Macron : un Hollande déguisé en Juppé ?

Sorte de Hollande grimé en jeune Juppé, Macron nous offre la synthèse ultime d’un pouvoir oligarchique heureux de son nouveau lifting, du genre de ceux qui finissent par transformer les sourires en grimaces.

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Alain Juppé trop fade ? By: Magharebia - CC BY 2.0

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Macron : un Hollande déguisé en Juppé ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 juillet 2017
- A +

Par Serge Federbusch.

Derrière les rodomontades et moulinets «austéritaires» d’Édouard Philippe et Bruno Le Maire, se dessine chaque jour un peu plus la politique de faux-semblant telle que l’appliquaient François Hollande et ses troupes.

On voit apparaître, en reliant les points de mesures en apparence désordonnées, la figure du mammouth qu’on ne dégraissera pas, un peu comme dans ces jeux qu’on trouvait autrefois dans les cahiers d’écoliers et qui vous faisaient progressivement découvrir le profil d’un animal ou d’un ustensile familiers.

Résumons-nous. Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint en charge des questions économiques et financières à l’Élysée puis ministre de l’Économie, le tout pendant près de quatre ans, au terme d’une campagne électorale de dix-huit mois appuyée sur une foule d’experts plus ou moins auto-proclamés, a découvert, ça par exemple, qu’un déficit de plus de huit milliards d’euros avait été dissimulé à ses yeux d’aigle jupitérien.

Opération de communication

Quelle surprise ! C’est la première étape de l’opération de communication, nom élégant de la manipulation. La seconde ne se fait pas attendre : on proclame qu’une difficile politique d’économies va être mise en œuvre, avec le duo précité – Philippe et Le maire – à la manœuvre.

Elle consistera en réalité, comme sous Hollande, à sacrifier les investissements publics, geler le point d’indice des fonctionnaires tout en accordant de ci de là des mesures catégorielles et croiser les doigts en espérant que la Banque centrale européenne veuille bien continuer à aplatir les taux d’intérêt que nous payons sur la dette publique.

S’il manque quelques centaines de millions d’euros, voire un ou deux milliards, la hausse de la CSG sera plus forte que la baisse des cotisations sociales promises. L’État se servira dans l’épaisseur du trait.

Un discret aggiornamento des promesses relatives à la taxe d’habitation, à l’ISF ou au remboursement des lunettes et prothèses dentaires, tant attendues par les Sans dents et Sans yeux, achèveront ce retour au réel, d’une triste banalité. Après tout, comme le disait Jacques Chirac six mois après son élection de 1995 : « Il faut savoir sortir d’une campagne électorale. »

Audace timide

Tout cela, avec un peu de chance et un début de reprise, devrait permettre à l’Olympe de ne pas trop razzier les mortels pour satisfaire ses besoins dans les deux ans qui viennent. C’est la République le nez dans le guidon… Quoi qu’à y regarder de plus près, le Premier ministre de 1995, un certain Juppé, faisait quand même montre d’un plus grand courage en s’attaquant aux régimes spéciaux, ce qui mettait toute la France syndicale dans la rue lors d’un hiver glacial.

Cette audace, déjà timide à l’aune des entreprises Thatchérienne ou Schrödérienne, est loin de caractériser aujourd’hui l’action des épigones de Juppé qui forment une petite partie du gouvernement, alibis de droite dans un univers de hollandisme mou.

Sur tous les sujets, le recul macronien commence à s’observer. Prenons par exemple la réforme du Code du travail qui, de manière cocasse, prend surtout le chemin d’un renforcement des accords de branches, fonctionnement du secteur privé fantasmé par des hauts fonctionnaires nourris à l’idée que la vie économique et la concurrence peuvent être régulées de manière pyramidale.

Le libéralisme de Macron est un leurre

La formation professionnelle, le financement syndical et la protection sociale complémentaire seront bientôt quasi entièrement régis par des accords négociés par les syndicats.

Sur un autre sujet, la réduction des effectifs publics qui débute curieusement par le recrutement d’enseignants, on voit que le libéralisme de Macron n’est qu’un leurre, que sa réalité est celle d’une bureaucratie d’accommodements comme son capitalisme est de connivence.

Comment pourrait-il en être autrement pour un président issu du milieu lilliputien des inspecteurs des finances passés par la banque d’affaires, qui conçoivent le monde comme le champ clos où s’arrangent entre eux les puissants, le vulgum pecus economicus étant réduit à n’en connaître que ce que les commentateurs autorisés lui diront ?

La pensée complexe de Jupiter

N’oubliez pas ce que vient de faire savoir Jupiter : sa pensée est trop complexe pour être confrontée à des questions imprévues, même le temps d’une conférence de presse du 14 juillet !

De Juppé, Macron a donc les soutiens, les collaborateurs et les réflexes corporatistes. Mais c’est de Hollande qu’il tient l’essentiel de sa pratique gouvernementale : gagner du temps, enfumer, distraire par la communication, noyer le poisson des réformes dans l’eau des subterfuges.

Comme tout mirage, la politique macronienne tend à repousser la confrontation au réel. Juppé, en 1995, avait tenu six mois. Hollande un an et demi. Macron peut espérer une durée intermédiaire. Les Français, y compris la grande majorité de ses électeurs, sont tellement désabusés qu’ils n’attendent en réalité pas grand chose de lui, outre la comédie du rajeunissement.

Continuer à consommer sans trop avoir à se serrer la ceinture : ils ont élu Macron pour qu’il obtienne ce minimum à Berlin. Juppé n’avait pas réussi, Hollande n’avait eu gain de cause que parce que la crise grecque a fait peur aux Allemands. Macron ne sait pas encore comment il y parviendra. Mais faites lui confiance !

Sorte de Hollande grimé en jeune Juppé, Macron nous offre la synthèse ultime d’un pouvoir oligarchique heureux de son nouveau lifting, du genre de ceux qui finissent par transformer les sourires en grimaces.

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Voir les commentaires (17)

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  • en tout cas , côté com , je lui tire mon chapeau à macron ; on ne voit que lui , on ne parle que de lui , on n’entend que lui , il est partout ; j’ai l’impréssion d’être en 2007 , sous l’ère sarkozy ;

    • Non, en 1981, qu’en Jack Lang voyait la lumière après les ténèbres! On a vu ce que les lumières de gauche on provoqué: 3 dévaluations, contrôle des changes, des millions de chômeurs, et le rire chez tous les pays démocratiques.

  • Dans cinq ans, le fmi, le Pen Mélanchon, les français auront tout gagné . Aujourd’hui, lorsque je discute avec certains qui ont toute l’apparence d’être macroniens, me disent avoir voté Fillon, vraiment je me demande comment Macron a été élu, peut-être que ceux ci commencent à vouloir mettre la faute sur les autres, ils entrevoient certainement le désastre qui se prépare.

  • Les Français ont élu un étatiste, comme toujours. Le libéralisme n’est pas leur tasse de thé, même sous la version modérée d’un Fillon.

  • « Macron : un Hollande déguisé en Juppé »

    Exactement ce que je pense depuis le début!

    • @ Lio
      Donc E.Macron n’est ni Hollande ni Juppé: et c’est normal!

      C’est toujours à cause de vos références au passé que votre avenir n’arrête pas de le répéter.

      La France est un pays plus attiré par son passé qu’apte à travailler à son avenir, par peur du changement!

  • J’ai bien peur que vous n’ayez raison. Mais à côté de notre petit hexagone, le reste du monde continue d’avancer, ce que maitrisent les grandes entreprises, mais quid des PME, des TPE et des laissés pour compte?

  • « Les Français, y compris la grande majorité de ses électeurs, sont tellement désabusés qu’ils n’attendent en réalité pas grand chose de lui, outre la comédie du rajeunissement. »
    Je pense le contraire : les français désabusés ont mis tous leurs espoirs dans ce (apparemment) nouveau pion de l’échiquier. Ils ne savent plus ce qu’ils veulent exactement, si ce n’est que ce président règle les problèmes sans douleur,de manière un peu magique (et vu que Macron se prend pour Jupiter, ca devrait le faire, non ?).

    La déception sera à la hauteur des attentes : forte !
    Pour peu que la déception se transforme en sentiment de trahison…

    Macron doit réussir, car il risque gros ! (mais faudrait qu’il commence à s’y mettre pour de vrai…)

  • En Marche ? En Marche ?
    En Marche Arrière :mrgreen:

    Devinette : qu’est-ce qui est En Marche, et n’avance pourtant pas ❓

  • – Un discours fattopardiste -« pump and circonstances » à Versailles – pour sauver les apparences de notre économie malade..mais peu convainquant vu l’héritage d’Hollande dont Macron a aussi contribué ( http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/l-insincerite-des-comptes-publics-194686 )…on verra bien demain mais nous voilà à nouveau spectateurs pendant 5 ans… des réformes en projet pour la France et l’UE mais à notre détriment. Cela fait des années qu’on agite l’épouvantail de la dette de l’État pour justifier une casse des services publics et une stagnation ou une baisse des revenus des salariés (et maintenant, une baisse des pensions….).

    • Pour la baisse des pensions, rien de nouveau. Marrant comme le peuple se fait enfumer sans le voir: depuis 4 ans aucune revalorisation des retraites malgré une inflation de 7% minimum…

  • Macron serait pour moi la synthèse ou l’hybride de Rocard, Juppé et Sarkozy (ce qui n’est pas flatteur) : Rocard car symbolisant initialement la droite du PS et fan de la CSG, Juppé pour le côté énarque/technocrate rigide et centralisateur voulant étatiser la sécu, au lieu de la privatiser, et pensant ainsi réduire les déficits publiques et Sarkosy pour la forme (autoritarisme, hyperactivité de façade, com permanente).

    • Deux équation simples:
      Rocard + Juppé + Sarkozy = Echec
      Rocard + Juppé + Sarkozy = Macron
      Donc Macron = Echec
      Rien de nouveau sous le soleil

  • Ma foi, avec les LR Philippe (1er Ministre), Le Maire (Ministre de l’Economie et des Finances), Darmanin (Ministre des Comptes Publics) et Woerth (Président de la Commission des Finances), on ne devrait pas trop se tromper sur la manière de procéder. Et si par hasard le Monarc trouvait qu’ils en font un peu trop à leur manière, il devrait attendre car après Bayrou, De Sarnez, Goulard, Ferrand et bientôt Penicaud, cela ferait un peu trop bordel d’en « virer » d’autres. Donc, même gens, mêmes procédés pendant plusieurs mois…

  • Je l’ai dit et répété, les français sont des abrutis, pour élire un énarque après un énarque, un Hollande puis un clone de Hollande!

  • « Les Français, y compris la grande majorité de ses électeurs, sont tellement désabusés qu’ils n’attendent en réalité pas grand chose de lui, outre la comédie du rajeunissement. »
    En fait compte tenu de l’abstention Mr Macron n’aura leurré que 16% des inscrits avec l’aide de l’épouvantail de Mme Le Pen…
    Il ne faut pas l’oublier.
    Désormais on se permet d’avoir un soupçon (pas plus) d’espoir, tout en sachant, en ce qui me concerne, que l’on sera terriblement déçu.
    Comme dit dans un autre post : la France malade est en soins palliatifs : soins de confort mais mort certaine…
    Le destin de la Grèce nous attend: ce sera pour quand ?

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