Cryptomonnaies : levée de fonds record pour EOS

Ou quand la crypto-communauté finance un projet blockchain via une ICO pour le grand concurrent d’Ethereum.

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Cryptocurrencies by Jim Makos(CC BY-ND 2.0)

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Cryptomonnaies : levée de fonds record pour EOS

Publié le 10 juillet 2017
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Par Morgan Phuc.

Quelques jours à peine après le lancement de son ICOEOS vient de battre le record du financement participatif le plus élevé de l’histoire : à l’heure de publication, environ 758 000 ethers ont été dépensés pour plus de 208 millions d’EOS tokens, l’équivalent de 175 millions d’euros. Un record qui n’est pas définitif puisque la vente se poursuivra durant 332 jours de plus, soit 346 rondes d’investissement uniques d’une périodicité de 23 heures, plafonnées à deux millions d’unités émises.

C’est un modèle d’ICO original, dans le style d’AngelShares, qui tente de résoudre certains des problèmes soulevés récemment par la communauté : le pouvoir trop important des gros investisseurs par rapport aux petits, et la montée en charge de la blockchain d’Ethereum, due à ces levées de fonds.

Le projet EOS

A l’instar d’Ethereum, EOS est une nouvelle architecture de blockchain destinée au développement d’applications décentralisées. Elle est basée sur la DPoS (preuve d’enjeu déléguée), dont l’inventeur n’est autre que Daniel Larimer, CTO de BlockOne et leader de ce nouveau projet. Dan Larimer est également le créateur de BitShares et de Steemit. L’engouement phénoménal autour de sa nouvelle entreprise, au-delà de son ambition (concurrencer Ethereum), vient de la confiance que le public accorde à ce développeur considéré comme l’un des plus brillants cerveaux de l’écosystème blockchain.

Le projet EOS a pour ambition de résoudre le problème de la scalabilité des blockchains et de leurs coûts d’entretien avant Ethereum. Les objectifs visés :

  • Capacité de la blockchain à supporter des millions d’utilisateurs simultanément,
  • Utilisation gratuite,
  • Mises à jours (forks) faciles et flexibilité face aux bugs,
  • Faible latence,
  • Capacité de la blockchain à optimiser la charge en calcul de façon à séquencer et à paralléliser les tâches.

Le whitepaper et le code source.

La preuve d’enjeu déléguée (DPoS)

Expliquer en détails le fonctionnement de ce modèle de consensus décentralisé dépasse le cadre de cet article. Pour simplifier :

Dan Larimer est le créateur de ces protocoles, réputés pour être les plus rapides disponibles. L’idée fondamentale derrière la preuve d’enjeu déléguée est de confier le contrôle du protocole aux actionnaires, c’est-à-dire aux détenteurs du token. Cette architecture permet de maximiser les dividendes de ces derniers ainsi que la décentralisation, les performances et la sécurité du réseau, tout en minimisant ses frais de gestion.

Pourquoi « déléguée » ? Car les actionnaires votent pour élire des « témoins » : les producteurs de blocs. Ce sont eux qui signent et incluent les transactions dans un bloc ; le “témoin” validateur est choisi de manière aléatoire par le protocole lors de chaque cycle. Si le “témoin” triche ou tente de le faire, ou bien que ses règles de consensus ne plaisent pas aux actionnaires, ces derniers peuvent l’exclure. S’il n’arrive pas à produire de blocs dans le temps imparti, c’est le « témoin » suivant qui s’en charge.

  • Election des producteurs de blocs : les actionnaires déterminent par un vote récurrent les noeuds qui seront habilités à produire les blocs. Comme dans le PoS classique, les actionnaires souffriront de pénalités s’ils n’agissent pas dans l’intérêt de tout le réseau.
  • Mise en place de la production des blocs : le temps de production d’un bloc est de 3 secondes. Comme dans le cas de la preuve de travail, c’est la chaîne la plus longue qui est considérée valide en cas de hard fork. Si le réseau est divisé (problème de connectivité par ex.), le consensus s’effectuera autour de la chaîne recueillant la plus forte minorité grâce à divers mécanismes.
  • Résistance à la corruption : le système de vote permet de prévenir la corruption, tout comme l’algorithme de consensus lui-même, car le temps de production d’une chaîne est directement corrélé au pourcentage de producteurs de blocs adoptant le même consensus.

EOS – Promesses d’innovation

Une blockchain bâtie sous EOS utilisera trois classes de ressources pour déployer les applications :

  • La bande passante et le stockage des logs (disque)
  • La puissance de calcul (CPU)
  • Le stockage de l’état de la blockchain (RAM)

La gestion et l’utilisation de ces ressources est déterminée par des règles qui préviennent notamment la réécriture des transactions et permettent l’allocation dynamique des ressources disponibles entre les noeuds. La valeur de la récompense allouée aux producteurs de blocs est déterminée par la médiane des propositions qu’ils ont soumises, sans toutefois que le taux d’inflation ne puisse dépasser 5%.

Les innovations proposées par Dan Larimer pour le DPoS d’EOS :

  • La gratuité de l’accès à la blockchain.
  • Des frais de transactions indépendants de la valeur du token.
  • Les producteurs de blocs ont le pouvoir de geler des comptes s’ils se coordonnent étant donné que ce sont eux qui choisissent les transactions qu’ils incluent dans leurs blocs. Cela peut être utilisé pour corriger certains problèmes de corruption extra-producteurs, et le vote des actionnaires est là pour prévenir de l’utilisation abusive de ce droit.
  • La mise à jour du protocole est effectuée par l’approbation des producteurs de blocs : proposition, approbation durant 30 jours, ratification du code source et application 7 jours plus tard.
  • Il est possible de déployer différentes machines virtuelles sur une blockchain EOS. Elle supportera bien sûr l’EVM et Wasm.
  • EOS permettra également la communication inter-blockchains, grâce à des systèmes de preuves avancés et son architecture générale (Merkle Proofs for Light Client ValidationProof of Completeness, latence de 3 secondes).

La roadmap

La vidéo de la présentation d’EOS lors du Consensus 2017 (en anglais)

Fonctionnement de la crowdsale

La vente a débuté le 26 juin et s’étale sur une période de 341 jours. La provision totale est de 1 milliard de tokens :

  • 200 M ont été distribués via la première période de vente de 5 jours,
  • 700 M seront distribués via 350 périodes consécutives de 23 heures,
  • 100 M seront réservés à l’équipe de BlockOne et ne pourront être achetés, vendus ou transférés.

Pour chaque période de vente, les tokens seront distribués aux acheteurs au prorata de leur investissement en ethers :

Nombre de tokens EOS = a * (b/c) où :

  • a représente la valeur de la contribution totale en ethers de l’acheteur,
  • b représente le nombre de tokens disponibles,
  • c représente la valeur de la contribution totale en ether de tous les acheteurs.

Par exemple, si à la fin de la période actuelle 16 000 ETH sont levés, et que vous avez investi 10 ETH, vous obtiendrez 1250 EOS tokens : n = 10 * (2 000 000 / 16 000), soit 125 EOS par ETH investi, ou encore 1 EOS = 0.008 ETH. Pour information, le cours de l’EOS est à 0.01 ETH à date de publication.

Durant la première période de 5 jours, la provision de tokens distribués fut maximale (20% du total). Cela permit de satisfaire les demandes des gros investisseurs et d’établir le prix initial sur les marchés. Les rondes d’investissement suivantes, même si elles ne sont pas plafonnées en ETH, donnent quand même aux acheteurs une certaine visibilité sur le prix auquel ils achètent le token, puisqu’il est déterminé en fonction de la quantité totale d’ethers investis durant chaque ronde, donnée qui est publique. De même, cette méthode permet de ne pas encombrer la blockchain outre mesure.

Enfin, dans les 48 heures suivant la clôture de la vente (le 1er juin 2018 à 22″59’59 UTC), les tokens EOS ne seront plus transférables. Toute entité désireuse de déployer une plateforme EOS pourra y générer des tokens natifs correspondant au solde affiché sur les adresses publiques Ethereum correspondantes. Pour que ces tokens soient transférables, la blockchain considérée devra être approuvée par au moins 15% des détenteurs d’EOS tokens.

Il est à noter que BlockOne ne déploiera aucune blockchain via EOS.

Le site de la crowdsale

Critiques

Les ICOs sont actuellement très critiquées car elles donnent à des équipes de développement la possibilité de lever des sommes folles lors des phases initiales de création, avec une régulation minimale sinon inexistante, bien avant que le produit final ne soit délivré. Les arguments des uns et des autres pourraient faire l’objet d’un livre, je vais donc oublier les critiques générales relatives aux ICOs et m’attacher à ce projet particulier :

  • EOS veut concurrencer Ethereum, qui est la blockchain la plus avancée, appuyée par la puissante Ethereum Enterprise Alliance, déployant déjà de nombreuses applications industrielles. Les problèmes de scalabilité sont un fait mais plus de 10 000 développeurs travaillent à les résoudre et il ne sera pas facile de rivaliser avec eux.
  • Ethereum mis à part, EOS a déjà de solides concurrents comme BitShares ou RSK sur le marché des systèmes d’exploitation décentralisés/plateformes de smart-contracts.
  • Dan Larimer est un génie, mais il est aussi critiqué pour son manque d’engagement après avoir quitté rapidement les équipes de BTS et Steemit, quand bien même ces plateformes blockchain se portent très bien.
  • Le modèle de l’ICO est celui de la vente non-plafonnée et le token ERC 20 n’a pas de fonctionnalité autre que celle de lever des fonds. EOS est un projet peu avancé et les incertitudes sont nombreuses.
  • Cette ICO centralise une énorme quantité d’ethers entre les mains de quelques développeurs : cela rend possible la manipulation de son cours, par exemple, en cas de vente abusive au prix du marché.

Conclusion

Il n’est pas possible de prédire la valorisation de l’EOS token après la fin de la crowdsale ni d’être assuré de la réussite du projet, et c’est le cas pour toutes les ICOs. Cependant, nous pouvons identifier une donnée intéressante : pour toutes les rondes à venir, il y a un seuil (en ethers) à partir duquel le prix d’achat sera inférieur au prix de la ronde d’investissement initiale (nombre d’unités disponibles pour chaque ronde * prix de l’EOS token en ETH lors de l’ICO).

En mettant cela en corrélation avec le cours quotidien de l’ether en monnaie fiat, celui du token sur les plateformes de change et la provision restante, chaque investisseur potentiel peut déterminer le moment où il lui semble opportun d’acheter, moyennant quelques maux de tête.

Les technologies blockchain sont vantées pour être « disruptrices » : en comparant ces modèles de financement participatif – ouverts, rapides et auto-gérés – avec les structures d’investissement classiques – élitistes, lentes et fortement régulées – cet anglicisme prend tout son sens.

La ferveur générée par cette ICO, au-delà de sa couverture médiatique mainstream, vient des accomplissements passés de Dan Larimer qui inspirent confiance en sa capacité à mener un projet de très grande envergure.

Il est difficile pour beaucoup de concevoir que l’on puisse confier à une équipe de développement l’équivalent de plus de 175 millions d’euros – en quelques jours à peine- afin qu’elle mène à bien un projet à peine entamé et très ambitieux, mais Dan Larimer n’est est pas à son coup d’essai : il a déjà créé BitShares, un réseau valorisé à plus de 500 millions de dollars, à partir d’une feuille de papier et de quelques lignes de codes.

Quand la crypto-communauté finance un projet blockchain via une ICO, c’est comme lorsqu’un club de football alloue des millions à une poignée de très bons joueurs : il n’a comme garantie que leurs exploits passés, et ces derniers peuvent a contrario ne plus marquer de buts ou se casser la jambe. No risk, no reward !

Sur le web

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  • Résumé : Achetez ma crypto-monnaie.

    EOS n’a rien de révolutionnaire, Bitshares et Steemit sont des pump and dump. Le montant levé est abusif et joue sur l’ignorance et la cupidité des investisseurs.

    Des projets similaires mais beaucoup plus propres et avec de vrais cas d’usages existent (e.g. Cosmos).

    Je suis étonné qu’on laisse une tribune comme ça passer sur Contrepoints

    • Allez-y, faites nous une tribune sur Cosmos… vous avez déjà commencé.

      Un point sur lequel vous avez raison, c’est que l’auteur devrait nous informer sur ses conflits d’intérêts… et CP devrait lui demander avant de publier.

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