Faut-il interdire les collaborations familiales dans la vie politique ?

L’inquiétude des Français à l’égard des emplois familiaux dans la sphère politique est parfaitement légitime. Mais l’interdire sans penser à une solution “encadrée” risque d’évincer des personnes réellement compétentes.

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Faut-il interdire les collaborations familiales dans la vie politique ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 juin 2017
- A +

Par Mathilde Berger-Perrin.

Le Pénélope Gate a contribué à renforcer la méfiance des Français vis-à-vis des collaborations familiales dans la sphère parlementaire. C’est pourquoi le nouveau projet de loi de moralisation de la vie publique se propose de mettre fin à cette pratique. Mais cette décision est-elle vraiment opportune ?

L’inquiétude des Français à l’égard des emplois familiaux dans la sphère politique est parfaitement légitime. Mais l’interdire sans penser à une solution “encadrée” risque d’évincer des personnes réellement compétentes avant d’être des « fils de ».

Si on l’interdit en politique, on l’interdit ailleurs ?

Paradoxalement, la politique ne bénéficie pas du même traitement que les autres sphères de la vie professionnelle. En effet, cela ne semble déranger personne d’avoir sur le devant des scènes de théâtre parisiennes ou à l’affiche des cinémas, la fille “de” ou le fils “de” dont le talent, par rapport au parent, est souvent quelque peu modeste.

Nul besoin de dresser une liste complète, mais on peut difficilement imputer la réussite de personnalités comme Lily Rose Depp, Nicolas Bedos ou, Lolita Chammah à leur (seul) mérite.

Il est fort probable que ces derniers tirent leur succès de la notoriété de leurs parents. Or cette ascension n’est contestée par personne, bien qu’elle puisse se faire au détriment d’acteurs plus travailleurs mais moins connus du grand public.

Une telle remarque est applicable au monde de l’entreprise où les collaborations familiales dérangent rarement. Personne ne revendique après tout la nécessité de légiférer quand le comex est composé à plus de 50% des membres d’une même famille.

Les chiens ne font pas des chats : la question de la vocation

Néanmoins, il n’est pas rare de trouver une « passion familiale » pour une activité, et, le politicien a droit aussi de transmettre la fibre à ses proches. Ceux qui décident d’accompagner un proche en politique, peuvent aussi le faire par vocation professionnelle.

Que le contexte familial l’ait influencé ou non, c’est avant tout un choix libre de carrière. On peut légitimement se désoler du poids du piston quant à l’accès à une profession. Mais peut-on (en politique comme ailleurs) empêcher le piston à coup de loi ?

C’est avant tout une question de compétence

En tant que libérale, à mon sens, la compétence est la seule chose qui importe véritablement (et d’autant plus dans la classe politique française). Si la personne recrutée en assistant parlementaire (ou autre poste) est qualifiée et efficace, son appartenance à la famille d’un élu n’a pas d’importance.

Ajoutons que, pour la politique, il vaut mieux employer des personnes convaincues par les idées que l’on porte. Au regard de cette nécessité, les membres de la famille sont bien souvent des valeurs sûres. Toujours est-il qu’une compétence ou et des qualités s’évaluent et se sélectionnent. L’emploi des membres de la famille d’un élu – ou de toute personne employée par un élu- doit donc se faire avec les règles d’un recrutement juste.

Pour un recrutement objectif : un pas vers la méritocratie ?

L’accès à certains postes de la fonction publique se fait déjà sur concours. Pourquoi ne pas étendre cette pratique pour les postes qui entourent les élus ? Si ce n’est pas un concours, au moins un entretien avec un jury comprenant des personnes externes à la famille, afin que le recrutement soit « plus objectif ».

Introduire plus de compétition dans ce milieu-là ne fera jamais de mal : ce serait faire un pas vers plus de justice et de méritocratie. Allons plus loin : une fois en poste, une obligation de résultat pour attester de la non-fiction de l’emploi serait mesure à sérieusement considérer, si ce n’est pas la moindre des choses.

On pourrait imaginer une mesure avec des critères d’évaluation de production quantitatifs et qualitatifs ou simplement par la vérification du remplissage des missions attribuées par exemple.

Bref, plutôt que d’interdire les collaborations familiales, encadrer plus fermement le recrutement de personnes qui gravitent autour des élus serait plus efficace pour rassurer les français, et ce, pour les membres de la famille comme pour les autres.

Porter le même nom ou une alliance ne devrait jamais suffire à justifier la prise d’une fonction. Il s’agit avant tout de prouver sa valeur et de mériter un poste au regard de ses qualifications et de sa motivation.

On pourrait d’ailleurs objecter le même argument à ceux qui revendiquent régulièrement la nécessité de mettre en place des quotas ou d’autres mesures de discrimination positive en faveur d’une catégorie particulière de population au détriment des compétences. Mais c’est évidemment un autre débat.

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  • Liens familiaux..est-ce que cela a un sens en 2017 , en France, dans un milieu de copains/coquins ?

  • On passe à côté du sujet me semble-t-il… l’utilisation de fonds publics pour des emploi fictifs attribués à un membre de la famille proche pour enrichissement personnel. L’enrichissement personnel est nettement plus facile lorsqu’on fait cela avec un membre de la famille.

    • Y a un problème , l’emploi fictif…ça n’existe pas.ex Fillon:
      Comment peut être fictif l’emploi de sa femme dans son job de député , l’apport moral et aussi important que le boulot de secrétariat

      • @ reactitude
        Je me range à votre avis: si l’époux/épouse est assistant(e), vous n’avez plus d’horaire de travail: une conversation dans la cuisine peut devenir du travail, d’autant plus intéressant à cause de ce côté informel!

        D’autre part, je ne crois pas du tout que l’on soit moins exigeant avec les siens, au contraire: on ne compte plus les heures et même les week-ends passés dans la circonscription ont une « présence professionnelle »!

        Enfin, la confiance familiale que ce recrutement suppose est une sorte d’assurance anti-trahison, l’assistant(e) n’ayant pas forcément d’ambition de carrière politique, elle ou lui.

        Il en va de même pour l’interdiction de cumul de mandat: comment condamner un député impliqué politiquement, aussi, dans sa circonscription. C’est un contre-sens!

        Par contre, le cumul des revenus « publics » devient plus problématique et là, une règlementation serait logique.

        Alors qu’une limitation des mandats successifs autoriserait logiquement la conservation de la profession d’origine, facteur de « monde réel » mal pris en compte par les « professionnels de la politique », plus enclins à suivre leur ambitions personnelles.

        L’éthique demandant d’éviter le conflit d’intérêt par la non participation au vote, mais en n’empêchant pas la participation (éclairante) à la discussion d’un « professionnel » du sujet abordé!

        Il est important que la loi ne fasse pas « pis que mieux » (expression wallonne) en créant des effets pervers opposés aux motifs déclarés du projet de loi.

        Enfin, il y a encore des politiciens « travailleurs » qui se sont spécialisés dans des domaines restreints (retraites, bio-éthique, droit et jurisprudence, commerce extérieur) et jouissent au parlement d’un haut degré de crédit et de compétence, même en-dehors de leur couleur partisane (devenue secondaire).

  • Vous avez tous les deux raison (rectitude et libéral solidaire). On leur rend juste un peu plus difficile la manip. Pourquoi ne pas leur appliquer tout bêtement les lois existantes. L’emploi fictif est interdit, les fausses notes de frais, le détournement etc. Encore une loi d’exception à l’exception qui préserve finalement le statut général .

    • Pour les fausses notes de frais il n’y a aucun risque à l’Assemblée Nationale, il s’agit bien des seuls salariés desquels la loi n’en exige aucune. À se demander pourquoi…
      Je suis sceptique sur l’argument : « ça ne dérange personne quand il s’agit d’acteurs ». Vous, ça ne vous dérange peut-être pas, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas de tout le monde non plus. Après, s’il s’agit de « laisser faire le marché », un mauvais, même « fils de », a peu de chances de durer sous son nom…

      • Dans le cas des acteurs , il s’agit de film fictif , très nombreux dans le cinéma français ,le film n’ étant qu’un prétexte pour recevoir un salaire ou une subvention partagé en « famille ».

      • @ Anagrys et @ reactitude

        Pour les artistes, ce n’est évidemment pas une « garantie de talent » d’être « fils ou fille de », mais cela peut certainement être un « chausse-pied » pour entrer dans le milieu, parmi les milliers « d’intermittents », et avoir une chance d’être sélectionné.

        Encore faut-il accepter de n’être qu’un « pistonné », grâce à Papa ou Maman, à un âge où la réaction inverse est plus fréquente.

        Reste évidemment « le meurtre du père » de S.Freud, pour ceux qui croient encore à ce monsieur. Une admiration peut conduire à suivre la même orientation.

        Dans les entreprises fondées par la « famille », la défense des intérêts peut bien se doubler d’un intérêt plus personnel, même historiquement depuis l’enfance, avec l’envie de voir perdurer l’oeuvre des ascendants, en s’y étant préparé (gage de réussite) ou en s’y « planquant » (gage de faillite à terme)!

  • Ce postulat est aussi ridicule que la parité hommes femmes ( ou femmes hommes aujourd’hui) qui nous amène des Marlène Schiappa ou des Najat Vallaud Belkacem au gouvernement … L’important c’est de privilégier la compétence, et il parait plus que normal qu’une personne compétente fasse des émules dans son entourage. Encore une réglementation bidon ( car qui empêchera d’employer sa maîtresse ou le fils de son ami ?) purement électoraliste pour valider la chasse aux sorcières qui a permis d’éliminer le candidat de la droite à la présidentielle. Et… Faites ce que je dis, pas ce que je fais, n’est-ce pas monsieur Ferrand ?

    • @ Odidole

      On sait maintenant le système « Le Pen » au parlement européen qui interdit à un familier (au sens strict) d’être « assistant(e) parlementaire »: Marine recrute la femme de Jules qui recrute la femme de Léon qui lui recrute le jules de Marine et la boucle est bouclée (explication schématique imaginaire), (Solution en examen de fraude possible à « Bruxelles »!). L’intention de tricher reste claire mais la lettre du règlement est respectée si son esprit est évidemment trahi.

  • L’emploi d’un membre de la famille ne doit pas nécessairement être interdit mais contrôlé et payé à sa juste valeur (par exemple pour le cas de Mme Fillion ce qu’elle déclare avoir effectué c’est un boulot de secrétaire, éventuellement secrétaire de direction, donc la rétribution accordée était largement surévaluée).
    Quelque fois il est plus facile de confier une activité à son conjoint qu’à un simple collaborateur même de grande confiance.
    Quant aux contrôles il faudrait qu’une équipe d’agents compétents soient désignés par la cour des comptes fasse des vérifications aléatoires des élus tirés au sort cette équipe étant renouvelée par tiers tous les deux ans l’objectif étant qu’au moins la moitié des élus soit contrôlée durant une mandature et un élu pouvant être contrôlé deux fois.
    D’autre part les frais doivent respecter les mêmes règles que pour les entreprises privées ou les indépendants du privé.

    • @ Jean-M64
      Madame Fillon était certainement plus qu’une « secrétaire » par les multiples services rendus à son mari mais aussi par ses compétences personnelles multiples consacrées par des diplômes (droit et langues, en tout cas). Elle est aussi conseillère municipale donc « non-incompétente » dans le domaine politique français.

      Personnellement, j’attends le « non-lieu » ou la condamnation symbolique pour confirmer l’impression sinon de « complot », du moins de cabale de cette histoire si révélatrice de la partialité du parquet qui aura bien « tordu » tout esprit démocratique! (Et je ne suis pas sûr du tout que des « faux-frères » ne comptent pas parmi « Les Républicains »!!!

  • Et les emplois de concubins/amants maîtresses, comment les encadrer. les conflits d’intérêts sont les mêmes. Et rien n’empêchera deux députés proches d’échanger leurs compagnes ou compagnons pour tourner la difficulté, bref la loi de Bayrou sera une passoire. En ce qu concerne l’emploi fictif familial c’est très difficile à prouver sauf pour mineurs (Le Roux) ou absence de qualification évidente (Ferrand)

    • @ henir33

      Qu’attend un député de son assistant(e) parlementaire, y-a-t-il un texte qui définisse exactement cette fonction et en décrit les contours?

      Le simple fait de ne pas vérifier les frais exposés et remboursés des députés ouvre la porte de tout excès vis-à-vis de gens protégés par une immunité!

      Pourtant la confiance de la population est inversement proportionnelle à ce laxisme de « confiance »!

      « Va comprendre, Charles! »

  • Au même titre que n’importe quel individu qui se positionne sur le marché de l’emploi, il me semble normal de passer les étapes habituelles, soit envoi de candidature en bonne et dûe forme, sélection, convocations à divers entretiens et jury. Dans ces entretiens, au même titre que n’importe quel DRH ou DAF, devrait intervenir un administrateur (par exemple de Bercy) vu que, quelque part, les rémunérations ne sont pas issues d’un bénéfice réalisé par un entrepreneur mais d’argent public prélevé à destination de l’emploi de collaborateur.
    De la même manière, comme pour tout emploi sensible, fourniture d’un extrait de casier judiciaire, de la batterie de diplômes originaux et certificats divers (de recommandation, de formation complémentaire, de prise de référence…), photocopies de divers éléments administratifs, lieux de résidence et familiaux. Et l’inscription, comme dans toute boite d’une certaine taille, de l’individu retenu dans le trombinoscope, ce qui permet à tout un chacun de savoir que Pierre ou Pauline (pour la parité…) est entré officiellement dans l’effectif.
    Bref, que des choses que tout quidam en volonté d’occuper un poste d’équivalent cadre, se doit de fournir pour chaque recrutement, dans la vraie vie.
    Et comme dans la vraie vie aussi, les remboursements de frais sur présentation de justificatifs originaux, voire pour les plus tâtillons, les avis de réunion filiale/client/fournisseur pour comparer…
    Cela n’empêchera pas les « truands », mais, comme pour se protéger d’un cambriolage, la multiplication des obstacles rend les mauvaises actions beaucoup plus difficiles.

  • Je n’ai toujours pas la réponse à ma question: si Madame Fillon a exercé un emploi fictif, qui a bien voulu faire le travail à sa place gratuitement?

  • Vous dites « si on l’interdit en politique, on l’interdit ailleurs ? ». Permettez que je conteste cela :
    1. D’abord en général c’est une question morale (impossible à couler dans la loi). Il se trouve que dans le public et le parapublic en France cette morale n’existe pas car il y a un gros gâteau à se partager et la classe politique est essentiellement là pour pomper les énormes ressources d’un état obèse.
    2. Contrairement à ce que vous pensez cette morale existe dans le privé. En effet dans les grosses sociétés on évite ce mélange des genres. Un patron qui tolère cela est vite considéré comme suspect puis évincé. Quant aux petites entreprises, dont le patron est généralement l’actionnaire, alors le fait d’employer sa famille n’a rien d’immoral : il fait ce qu’il veut de son argent !
    Il est temps que les Français se rendent compte que l’état français, le domaine parapublique et celui des grosses sociétés françaises (capitalisme de connivence) sont des endroits où l’atmosphère sent un peu mauvais sur le plan moral, et que la loi ne peut remplacer universellement la morale.
    Cordialement.

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