4 erreurs qui rendent la projection du FMI pour la France erronée

Le FMI propose, dans son rapport annuel sur la France appelé article IV, une projection du budget consolidé (budget de l’État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale) pour les cinq années à venir.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

4 erreurs qui rendent la projection du FMI pour la France erronée

Publié le 30 juin 2017
- A +

Par Jean-Pierre Dumas. 

La politique macroéconomique pour la France proposée par le FMI  France : Article IV Consultation, 16/227  n’est pas adéquate. Le plan macroéconomique d’Emmanuel Macron est le même que celui du FMI.

La politique macroéconomique du FMI n’est pas adéquate

Le FMI propose, dans son rapport annuel sur la France appelé article IV, une projection du budget consolidé (budget de l’État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale) pour les cinq années à venir.

C’est important, car c’est comme d’habitude, avec le FMI, un travail remarquable fait par des économistes de pointe et cela nous donne une vision économique de la France qui manque tant dans notre pays (on rappellera que le ministère des Finances français n’est pas en mesure de présenter un budget en termes économiques). Le scénario d’E. Macron est en gros celui du FMI.

Le scénario FMI/Macron aura des difficultés, à notre avis, à relancer la croissance et l’emploi, car il est trop timoré. Il repose, à notre avis, sur quatre erreurs.

  • Il considère qu’une politique homéopathique est possible et souhaitable pour la France ; c’est oublier la situation de départ, la France a un taux de prélèvements obligatoires (cf. Figure 1) et de dépenses publiques (cf. Figure 2) plus élevé que ses partenaires. C’est la contrainte de base, the binding constraint (D. Rodrik).
  • Dans le scénario FMI/Macron, les dépenses publiques baissent de 56,5% du PIB en 2016 à 54% en 2022 (cf. Figure 4) (-2,5 points de PIB). C’est un rythme tout à fait insuffisant ;
  • d’autant plus que le FMI a fixé comme objectif budgétaire un retour à un déficit de 3% du PIB dès 2017 et un solde budgétaire de -1% du PIB en 2021 (comme le propose le ministre actuel de l’Économie) (cf. Figure 5).
  • Dans la mesure où les dépenses publiques diminuent peu, le taux de prélèvements obligatoires (au sens large du terme) reste constant à 53% du PIB sur toute la période (cf. Figure 4).

Figure 1 – Le modèle social français coûte cher et ne produit pas d’emplois

General Government revenue = recettes fiscales et non fiscales de l’État, des collectivités locales et de la Sécurité Sociale

Figure 2 – La France a le taux de dépenses publiques le plus élevé du monde

L’histoire économique de la France après Pompidou se résume à un accroissement permanent et constant des dépenses publiques suivi d’un accroissement des impôts afin de satisfaire l’objectif inatteignable des 3% de déficit public.

Il est évident que c’est une politique socialiste (appliquée par la droite et la gauche) qui vise à accroître toujours davantage le poids des dépenses publiques courantes (qui, contrairement aux économistes keynésiens, n’ont aucun effet multiplicateur sur le revenu étant donné leur niveau ridiculement élevé et du fait que cet accroissement n’a rien à voir avec une politique contra cyclique).

C’est la politique socialiste traditionnelle du tax and spend ou plutôt le contraire, on dépense d’abord, puis on réfléchit et on accroît les impôts et charges publiques au détriment de la croissance et de l’emploi ; car le pouvoir pense que les Français (la rue) n’accepteront pas une baisse des dépenses publiques (pas de baisse de la masse salariale des fonctionnaires (13% du PIB, le ratio le plus élevé du monde), pas de baisse du modèle social français, pas de baisse des transferts publics exorbitants en faveur des retraités (13% du PIB), pas de suppression de tous ces comités Théodule qui ont été créés pour installer des amis politiques ayant perdu les élections et les multiples établissements publics dont l’utilité est discutable, pas d’analyse des dépenses, aucun effort en vue d’estimer leurs coûts et bénéfices.

On constate qu’en France, la réduction des déficits s’est faite par la hausse des impôts

On constate, dans la Figure 3, que les prélèvements obligatoires ont augmenté de 2,4 points de PIB sous Sarkozy (Mme Lagarde, ministre de l’Économie à cette époque et Directeur du FMI aujourd’hui), puis de 1,5 point de PIB sous Hollande (M. Macron Secrétaire général de l’Élysée et ensuite ministre de l’Économie). Tout cela pour répondre à une hausse des dépenses publiques de plus de quatre points de PIB sous Sarkozy, et que le Président Hollande ne sera pas capable ni désireux de réduire.

Figure 3 – L’accroissement considérable des recettes n’a pas été suffisant pour financer les dépenses

Deux scénarios macroéconomiques sont possibles

Contrairement à ce que l’on croit, le FMI n’est pas favorable à des politiques de choc, surtout pour un pays aussi important que la France qui, s’il devait passer au FMI, n’accepterait pas, au nom de la souveraineté nationale, une politique d’ajustement drastique.

1) Le scénario Macron/FMI (2017-22) repose sur une baisse des dépenses progressive et lente étalée sur tout le quinquennat (moins 2,5 points de PIB sur la période) et pas de réduction du taux de prélèvements obligatoires.

2) Dans le scénario alternatif suggéré : on propose de passer d’un taux de dépenses publiques de 56,5% en 2016 à 52% en 2022 (moins 4,5 points de PIB en cinq ans), ce qui permettrait de réduire d’une manière significative les impôts et charges de 53% du PIB à 50% du PIB (-3 points de PIB sur la période).

On nous rétorquera que les Français ne sont pas habitués à une politique économique du big bang, donc le scénario FMI/Macron est plus réaliste, car plus progressif et qu’il faudra continuer de toute façon plus tard.

C’est possible, mais c’est : a) perdre l’effet de choc dû à une baisse des impôts sur les entreprises qui permettrait de provoquer des anticipations positives de la part des entrepreneurs et des investisseurs et b) escompter une capacité à la réforme permanente chez les Français, ce dont nous doutons.

Notre variante (2) repose sur l’hypothèse que les Français ne sortiront pas plus dans la rue si l’on fait des réformes structurelles tout de suite que si on les fait d’une manière homéopathique chaque année. Nous reconnaissons que c’est une hypothèse hardie.

Figure 4 – Différences entre une stratégie de choc et une stratégie homéopathique de type FMI/Macron

Le scénario à la FMI/Macron aura vraisemblablement peu d’effet sur la croissance (c’est d’ailleurs ce qui ressort de leurs projections (cf. Tableau 2), alors qu’un scénario qui repose sur un petit paquet de réformes et de baisse significative des prélèvements et des dépenses au début devrait, à notre avis, relancer la croissance et l’emploi en envoyant un signal fort aux entrepreneurs.

En effet, aucune croissance significative ne sera possible en France avec un taux de prélèvement qui reste fixé à 53% du PIB sur toute la période (or c’est bien ce que le FMI propose sur la période 2017-22) (cf. Figure 4). C’est simple à comprendre, le taux de prélèvements obligatoires de la France étant un des plus élevés du monde, tout accroissement de ce taux aura comme effet de geler l’initiative privée et l’investissement en capital et en ressources humaines, c’est ce qui explique la performance lamentable de la France durant le dernier quinquennat (cf. Tableau 1).

Tableau 1 – Performance des grands pays en matière de croissance et d’emplois (2012-2016)

Tableau 2 – À notre avis, une politique d’ajustement structurel forte au début entraînera un choc de croissance que l’on ne retrouve pas dans la stratégie FMI/Macron

Le scénario macroéconomique : baisse simultanée des impôts et des charges, et des dépenses publiques

Non seulement il faut réduire en même temps les impôts et les dépenses, mais il faut le faire d’une manière significative de façon à créer un double choc budgétaire auprès des entrepreneurs privés (qui sont incidemment ceux qui créent des emplois), des agents économiques et des marchés, pour bien montrer que la France s’oriente vers une trajectoire de rigueur durable et de croissance, les deux sont compatibles.

On aura au début un déficit autour de 3,5% du PIB, mais il sera d’une autre signification, quand le gouvernement aura montré aux Français et aux marchés qu’il s’engageait, pour la première fois, sur une politique crédible de l’offre avec baisse des impôts et des charges durables.

On peut voir (cf. Figure 5) que la trajectoire de réduction du déficit est beaucoup plus modérée dans notre projection que dans celle du FMI. Si l’on suivait notre proposition, on atteindrait un solde budgétaire de -3% du PIB en 2019, alors que pour le FMI/Macron ce serait en 2017, ce qui semble irréaliste.

Néanmoins, il est important de respecter à terme les critères de Maastricht et même de les dépasser ; cela signifie que, dans un pays aussi endetté que la France, il faut tendre vers un surplus structurel primaire permanent. Ceci étant dit, l’erreur de N. Sarkozy et de F. Hollande a consisté à tendre vers le déficit de 3% (sans y arriver) en agissant uniquement du côté des prélèvements obligatoires (cf. Figure 3), ce qui a contribué à tuer la croissance et à maintenir un taux de chômage à deux chiffres.

Figure 5 – L’ajustement budgétaire du FMI est (à notre avis) trop élevé

Le débat : keynésianisme versus non-keynésianisme

Ce que nous avons appris (et que nous aurions dû savoir il y a longtemps) c’est que la politique pour arriver à un solde budgétaire de -3% du PIB (objectif traditionnel du FMI pour les pays en déficit) n’est pas indifférente. Arriver à l’objectif d’un déficit de 3% du PIB par une hausse des impôts dans un pays surtaxé a pour effet de tuer la croissance (cas de la France avec N. Sarkozy en 2011-12 et F. Hollande 2013- 14).

Il n’y aura pas de croissance durable sans une baisse crédible des impôts et des charges qui pèsent sur les entreprises ; cela ne peut se faire sans diminuer en même temps les dépenses budgétaires. Si l’on baisse les impôts sans baisser les dépenses, on aura un déficit insoutenable.

Certes, les économistes keynésiens nous disent qu’il ne faut pas se préoccuper de la règle des 3% et qu’un déficit c’est bon, ça relance l’économie. Mais les taux de dépenses publiques et de la dette sont, en France, trop élevés pour se contenter de réduire uniquement les recettes fiscales.

Nous pensons qu’une stratégie portant sur la baisse des recettes et des dépenses couplée avec une réforme du Code du travail, l’instauration des négociations sociales au niveau de l’entreprise et non de la branche et une formation professionnelle (avec les entreprises) pourraient avoir des effets considérables sur la croissance et sur l’emploi sans une réduction du déficit aussi forte que celle préconisée par le FMI.

Certes, tout cela se trouve plus ou moins dans le plan d’E. Macron (sauf la baisse des dépenses et des impôts), mais le Président sera-t-il en mesure de mettre en œuvre un programme cohérent qui mettra plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue, ou suivra-t-il ses prédécesseurs sans rien faire qui puisse mettre en cause « la paix sociale » au détriment de l’emploi et des jeunes ? Osera-t-il rompre avec la fameuse « préférence pour le chômage » à la française ?

De deux choses l’une : où le Président Macron suit le scénario du FMI (ou pire le scénario Hollande/Sarkozy avec accroissement des impôts et charges), et il y aura, comme il le reconnaît implicitement, un chômage qui restera élevé et une croissance nulle (la croissance économique française se situait durant le quinquennat de F. Hollande à taux inférieur à 1% par an, cf. Tableau 1) ou le Président Macron suit un programme avec baisse réelle des dépenses publiques et des impôts et il y aura un signal dans le pays qui se traduira par une reprise des investissements et de l’emploi, cette reprise pouvant être assez rapide si le mouvement d’inversion de la courbe des dépenses publiques est forte et durable.

La France n’a su faire que des déficits en augmentant les dépenses, il serait souhaitable de faire de la croissance en baissant les impôts et les dépenses, quitte à faire, d’une manière temporaire, du déficit.

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)
  • ben ,déjà , côté dépenses innutiles c’est bien engagé ; le congrés de macron va nous couter entre 200 000 et 500 000 euros ; est ce bien raisonnable ?

  • Pas grave c’est l’État qui paye, comme dirait l’autre président. Et puis, quand on aime, on ne compte pas. Et lui, il nous a dit qu’il nous « aime », nous tondre.

  • Quelle blague! L’Etat ne rentre en tout et pour tout, en recettes, qu’environ 300 milliards d’euros par an. Donc la fameuse dette à 2200 milliards (non compris le hors bilan) qui représente 100% du PIB, représente en fait plus de 700% des recettes actuelles. Alors après, faire des plans sur la comète pour réduire plus ou moins vite l’empreinte de l’Etat sur notre vie économique et sociale de citoyen, est, disons, un peu abstrait. Un peu comme vider une baignoire pleine avec une cuillère à café ou une cuillère à soupe.

  • Le dernier paragraphe sur le keynésianisme décrit bien le problème : veut-on augmenter la moyenne des revenues et laisser augmenter l’écart type, ou doit on réduire l’ecart type en laissant se réduire la moyenne…

    Pour ma part il n’y a qu’un choix rationnel : augmenter la somme des richesses et donc la moyenne au détriment de la variance. Je pense que moralement la réduction des écarts comme finalité est en soit injuste alors que vouloir créer plus de richesse globale est juste. Il n’y a aucune justice a prendre a ceux qui produisent pour donner a ceux qui ne produisent pas, encore plus si l’on sait que cela va réduire la création de richesse globale.

    C’est pour cela que je ne suis pas socialiste, car je pense que le socialisme est immoral.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La DREES a publié le 14 décembre dernier une étude qui révèle, que pour la septième année consécutive, la France est championne européenne des dépenses sociales. Celles-ci représentent 32,2 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE se situe à 21 %.

Mais, dans le même temps, le taux de pauvreté augmente dans notre pays : entre 2004 et 2021 le nombre de pauvres (seuil à 50 % du niveau médian) est passé de 4,2 à 5,2 millions de personnes. Pourquoi nos dépenses sociales sont-elles aussi élevées ? Comment continuer à les financer ?<... Poursuivre la lecture

Sommes-nous heureux ? Qu’allons-nous devenir ? Pourquoi j’existe ?

Des questions bien trop nébuleuses pour le penseur de l’économie, des questions qu’il préférera résumer en une seule : quel PIB par habitant ? Un indicateur critiquable, mais quantifiable.

Le PIB par habitant reste l’indicateur le plus utilisé pour évaluer nos progrès, notre rang, notre niveau de vie. Or, c’est justement sa mesure qui inquiète aujourd’hui. Le PIB par habitant croît toujours, mais de moins en moins vite, et l’horizon pourrait s’assombrir davantage... Poursuivre la lecture

Un article de l'IREF.

En janvier dernier, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, annonçait la fin du « quoi qu’il en coûte ».

L’examen parlementaire en cours des projets de loi de finances de fin de gestion pour 2023, et de loi de finances pour 2024 montrent à l’inverse que, loin d’être fini, le « quoi qu’il en coûte » se poursuit. Et ce en dépit d’un goulet d’étranglement appelé à se resserrer du fait de l’aggravation de la charge de la dette dans les prochai... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles