Quelles économies d’énergie dans le futur ?

Alors que notre consommation d’énergie a augmenté au cours des siècles de façon spectaculaire, on constate qu’elle est maintenant en baisse.

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Quelles économies d’énergie dans le futur ?

Publié le 22 mai 2017
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Par Guillaume Nicoulaud.

KIC 8462852, aussi connue sous le nom d’étoile de Boyajian, fait encore des siennes.

Les étranges fluctuations lumineuses de cet astre de la constellation du Cygne n’en finissent plus de plonger les astronomes dans des abîmes de perplexité. Personne, à ce jour, n’a été capable de les expliquer, à tel point que, faute d’explication naturelle, nombreux sont ceux qui se demandent si nous n’aurions pas découvert une sphère de Dyson.

Une sphère de Dyson, si tant est qu’une telle chose existe, c’est une gigantesque structure construite par une civilisation très avancée autour d’une étoile pour en capter l’énergie. L’hypothèse, formulée par le physicien et mathématicien Freeman Dyson en 1960, repose sur la même intuition que l’échelle de Kardachev : une civilisation très avancée1 consomme nécessairement des quantités gigantesques d’énergie et, pourvu qu’on en soit matériellement capable, exploiter celle qui est émise par une étoile semble être une bonne idée.

Notre consommation d’énergie a augmenté au cours des derniers siècles

De fait, si vous considérez les derniers siècles de notre histoire — depuis la révolution industrielle — notre consommation d’énergie a effectivement augmenté de façon spectaculaire : non seulement la population Homo sapiens a explosé mais la consommation d’énergie par Homo sapiens a également progressé aussi régulièrement que significativement. Rien qu’entre 1965 et 20152, la population humaine a progressé de 1.6% par an et notre consommation énergétique moyenne a augmenté de 0.94% par an : soit une hausse annuelle de notre consommation globale de l’ordre de 2.55% sur les quarante dernières années.

Au premier abord, on est donc tenté de suivre Kardachev et Dyson dans la mesure où la tendance qu’ils identifiaient dans les années 1960 semble bien se poursuivre : notre développement technologique implique une consommation d’énergie toujours plus importante. Alors que nous ne sommes désormais plus très loin de mériter d’être considérés comme une civilisation de type I — capable d’utiliser toute la puissance disponible sur Terre3 — nous serions condamnés à poursuivre cette fuite en avant sauf, bien sûr, si nous mettons un terme à notre développement.

Mais toute la question est de savoir si les tendances que nous avons observé jusqu’ici vont nécessairement se poursuivre. Après tout, nous parlons d’une période de deux ou trois siècles ; période infime à l’échelle de notre histoire que nos descendants, dans quelques siècles, considèreront vraisemblablement avec une certaine condescendance comme une sorte d’âge de pierre. En d’autres termes, l’idée selon laquelle une civilisation avancée consomme nécessairement énormément d’énergie n’est-elle pas plus le fruit de notre expérience récente qu’une véritable règle intangible du développement civilisationnel ?

Notre consommation d’énergie baisse depuis 2005

En fouillant un peu dans les données disponibles, j’ai comparé la consommation d’énergie par individu dans le monde entier (en noir), celle des pays développés (ici l’OCDE, en bleue) et celle des pays relativement moins développés (i.e. hors OCDE, en rouge). Voici à quoi ça ressemble :

Évidemment, ceux d’entre nous qui vivent dans des pays de l’OCDE consomment en moyenne près de quatre fois plus d’énergie que les autres, mais considérez la tendance depuis — en gros — les années 2000 : après un plateau, à l’échelle mondiale, de près de 20 ans durant lesquels notre consommation individuelle n’a pratiquement pas évolué, toute la hausse observée depuis le début des années 2000 est intégralement imputable aux pays hors OCDE.

Dans l’OCDE, c’est-à-dire dans les pays les plus technologiquement développés de la planète, la tendance des dix dernières années est exactement inverse : la consommation d’énergie moyenne par Homo sapiens décline depuis 2005.

Mieux encore : la plupart de ses pays ayant largement entamé leur transition démographique4, nous avons là une décennie entière durant laquelle la consommation d’énergie globale des pays de l’OCDE a baissé. De 2005 à 2015, la consommation énergétique globale augmente de 1.85% en rythme annuel (contre 2.73% de 1965 à 2005) mais dans les pays de l’OCDE, elle régresse de 0.30% par an (contre une croissance annuelle de 1.93% de 1965 à 2005).

Bien sûr, ces données peuvent ne rien signifier du tout. Mais si vous considérez l’histoire récente, il est évident que nous avons réalisé de considérables progrès en matière d’économie d’énergie. Nos voitures modernes, nos habitations et nos appareils électroménagers — pour ne prendre que quelques exemples — consomment infiniment moins que ceux de nos parents. Nous sommes désormais près, parce que c’est économiquement rationnel et parce qu’elles sont disponibles, à investir dans des technologies économes.

Vers un déclin de la consommation énergétique ?

Je peux bien sûr me tromper mais si je devais faire un pari de long terme aujourd’hui, je miserais volontiers sur une stabilisation puis un déclin de notre consommation d’énergie. Deux forces sont à l’œuvre.

D’une part, les pays que nous considérons aujourd’hui comme en voie de développement vont, eux aussi, connaitre leur transition démographique. Les projections de population à long terme que nous voyons souvent circuler sont de simples extrapolations de tendances passées qui ne tiennent pas compte de ce phénomène pourtant largement documenté.

Il n’est même pas impossible que la population humaine finisse, à terme, par régresser d’elle-même. Dans la plupart des pays développés, nous sommes déjà en deçà du seuil de renouvellement d’une population (2.05 enfants par femme) et tout porte à croire que le reste de l’humanité suivra tôt ou tard le même chemin.

D’autre part, il est économiquement plus rentable et rationnel d’économiser nos ressources énergétiques que de chercher à en développer de nouvelles. Pour reprendre l’image (extrême) d’une sphère de Dyson, il faut imaginer les prouesses technologiques et scientifiques qu’une telle entreprise implique : n’est-il pas infiniment plus simple, moins coûteux et moins risqué de développer des véhicules, des habitations et des appareils électroménagers moins gourmands. Très intuitivement, la réponse me semble sans appel : oui, bien sûr.

Et ce, d’autant plus que les gisements d’économies sont absolument immenses. On pense bien sûr à de meilleures isolations de nos maisons ou à des ailes qui optimisent la consommation des avions mais ce ne sont là que des gouttes d’eau.

Considérez, par exemple, les économies qu’implique le simple fait d’envoyer un e-mail plutôt qu’une lettre de papier. Comparez la consommation énergétique de votre smartphone avec celle des multiples appareils — téléphone, appareil photo, PDA, walkman, dictaphone, carte papier… — qu’il a remplacé. Combien nous pourrions économiser encore en mutualisant la préparation de nos repas5 ou le nettoyage de notre linge ?

Je ne sais pas quelle surprise nous réserve KIC 8462852 mais je suis prêt à parier que ce n’est pas une sphère de Dyson : si une civilisation très avancée nous observe de quelque part dans l’univers, nous lui donnons probablement l’impression d’un extraordinaire gaspillage énergétique.

La première loi de l’économie c’est la rareté, et il n’existe aucune raison de penser qu’elle soit différente ailleurs dans l’univers. Notre futur ne réside sans doute pas dans le choix de telle ou telle énergie mais plutôt dans la myriade de stratégies que nous mettrons en œuvre pour les économiser toutes.

Sur le web

  1. Au sens de Kardachev le degré d’avancement d’une civilisation se mesure à l’aune de la quantité d’énergie qu’elle consomme — en l’occurrence, les constructeurs d’une sphère de Dyson seraient une civilisation de type II. 
  2. Les données utilisées dans cet article sont celles de la Statistical Review of World Energy 2016 de BP. Elles couvrent notre consommation de pétrole, de gaz naturel, de charbon, d’énergie nucléaire et d’énergies dites renouvelables (hydroélectricité, solaire, éolien…) estimées en millions de tonnes d’équivalent pétrole.
  3. Dans deux siècles ou un petit millénaire selon les estimations.
  4. À tel point que les dirigeants de certains d’entre eux — notamment la France — se sentent obligés de mettre en œuvre des politiques natalistes, notamment pour assurer la viabilité de certains systèmes sociaux.
  5. Comparez le bilan énergétique d’une pizza commandée chez le pizzaïolo du coin et celle que vous préparez vous-même.
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  • La diminution de la consommation énergétique est liée à l’amélioration du rendement des « machines  » utilisant cette énergie….cette amélioration ne peut pas durer très longtemps face aux limitations physiques …elle reaugmentera plutôt qu’on ne le pense…rien que pour moi ma consommation demande qu’à augmenter mais mon budget la limite….bah le prix de cette énergie est un frein à son utilisation encore plus puissant que l’amélioration des rendements….ça ne marchera pas très longtemps cette histoire !

    • Je ne suis pas certain d’être tout à fait d’accord avec vous. L’hypothèse de rendements décroissants peut raisonnablement s’appliquer aux économies d’énergie, c’est vrai, mais quantifier cette décroissance n’est pas une mince affaire. D’autant plus que, comme l’explique Guillaume Nicoulaud, l’efficience énergétique ne se manifeste pas uniquement de façon unitaire (i.e. machine par machine) mais aussi via une réorganisation progressive et structurelle de nos modes de vie. Un peu comme l’organisation changeante des facteurs de production à l’échelle d’une économie (et pas uniquement d’un point de vue technologique) a permis des gains de productivité soutenus.

      • Il y a des barrières infranchissables (encore très loin heureusement). Nos activités provoquent des mélanges d’éléments. Le recyclage (récupérer par exemple tout ce qui se trouve dans les déchets) demande de pouvoir éliminer l’entropie de mélange, ce qui même avec le plus parfait des process (meilleur chemin réactionnel et utilisation des réactifs et catalyseurs optimaux que l’on ne connait pas encore) demande une énergie minimale. Encore une fois il y a de la marge et l’on peut compter sur les progrès de la chimie mais l’amélioration finira par plafonner.

  • hum deux forces sont en oeuvre : l’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils utilisés par l’homme et de l’autre la mécanisation croissante des activités due à l’amélioration du pouvoir d’achat et notamment la robotisation par exemple ou la consommation croissante de transports … la décroissance depuis 2005 n’est elle pas due avant tout à la stagnation de la croissance en moyenne à cause de la crise de 2007/2008

    • @ henir

      Non, je ne crois pas que la crise 2007/08 et ses conséquences soient la cause.

      Par contre, il faut bien reconnaitre que nous n’assumons plus les industries hyper-consommatrices comme la métallurgie lourde!

      Pour le reste, très bel article et sujet de réflexion, contenant implicitement l’intelligence du renouvelable, des moindres consommations électroniques et informatiques par la miniaturisation avec consommation de « terres (pas si) rares) associée à une diminution de déchets non recyclables qu’on incinérait « bêtement » au pétrole précédemment!

      L’éclairage LED, les voitures rechargeant les batteries au freinage, la baisse de consommation d’essence énorme des autos avec des performances au moins conservées si pas améliorées, la durée de vie des véhicules et de l’électro-ménager, les économies d’énergie sont partout et dans tout … et sont d’ailleurs un des meilleurs et des plus agréables facteurs écologiques, indiscutés! D’où une adhésion aussi large qu’elle est bénéfique puisque économique!

  • Sur le fond, c’est exactement l’analyse de negawatt

  • Les commentaires sont fermés.

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Une traduction d'un article du Risk-Monger.

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