Transition énergétique : ce que dit l’Académie des sciences

L’Académie des sciences se montre très critique vis à vis de l’actuelle loi de transition énergétique en France.

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Transition énergétique : ce que dit l’Académie des sciences

Publié le 22 mai 2017
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Par Michel Gay.

Dans sa communication du 19 avril 2017, l’Académie des sciences dresse un état critique de l’actuelle loi de transition énergétique en France. Voici ce qu’elle en dit.

Les programmes en matière de politique énergétique devraient mieux tenir compte des contraintes physiques, technologiques et économiques de chaque pays.

Dans l’état actuel du débat, nos concitoyens pourraient être conduits à penser qu’il serait possible de développer massivement les énergies renouvelables comme moyen de décarbonation du système en le débarrassant à la fois des énergies fossiles et du nucléaire.

Le recours aux énergies renouvelables est a priori attrayant, mais il ne faut pas oublier les réalités. L’électricité ne représente que 25 % de la consommation d’énergie de la France. Il faut donc bien distinguer le mix énergétique (qui concerne l’ensemble de nos activités) du mix électrique.

La puissance disponible issue de l’ensemble des éoliennes réparties en France tombe souvent à 5 % de la puissance affichée. Cette variabilité des énergies renouvelables éoliennes et surtout solaires nécessite la mise en œuvre d’énergies alternatives pour pallier cette intermittence et compenser la chute de production résultant de l’absence de vent ou de soleil. Les échanges d’énergie en Europe ne pallient pas ce problème, car les nuits sont partout longues à la même période, et les absences de vent souvent simultanées.

Une solution à cette intermittence pourrait être le stockage massif de l’électricité dans les périodes excédentaires pour la rendre disponible aux moments où elle est nécessaire. Mais les capacités de stockage hydroélectrique, en France, sont presque saturées et, à l’heure actuelle, il est impossible de stocker les 10 TWh (1TWh = 1 milliard de kWh) que la France consomme en moyenne chaque semaine.

Pour stocker seulement deux jours de cette consommation, avec une technologie performante lithium-ion, il faudrait 12 millions de tonnes de batteries utilisant 360 000 tonnes de lithium, sachant qu’environ 40 000 tonnes de ce métal sont extraites chaque année !

D’autres solutions sont envisagées, comme le stockage chimique à travers l’électrolyse de l’eau qui produit de l’hydrogène. Mais ces solutions sont trop chères, leur rendement est faible et leur maturité technologique réduite. Des solutions industriellement viables à l’échelle du pays ne sont pas envisageables à un horizon prévisible.

Afin de minimiser le risque de black-out à l’échelle de notre pays, voire de l’Europe, il est important d’anticiper les problèmes de stabilité de réseau qui pourraient résulter de variations soudaines des niveaux de vent ou d’ensoleillement.

Une production d’électricité qui garantit la consommation du pays nécessite la disponibilité des énergies « à la demande » auxquelles on peut faire appel en permanence.

Le cas de l’Allemagne est exemplaire. En 2011 l’Allemagne décide de sortir du nucléaire, dont la contribution à la production électrique n’était que de 22 % en 2010, sortie qui en conséquence ne représente pas les mêmes défis qu’une sortie du nucléaire en France (où le nucléaire représente 75% de la production nationale). Six ans plus tard, la part du nucléaire est de 13 %, celle des renouvelables de 30 %.  Mais la part des combustibles fossiles reste de 55 %. La croissance de l’offre intermittente d’électricité produite par les renouvelables a nécessité l’ouverture de nouvelles capacités de production thermiques à charbon et un développement de l’exploitation du lignite. De sorte que l’Allemagne continue à être l’un des pays européens les plus gros émetteurs de CO2 pour un prix de l’électricité le plus élevé. On ne peut pas parler d’un succès.

La France est, parmi les pays développés, l’un des plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre par habitant (environ deux fois moins qu’en Allemagne, trois fois moins qu’aux États-Unis). C’est l’un des plus avancés dans la production d’électricité décarbonée. L’Allemagne émet 6,2 fois plus de CO2 par kilowattheure produit1 que la France. Cette sobriété relative en CO2 est le résultat de la solution actuellement dominante en France, l’énergie nucléaire, qui fournit 75 % de notre électricité.  L’énergie nucléaire est objectivement le moyen le plus efficace pour réduire la part des énergies fossiles dans la production d’énergie électrique.

Il y a une véritable contradiction à vouloir diminuer les émissions de gaz à effet de serre tout en réduisant à marche forcée la part du nucléaire.

La part totale des énergies renouvelables dans le mix électrique ne pourra pas aller très au-delà de 30-40 % sans conduire à un coût exorbitant de l’électricité et des émissions croissantes de gaz à effet de serre et à la mise en question de la sécurité de la fourniture générale de l’électricité.

Le problème des 75 % d’énergie non électrique consommés par les transports, l’habitat, l’industrie est autrement redoutable. Ces secteurs resteront pour plusieurs décennies encore quasiment hors d’atteinte des renouvelables. Notre électricité décarbonée permettrait d’ores et déjà à la France de transférer vers l’électricité certaines des activités utilisant des combustibles fossiles, pour le plus grand bien de sa balance commerciale et de la baisse de ses émissions.

Les citoyens doivent aussi être plus exigeants et demander à leurs élus de travailler à des scénarios réalistes et cohérents qui évitent les idées reçues. Ces scénarios doivent indiquer une trajectoire raisonnable vers une solution énergétique où l’énergie nucléaire aura sa place dans les prochaines décennies pour maintenir une électricité décarbonée.

Il serait judicieux de porter l’effort sur les économies d’énergie dans le bâtiment, le transport, l’industrie sources de compétitivité, d’innovations et d’emplois.

Cette communication de l’Académie des sciences n’a pas été reprise par les grands médias qui préfèrent se délecter des annonces tonitruantes fondées sur l’exploitation émotionnelles des peurs du nucléaire provenant de Greenpeace et d’autres associations « indépendantes ».

  1. La France produit 540 TWh d’électricité avec des émissions de 46 Mt CO2/an, alors que l’Allemagne produit 631 TWh d’électricité en émettant 334 Mt CO2/an.
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  • Si l’Académie des sciences n’est pas écoutée par les politiques cela veut dire que leurs décisions ne sont pas basées sur la science mais sur l’action de lobbys plus puissants….les banques par exemple. Toute les décisions actuelles poussent à investir en par de l’emprunt et des taxes , emprunt qui ne pourra pas être remboursé grâce à l’investissement….il y a t il une production d’énergie renouvelable rapportant de l’argent ? Aucunes aujourd’hui et demain c’est encore pire…la tendance générale est au retour à l’ère pré petrole ,une energie devenue tellement cher que peu de gens peuvent se la payer

    • non pas forcement, beaucoup de gens sympathisant écolo « croient » aux énergies renouvelables, tout du moins aiment à tenir discours pro renouvelable. j’ai rarement vu un domaine où les gens se racontent de belles histoires et voient le monde par le bout le la lorgnette qui leur convient.
      Je vous encourage à aller voir une définition de la transition énergétique…vous n’arriverez pas à savoir si il s’agit d’un phénomène qui se produit ou un projet politique, mais vous en retirerez un point..il faut faire du renouvelable..car il y a des « enjeux »…

    • c’est drole comme le texte initial à curieusement été amputé de certaines phrases, telles que « Certes, nous avons appris qu’il était possible de mettre une quantité significative d’énergies
      renouvelables dans le mix électrique. Et il faut aller dans cette direction, les citoyens le
      souhaitent »
      bref, encore du M Gay, a tripatouiller un texte quite à le dénaturer

  • Le stockage de grandes quantités d’énergie est pour l’instant hors de portée. Les batteries sont évidement une impasse. Le plus logique serait de passe par le biologique en bricolant (par ogm, crispr…) des organismes produisant directement des huiles ou hydrocarbures utilisables. Ces organismes pourraient être cultivé dans des cuves transparentes maximisant la capture du rayonnment solaire. On peut aussi faire dégrader de la biomasse sans autre utilisation. Enfin, intermittence des renouvelables peut être palliée par une intermittence des utilisations. Pas mal de process industriels gros consommateurs (ex aluminium) doivent pouvoir être mieux modulés en fonction de la disponibilité d’énergie. Bref la technologie n’a pas dit son dernier mot. Mais le rêve secret des partisans des renouvelables n’est il pas plutôt de combattre une société bâtie sur la technologie ?

    • @ JCB

      Comme tout le monde (sauf M.Gay, manifestement), vous êtes dans le « wait and see » puisque tout change si vite (sauf les gens)!

      À votre question de fin de post: « le rêve secret des partisans des renouvelables n’est il pas plutôt de combattre une société bâtie sur la technologie? » je crois que la réponse est non, et au contraire!

      La solution de l’économie d’énergie et de sa « gestion » est clairement technologique: c’est qu’explique bien B.Picard dans son projet « fou » de tour du monde en solaire, problématique mais réussi.

      Le plus important, dans cet exploit, c’est d’avoir continué à voler toute la nuit, sans apport d’énergie nouvelle autre que cinétique (différence d’altitude du début à la fin, pour ce « planeur motorisé » plutôt « qu’avion »).

      Ce que cet avion peut faire, un citoyen en sera capable dans sa maison, puisque la nuit, on dort, ce qui n’empêchera pas une éolienne de tourner éventuellement!

      Les sponsors d’Impulse II n’étaient pas que des philanthropes généreux!

      Le problème de l’avion cloué au sol, un long moment, est intervenu sur un problème de batteries d’où un vraisemblable branle-bas de combat dans les bureaux d’études!

      La conservation de l’électricité produite reste le « hic » essentiel du renouvelable. Et les concurrents pour trouver LA solution sont tous au travail, partout dans le monde!

      Donc, oui, comme cela se lit dans votre commentaire, la technologie finira par trouver la solution d’ensemble pour l’exploitation d’énergie de source « gratuite », autrement plus saines et moins dangereuses que ces centrales nucléaires contre lesquelles, les Suisses viennent de voter!

      • Il y a surement des partisan sincères du renouvelable mais il y a aussi beaucoup de gauchoécologistes qui se préoccupent plus de dynamiter une société qui ne leur plait pas que de trouver des solutions technologiques qui la prolongeront.
        Si on est dans l’optique technologique, une question que l’on peut se poser est vaut il mieux faire un investissement massif de recherche pour trouver une solution vraiment innovante, ou faut il dépenser des fortunes en éoliennes et photovoltaique sans imagination ? Je crois qu’il y a des solutions mais il faut pour cela investir dans la matière grise plutôt qu’engraisser les multiples profiteurs du renouvelable qui engrangent des bénéfices en fabricant et installant (c’est cela qui est juteux) des non-solutions et en ne s’impliquant surtout pas dans leur fonctionnement.

    • « des organismes produisant directement des huiles ou hydrocarbures utilisables »
      cela s »appelle la methanisation, les infrastructures sont présente et la technologie est au point

  • La meilleure énergie (puissance, bilan CO2, STOCKAGE) vient des barrages hydrauliques. Est ce que les écolos sont d’accord avec ça ? Et si oui sont ils d’accord de noyer quelques vallées ?

    Après je pense qu’il faut qu’on réduise notre consommation électrique. Une clim gainable par exemple peut chauffer/rafraichir une maison pour une consommation électrique vraiment faible. Une norme sur les ordinateurs serait terriblement impactante (ex : mettre un onduleur sur un ordi ça revient à faire 230V->12V->230V->5V)

  • J’avais déjà lu une critique des énergies renouvelables sur Liberté politique, article rédigé par Anne Dolhein, qui va dans le même sens :
    http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Un-couteux-fiasco-les-renouvelables-et-la-transition-energetique
    Dans le même ordre d’idée, la voiture électrique est une erreur. Car ubn moteur a un rendement inférieur à 1. Or pour une voiture électrique il faut produire de l’électricité puis fournir cette électricité au moteur de la voiture. Donc on a R1 le rendement pour produire l’électricité, R2 le rendement du moteur électrique, le rendement de voiture est donc égal à R1*R2, alors que le moteur à essence a un rendement R3 forcément supérieur à R1*R2.

    • votre raisonnement est un peu simpliste, un moteur automobile à au mieux un rendement de l’ordre de 30 % et en pratique de l’ordre de 15 %. On peut donc empiler une ou deux transformation d’energie en restant avec un rendement supérieur

    • non…sincèrement on ne peut pas raisonner comme ça..
      en premier il faut dire l’objectif que l’on suit…car il y plusieurs problématiques pollution énergie émissions de CO2 et m^me idéologie …

  • la biomasse ,en tous les cas terrestre, est limitée…je n’ai pas trop vu de calcul mais il me semble que ça ne fasse pas le compte, même si ce n’est pas négligeable

  • « La croissance de l’offre intermittente d’électricité produite par les renouvelables a nécessité l’ouverture de centrales à charbon… » avec renvoi sur un article de 2012!
    ben, non, en 2017, on ferme les vieilles centrales à charbon et lignite et c’est plutôt le gaz qui est utilisé

    • il faut aussi noter que l’on a un excellent synchronisme journalier entre la variation de la production photovoltaique et la variation de la consommation electrique.
      ce synchronisme permet de diminuer l’emploi de moyens de production de pointe

  • Comme indiqué sur le lien, il ne s’agit pas d’un texte de l’académie des sciences mais d’un texte de membres de l’académie des sciences qui parlent en leur nom personnel et qui n’implique pas l’académie des sciences.

  • M Gay ecrit
    « La puissance disponible issue de l’ensemble des éoliennes réparties en France tombe souvent à 5 % de la puissance affichée. »
    quelqu’un connait il une période ou l’on soit resté plus de 48 h sous les 5%, même plus de 24 h ou encore plus de 12 h ?
    que signifie ce « souvent » ?
    1% du temps ?
    5% du temps ?
    plus ?
    moins ?

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