Le gouvernement Macron est-il plombé par l’héritage Hollande ?

Le programme et les engagements du candidat Macron risquent d’être remis en cause, à la fois au niveau fiscal et financier par les dérapages budgétaires de son prédécesseur François Hollande.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
François Hollande - Prix de l’Audace artistique et culturelle 2015 credits Actualitté (CC BY-SA 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le gouvernement Macron est-il plombé par l’héritage Hollande ?

Publié le 5 juillet 2017
- A +

Par Hugo Gerlier.

Le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a rendu public le rapport annuel de son établissement sur la situation des finances publiques1, ce dernier est alarmant.

Même si des efforts étaient annoncés, le bilan est loin d’être glorieux, l’objectif de 2,8% de déficit public ne sera pas tenu, à moins d’un miracle, ou d’un supplice fiscal. La Cour des comptes affirme que « sans mesures fortes de redressement », le déficit atteindra au moins 3,2% du PIB en 2018. Outre le fait que les finances ne soient pas assainies, c’est une chose plus grave encore que la Cour des comptes constate, l’insincérité dans les comptes publics. C’est une accusation grave, mais Didier Migaud s’explique.

Le Programme de stabilité d’avril 2017 comporte des biais de construction qui affectent la sincérité de la trajectoire financière pour 2017-2018. Cette trajectoire ne paraît pas, en l’État, pouvoir être respectée.

De fait, l’insincérité dans les finances publiques se trouve davantage dans le chiffrage global que dans la continuité du quinquennat. On remarque ce problème à deux niveaux distincts.

D’une part, les dépenses restent beaucoup trop élevées et ont été sous-évaluées, elles étaient de 1257 Md€ en 2016 (30% de plus qu’en 2006) et la Cour des comptes relève des risques de dépassements évalués à 7,3 Md€ par rapport au Programme de stabilité.

Parallèlement, les recettes de l’État ont été surévaluées, avec une base de prélèvements obligatoires légèrement plus faible (en retrait de 1,5 Md€ par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2017). « L’ensemble des recettes publiques, fiscales et non fiscales, serait ainsi surévalué d’environ 2 Md€ ».

De plus : « la loi de finances comporte des sous-budgétisations à hauteur de 4,2 Md€, selon une hypothèse centrale ». C’est pourquoi, selon la Cour des comptes, « des progrès sont nécessaires pour garantir la sincérité des projets de loi de finances adressés au Parlement et des programmes de stabilité soumis à l’examen de la Commission et du Conseil européens. »

Le carnet de comptes mis au placard à la fin du quinquennat

En cause, les milliards d’euros de cadeaux faits par Hollande à la fin de son quinquennat. Avant de quitter l’Élysée, les chefs d’État et de gouvernement ont la fâcheuse habitude de laisser filer quelques deniers, souvent en vue d’une réélection, stratégie politique oblige.

On pensait cette mauvaise habitude oubliée en 2017, qui plus est dans le cas présent, où le Président Hollande n’avait aucun mandat en vue. Quelle a donc été sa motivation à ouvrir les vannes des caisses publiques ?

Le Canard enchaîné a souligné ces écarts, ces milliards d’euros de dépenses imprévues qui creusent un trou dans les finances publiques. « Des hauts fonctionnaires du Trésor et du Budget ont alerté les magistrats », précise Le Canard enchaîné. On pointe donc du doigt le trou budgétaire, qui se creusera d’au moins 8 milliards d’euros en 2017 selon la Cour des comptes.

Les cadeaux signés Hollande, plus ou moins justifiés, sont nombreux : 300 000 chômeurs mis en formation à la fin du quinquennat, plan de soutien de 3,2 Md€ à la Guyane, hausse du point de rémunération des fonctionnaires ou encore la baisse de l’IRPP pour les personnes en situation modeste (impôt sur le revenu des personnes physiques).

Difficile dans cette situation, de respecter les engagements pris comme le rappelait Michel Sapin, alors ministre des Finances, le 28 septembre 2016, lors de son allocution pour présenter la loi de finance de 2017 : « cet engagement nous le tiendrons et il y a de quoi en être fier dans les conditions dans lesquelles le pays s’est trouvé dans les 5 dernières années » (à propos de l’objectif des 2,8% de déficit public). On se demande aujourd’hui de quoi peut être fier Michel Sapin, mis à part si cette déclaration n’était qu’une plaisanterie saugrenue.

L’avenir s’obscurcit pour le gouvernement Macron

La Cour des comptes note aussi que « la lenteur de la réduction du déficit public de 2012 à 2016 place aujourd’hui notre pays dans une situation en décalage par rapport à nos partenaires européens ». Bruno Le Maire, nouveau ministre de l’Économie, se trouve aujourd’hui dans une situation délicate, il évoque en ce sens des décisions très difficiles à prendre.

Le programme et les engagements du candidat Macron risquent d’être remis en cause, à la fois au niveau fiscal et financier. Mais un autre risque existe, si le Président Macron ne tient pas ses engagements au niveau européen, c’est toute la crédibilité de l’Hexagone qui risque d’en subir les conséquences.

Ce Président qui tient tant à redonner à la France la place qu’elle mérite au sein de l’Union Européenne aura du mal à atteindre ses objectifs tant la situation intérieure semble déjà instable.

Les hommes politiques pensent être intouchables

Les hommes politiques ne sont-ils pas finalement orientés seulement vers leurs intérêts personnels ? Un commerçant qui vend son enseigne ne va pas plomber la succession de son repreneur, il en sortirait perdant.

Sauf que le clivage gauche-droite pousse les hommes politiques à faire de mauvais choix. Les gouvernements ont toujours tendance à être très optimistes à la fin de leur mandat, dans l’espoir d’être réélu, c’est pourquoi ils font, dans le même but, beaucoup d’offrandes. Mais pour le quinquennat Hollande, tout ne s’est pas passé comme prévu ; n’étant pas candidat à sa propre succession, le Président n’aurait-il pas tout fait pour mettre en péril le quinquennat suivant ?

Le mot insincérité de la Cour des comptes est très fort, il faut noter que seul le conseil constitutionnel peut annuler une loi de finance, au long d’un mécanisme très complexe, en prouvant qu’elle est insincère, en ayant des preuves inscrites dans la loi de finance, par exemple des chiffres et objectifs totalement inatteignables.

Il y a de fait un aléa moral (moral hazard) entre le contribuable et les hommes politiques, ces derniers se soucient peu des comptes qu’ils rendent et de l’argent (public) qu’ils dépensent. Et pour faute, ils n’ont que peu de comptes à rendre, et risquent, au pire, un jugement moral sur leurs résultats.

Quant au jugement que l’on peut porter sur les concernés, les risques qu’ils encourent paraissent dérisoires. Un chef d’entreprise qui présente un faux bilan est appelé au tribunal de commerce avant d’être convoqué au tribunal correctionnel puis d’être condamné. Ne faudrait-il pas demander des explications à M. Sapin et à l’ancien Président pour la présentation d’un faux bilan ?

 

  1. Voir Cour des Comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », 29 Juin 2017 (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-situation-et-les-perspectives-des-finances-publiques-0)
Voir les commentaires (13)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (13)
  • Vous n’allez pas me faire croire que Macron ancien conseillé de l’Elysée, ancien ministre du budget jusqu’en 2016 n’était pas au courant de la situation, ou alors cela pose la question de son niveau de Peters

    • tout à fait! Nous avons des incapables à la tête de l’état; cela fait 30, voire 40 ans que les budgets sont sous estimés, que les déficits sont supérieurs à ce qui est annoncé, que l’on gaspille sans contrôle.Un exemple : ségolène royal a « coulé » la région charente-poitou, mis en faillite HEULLIEZ..
      Michel SAPIN, déjà présent aux finances en 1992, je crois, continue de raconter n’importe quoi face aux Français malgré des déficits publics !! citez-moi un secteur dans le vert !! Unedic : en rouge !! la SS ? dans le rouge !!AREVA ? idem!! Les Retraites ?pareil !!! SNCF ? déficits constants !!! Et des impôts qui progressent sans cesse et SANS résoudre ces déficits; en fait , nous remplissons à perte un seau percé de trous multiples !! Posez-vous une question : à terme, que va -t-il se passer ?

  • Je me souviens des déclarations de début de mandat de François Hollande. Il nous promettait des économies. Ce qu’il n’a jamais commencé à faire. Chaque réforme annoncée a été l’occasion d’enclencher remarquablement des dépenses supplémentaires pour des dédommagements sociaux préventifs ! A ce feu d’artifices de dépenses éparpillées durant près de cinq ans dans le ciel bleu de France, rose socialiste, Hollande nous a gratifié, en remerciement de notre mansuétude contributive, par un bouquet final des plus réussi !
    Mais à l’avoir écouté également à son départ, son bilan a été positif ! La France , nous a t-il dit, qu’il laissait à son successeur était un bien meilleure position que celle transmise par son prédécesseur. Il semble que les faiblesses apparentes ne relevaient que d’une conjoncture mondiale qui avait eu le mauvais goût de tarder à se manifester …pour remettre miraculeusement de l’ordre dans nos comptes !
    A vrai dire – selon moi – plus que du mauvais goût, de la malveillance, puisque cette traîtresse (de conjoncture) a surtout traîner les pieds chez-nous…

  • le carnet de compte au placard mais pas le carnet de chèques ; il serait tout à fait normal que les élus qui nous ont enfoncé dans ce marasme , et dieu sait s’ils sont nombreux vu que ça dure depuis des lustres , soient eux mêmes impactés financièrement sur leur revenus , retraite compris ; ces gens là nous mentent ouvertement , ils savent qu’ils mentent , mais aprés eux le déluge n’est ce pas …..ça devient franchement insuportable ;

  • Il faut les comprendre, aussi… en janvier il était encore largement probable qu’ils allaient laisser le pays au parti d’en face, ils allaient quand-même pas trop leur faciliter les choses, si…?

  • Non, Macron n’est pas plombé par l’héritage de Hollande. Il est plombé par une énarchie (dont il fait partie) qui n’a jamis rien compris à l’économie et n’y comprendra jamais rien, Eux qui n’ont jamais fait les fins de mois d’une entreprise.
    Leur seul logiciel est le capitalisme de connivence et l’augmentation sans cesse des impôts et taxes.
    Tant que les français crachent au bassinet en se ventant de ce service public épatant, ils auraient tort de se gêner, non?

  • Ben oui, plombés comme pour une ligne de pêche pour qu’elle descende vers le fond. Sauf que ce plombage n’a quand même pas été réalisé par des braconniers dans le dos de toutes nos excellences. Suivant carrière de ceux aux finances/budget/comptes de l’Etat, du PM et de notre POTF, ils devaient être très au courant. Mais c’est sûr que traverser le couloir de leur lieu de travail pour demander à un quidam de son ancienne école qui lui-même demande à un autre quidam de son ancienne école, etc… n’est pas d’un grand élargissement intellectuel. Ma foi, malgré leurs pensées complexes, s’ils lisaient les nombreux blogs économiques qui expliquent en long en large et en travers où on en est depuis 40 ans, ce serait limpide. Et pas besoin de traverser la Seine ou de mander la gazette, un flux RSS sur smartphone suffit…

  • Agaçant de lire que c’est la faute au prédecessuer.
    Le capitaine de Turbo-Rétro pédalo avait exactement le même discours.

    Encore un qui fait tout pour rester au pouvoir. Faire la fête avec l’argent gratuit des autres, c’est tout ce qui leur importe.

  • C’ est le pays qui n’ a pas fini de faire le bilan de ce mandat calamiteux. Il mériterait le bagne à Cayenne ce gros tas de merde.

    • Le pays l’a élu. Lui ne fait que représenter le peuple. Et il le fait bien : il fait du socialisme, car le peuple est socialiste. Don’t shoot the messenger.

  • Quand il distribuait des cadeaux fiscaux, Hollande pensait se représenter. Il l’a voulu jusqu’au bout, jusqu’à la veille de son discours, date à laquelle ses meilleurs amis lui ont dit « non demain, tu annonces que tu ne te représentes pas, tu nous as trop plombés ». De fait, le lendemain c’est avec des larmes dans les yeux qu’il annonçait son renoncement comme un enfant à qui on interdit un jeu.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe... Poursuivre la lecture

Dans un rapport publié en novembre, la Cour des comptes dresse un bilan préoccupant de l’état de la fonction publique française.

Trois ans après la promulgation de la loi du 6 août 2019 sur la transformation de la fonction publique (LTFP), l’État peine à attirer, à recruter et à fidéliser les agents publics. La Cour note que « le nombre de fonctionnaires a diminué de 53 300 dans l’ensemble de la fonction publique, soit une baisse de 1,4 % par rapport à 2016. » La proportion d'agents contractuels dans les trois fonctions publiques est ... Poursuivre la lecture

Par Simon Choisy. Un article de l'IREF

 

La bouche de la vérité (bocca della verita), aussi appelée « bocca del leone » (bouche de lion), compte parmi les curiosités du palais des Doges de Venise.

Il s’agit d’une boîte aux lettres destinée, du temps de la république de Venise, à recevoir les dénonciations. Associés à tort à des délations anonymes, ces mémoires devaient être signés et circonstanciés. Ils faisaient ensuite l’objet d’enquêtes, notamment pour des actes constitutifs de mauvais usage des deniers publics, d... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles