Vrai ou faux : il n’y a jamais eu autant d’inégalités qu’aujourd’hui

L’évolution des inégalités n’est pas aussi simple qu’on peut le croire, ou que Thomas Piketty le présente.

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Vrai ou faux : il n’y a jamais eu autant d’inégalités qu’aujourd’hui

Publié le 15 mai 2017
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Par Valérie Pascale.

Un article d’Emploi 2017.

Nous exposons ici le premier mythe à propos des inégalités, dénoncé par les économistes du Cato Institute dans leur étude récente1, que nous avons décidé de présenter à nos lecteurs. Ce mythe a atteint son apogée dans le livre de Thomas Piketty qui lui consacre plusieurs centaines de pages pour convaincre le lecteur que les inégalités entre riches et pauvres n’ont jamais été aussi fortes.

Pour ceux qui n’ont pas lu le livre de Piketty, le message est parfaitement relayé par tous les médias et rapports officiels de divers organismes publics. Cependant, si les inégalités économiques existent, elles sont moins fortes que ne le prétend l’auteur et elles sont acceptables, voire nécessaires pour le développement harmonieux d’un pays. Dans cette étude du Cato, plusieurs économistes ont décortiqué la thèse de Piketty et expliquent toutes les erreurs commises selon eux par l’auteur, certaines d’ordre méthodologique, d’autres philosophique ou éthique. Nous résumons ici celles qui nous paraissent les plus importantes.

Tout d’abord, Chris Giles, rédacteur économique de Financial Times, montre qu’il y a beaucoup d’erreurs dans la base de données de Piketty. Pour certains chiffres il n’y a pas de source originale et les données sont souvent produites de manière imaginaire.

Ensuite, l’équation mythique « r>g », indiquant que le taux de rendement du capital est toujours supérieur au taux de croissance économique, et qui est à l’origine de la thèse de Piketty sur les inégalités, est erronée. Comme le montre Matthew Rognlie, économiste au Massachusetts Institute of Technology, si l’on tient compte de l’immobilier, la hausse des prix explique à elle seule une partie importante de l’augmentation de la part du capital dans les revenus à long terme. L’intégration de l’immobilier dans la démonstration économique de Piketty ne permet plus d’expliquer l’accroissement des patrimoines par héritages, comme le propose l’auteur.

Alan Auerbach, économiste à University of California-Berkley, et Kevin Hassett de l’American Enterprise Institute montrent quant à eux que Piketty n’a pas tenu compte du risque et de l’instabilité des revenus dans ses calculs de rendement du capital. Ils se servent du modèle de simulation économique, élaboré par le National Bureau for Economic Research, pour conclure que le rendement du capital après impôt est bien inférieur à celui du PIB.

Jason Furman, président du Council of Economic Advisors, et ancien directeur du Congressional Budget Office et Peter Orszag indiquent par ailleurs que les revenus du travail ont un effet plus important sur l’augmentation des inégalités que le rendement du capital, contrairement à ce que laisse croire Piketty.

Enfin, dans une étude économétrique publiée dans Journal of Economic Perspectives, l’économiste du Massachusetts Institute of Technology Daron Acemoglu et le chercheur en sciences politiques James A. Robinson de l’University of Chicago indiquent que les lecteurs du livre de Piketty ont tous l’impression que l’accroissement des inégalités est incontestable, avec la multitude des chiffres fournis, mais en réalité l’auteur ne fait aucune régression de base pour valider ses démonstrations, sans parler de l’étude de la cause et la conséquence. Les chercheurs font des régressions économétriques pour plusieurs pays et trouvent une relation négative peu significative entre l’écart entre le rendement du capital et le taux de croissance (r–g) et l’augmentation des inégalités.

À certaines de ces critiques, Piketty a répondu avec plus au moins d’attention, à d’autres il n’a pas répondu du tout.

Mais surtout, ce qu’il faut noter, c’est que Piketty utilise dans sa démonstration les revenus avant redistribution. Les dispositifs fiscaux et les avantages sociaux existent précisément pour réduire les inégalités, mais Piketty n’en tient pas compte et s’intéresse uniquement aux revenus primaires, ce qui n’a pas de sens. Comme nous allons le montrer, l’économie américaine est en effet fortement redistributive.

Le graphique ci-dessous montre que les plus riches payent plus d’impôts que les autres en proportion de leur fortune. Ainsi, la population représentant le 1% le plus riche a gagné 19% du revenu total, mais a payé 38% de l’impôt sur le revenu en 2013, selon l’estimation de The Tax Foundation2. Si l’on inclut tous les autres types d’impôts, le 1% le plus riche a payé 25% des impôts alors qu’il a perçu 15% des revenus avant imposition en 2015, comme l’indique le rapport du Congressional Budget Office.

En proportion, la population pauvre bénéficie au contraire davantage du système d’avantages sociaux. Le gouvernement américain a mis en place plus de 100 programmes d’aide visant à réduire la pauvreté. Ainsi, en 2012 les familles du premier quantile des revenus ont reçu en moyenne 27.000 dollars de transferts, alors que les familles du quantile le plus riche ont payé 87.000 dollars de plus que ce qu’elles ont reçu du gouvernement.

Compte tenu du fait que les dispositifs fiscaux et les avantages sociaux évoluent en permanence, il peut même être plus prudent de mesurer l’évolution des inégalités par les dépenses de consommation. Or, une étude de l’American Enterprise Institute montre3 qu’entre 2000 et 2010, les niveaux de consommation de différents quantiles de population sont restés relativement stables. Ainsi, la part du quantile le plus pauvre dans la consommation globale est passée de 8.9 à 8.7%, celle du quantile du milieu de 17.3 à 17.1% et enfin celle du quantile le plus riche – de 37.3 à 38.6%. Cette évolution est très loin des statistiques de Piketty, qui annonce pour la même période une hausse considérable des inégalités.

Même si l’étude en question ne nous dit rien sur l’évolution de la consommation du 1% le plus riche, il est évident que toute augmentation possible n’a pas été réalisée au détriment de la population la plus pauvre, qui a réussi à garder le même niveau de consommation dans le temps.

  1.  Michel Tanner, « Five Myths about Economic Inequality in America », Cato Institute, September 2016.
  2.  Prante, G., S. Hodge, « The Distribution of Tax and Spending Policies in the United States », The Tax Foundation, November 2013.
  3.  Hassett, K., A. Mathur, « A New Measure of Consumption Inequality », American Enterprise Institute, Juin 2012.
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  • Etre est plus important qu’avoir, mais il faut un minimum d’avoirs pour arriver à bien être.

    Etre arriviste, pardon, altruiste « évidemment »

    Mais au fait selon son contexte familial et son positionnement géographique français métropolitain déjà, il faut combien d’euros annuellement pour vivre tout juste décemment ?

    Le président que les médias viennent de nous imposer avec ses moins de 8, 6 millions de voix (vu les votes Macron avant tout anti-<fillon, anti-Le Pen et anti-Mélenchon) comprendrait-il que la seule politique économique et sociétale intelligente , c'est la décroissance. La décroissance urgente de la consommation suicidaire des uns et la décroissance intelligente de la pauvreté des autres.

    Avec pour objectif final de libérer un maximum d'entre nous des soucis matériels, sans tomber dans la consommation du superflu et du luxe, afin que l'esprit – en espérant qu'il fonctionnera sérieusement mieux qu'actuellement pour beaucoup – ait le temps de découvrir et vivre les vraies valeurs, le véritable sens métaphysique de l'existence.

  • Le youtubeur Autodisciple a fait une assez bonne vidéo sur le sujet, tout en le rendant très accessible. Sans le savoir, il a fait un résumé des « Harmonies économiques » de Bastiat !
    Regardez :

  • On cherche à millimétrer quelque chose qui demande sans doute trop données ou alors de savoir isoler celles qui sont pertinentes (et là ça se complique) pour refléter une réalité qui est plus souvent ressentie que représentée efficacement par des stats. Admettons que ma consommation n’ait pas baissé d’un point de vue monétaire et proportionnel à mon salaire, pour autant ma consommation est-elle identique ? Est-ce que j’achète toujours les mêmes produits de même qualité, en même quantité et au même prix ? Est-ce que ce que je dépensais en loisir est passé dans les charges courantes, ou bien mes loisirs sont-ils plus coûteux qu’avant, sont-ils les mêmes..? Admettons que je travaille et gagne autant, l’atmosphère et la pression ont-elles changées, mon moral est-il au beau fixe et ai-je le sentiment d’être utile ? Ai-je toujours la même perception de l’avenir, le même sentiment de liberté ou de bonheur ? Ai-je l’impression de pouvoir réussir ce que je souhaite entreprendre en partant de rien ? Ai-je plus ou moins peur de m’endetter, d’investir, de surmonter les coups durs ? Si les gens ont un sentiment d’inégalité croissante, essayer de le démontrer ou de prouver son irrationalité n’a aucun sens, le ressenti a toujours beaucoup plus de fondement et d’impact. Les batailles entre économistes à ce niveau sont particulièrement futiles.

  • rien a voir… mais peut être que si, tout est lié:

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