autre formule : »On est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis ».
    Et toutes ces guerres socialistes sous couvert de l’Honneur.
    Et l’Honneur des uns n’est pas celle des autres. L’honneur des politiques socialistes n’existe pas.

  • Tout comme Hollande, son clone dit une chose et fait le contraire le lendemain. Promesse d’augmenter le budget à 2%. Visite aux armées pour se faire admirer dans les media, pour ensuite supprimer 850 millions à une armée déjà sous financée, avec ses matériels hors d’usage faute d’argent pour les entretenir! La méthode et l’honnêteté de Macron dans toute leur splendeur. Il a bien appris de l’escroc Hollande.

    • @ Virgile
      Je ne suis pas un « défenseur d’E.Macron à tout crin » mais n’oubliez pas que ses prédécesseurs ne lui ont légué que de la dette!

      Reporter des achats militaires n’est pas un drame national si dans les années futures, il y a compensation.

      D’autre part, il n’est pas impossible de réformer les habitudes militaires dans les limites budgétaires! Vendre des Rafales (avion de 1991!), c’est bien mais c’est l’affaire de l’entreprise Dassault!

      Les autres pays en sont aux drones depuis quelques années!

      Des militaires peuvent venir renforcer la police pendant une période critique mais ce n’est ni leur métier ni leur fonction, surtout si le Pays exige qu’ils soient aussi en 13 points du globe!

      À part ça, E.Macron s’est bien imposé comme chef des Armées, prêt à remplacer un général de mauvaise humeur qui n’a pas pu se taire: sa menace devait tomber à plat! Ce n’est que logique.

      • @milylux
        Bonsoir,
        « Je ne suis pas un « défenseur d’E.Macron à tout crin » mais n’oubliez pas que ses prédécesseurs ne lui ont légué que de la dette! »
        Personne ne lui a forcé la main : il a choisi d’être candidat et accepté d’être élu. En tant qu’ancien ministre des finances, il savait bien ce qu’il allait avoir de la part de son mentor. Vu qu’il ne change pas grand-chose au final, ça doit lui aller.

      • @ mikylux
        Pas du tout! il dépouille l’armée pour ne pas diminuer le gaspillage de l’état. Il était facile de trouver 4,5 milliards quand on sait que 30 sont dépensés chaque année pour une formation professionnelle qui ne forment que les employés. Et à combien se montent les subventions à des associations et des ONG militantes, telles SOS Racisme? Et les centaines de commissions, bureaux d’études, créés pour caser les politiciens sans mandats et leurs copains. Il suffit de lire le rapport de l’IFRAP pour trouver des dizaines de manières de faire des économies vu la gabegie de l’état français! Je persiste et signe: Macron est un escroc!
        Quant à de Villiers il n’a fait que son devoir en répondant aux question de la Commission du Parlement qui vote les crédits à l’armée. Il aurait dû mentir selon vous pour ne pas effaroucher un amateur devenu président, qui n’a aucune notion à propos de l’armée et de son équipement? La France n’est pas encore une dictature bonapartiste, elle a un Parlement qui est des 3 pouvoirs! Macron a fait un abus de pouvoir en bafouant celui de l’Assemblée et de l’armée!

  • Une des seuls prérogatives de l’état non privatisable et qui est un vrai service public, l’armée, est laissée pour compte, car les militaires ne sont pas syndiqués…c’est une honte ! Les militaires devraient se rebeller et organiser un bon vieux putsch pour renverser toute cette clique d’énarques sans c…On pourrait enfin par la suite débarrasser la France du Keynesianisme et du Marxisme.

  • Quel avenir pour l’armée française ?
    Avant de disparaitre dissoute dans la médiocratie européenne elle pourrait dans un dernier sursaut de fierté nous débarrasser de cette clique de socialo-fonctionnaires, énarques à la petite semaine, tous aussi voleurs,menteurs,escrocs de successeurs en successeurs, de père en fils et en filles.
    Ce qui permettrait à notre pays de reprendre son destin en main…

  • Il y a un moment qu’elle n’existe plus, sur le plan matériel et sur le plan du personnel: menus « hallal »…………

  • sitonia83 : L’Islamisation rempante de la France jusque dans l’armée, ne m’en parlez pas !
    Entre immigration Africano-islamique, Marxistes et bobos-écolos-sociaux-démocrates….ce pays est foutu, c’est déprimant ! Il nous faut un Pinochet !

    • @ victor pivert
      Pourquoi n’organisez-vous pas un téléthon pour l’armée: des râleurs, vous en aurez mais des payeurs???

  • Le Président Trogneux va faire ce pourquoi il a été porté à la tête du pays : récompenser ses soutiens des milieux d’affaires : Messieurs Drahi, Niel, Pigasse, Rothschild, etc.
    Les vaux continueront à braire.

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