Comment la libéralisation économique a amélioré le sort des femmes en Chine

En Chine, la mondialisation capitaliste n’a pas emprisonné les ouvrières chinoises dans des ateliers, elle les a libérées.

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Comment la libéralisation économique a amélioré le sort des femmes en Chine

Publié le 26 mai 2017
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Par Chelsea Follett

La Chine a connu la plus spectaculaire sortie de pauvreté de tous les temps, notamment grâce au boom de l’industrialisation qui a suivi la libéralisation économique des années 1980. Toutefois il existe une idée reçue à propos des conditions de travail qui en ont résulté : beaucoup imaginent toutes les usines chinoises comme des lieux d’exploitation dans lesquels les travailleurs endurent une souffrance au service de la cupidité des capitalistes. Mais cette vision ne tient pas compte des expériences vécues par les travailleurs. La journaliste Leslie T. Chang explique lors d’une conférence TED :

Ce récit simpliste qui explique les souffrances chinoises par la demande occidentale est séduisant mais il est également inexact et condescendant.

Les travailleurs chinois ne sont pas conduits de force dans des usines en raison de notre désir insatiable d’iPod

Ils choisissent de quitter leur domicile [de la Chine rurale] en vue de gagner de l’argent, de développer de nouvelles compétences et de voir le monde.

Il y a quelques temps, cette ancienne journaliste du Wall Street Journal a passé deux ans en Chine pour observer et comprendre des ouvrières à la chaîne en vue de faire connaître leurs histoires. La journaliste déclare :

Dans le débat en cours sur la mondialisation, ce qui manquait, c’est la parole des travailleurs (…)

C’est sûr que les conditions d’usine sont vraiment dures, et c’est quelque chose que vous et moi ne voudrions jamais faire, mais de leur point de vue, l’endroit d’où elles viennent est bien pire, et là où elles vont est en principe bien mieux. Je voulais juste donner le contexte de ce qui se passe dans leurs têtes, et pas forcément ce qui se passe dans les vôtres.

Pour obtenir le sous-titrage français, activer le bouton en bas à droite de la vidéo

Le livre que Chang a écrit à la suite de son enquête, La fabrique des femmes (titre original : Factory Girls: From Village to City in a Changing China), présente une image intime de la façon dont le capitalisme mondial a changé la vie des femmes dans son pays d’origine. Les portraits qui émergent de jeunes femmes indépendantes et ambitieuses contrastent fortement avec le récit répandu de victimisation.

Les femmes représentent un tiers des émigrés économiques de l’intérieur de la Chine, mais elles constituaient 70% de la population rurale débarquée dans la ville industrielle que Chang a visitée. Les femmes migrent plus loin de leur domicile et restent plus longtemps dans les zones urbaines que les hommes.

Par rapport à leurs homologues masculins, les femmes « ont davantage tendance à accorder de la valeur à la migration pour ses perspectives de transformations de vie » dans la mesure où les rôles de genre sont moins restrictifs dans les villes que dans les campagnes traditionnelles. Même si, initialement, il était considéré comme risqué ou honteux pour une femme de se débrouiller seule, la migration vers les villes est devenue aujourd’hui pratiquement un passage obligé pour les Chinoises des zones rurales.

Dans la mégalopole, Chang a été surprise de constater que la mobilité sociale était forte, de nombreuses femmes évoluant des lignes de montage vers des postes administratifs ou dans d’autres domaines. Le turnover des ateliers était élevé, dans la mesure où elles passaient souvent d’un emploi à l’autre à la recherche de meilleures perspectives. Chang a observé que certains cours du soir en étiquette des affaires, en anglais, ou en informatique pouvaient catapulter une femme ambitieuse à une fonction de col blanc.

Le livre illustre bien la façon dont l’urbanisation non seulement permet d’échapper à la pauvreté, mais aussi a pour répercussion d’améliorer les villages d’origine des migrants. Et il démolit l’idée selon laquelle le fait d’être pauvre en ville est tout aussi mauvais sinon pire que d’être pauvre à la campagne.

« Lorsque vous avez vécu en ville durant un certain temps, vos idées évoluent », a constaté une migrante économique. « Vous pensez constamment à la façon de développer la campagne. Le village reste ma maison, mais je ne m’y sens plus à l’aise. »

Quand Min, l’employée d’une usine de fabrication de sacs à main, habituée à la vie urbaine moderne, était retournée rendre visite à sa famille à la campagne, elle s’était retrouvée dans cette situation :

L’électricité était utilisée avec parcimonie pour économiser de l’argent, et la plupart des dîners se déroulaient dans la pénombre. Il n’y avait pas de plomberie, ni de chauffage. Dans le froid humide de l’hiver d’Hubei, tous les membres de la famille portaient leurs manteaux et leurs gants à l’intérieur ; les murs et les sols de ciment s’imprégnaient du froid comme une éponge. Si vous restiez assis trop longtemps, vos orteils s’engourdissaient ainsi que vos doigts…

Min s’est donnée pour mission de moderniser la ferme où elle avait grandi.

Min a parcouru la maison en relevant les améliorations qu’elle souhaitait : un distributeur d’eau chaude, une machine à laver, un sentier de béton à travers le jardin boueux.

Elle envisageait de financer à terme la construction d’une salle de bain intérieure et d’un chauffe-eau pour que sa famille puisse se baigner en hiver en échappant au froid.

En envoyant de l’argent à leur foyer, les migrants comme Min sont la principale source de revenus des villages. Une année, Min et sa sœur aînée, Guimin, ont envoyé plus du double de la somme d’argent que la petite ferme familiale avait rapportée grâce à la vente de porcs et de coton. L’argent des deux sœurs a financé la scolarisation de leurs jeunes frères et sœurs.

L’argent a également donné aux deux femmes la possibilité de faire entendre leurs voix dans les affaires familiales : elles ont pu insister pour que leurs plus jeunes sœurs soient scolarisées plus longtemps que ce qui était habituel pour les filles. Alors que la sœur aînée n’a reçu qu’un enseignement secondaire, la famille peut espérer voir les deux plus jeunes accéder à l’enseignement supérieur si elles le souhaitent.

Comme le dit Chang, la plupart des migrantes ne retournent jamais vivre à la campagne.

Celles pour qui les choses vont bien préfèrent acheter un appartement et s’installer dans leur ville d’adoption ; les autres finissent à la longue par déménager dans les villes et les localités proches de leurs villages d’origine pour y installer des magasins, des restaurants et des petites entreprises comme des salons de coiffure ou des ateliers de confection.

Très peu d’entre elles reviennent travailler à la ferme.

Mais la vie urbaine fait plus qu’élever les attentes des femmes en matière d’influence et de statut social. Selon Chang, les migrantes d’origine rurale ont davantage tendance à rechercher l’égalité dans le mariage. Et ceci n’est qu’un exemple de la façon dont les jeunes femmes des villes industrielles du sud « ont fini par croire qu’elles pouvaient gagner en importance, malgré leurs origines modestes ».

Les perspectives de progrès économiques qui ont balayé la Chine ont également apporté avec elles un sentiment d’estime de soi. Comme l’a constaté Chang, parmi les Chinoises qu’elle a interviewées, les plus âgées situées dans les zones rurales reculées ne voyaient pas en quoi leurs histoires étaient intéressantes, tandis que les jeunes citadines se considéraient comme des sujets dignes d’intérêt.

Grâce à la libéralisation économique et à la soi-disant avidité capitaliste, de nombreuses femmes ont eu l’occasion de changer leur sort, de décider par elles-mêmes et de prendre en main leur destin. Comme le montre le livre de Chang, la mondialisation ne les a pas emprisonnées dans des ateliers, elle les a libérées.


Sur le web. Traduction : Raphaël Marfaux pour Contrepoints.

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  • Un sacré raccourci ! Le fait de passer de la campagne à la ville à oblige les femmes à travailler( enfin , en usine car elles travaillaient dans les champs) , le capitalisme n’a rien à faire la dedans !
    Quant à la liberté par le travail à la chaîne…….

    • Je vois le genre… Apparemment ça emmerde monsieur que des femmes aillent travailler et puissent librement choisir par elles-mêmes de décider leur vie. Pour qui vous prenez-vous pour venir leur expliquer qu’elles sont idiotes et exploitées !!… « réactitude »… ou réactionnaire ?

      D’un côté nous avons une journaliste qui est restée 2 ans aux côtés des ouvrières chinoises pour mieux les connaître et comprendre leurs points de vue, partagés dans cet article et la vidéo. D’un autre côté nous avons votre petit commentaire méprisant qui reste enfermé sur des préjugés idéologiques condescendants… Mon choix est vite fait !

      • Un choix..qui a le choix ? Personne.
        On remplace une culture par une autre (mao a tenté de le faire par la force ,le choix est toujours une décision collective…bien ,les femmes peuvent choisir de travailler comme les hommes.ce n’est ni un progrès ni une régression mais une adaptation culturelle jusqu’à ce que cela change.

        • « le choix est toujours une décision collective »…
          Qu’est-ce qu’il ne faut pas lire… On comprend du coup pourquoi vous mettez sur le même plan maoïsme et libéralisme…

          • Le maoisme a existé ,le libéralisme…pas encore et sans doute jamais.
            Le travail n’a jamais été un plaisir pour l’homme ,il ne peut être un but sauf par nécessité..financière imposée par la société.bien entendu on peut allier le plaisir au travail pour se motiver à se lever le matin ?

            • Et le bobo socialo que vous êtes va s’acheter à manger avec quoi? Se loger, se vêtir, etc… Ce n’est pas imposé par la société, vous pouvez retourner gratter la terre où devenir clodo et faire la manche!

            • @ reactitude

              Le « travail » est un concept général et abstrait qui n’est pas le « plaisir » ni le « déplaisir ».
              Le but du travail est le résultat obtenu, c’est donc un « moyen ».
              Heureusement, la plupart des gens ne remettent pas ce raisonnement en cause, travaillent, obtiennent la satisfaction du résultat mais aussi celle d’en être le (co-)auteur et souvent, même le temps passé à l’obtenir sans considérer cela comme une « aliénation ».

              Quant au travail à la chaîne, soit ce sont des robots qui s’en chargent, soit ça se délocalise (même en Chine) vers des pays à moindre coût (Vietnam, entre autres), ce qui permet aux Vietnamiens de survivre et de progresser (donc « résultat », pour eux aussi, sans « esclavage » pour autant!).

              De plus, il est bien prouvé maintenant que la productivité s’améliore avec « le bien-être » (« plaisir » ou satisfaction) du personnel au travail, par « adhésion », alors que la coercition est contre-productive.

              Et si le partage du bénéfice est correct entre travail et capital (investissements, R&D et actionnariat), tout roule!

              Et ce qui pèche, en France, c’est la part gourmande de bénéfice prélevée par les autorités nationales ou locales pour leurs « menus frais », car si un travail est moins productif, c’est bien le travail administratif, lui, obligatoire et souvent peu satisfaisant.

              Mais ça, tous les lecteurs sont au courant!

            • Le libéralisme a éxisté: Hong Kong, en est un très bon exemple. Après ce n’est pas un libéralisme pur tel que Murray Rothbard l’aurait voulu, mais ca en était proche. Vous dites des choses mais vous n’êtes pas très critique de votre propre parole. En fait on peut même largement dire que vous êtes un pro du propos de bistrot.

    • Le capitalisme est ce qui a permis d’avoir le choix entre l’usine et la société agraire. Sans capitalisme pas d’usine dynamique avec possibilité de promotion.
      On se demande vraiment si vous avez lu l’article. Comme le pplupart du temps où vous postez des commentaires d’ailleurs. C’est un peu comme si vous étiez fier d’être juste borné et d’étaler votre frustration en essayant surtout de fire de la provoc… Vous devez être bien seul dans votre vie…

  • Les bobos écolos qui dénoncent le capitalisme n’ont jamais gratté la terre pour la cultiver afin de manger!
    Qu’ils aillent planter du riz dans les rizières, ils comprendront alors que travailler en usine est infiniment moins dur… et surtout mieux payé!

    • @ Virgile

      C’est bien cela que la gauche refuse!

      Il n’est pas compliqué de comprendre qu’un « travail dur » devrait trouver sa compensation dans une rémunération plus favorable (Mao Zedong et ses intellos dans les rizières ou l’URSS et ses médecins moins bien payés que ses mineurs de charbon).

      Il est indéniable qu’il y a une logique dans ce raisonnement, peu critiquable. Même si cela s’oppose au « marché du travail » où ce qui est plus rare est plus cher.

      On n’en sortira jamais si on n’accepte pas que l’humain doit veiller à son épanouissement individuel tout en conservant son côté « solidaire » des autres humains, étiqueté maintenant « social ».

      On ne peut donc se dire libéral et « posséder » des esclaves!

      J’ose espérer qu’E.Macron a ce but dans sa ligne de mire, se retrouvant « au centre », vers une refondation française, « neutre », par dissolution des 2 camps qui peut lui valoir une quasi-unanimité (actuellement) qu’il devra protéger dans l’avenir (c’est bien moins sûr).

      En politique, entre les crabes et les requins, il vaut mieux savoir nager!

      • Vous oubliez que dans le mot solidarité il y a la notion de volontaire, c’est là tout le problème, la solidarité à l’heure actuelle est imposée, ce qui fait que les gens s’en foutent des autres, que les familles se désunissent, ….. puisque l’état se charge de tout. Supprimer la sécurité sociale, rendez l’argent aux travailleurs et ils se chargeront de le distribuer à ceux qui en ont besoin et qui le méritent. Là ou moins vous aurez une dynamique vertueuse. Mais il faudra oublier les 10-15% qui ne font rien, se foutent des autres et crachent sur la tête de ceux qui entreprennent. Ca ferait du bien aussi de le laisser tomber

        • @gduchateau: +1
          La solidarité à la poite du fusil ça s’appelle de l’extorsion, et ça tue la vraie solidarité.

    • Quand on est face à un « bobo -gaucho-écolo » qui critique le capitalisme, il suffit de lui poser la question : « Est-tu capable de vivre en dehors du système » ? Si il répond oui, alors on vient de lui prouver que capitalisme ou pas, cela n’avait pas d’influence sur lui donc il n’y avait pas de raison de s’en occuper et qu’il pouvait commencer tout de suite à sortir du système. Si il répond non, alors il prouve qu’il a besoin des autres et que c’est un parasite …. CQFD

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