Les minima sociaux freinent l’accès à l’emploi

Augmenter les minima sociaux est-il réellement une solution pour résoudre le problème du chômage ?

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Les minima sociaux freinent l’accès à l’emploi

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 juin 2017
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Par Hugo Gerlier.

« Je ferai en sorte que les revenus du travail soient toujours supérieurs aux aides sociales et que les titulaires d’un minimum social aient une activité d’intérêt général, afin d’inciter chacun à prendre un emploi plutôt qu’à vivre de l’assistanat1 » expliquait Nicolas Sarkozy en 2007, alors candidat à l’élection présidentielle.

Dix ans plus tard, le candidat Macron se présente comme le candidat du travail, mais le président le sera-t-il ? La barrière est fine, très fine entre solidarité et assistanat, qui plus est en France, où l’entraide s’affiche comme une valeur essentielle.

 

Une question devenue essentielle

La question des assistés est devenue virale de nos jours ; dans un pays où le système de redistribution est l’un des plus généreux, il est logique de se demander si une partie de la population ne vit pas des fruits du travail des autres. L’habitude française à l’assistance tend aujourd’hui à devenir l’un des maux principaux de notre pays, et les minima sociaux sont au cœur de ce conflit.

Le marché du travail tricolore est dynamité, et les 9,7 % de chômeurs2 sont contraints de s’échanger les positions précaires quand ils ne se retrouvent pas enlisés dans un chômage de longue durée.

La tradition tricolore de la solidarité consiste en l’établissement de ces minima sociaux, ils sont l’image du système redistributif français. Aujourd’hui au nombre de dix, ils sont centrés autour des minimum vieillesse, handicap, invalidité et fin de droit au chômage.

 

Le RSA

Le plus connu reste le Revenu de Solidarité Active, mis en place en 2009 par le gouvernement Fillon. Cette prestation sociale vise à soutenir et assurer aux plus démunis un revenu minimum ; 2,5 millions de personnes y souscrivaient en 2016.

On nous vend depuis des dizaines d’années le problème du chômage comme incurable, François Mitterrand se justifiait même à l’époque en expliquant que « le chômage n’est pas un mal français, et pas un mal socialiste. Cela a été un ouragan depuis 1973 ».

Or, le mal français ne relève pas seulement du chômage en lui-même, mais aussi et surtout des institutions et de l’intrusion de la puissance publique dans les affaires privées.

L’interventionnisme étatique français est une passion dangereuse et prédatrice ; voie de la simplicité, il a été aveuglément reconduit à de nombreuses reprises, durant lesquelles l’État a prélevé d’un côté tout en redistribuant de l’autre.

Au niveau de l’individu, le chômage est perçu comme un fléau qui enferme dans une situation d’incertitude, au cœur d’un cercle vicieux où le chômage de longue durée invite à de multiples effets pervers. Ce sont typiquement les trappes à pauvreté ou à inactivité.

L’obsession de la réduction des inégalités en termes de salaires, de revenu, voire même de patrimoine a été en partie construite en France autour de ces minima sociaux. Curieusement, ces derniers ne produisent-ils pas davantage de précarité qu’ils n’en soignent ?

 

Les minima sociaux : une désincitation au retour à l’emploi

Étant donné la structure redistributive française, certaines personnes recevant des revenus de transferts tels que les minima sociaux sont fortement dissuadées de retrouver ou de chercher un emploi.

Ces mesures sont désincitatives et contre-productives, elles créent des trappes à inactivité, voire même des trappes à pauvreté. Dans ces conditions, une personne se voyant octroyer des prestations sociales a parfois peu d’intérêt à retrouver un emploi, c’est l’un des problèmes persistants dans l’Hexagone.

On observe que les personnes concernées se dédouanent souvent, expliquant que si elles ne recherchent pas d’emploi, c’est plus du fait de contraintes familiales que par intérêt financier. Selon la DARES, seuls 31 % des bénéficiaires du RSA sont en emploi fin 2011, généralement dans des situations précaires (temps partiels)3, et 25 % déclarent ne pas en rechercher un selon la DREES4.

 

Réformer le modèle est nécessaire

Même si les problèmes de santé ou de logement ont un impact significatif sur les aptitudes à occuper un emploi, il n’en reste pas moins que les 69 % restants ne sont pas totalement incités à reprendre une activité. Sans généraliser le manque de volonté, une réforme du modèle est nécessaire pour encourager ceux qui sont dans l’attente de travailler, ne serait-ce que pour une question d’épanouissement personnel ou encore de bon fonctionnement de la société. On peut penser ici à des travaux d’intérêt public, des formations ou encore des cellules d’apprentissage et de requalification, ce qui permettrait de limiter les pertes sèches, autant du point de vue des inactifs que du bien-être collectif.

Il est aussi légitime de se demander si la situation de non-emploi n’est pas, dans certains cas, un choix délibéré pour de nombreux bénéficiaires de minima sociaux. Et pour cause, le passage du non-emploi à l’emploi est souvent peu favorable.

La plupart des postes accessibles proposant des salaires qui gravitent autour du SMIC, dès lors, l’incitation à prendre le poste est insuffisante pour un bénéficiaire des minima sociaux.

 

Les minima sociaux : défaillants, inefficaces et coûteux

Les dix minima sociaux sont problématiques, tant par leur complexité que par la diversité de leurs règles d’applications. Si l’on en croit la Cour des comptes fin 20155, les minima sociaux ont des résultats très insatisfaisants en matière de lutte contre la pauvreté et de retour à l’emploi.

Mais focalisons-nous sur les problèmes de réinsertion. Le rapport note que « le taux d’emploi des bénéficiaires des minima sociaux est très faible, de l’ordre de 14 % à 17 % selon les dispositifs », preuve que le système de redistribution français est fortement défaillant.

De surcroît, la difficulté que nous soulevions dans le paragraphe précédent autour du chômage de longue durée est concret, puisque « 88 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) percevaient cette allocation depuis plus d’un an, et 52 % depuis plus de trois ans ».

Tout en sachant que la dépense assujettie à ces minima sociaux culmine à 24,3 milliards d’euros en 2014 selon la DREES, soit 1,1% du PIB, un chiffre en augmentation depuis 2011.

 

L’échec de la réinsertion

Le rapport montrait déjà que la gestion était complexe et pouvait être simplifiée pour devenir plus économe. Sans compter que, toujours selon la Cour des comptes, on enregistre un taux d’échec astronomique à la réinsertion, compris entre 96 et 98 % !

Un second rapport d’avril 2016, cette fois du député socialiste de Saône-et-Loire Christophe Sirugue poursuit l’analyse dans cette voie.

Selon lui, « L’architecture actuelle des minima sociaux souffre de sa trop grande complexité6 », principalement du fait des différenciations faites entre les allocataires.

Malgré ce cortège de propositions, la refonte du dispositif attendra, la fusion suggérée des minima sociaux n’apparaît que peu dans le projet de loi de finances de 2017 (article 87)7.

 

Les minima sociaux : ce qui les entoure

Toutefois, les minima sociaux ne représentent qu’une partie des revenus de transferts accordés aux bénéficiaires.

La qualité d’allocataire d’un minimum social donne droit, « de façon plus ou moins automatique et dans des proportions variables en fonction de la prestation considérée, au bénéfice d’un nombre important de droits connexes, spécifiques à certaines catégories de la population » selon un rapport d’information du Sénat8.

Les bénéficiaires ont non seulement accès à certains privilèges fiscaux tels que des exonérations  à la CSG ou à la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale pour l’AAH par exemple), mais aussi à des traitements de faveur sur l’impôt sur le revenu, sans compter des exclusions à la taxe d’habitation (pour les AAH, ASPA, ASI, RSA, AV) ou des exonérations à la redevance audiovisuelle (pour AAH, ASPA, ASI).

 

Éviter la déresponsabilisation absolue

Hans-Hermann Hoppe avoue en ce sens que « payer ses impôts est un devoir glorieux ». Voilà en quoi ces passe-droits fiscaux posent un problème, l’exonération totale semblant renvoyer à une déresponsabilisation absolue.

Si l’impôt possède aussi un aspect ostensible, il relie l’individu à la société, le rend actif et lui donne le sentiment d’appartenance à une nation.

C’est donc un risque moral et éthique à ne pas minimiser. De cette manière, les minima sociaux apparaissent malsains car ils sont défectueux, déjà par leur coût qui connait une croissance exponentielle pour des résultats médiocres, mais aussi car ils sont désincitatifs et créent des trappes à inactivité.

Enfin, leur modèle de fonctionnement déresponsabilise les individus, de quoi obscurcir l’horizon tricolore.

  1. Voir UMP, Tableau de bord de suivi des engagements de 2007, Réhabiliter le travail.
  2. Pour plus d’informations, voir INSEE, Note de conjoncture, Mars 2017, p.78.
  3. Voir DARES, Situation sur le marché du travail et accès à l’emploi des bénéficiaires du RSA et de l’ASS, Septembre 2014.
  4. Voir DREES, Enquête sur les bénéficiaires de minima sociaux (BMS), 28 Janvier 2014.
  5. Voir Cour des comptes, Les minima sociaux, Rapport 72597 adressé au Premier ministre du 21 septembre 2015.
  6. Voir Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux, Vers une couverture socle commune, Rapport au Premier ministre, Avril 2016.
  7.  Voir Projet de Loi de finances pour 2017 adopté par l’Assemblée nationale – Texte définitif soumis au Conseil constitutionnel, 20 décembre 2016.
  8.  Voir Mme Valérie LÉTARD, Rapport d’information n° 334 (2004-2005) fait au nom de la commission des Affaires sociales, déposé le 11 mai 2005.
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  • Je suppose que quasiment tout le monde connait quelqu un qui va « profiter » du systeme, par ex en ne cherchant pas de travail tant qu il touche ses indemnites.
    Par contre, ce que l auteur dit entre les lignes, c est qu il faut baisser le RSA (L autre option etant evidement de remonter le smic pour rendre le travail plus rentable mais c est pas vraiment dans l air du temps.)
    Si on baisse le RSA, il va quand meme falloir assumer d enfoncer des gens qui sont deja dans la misere (il y a evidement des fraudeurs, mais certainement pas des millions).
    Pire, en admettant que tous les RSA cherchent reellement du travail, l augmentation de l offre devrait faire s ecrouler le prix (ie le salaire). Donc en admettant que l economie soit capable de offrir un travail (peu probable, on est plus dans une economie ayant besoin de bras), ils toucheraient tellement peu que ca ne serait pas suffisant pour en vivre

    Une premiere reforme assez facile a faire serait de faire comme en GB: les allocations chomage sont en fonction de vos besoin et pas de votre ancien salaire. Autrement dit un smicard pere de famille touchera moins au chomage qu un cadre celibataire. Avec un plafond : le smic
    Ca devrait deja limiter serieusement la tentation de vacances au frais de pole emploi

    • Bonjour cdg

      Petite question.

      Pourquoi en France les gens sont dans la misère?


      Par ce qu’ils sont au chômage.

      Pourquoi il y a du chômage de masse en France depuis 68 ?


      Parce que le smic est trop haut.

      Conclusion: plus de salaire minimal, plus de chômage, plus de misère..

      ..
      et plus de RSA.

  • @cdg honnêtement, en France, du travail il y en a, et pas besoin de trop chercher. Même si tous les RSA trouvent un travail, il y en aurait encore à pourvoir. Le chômage est du au SMIC élevé, à la difficulté de licencier pour les employeurs, a une économie paralysée par la puissance de l’état et au fait que les Français sont pourris gâtés.
    Si ils devaient bosser pour pouvoir bouffer, ils bosseraient.

    les aides au chômage, le RSA, etc… devraient être très transitoires, en tout état de fait, elle ne le sont plus depuis longtemps en France

    • « honnêtement, en France, du travail il y en a, et pas besoin de trop chercher. »

      Oui, bien sur c’est la faute des pauvres si tout le monde n’est pas riche, il n’y a aucun cadre ou ingénieur qui peine à retrouver un emploi.
      Le système capitaliste est parfait, ce sont juste les gens qui sont des fainéants et abusent des protections sociales, sinon tout irait bien !
      (ironique bien sur…)

      • Bonjour leham

        Et la trappe à pauvreté, vous connaissez ?

        En fait les pauvres sont victimes des politiques qui sont censées les aider, politiques qui maintient les pauvres dans l’assistanat (les pauvres votent bien) et qui augmentent le pouvoir des politiques.

        Il faut mieux un travailleur pauvre qu’un chômeur pauvre, car le travailleur peut évoluer et garde sa dignité.

        Les pauvres ne sont pas fainéants, ils sont victimes des politiques.

        • « Et la trappe à pauvreté, vous connaissez ? »
          L’expression, non, maintenant oui 🙂

          Les mesures sociales sont pour adoucir le capitalisme, pour le rendre plus vivable.
          Il est reproché dans l’article , l’effet pernicieux du smic.
          Il est proposé de déréguler le revenu minimum, le  » libérer » pour se rapprocher du capitalisme pur et dur, sans aménagement, donc moins plaisant à vivre (subir) pour les petits mais sans soute plus efficace pour le capital et l’économie, je n’en doute pas.

          Je ne sais pas moi mais je remonterais à la source qui crée les problèmes , le capitalisme qui a besoins d’aménagements pour être vivable, plutôt que critiquer les mesures censées adoucir le capitalisme.
          Que veut-on une monde hyper efficace et inhumain ou un monde humain et un peu moins efficace ?

          • @lehan, vous me copierez 100 fois:

            « Le libéralisme n’est pas le capitalisme »

            • « vous me copierez 100 fois:
              « Le libéralisme n’est pas le capitalisme » » 🙂
              Oui, mais où voulez vous en venir ?
              c’est comme si vous me disiez que l’essence n’est pas le moteur à explosion mais quid du moteur a explosion sans essence et inversement ?
              donc quid du libéralisme sans capitalisme ?
              je suis tout ouie, est ce envisageable et envisagé ?

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