Euro : par ici la sortie ?

La création de l’euro fut-elle une tragique erreur et faut-il en sortir au plus vite, ainsi que de l’Union européenne ?

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the allmighty euro By: Ryan McBride - CC BY 2.0

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Euro : par ici la sortie ?

Publié le 3 mai 2017
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À l’heure où certains, pas seulement les candidats populistes de tous horizons mais aussi, de manière plus surprenante, certains « libéraux », en ont fait le slogan de leur campagne électorale ou de leur fonds de commerce, Euro : Par ici la sortie ?, l’essai de Patrick Artus, chef économiste de Natixis et professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, et Marie-Paule Virard, journaliste économique, jamais en retard d’un débat médiatique (s’en référer à leurs précédents essais La Folie des banques centrales : Pourquoi la prochaine crise sera pire ? paru en 2016 et Croissance zéro : Comment éviter le chaos ? paru en 2015, à chaque fois chez Fayard) a paru à point nommé cette année.

L’Euro, une erreur ?

La création de l’euro fut-elle une tragique erreur et faut-il en sortir au plus vite, ainsi que de l’Union européenne ? Ces questions sont d’une actualité brûlante avant l’élection présidentielle française. Elles sont au centre du débat.

La France, faut-il le rappeler, milita avec ferveur en faveur de la création de la monnaie unique. Les économies européennes qui l’utiliseraient allaient toutes se ressembler et, mieux encore, ressembler à l’économie de l’Allemagne, cet objet de tous les fantasmes et de toutes les frustrations.

Sauf que c’est l’inverse qui s’est produit, constatent les auteurs de Euro : Par ici la sortie ? Les divergences se sont accrues, les pays peu compétitifs avant la création de l’euro le devenant de moins en moins tout en s’endettant de plus en plus.

Accroissement des divergences européennes

L’euro a favorisé l’hétérogénéité des pays membres de la zone dès lors que l’absence de risque de change a poussé chaque pays à se spécialiser dans les domaines d’activité économique dans lesquels il disposait d’un avantage comparatif.

Patrick Artus et Marie-Paule Virard en citent pour preuve que la part de l’industrie dans le PIB de l’Allemagne a augmenté de 18% en 1999 à 21% alors qu’elle n’est que de 15% pour l’Italie, 12,5% pour l’Espagne et le Portugal, 7,5% pour la Grèce et à peine plus de 10% pour la France.

Le marché de l’emploi reflète évidemment cette répartition : l’industrie compte pour 18% de l’emploi total en Allemagne contre 8% en Grèce alors que l’emploi peu qualifié (dans les services de proximité, les transports, l’hôtellerie et la restauration…) y représente 40% du total, ce qui, autre facteur négatif de la logique d’efficacité, encourage les plus qualifiés à s’expatrier vers le Nord où leurs capacités sont plus demandées et mieux valorisées.

Là où le bât blesse

Le bât blesse à un autre niveau. Les capitaux qui ont circulé dans l’union monétaire depuis 1999 des pays prêteurs vers les pays emprunteurs n’ont guère servi à financer des investissements productifs, mais plutôt à combler des déficits publics et à entretenir la spéculation immobilière.

Quand le ciel s’est couvert, les fourmis ont mis leur épargne à l’abri et les cigales ont été prises au dépourvu. Le défaut de mobilité des capitaux au sein de la zone euro a eu pour effets l’obligation pour la BCE de poursuivre sa politique de rachat de dettes publiques et une faiblesse de la demande intérieure.

Le cercle est vicieux, notent Patrick Artus et Marie-Paule Virard, car, sommés de faire disparaître leur déficit extérieur dès lors qu’ils ne trouvaient plus personne pour le financer, les acteurs des pays périphériques de la zone euro (entreprises, secteur public, ménages) ont taillé à la hache dans leurs investissements, ce qui constitue un handicap pour améliorer leur niveau de compétitivité et de croissance potentielle.

Alors, sortir de l’Euro ?

Les auteurs considèrent l’asymétrie économique dans la zone euro comme structurelle en raison de son hétérogénéité, productive et politique. Alors, par ici la sortie ?

Pas si évident, si l’on y réfléchit. En effet, personne n’y a vraiment intérêt. Dans l’hypothèse d’une disparition de l’euro, l’Allemagne enregistrerait une perte sur ses actifs détenus à l’étranger (260% de son PIB), proportionnelle au renchérissement de sa nouvelle devise, et la France, une hausse de sa dette brute (soit 325% de son PIB), proportionnelle à la dévaluation de sa nouvelle devise, par rapport à l’euro.

En d’autres termes, une dévaluation de 30% de la nouvelle devise française résulterait en une augmentation de sa dette à concurrence de plus de 100% de son PIB !

Solidarité financière et institutionnelle

Patrick Artus et Marie-Paule Virard avancent dans Euro : Par ici la sortie ? des propositions en appelant à plus de solidarité financière et institutionnelle entre les pays membres de la zone euro et de démocratie.

Aussi pertinentes soient-elles, elles paraissent peu en phase avec la réalité politique européenne actuelle, à moins que le Brexit, paradoxalement, ou un autre bouleversement historique plus important ne fassent émerger une nouvelle conscience européenne et une génération d’hommes politiques plus soucieux de leurs responsabilités que de leurs prérogatives.

Entre-temps, la France ne devrait-elle pas s’inspirer de l’exemple de l’Espagne dont les auteurs eux-mêmes, pourtant critiques à son égard, admettent que la politique de baisse des salaires réels et de déréglementation du marché du travail a favorisé un redressement spectaculaire de son économie, en termes d’investissement des entreprises, de commerce extérieur et – dernier point, mais pas le moindre – d’emploi ?

Patrick Artus, Marie-Paule Virard, Euro. Par ici la sortie ? éditions Fayard, 2017, 176 pages.

Sur le web

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  • Si les États de la zone euro avaient respecté le traité de Maastricht avec le fameux 3% de déficit : ils n’en seraient pas là.

    Le problème, fondamentalement, ce n’est pas l’euro, mais :
    – l’incapacité des élus à mener des réformes structurelles,
    – la tendance des élus à mener des politiques clientélistes coûteuses.

    La main sur la monnaie ne permet que d’aider momentanément, que de s’ajuster temporairement, mais il y a des contreparties face à cette facilité.

    Donc sortir de l’euro… et ensuite ? Si c’est pour éviter les réformes structurelles et persévérer dans le clientélisme, ça nous fera de belles jambes d’avoir une monnaie nationale ! Tandis que ni l’UE ni l’euro ne nous empêche de faire l’inverse (ce qui serait nécessaire).

    L’euro n’est qu’un bouc émissaire. Il est vrai cependant que certains pays ont profité des taux bas permis par la monnaie unique. Ils restent cependant responsables.

    Le déclassement de l’Europe du Sud face à l’Europe du Nord n’est pas une fatalité. « Suffit » de se retrousser les manches, de s’engager sur des réformes structurelles et viser l’équilibre budgétaire. Le reste n’est que littérature.

    • en tout cas, l’euro n’y a rien arrangé

      • Forcément, si l’on se laisse aller à la facilité pour être réélu, à force de mentir aux électeurs, la merde au chat finit par être si grosse que l’on ne peut plus la cacher sous le tapis. Rien n’est jamais gratuit.

        Mais que ces pays sortent de l’Euro tout en payant leurs dettes. On verra bien dans quel chaos ils se trouveront quand ils devront leurs fonctionnaires qui avec des PQ-Lires, qui avec des PQ-Francs ou des PQ-Drachmes. Le privé s’en sortira un peu mieux.

        • @ MichelC

          À quoi bon encore pinailler? Patience!

          On a déjà l’expérience grecque, pays qui a décidé de ne pas quitter l’€ et qui a pourtant essuyé les plâtres!

          Cela a permis de constater que si des réformes profondes sont nécessaires, il est contre-productif d’exiger un changement trop brutal ou trop rapide.

          Et tricher sur les chiffres (avec ou sans Goldman Sachs) est une arme à double tranchant.

          Il faudra attendre encore pour constater les effets du Brexit, jusqu’ici inconnus: ce sera particulièrement instructif puisque l’€ n’y aura pas d’influence.

          Il est clair que les critères du pacte de stabilité auraient dus se préparer dès 1997 (20 ans quand-même!) si on voulait une harmonisation plus douce et acceptable.

          Cela aurait évité le « haro sur l’€ », simple monnaie DTS « innocente », à ne pas confondre avec les responsabilités de la BCE et des politiques nationales! (l’€ « bouc émissaire » de @ XavierC).

  • Excellente analyse de l’auteur et de XavierC dont je partage le commentaire. Les responsables de nos problèmes (désindustrialisation, chômage…) sont nos dirigeants politiques et pas l’Euro. En sortir ne peut que nous entraîner plus vite vers la faillite…

  • Chaque pays reste libre de quitter l’Euro, l’UE n’est pas encore la dictature qu’aimerait en faire les socialistes. A lui d’en assumer les conséquences. Même peut-être des mesures de rétorsions, puisque ce sera chacun pour soi.

  • certains économistes disent que l’euro a peut être été une érreur , mais que de toute façon on ne peut plus retourner en arrière ; en gros , la fameuse phrase ,  » il n’y a pas d’autre alternative  » ;

  • Oui, nos dirigeants ont profité de l’euro pour accroitre nos déficits en pariant que la zone euro finirait par créer la caisse de péréquation permettant de fourguer leurs pertes aux autres. Mais oui aussi, les instances européennes (et donc ECOFIN) une fois établie la monnaie commune se sont enfoncées dans une douce léthargie en oubliant tout ce qui permet de faire converger les économies. Reste à sortir et le mieux est de le faire. Comme d’autres pays attendent qu’il y en ait un qui se décide pour y aller aussi (ie Italie, Grèce…), ne pas hésiter. Quand la commission européenne et la BCE seront confrontés à plusieurs sorties quasi simultanées, ils auront probablement moins d’arrogance et, enfin, un peu de travail utile, ce qui les changera du TINA habituel.

    • @ vitevu

      Sans doute « vu un peu vite »!

      « les instances européennes (et donc ECOFIN) une fois établie la monnaie commune se sont enfoncées dans une douce léthargie en oubliant tout ce qui permet de faire converger les économies »

      Les « instances européennes » sont des émanations des pays-membres: accuser « Bruxelles » ou « l’Europe », c’est accuser les pays membres!

      La France n’a rien fait pour adopter les critères convergence, d’autres pays s’y sont mis et ils vont bien, merci! Ne généralisez pas votre cas!

      La Grèce a définitivement renoncé à quitter l’Union Européenne.

      Sortir de l’Union sans connaitre les résultats du Brexit à peine décidé officiellement, c’est imprudent et pas malin!

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