Camille Claudel et Auguste Rodin vus par eux-mêmes

Les archives de ce roman sur Auguste Rodin et Camille Claudel sont plus révélatrices que n’importe quel récit pourrait l’être.

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Camille Claudel et Auguste Rodin vus par eux-mêmes

Publié le 5 juin 2017
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Dans sa note liminaire, l’éditeur définit l’objet du livre :

L’histoire est connue pour avoir été cent fois racontée, filmée. La voici, telle quelle, brutale, naturelle et poétique. Les sources seules, sans commentaires ni notes. Correspondance inédite, journaux intimes, carnets… Une passion sans détours, racontée comme un roman par ses archives.

Le lecteur ne peut être que ravi : il n’est pas porté de jugement sur Camille et Auguste, de vingt-trois ans son aîné. Les pièces du dossier sont entre ses mains. En les consultant, il ne peut que se dire, avec Paul Claudel, le frère de Camille :

Il est bien rare que la vocation artistique soit une bénédiction. (Mémoires improvisées, 1951)

Celle de ces deux génies que furent Camille Claudel et Auguste Rodin, en tout cas, ne le fut finalement pas, ni pour l’un ni pour l’autre. Et le lecteur découvre, peu à peu, ce qu’ils furent l’un pour l’autre, ce qu’ils furent l’un et l’autre.

Il y a peu de textes qui disent clairement, sauf à la fin, mais ce ne sont pas eux qui parlent, ce qu’ils furent l’un pour l’autre.

Dans une lettre d’août 1886, Camille écrit à Auguste, alors qu’elle se trouve loin de lui, à Nottingham :

Vous pensez bien que je ne suis pas très gaie ici. Il me semble que je suis si loin de vous! Et que je vous suis complètement étrangère.

Dans une lettre de la même année, adressée à sa féroce amie, Auguste est nettement plus explicite :

Aie pitié, méchante. Je n’en puis plus, je n’en puis plus passer un jour sans te voir. Sinon l’atroce folie. C’est fini, je ne travaille plus, divinité malfaisante, et pourtant je t’aime avec fureur.

Cette passion ne l’empêche pas d’entretenir correspondance – plusieurs lettres qu’il lui adresse en témoignent – et relations avec sa chère Rose Beuret, la compagne de ses années difficiles…

Dans une lettre plus explicite, de fin juillet 1891, Camille écrit notamment à Auguste cette fin, d’où le titre du livre est tiré :

Je me couche toute nue pour me faire croire que vous êtes là mais quand je me réveille, ce n’est plus la même chose.

Je vous embrasse,

Camille

Surtout ne me trompez plus.

Les premières années ont été difficiles pour Auguste et, comme sa sculpture n’est pas des plus académiques, éloges et dénigrements de son oeuvre nourrissent des controverses continues dans la presse spécialisée, comme l’attestent des articles parus à l’époque. Il lui faudra beaucoup de temps pour être vraiment reconnu.

De son côté, Camille connaît les mêmes affres, avec une différence de taille toutefois : elle ne sera reconnue vraiment à son tour que lorsque sa rupture avec Auguste aura raison de son esprit, en proie à la manie de la persécution dont elle serait victime de la part de son ancien amant…

En attendant cette reconnaissance, elle aura grand besoin d’argent et n’en verra jamais la couleur quand elle surviendra. Tandis que Camille pense qu’Auguste fait tout pour que les vivres lui soient coupés, celui-ci, de manière anonyme, lui fait verser des mensualités par le Crédit algérien…

Le 4 décembre 1905, dans Le Gil Blas, le critique d’art Louis Vauxcelles écrira :

Dans l’histoire de l’art contemporain, je ne vois guère que deux grands noms de femmes: Berthe Morisot et Camille Claudel. Berthe Morisot fut élève de Manet, mais la fraîcheur lumineuse de sa palette lui confère une personnalité exquisément rare et raffinée ; quant à Camille Claudel, les leçons qu’au début elle reçut de Rodin lui ont certes appris la grammaire, voire la syntaxe de la statuaire, mais elle est elle-même, profondément, autant que Rodin.

Dans l’oeuvre de Camille, ce qu’elle est elle-même transparaît : s’y retrouve son génie et… son caractère violent, ombrageux… Quoi qu’il en soit, les horreurs tombent sur elle, les maladies, le manque d’argent, les mauvais traitements, comme elle l’écrit dans une lettre envoyée à sa cousine Henriette Henry fin 1912…

La suite est connue : Camille sera internée pendant trente ans, de 1913 à 1943, à la demande de sa famille, et ne fera que dépérir ; Auguste mourra en 1917, avec tous les honneurs. Camille et Auguste se seront manqués…

Eugène Blot, son éditeur d’art, écrira à Camille, le 3 septembre 1932, à propos d’Auguste :

En réalité, il n’aura jamais aimé que vous, Camille, je puis vous le dire aujourd’hui. Tout le reste – ces aventures pitoyables, cette ridicule vie mondaine, lui qui restait un homme du peuple -, c’était l’exutoire d’une nature excessive.

Dans un article du Figaro du 13 décembre 1951, à l’occasion de l’exposition Camille Claudel au Musée Rodin, AW écrira :

Rodin fut tout pour Camille C. Sans lui, elle ne fut plus rien. Un groupe, L’Âge mûr, l’homme qui s’en va en laissant derrière lui une jeune femme nue et désemparée, est l’image de son propre malheur.

Les archives de ce roman sont plus révélatrices que n’importe quel récit pourrait l’être…

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