Une bulle de savon nommée François Bayrou

Si Emmanuel Macron manque sans doute de substance, il est difficile d’en trouver la moindre à Bayrou qui, avec le Modem, n’a jamais cherché qu’à se faufiler entre la gauche et la droite pour réaliser son destin présidentiel personnel.

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Une bulle de savon nommée François Bayrou

Publié le 24 juin 2017
- A +

Par Nathalie MP.

J’ai du mal à dire ce que François Bayrou a accompli dans toute sa vie politique. Mon seul souvenir concerne son passage comme ministre de l’Éducation nationale (1993 – 1997) qu’il avait mis à profit pour redonner de l’actualité à la suppression1 des devoirs écrits à la maison en primaire. Une très mauvaise idée, à mon avis. Mais à part ça, je ne vois pas.

Bayrou, c’est avant tout l’obstination narcissique d’un homme convaincu de son grand destin présidentiel. C’est du discours, de l’arrogance et de la vertu triple épaisseur jetée à la face de tous ses adversaires. Ce sont des louvoiements permanents entre la droite et la gauche, des alliances nouées et dénouées pour mieux se faufiler, en vain, vers les sommets.

Ce sont des coups d’éclat et des leçons de morale assénées avec suffisance par un politicien isolé et ingérable qui se prend depuis toujours pour l’homme sage, lettré, influent et indispensable de la vie politique française.

Le « sacrifice » pour Macron

En cette année 2017, le 22 février précisément, alors qu’il se sentait habité par une « joie sauvage » capable de lui faire « déplacer des montagnes » et tenter une quatrième candidatureil n’a pourtant pas hésité à « sacrifier » son évident destin présidentiel en faveur d’Emmanuel Macron. Pour la France, naturellement. Parce que les circonstances l’exigeaient, parce que les risques étaient immenses, parce que l’extrême-droite frappait à nos portes.

Et peut-être aussi parce que les sondages lui donnaient au mieux 4 à 5 %, non ? Et peut-être aussi parce que Macron était en train de profiter à fond des ennuis judiciaires de François Fillon à droite et de la sélection de Benoît Hamon à gauche, ce qui autorisait tous les espoirs pour sa victoire finale, non ?

Pour mesurer l’immense « sacrifice » de Bayrou à sa juste valeur, il n’est pas inutile de rappeler (lui ne se souvient de rien) qu’il fut un temps pas si lointain où il professait le plus grand scepticisme vis-à-vis d’Emmanuel Macron sur toutes les chaînes de radio et de télévision – comme beaucoup de ministres actuels, il faut bien le dire ; cette élection s’est transformée en véritable soupe populaire pour politiciens sans conviction.

Le ralliement qui tombe à pic

Ainsi, après l’avoir traité « d’hologramme » et de « bulle de savon » vouée à éclater prochainement, après avoir condamné avec la dernière énergie ses liens avec les milieux financiers comme le premier mélenchoniste venu, symptômes évidents de toute absence de morale en politique, morale dont lui, Bayrou, est amplement pourvu, notre mousquetaire s’est encore illustré deux semaines avant son ralliement en se moquant allègrement des innombrables citations littéraires ou philosophiques d’Emmanuel Macron qui ne parviennent pas à masquer l’absence de substance de ses discours (vidéo ci-dessous, 04′ 01″) :


Quand Bayrou critiquait Macron par libezap

C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité. Quand François Bayrou a-t-il manifesté la moindre substance en politique ? Lorsqu’il a appelé à voter pour François Hollande en 2012 au nom du « dépassement des clivages » qui a si bien fonctionné pour Emmanuel Macron ?

Bayrou entre droite et gauche

Si ce dernier manque de substance, il est difficile d’en trouver la moindre à Bayrou qui, avec le Modem, n’a jamais cherché qu’à se faufiler entre la gauche et la droite pour réaliser son destin présidentiel personnel.

En 2007, ça n’a pas trop mal fonctionné (18,7 % des voix au premier tour de la présidentielle, Bayrou en a encore les chevilles enflées) mais il faut dire qu’on sortait de deux mandats Mitterrand puis deux mandats Chirac. L’envie de printemps était déjà là.

Alors qu’il en a fait des tonnes sur son abnégation et la générosité de son geste, alors qu’il a répété à qui voulait l’entendre que s’il était aux côtés de Macron (personnalité soudain extrêmement brillante à ses yeux) c’était juste pour aider, François Bayrou n’a jamais été autre chose qu’un candidat de troisième zone, sans véritable impact dans la vie politique française depuis 20 ans, qui s’est mis opportunément à la remorque du mieux placé pour tenter un ultime revival.

Le moraliste condamné

Non sans avoir exigé au préalable, en bon vertueux qu’il est toujours, de porter une loi de moralisation de la vie publique (vidéo ci-dessous, 01′ 13″) qui le ferait enfin passer à la postérité espérée, alors que tant d’autres politiciens ont à répondre de malversations dans l’utilisation des fonds publics, à commencer par François Fillon qu’il avait volontairement combattu en soutenant d’abord Juppé – qui a été condamné, allez comprendre…

Bayrou demande à Macron « une loi de moralisation » par lepointabonnes

Emmanuel Macron n’a eu aucun mal à s’entendre avec lui sur ce point. Tout ce qui pouvait renvoyer Fillon à sa « lèpre démocratique » était bon à prendre.

Marché entre En Marche ! et Modem

Plus globalement, en février 2017, Macron avait beaucoup à gagner d’une alliance avec le Modem dont le concept était à peu près le même que celui d’En marche ! : les voix qui feraient la différence à la présidentielle et, plus important encore, la possibilité d’obtenir une majorité parlementaire à l’issue des législatives.

Des postes de députés, un portefeuille de Garde des Sceaux, quelques ministres Modem, une jolie loi de moralisation très médiatique et des critiques vite balayées sur le recyclage des vieux routiers de la politique, c’était peu de choses en comparaison des bénéfices possibles.

Seul véritable bémol, Bayrou est connu de la France entière pour être un personnage autocratique et ingérable, toujours prompt aux revirements et aux coups de gueule. C’est un point que Macron n’ignorait pas en signant leur rapprochement. Le tout, c’était d’arriver à maintenir l’attelage LREM / Modem jusqu’à la fin de la séquence électorale, faire le compte des députés LREM et aviser.

Bayrou tempête et réclame

François Bayrou n’avait d’ailleurs pas tardé à manifester sa mauvaise humeur à propos des circonscriptions, pas assez nombreuses à son goût, que LREM avaient réservées au Modem. Ce premier clash fut maîtrisé et la bonne entente candide put régner à nouveau en Macronie.

Les premières alertes sur des emplois fictifs2 au Modem donnèrent lieu à de nouveaux écarts verbaux et à un recadrage du Premier ministre, mais la tempête fut apaisée le temps des élections.

Par contre, dès les résultats connus, dès Macron certain d’engranger 308 députés en propre, soit 19 de plus que le seuil de la majorité absolue, Bayrou, son narcissisme, ses colères et ses emplois fictifs en prime perdaient tout intérêt.

Déjà mis à mal par l’affaire Ferrand, qui jetait une lumière assez peu printanière sur les équipes de LREM, Macron n’avait nul besoin de s’embarrasser en plus d’un ministre de la Justice instable et possiblement escroc.

Présomption de magouille

Par contre, l’exécution à laquelle s’est livrée Macron en poussant Bayrou à la démission, pour nécessaire et anticipée depuis le début qu’elle fût, n’est pas aussi magistrale qu’il y paraît à première vue.

En acceptant l’alliance proposée par Bayrou, Macron ne pouvait deviner que son futur ministre en charge de la moralisation de la vie publique serait prochainement épinglé pour des comportements précisément contraire à cette moralisation.

Sinon, il ne l’aurait jamais nommé à ce poste. Un grand moralisateur qui quitte un gouvernement pour présomption de magouille, ça fait moche. Qui quitte un gouvernement « printemps autrement », ça fait encore plus moche.

Macron aura toujours la ressource de dire qu’il coupe les branches pourries, mais autant l’affaire Ferrand que de nouvelles investigations qui concernent maintenant la ministre du Travail alors qu’elle était directrice de Business France tendent à montrer que ce faisant il joue sa crédibilité politique au jour le jour plutôt qu’il ne déroule un plan implacable écrit d’avance.

Démission sans gloire

Pour Bayrou, cela s’est terminé mercredi dernier par une démission sans gloire et un retour à Pau la queue entre les jambes, sur le mode ridicule (pour lui) et réjouissant (pour nous, spectateurs atterrés) de l’arroseur arrosé.

Il était ministre d’État, il redevient maire ; il devait moraliser la vie publique, on présume qu’il est un vulgaire petit magouilleur comme tant d’autres ; il avait réussi à faire entrer 42 députés Modem à l’Assemblée, nul ne sait s’ils ne saisiront pas l’occasion pour se recomposer eux aussi. Où l’on voit qu’en matière de « bulle de savon », Bayrou est un maître.

Il n’était pas dit cependant qu’il abandonnerait le terrain sans une ultime tentative de passer pour la victime sacrificielle de forces complotistes opposées à son grand projet de moralisation. S’il part ce n’est pas parce qu’il a quelque chose à se reprocher, Bayrou n’a rien à se reprocher.

C’est uniquement pour protéger sa loi, protéger le gouvernement, protéger Emmanuel Macron auquel il reste indéfectiblement attaché. Un peu comme Hollande, qui est parti pour « protéger son bon bilan » !

« Je ne mettrai peut-être pas vingt ans à revenir cette fois-ci » aurait-il dit à des journalistes. Envisagerait-il un come-back ? Au secours ! comme disait le PS à une époque.

Encore une histoire de politique ordinaire. Ne vous y trompez pas, c’est sous Macron que ça se passe, et ce n’est pas fini.

Sur le web

  1. Cette suppression a été actée dans une loi de 1956 qui n’a jamais été vraiment appliquée.

    Bayrou a cherché à la rendre plus effective en 1996, et il semblerait maintenant que ce soit aussi le projet de l’actuel ministre.

  2. Comme le FN, le Modem est soupçonné de financer ses permanents avec des fonds publics de Bruxelles en leur attribuant fictivement des postes d’attachés parlementaires européens. Ce serait notamment le cas de Karine Aouadj, secrétaire particulière de Bayrou et « assistante parlementaire » de Marielle de Sarnez.
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  • On peut reconnaître à Bayrou, sa grande inutilité sur l’échiquier politique Francais, si ce n’est un léger effet de perturbation.

    J’avais cerné ce personnage dès son apparition.
    Je ne comprendrais jamais ceux qui ont pu voter pour lui et sont parti.
    Ni Droite, ni Gauche, ni Extrêmes mais pas de programme cohérent non plus.
    Bon ca ressemble à du Macron mais au moins Macron est un calculateur qui a su surfer sur la vague du renouvellement.

    Vague qui va vite retomber et finalement rien ne changera.

  • Bayrou avait choisi un objectif de brouilleur de piste pour donner un coup de pouce à l’avènement de Jupiter Ier.
    La forme de pragmatisme qui nous gouverne a voulu qu’après avoir consommé la chair on ait craché le noyau….

  • +1 avec l’auteur sur l’inanité de Bayrou.En revanche quand vous écrivez « Macron ne pouvait deviner que son futur ministre en charge de la moralisation de la vie publique serait prochainement épinglé  » je ne vous suis pas du tout. Pour moi Macron avait déjà en poche la grenade pour faire sauter Bayrou (ou le contrôler s’il avait eu besoin de son soutien à l’assemblée) Macron est bien trop malin pour s’être collé un pareil personnage sans avoir les moyens de le tenir en laisse.

    • +1
      Comme pour tout citoyen, il ne faut pas aller chercher bien loin pour trouver des actes illégaux ou condamnables : je m’amuse parfois à le démontrer dans mon entourage, personne n’est innocent.

      • surtout toi 😀 !! bon vanne facile mais +1000 on a tous quelque chose de plus ou moins limite surtout dans une société ultra régulée comme la nôtre . C’est d’ailleurs un des signes de la maladie rouge (peu de rapport avec la rougeole car le vaccin n’existe pas bien qu’elle tue plus de gens ).

  • Les conséquences de la présomption de culpabilité sont sans commune mesure selon le moment où elle s’exerce.
    Aujourd’hui elles ne sont que péripéties ordinaires des usages politiques.
    Avant la présidentielle, elles foudroyèrent une victoire grâce à un coup d’état institutionnel sans doute bien préparé et magnifiquement — quoi qu’au mépris de toutes valeurs démocratiques (séparation des pouvoirs, indépendance et pluralité des médias) — réalisé.

  • Vous dites : « Macron ne pouvait deviner que son futur ministre en charge de la moralisation de la vie publique serait prochainement épinglé … ». Pour moi, Macron ne pouvait ignore l’affaire même s’il pensait que Bayrou n’aurait pas été rattrapé par la patrouille.
    Le 22 février, Bauyrou ralliait EM, Le 1er mars au plus ta

  • Vous dites : « Macron ne pouvait deviner que son futur ministre … serait prochainement épinglé … ». Macron ne pouvait ignorer l’affaire et ni Bayrou,ni Macron ne pensaient que le Modem aurait été rattrapé par la patrouille …et c’est bien ce qui s’est passé pendant 3mois1/2.
    Le 22 février, Bauyrou ralliait EM, Le 1er mars au plus l’affaire était citée dan la presse . La Justice est restée bien calme. Même si Bayrou ne pèse que 4 à 5 % au max., son ralliement a facilité d’autres ralliements et a amplifié la dynamique EM. Si les attaques contre Bayrou avaient été plus insistantes dès début mars, quel effet sur le 1er tour de la présidentielle, et en particulier sur le score de Fillon ? On ne le saura jamais. Inutile de rebattre les cartes, le tour est passé. Bien joué Macron, mais beaucoup de chance aussi ; Bayrou l’ a bien aidé, et il s’en est débarrassé !

  • « en poussant Bayrou à la démission ».
    Tous les medias, tous, parlent de démission de Bayrou ( sic! )
    Formellement il n’a pas eu a démissionner puisque le 19 juin le premier ministre avait remis à Macron la démission de son gouvernement.
    Si Edouard Philippe avait aussitôt été reconduit, pas Bayrou qui ne faisait plus alors parti du gouvernement. Il reste de l’autre côté de la porte, il n’a pas été reconduit, et c’est tant mieux !

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