1917-2017 : cent ans d’alliance à l’Ouest

Au-delà des effets de manche de part et d’autre de l’Atlantique nous n’avons d’autre choix que de prolonger notre alliance à l’ouest.

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Débarquement d'Utah Beach, 8 juin 1944 by PhotosNormandie(CC BY-SA 2.0)

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1917-2017 : cent ans d’alliance à l’Ouest

Publié le 11 juin 2017
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Par Richard Guédon.

Le 13 juin 1917,  l’avant-garde des troupes américaines dirigées par le Général Pershing débarquait à Boulogne sur mer.

Une alliance centenaire

Ce centenaire est célébré dans le Pas-de-Calais mais il passera sans doute inaperçu ailleurs en France et en Europe alors qu’il s’agit, rétrospectivement, d’un événement stratégique majeur. Jamais en effet un soldat américain n’avait posé le pied sur le vieux continent avant cette date et, un siècle plus tard, l’armée américaine est toujours présente en Europe occidentale. Ce centenaire est l’occasion de faire un bilan de ce siècle de présence américaine et de réfléchir au siècle suivant.

En ce mois de juin 1917, les États-Unis, entrés en guerre contre l’Allemagne et les puissances centrales depuis quelques semaines, viennent prêter main forte à la France et à l’Angleterre, épuisées par 3 ans de guerre totale et menacées de surcroît par l’effondrement de leur allié de l’est, l’empire tsariste. L’engagement militaire américain mettra encore un an à devenir significatif mais il fera finalement pencher la balance en faveur du camp franco-anglais et sera déterminant pour la victoire de novembre 1918.

Malgré les conseils visionnaires du Président Woodrow Wilson, initiateur de la Société des Nations (SDN) et partisan d’une relative clémence, les Français, traumatisés par la guerre, exigent et obtiennent lors du traité de Versailles des conditions dures et humiliantes à l’égard de l’Allemagne, qui vont semer les germes du 2ème conflit mondial, en attisant le nationalisme pangermaniste.

La création de l’OTAN

Dans l’entre-deux-guerres, l’isolationnisme américain traditionnel reprend le dessus, y compris au début de la 2ème guerre mondiale, dans laquelle les États-Unis ne se lanceront qu’à la toute fin de 1941, après l’attaque de Pearl Harbour et la destruction de leur flotte du Pacifique par le Japon.

Entre temps, l’Allemagne nazie a conquis la quasi-totalité du territoire européen, excepté la Grande Bretagne. Pour vaincre le Japon et l’Allemagne, l’Amérique devra fournir un effort militaro-industriel colossal qui lui permettra d’alimenter 3 fronts à des milliers de kilomètres de ses côtes, ses propres fronts atlantique et pacifique, et celui d’une Union Soviétique exsangue.  En définitive, la victoire de 1945 ne sera possible que par la profondeur stratégique russe et la puissance industrielle et technologique américaine.

À l’issue de la seconde guerre mondiale, les 2 puissances victorieuses se partagent de facto le territoire européen et deviennent antagonistes, mais l’armement nucléaire, par son caractère de « tout ou  rien » permet d’éviter une confrontation  militaire directe. La création de l’Alliance Atlantique et de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) permet aux pays d’Europe de l’Ouest de bénéficier de la protection nucléaire américaine et, de facto, la frontière entre l’Europe communiste et l’Europe démocratique restera gelée jusqu’à l’effondrement des régimes communistes en 1989.

Depuis lors, l’engagement américain pour la défense de l’Europe ne s’est pas démenti et  l’Alliance atlantique s’est étendue vers l’est jusqu’aux frontières de la Russie, en intégrant la plupart des anciens pays de l’Europe de l’Est, y compris les pays baltes, qui faisaient partie de l’URSS. L’attirance pour le « parapluie » nucléaire américain est toujours aussi forte puisque le 29ème pays membre de l’Alliance, le Monténégro a adhéré il y a quelques jours. Rappelons enfin qu’au nom de  l’OTAN, l’armée américaine est intervenue militairement en 1998 – 2000 au Kosovo contre le régime  nationaliste serbe, pour éviter le massacre de la population d’origine albanaise.

Au total, en un siècle, les États-Unis ont rendu possible la victoire de la première guerre mondiale, ils ont été l’acteur majeur de la victoire sur le nazisme lors de la seconde, puis ils ont stoppé l’expansion soviétique à l’ouest. Cette protection a permis à l’Europe occidentale, en construisant l’Union Européenne, de vivre en économie de marché et de devenir la région la plus développée du monde avec les États-Unis eux-mêmes. Absents d’Europe au début du 20ème siècle, ils y sont solidement installés dans le cadre de l’Alliance atlantique au début du 21ème.

Quelle alliance pour l’Europe du XXIème siècle ?

L’Europe occidentale et plus encore la France est le finistère eurasiatique à l’ouest. Encore plus à l’ouest, 2 grandes iles, Grande Bretagne et Irlande, puis l’océan atlantique. Indépendamment des guerres franco anglaises, qui, vues du 21ème siècle s’apparentent à des guerres civiles, les menaces sont toujours venues de l’est (Celtes, Germains, Huns, Russes, Prussiens, Allemands, Union soviétique) et du sud, du monde méditerranéen et moyen oriental (Grecs, Romains, Arabes).

Les menaces d’aujourd’hui n’ont pas changé, elles viennent de l’est et du sud. À l’est, la Russie, même affaiblie économiquement reste une super puissance nucléaire, ce que M. Poutine n’omet jamais de rappeler. Sa capacité de dissuasion est mise au service de la traditionnelle politique d’expansion russe vers l’Ouest riche et agricole (Ukraine) ainsi que vers la mer noire à la recherche d’une ouverture vers la méditerranée (Crimée, Syrie, Caucase…).

La menace du Sud est représentée aujourd’hui par la fraction expansionniste du monde musulman, souvent nommée islamiste, ou djihadiste, dont les contours sont difficiles à cerner. Même si elle est militairement faible, les moyens qu’elle utilise, terrorisme et propagande par internet, sont susceptibles de déstabiliser les opinions publiques des pays européens ouverts et de menacer les démocraties.

Quels sont les moyens de nous prémunir contre ces menaces ?

À l’est la seule façon crédible de contrer la puissance nucléaire russe reste, pour longtemps, la puissance nucléaire américaine, en coordination avec les forces nucléaires françaises et britanniques. Les affaires d’Ukraine montrent qu’il nous faut aussi pouvoir mobiliser, le cas échéant, les forces militaires classiques des différents pays et les faire travailler ensemble. L’Alliance atlantique reste l’outil idéal pour faire face à la nature d’une éventuelle menace à l’est, et c’est la raison pour laquelle les pays d’Europe orientale continuent à adhérer.

Au sud, la menace de la fraction expansionniste du monde musulman nécessite en premier lieu des forces spéciales pour intervenir dans le monde méditerranéen et moyen oriental contre les djihadistes, à la demande des États de la région. (Mali, Lybie, Afghanistan, Syrie, Irak).

En Europe, seules les forces françaises et britanniques en sont capables aujourd’hui, mais en disposant de moyens technologiques et aériens américains. Contre le terrorisme sur notre sol, la lutte est préventive, internationale et demande des moyens relevant du renseignement et du traitement de l’information, dans lesquels les États-Unis ont pris une avance technologique considérable (big data). Rappelons qu’ils sont, de très loin, le pays dont les dépenses militaires sont les plus élevées, près de 600 milliards de dollars en 2015, suivis par la Chine, 145  milliards. La Russie dépense pour sa part 66 milliards et la France 47. Une proportion importante de ces dépenses est affectée aux nouvelles technologies de l’information et du traitement des données.

Alors oui, au-delà des effets de manche de part et d’autre de l’Atlantique nous n’avons d’autre choix que de prolonger notre alliance à l’ouest. Pour un siècle encore, peut-être, se vérifiera cette sentence du Marquis de Lafayette :

Le bonheur de l’Amérique est intimement lié au bonheur de toute l’humanité.

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  • Que d’imprécisions historiques dans ce texte. C’est bien l’Union soviétique qui a détruit l’Allemagne nazie. L’aide américaine à l’URSS se résumant à des boîtes de corned beef et et à des camions. Les USA n’ont débarqué en France que parce qu’ils ont vu le formidable élan des troupes soviétiques qui auraient pu tout aussi bien emporter toute l’Europe occidentale. C’est encore l’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon qui a mis fin à la guerre contre l’empire nippon (et pas la bombe atomique). La prétendue volonté d’expansion russe vers la mer noire n’est que la brillante réponse de Vladimir Poutine à la tentative américaine de priver Moscou de Sébastopol. La déstabilisation de l’Ukraine est une oeuvre américaine. Actuellement je considère que les forces américaines en Europe sont des forces d’occupation. Elles mettent de facto toute l’Europe sous la coupe de Washington privant celle-ci de toute politique indépendante. Je reprendrais bien volontiers le vieux slogan des années 70 « US go home ».

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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