2017-2022 : quelles privatisations pendant ce quinquennat ? (2)

Quelles entreprises privatiser ? Deux scénarios expliqués ici.

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Olivier Durand-EDF(CC BY-NC-ND 2.0)

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2017-2022 : quelles privatisations pendant ce quinquennat ? (2)

Publié le 26 juin 2017
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Un article de l’Iref-Europe

La première partie de cet article se trouve ici.

 

Quelles entreprises privatiser ? Le cas des entreprises cotées

La privatisation d’entreprises cotées en bourse est plus aisée, car la liquidité des titres en est généralement mieux assurée et le désinvestissement peut se faire progressivement ou par de larges pans selon les cas.

Pour ces sociétés, le titre est immédiatement disponible à la vente, et l’information sur le cours de l’action est constamment mise à jour lors des heures d’ouverture de la bourse. Toutefois, l’État reste tenu par la loi de respecter un taux minimum de détention d’actifs de 33,3 % pour Engie, de 50 % pour ADP et de 70 % pour EDF.

Il faudra donc faire sauter ces verrous légaux pour pouvoir engager leur privatisation au-delà de ces taux de participation.

 

Premier scénario : privatisation des sociétés cotées évoluant dans le secteur concurrentiel non stratégique

En nous intéressant de près aux entreprises non strictement stratégiques (c’est-à-dire hors énergie et nucléaire, aéronautique et défense), l’État pourrait donc privatiser ADP (anciennement Aéroports de Paris), dont il est l’actionnaire majoritaire, Air France KLM, les constructeurs automobiles Renault et PSA, Orange, CNP Assurances et la société minière Eramet dont il est récemment devenu actionnaire minoritaire.

Il faut signaler toutefois la situation particulière de la banque Dexia, dont la faillite a constitué l’un des plus grands désastres bancaires de la crise financière, et dont la privatisation ne rapporterait de toute façon pas grand-chose puisque la valeur de la participation était de un million d’euros à peine à la fin 2016.

Ce premier scénario de privatisation pourrait rapporter jusqu’à environ 17,6 milliards à l’État, aux cours boursiers du 31 décembre 2016, mais c’est un chiffre que nous donnons simplement à titre indicatif, en raison de la volatilité des cours de la bourse. Cela dépendra aussi d’autres facteurs comme la situation microéconomique, comptable et financière des entreprises concernées, mais aussi comme la conjoncture macroéconomique.

 

Air France KLM et Aéroports de Paris : le nécessaire désengagement de l’État

Initialement une société d’économie mixte, Air France, est nationalisée en 1945 après la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme l’ensemble de l’avion civile. Elle devient une SA en 1995, puis est finalement partiellement privatisée en 1999, juste avant de connaître une introduction en bourse, puis une privatisation de fait en 2014 lors du rachat de la compagnie néerlandaise KLM par Air France, devenant alors le premier groupe aérien en Europe. À l’heure d’aujourd’hui, Air France KLM n’a plus aucun rôle stratégique pour l’État et évolue dans un cadre purement concurrentiel. La présence de l’État au capital de la société est devenue inutile voire nuisible. En cédant toutes ses actions via l’APE, l’État pourrait ainsi en retirer environ 273 millions (soit une participation de 17,58 %) et se retirer d’une activité où il n’a pas sa place.

La cession des actions de l’entreprise publique ADP (anciennement Aéroports de Paris) et d’Air France KLM pourrait rapporter jusqu’à 5,4 milliards à l’État. Pour aller en dessous de 50 % de participation pour ADP, l’État devra toutefois revenir sur le taux de détention minimum que lui impose la loi.

Pour l’IREF, les aéroports peuvent tout à fait se passer de la participation de l’État, comme en témoigne la récente privatisation des Aéroports de la Côte d’Azur et de Lyon. Cette privatisation pourra se faire en consultation avec les acteurs publics et les actionnaires locaux, les chambres de commerce et d’industrie et les collectivités locales.

 

Automobile : un secteur concurrentiel où l’État n’a rien à faire

La présence de l’État au capital des constructeurs automobiles comme Renault et PSA est injustifiée : les constructeurs automobiles sont devenus des groupes industriels d’envergure internationale et se passeraient volontiers de la participation de l’État au capital. Après la montée au capital de 15 % à 19,7% de Renault pour obtenir le doublement des droits de vote au conseil d’administration du groupe au détriment de Nissan, l’État, par le biais d’Emmanuel Macron, a tenté de s’opposer à la rémunération jugée excessive de Carlos Ghosn (7,2 millions au titre de l’année 2015).

Comme l’IREF l’a dénoncé dans un article, ces polémiques sur la rémunération des patrons sont une spécificité française, et l’État met à profit ce mépris typiquement français de l’argent et des grands patrons pour asseoir son autorité et son agenda politique. Renault a longtemps été la seule entreprise automobile où l’État détenait une participation. Une sortie du capital de PSA et de Renault, à une période où les cours de bourse sont particulièrement élevés, pourrait être une affaire particulièrement intéressante pour l’État, et libérer ces groupes de l’emprise de la petite politique.

La cession des actions de Renault et PSA est valorisée à environ 5,1 milliards pour l’État. La privatisation ne mettrait en péril ni la situation financière, ni la gestion de ces entreprises, ni l’indépendance du pays.

 

Orange : la libéralisation du secteur des télécommunications doit être enfin mise en œuvre

Les services téléphoniques ont été nationalisés en France dès l’année 1889 par le ministère des Postes et Télégraphes (le futur ministère des PTT), peu de temps après l’invention du télégraphe électrique et du téléphone.

Créée en 1988, France Télécom est originellement une administration, la Direction générale des télécommunications (créée en 1941 par le ministère des PTT). Elle évoluera sous la forme d’un établissement de droit public en 1990, puis d’une société anonyme à capitaux publics en 1996. La France cherchait alors à préparer l’ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications.

France Télécom détiendra toutefois le monopole des télécommunications jusqu’en 2004, date où l’État cède suffisamment d’actions pour passer en dessous de la barre des 50 %, qui transforme l’entreprise à capitaux publics en entreprise privée, 115 ans après la nationalisation des services téléphoniques français.

Devenue Orange en 2013, plus rien ne justifie la présence de l’État au capital de l’entreprise, qui évolue dans un secteur commercial purement concurrentiel. L’État devrait donc céder sa part de 13,45 %.

La cession des actions d’Orange peut rapporter jusqu’à 5,1 milliards à l’État, et signerait enfin la finalisation de la démarche de privatisation de France Télécom engagée par François Fillon au milieu des années 1990.

 

Deuxième scénario : privatisation étendue aux sociétés cotées stratégiques

Le deuxième scénario implique, au-delà des premières cessions d’actifs évoquées, deux autres secteurs majeurs : l’aéronautique et la défense d’une part, l’énergie d’autre part. Considérés comme des secteurs stratégiques qui engageraient l’indépendance de la France, les programmes de cession d’actions de ces entreprises attirent souvent une forte réaction médiatique et syndicale.

Les arguments généralement employés évoquent la nécessité de l’approvisionnement et de l’indépendance énergétique de la France, l’importance de favoriser la résilience des groupes industriels face aux évolutions de la conjoncture internationale, la nécessité de poursuivre des objectifs de service public et d’intérêt général, et de sortir de la logique financière du profit et de la productivité dans un domaine qui toucherait à l’intérêt supérieur de la nation.

Ces arguments sont manifestement spécieux, car la politique industrielle de l’État conduite dans le cadre des entreprises nationalisées n’est jamais parvenue à sauvegarder les emplois industriels, à maintenir des prix bas, et à assurer un service efficace.

La plupart des entreprises spécialisées dans l’aéronautique et la défense aux États-Unis sont des entreprises privées, des sociétés anonymes, qui répondent à des commandes publiques. La participation publique est donc inutile pour le bon fonctionnement des entreprises spécialisées dans le secteur.

Ce deuxième scénario de privatisation pourrait rapporter jusqu’à environ 59,7 milliards (les participations publiques dans le secteur « stratégique » atteignent 42,1 milliards), mais encore une fois, ce chiffre n’est donné qu’à titre indicatif et dépendra de l’évolution des cours de bourse et de la conjoncture macroéconomique.

 

Aéronautique et défense : le cas d’Airbus, de Safran et de Thalès

Le caractère stratégique du secteur industriel de l’aéronautique et de la défense tient à sa composante militaire. Pourtant, le complexe militaro-industriel aux États-Unis fonctionne sur un réseau de contrats entre les grands équipementiers privés dans le domaine de l’aéronautique, de l’aérospatial et de la défense, et l’État fédéral. Aucune prise de participation publique au capital des groupes industriels spécialisés dans le domaine civil et militaire n’est requise pour assurer le développement de ces industries et maintenir la souveraineté militaire des États.

Des grands groupes comme Lockheed Martin, Boeing ou General Dynamics, sont des groupes à capitaux entièrement privés qui dépendent toutefois des commandes publiques pour l’essentiel de leur chiffre d’affaires. Le principal concurrent mondial d’Airbus, Boeing, n’a donc aucune présence actionnariale de l’État fédéral américain à son capital, tandis que le groupe Airbus subit la présence de l’État français (10,94 %), de l’État fédéral allemand (10,91 %) et de l’État espagnol (4,12 %).

Les trois sociétés cotées Airbus, Safran et Thalès pourraient donc facilement se passer de participations publiques, même si évidemment les commandes publiques restent une part prépondérante du chiffre d’affaires des sociétés spécialisées dans la fourniture d’équipements militaires.

L’État a déjà réduit sa participation au capital de Safran qui était de 30,2 % en 2010 à 14 % à l’heure d’aujourd’hui, ce qui a apporté à l’État 3,1 milliards de trésorerie. Il a aussi réduit sa participation au capital d’Airbus Group en trois fois, en passant d’un taux de participation de 15 % à 10,94 %, ce qui lui a permis d’encaisser 1,6 milliard d’euros (qu’il a toutefois dilapidé en entrant au capital de PSA en 2014).

La cession des actions d’Airbus, Safran, et Thalès, permettraient de récupérer jusqu’à environ 14,4 milliards d’euros.

 

Énergie : un secteur stratégique de premier plan malgré la baisse de son poids dans le portefeuille de l’APE

La démission du directeur financier d’EDF au début de l’année 2016, pour protester contre la construction de deux centrales EPR nouvelle génération, avait montré au grand jour que la situation financière d’EDF était à risque. Le directeur financier ne pouvait plus accepter la charge de présenter un compte de résultat qui occultait la réalité de la situation désastreuse de la SA à capitaux publics.

Thierry Gadault, auteur de l’ouvrage EDF : La bombe à retardement ?, annonçait même sur Europe 1 qu’EDF était en situation de quasi-faillite, comme Areva. Le fournisseur d’électricité, qui avait été séparé du gestionnaire du réseau (Enedis, ancien ErDF) pour répondre à la libéralisation du secteur de l’électricité voulue par la Commission européenne, avait ainsi 66 milliards de dette à la fin de l’année 2015, tandis que 100 milliards d’investissements étaient engagés pour prolonger la durée de vie de certaines centrales françaises, et environ 16 milliards d’investissements au Royaume-Uni (pour un coût total du projet de 23 milliards).

Avec un EBITDA (indicateur comptable proche de l’EBE) de 17,6 milliards, le ratio d’endettement d’EDF sur EBITDA est de 3,75. C’est le signe que la société est trop endettée.

L’IREF analysait déjà les causes du déclin d’Areva dans un article de mars 2015. Les pertes du groupe sont colossales : 4,8 milliards en 2014, 2,03 milliards en pertes en 2015. La dette s’élevait à 5,8 milliards en décembre 2014, tandis que l’EBE était de 685 millions d’euros en 2015 : soit un ratio considérable d’endettement de 8,5. Une recapitalisation de 5 milliards est nécessaire pour que le groupe revienne à une situation financière correcte, et sorte de cette banqueroute. Il devient urgent que l’État sorte du capital et vende ses 475 millions de participations.

Enfin, Engie avait une dette nette de 27,7 milliards en 2015, pour un EBITDA de 11,3 milliards, soit un ratio acceptable d’endettement de 2,45. Toutefois, le groupe doit être attentif, dans un contexte où les prix de l’énergie sont très sensibles à la conjoncture internationale, à ne pas aggraver cette situation financière. La cession des actifs publics du troisième groupe industriel énergétique au niveau mondial rapporterait environ 9,7 milliards à l’État.

La cession des actions d’EDF (dont l’État est actionnaire majoritaire), d’Engie et d’Areva (où l’État est actionnaire minoritaire) pourrait rapporter jusqu’à 27,7 milliards à l’État. Dans le cas d’EDF et d’Engie, il faut toutefois revenir sur les taux de détention légaux minimum, et s’assurer de faire respecter les règles de concurrence du secteur énergétique.

Portefeuille des participations cotées de l’État au 30/12/16 (via l’APE)
Montant des participations de l’État dans les entreprises cotées au 31/12/16

Montant des participations de l’État dans les entreprises cotées au 31/12/16

Quelles entreprises privatiser ? Le cas des entreprises non cotées

Hors entreprises cotées en bourse, l’État détient également de nombreuses participations dans des sociétés non cotées dont le chiffre d’affaires est pourtant élevé. C’est le cas de La Poste, la SNCF, la Française des jeux ou la RATP, à titre d’exemples. La vente ne peut bien entendu être mise en œuvre que dans le cadre de processus de mandats de cession, qui peuvent exiger plusieurs années.

Mais il ne fait aucun doute que ces entreprises intéresseront des investisseurs nationaux ou internationaux. Peut-être faudra-t-il d’ailleurs mettre certaines de ces sociétés en bourse pour en assurer la liquidité. Il est plus difficile en l’état d’évaluer la valorisation réelle des sociétés non cotées à défaut d’information financière. Mais il existe des ratios comptables de valorisation qui nous permettent d’avoir une approche de la valeur réelle des entreprises.

Afin d’évaluer la valeur potentielle des sociétés, nous utilisons un multiple de valorisation de 5,2 de l’Ebitda ou de l’excédent brut d’exploitation, et un multiple de valorisation de 8 du résultat net des entreprises non cotées.

La suite de cet article : troisième scénario : un large programme des privatisations

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