Ce qui rend cette campagne présidentielle atypique

Quel est le vrai clivage qui se dissimule derrière le vieux clivage droite/gauche ?

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Ce qui rend cette campagne présidentielle atypique

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 22 avril 2017
- A +
Par Walid Bouthour.
Non, nous ne sommes pas au terme d’une campagne pourrie. Plus que jamais, l’offre politique est inédite. Là où certains voient un avenir où les États-nations prospèrent comme au XXe siècle, d’autres proposent d’envisager la globalisation inexorable comme une chance et de s’inscrire dans la marche de l’Histoire.
Là où certains assument l’hétéronomie comme stratégie d’avenir, guidant les choix des individus sans pour autant les contraindre, d’autres proposent de renforcer l’autonomie individuelle.

Quarante ans de domination du clivage droite/gauche

Les propositions sont déroutantes pour les électeurs, et cela s’explique par le fait que ces quarante dernières années le paysage politique français a été dominé par deux courants de pensée auxquels on fait référence couramment, comme la Droite et la Gauche.
La Droite plutôt conservatrice et héritière d’un ordre légitime s’oppose à la Gauche davantage portée par des valeurs progressistes. Les extrêmes de part et d’autre se situant à l’exact opposé l’un de l’autre.
L’alternance des idées est devenue une alternance d’appareils avec des politiciens de carrière, et pour résultat des messages brouillés aboutissant au rejet des électeurs qui renvoient dos à dos la Droite et la Gauche, ce système que seuls les anti-système, c’est-à-dire ceux qui n’ont jamais gouverné (les extrêmes), seraient capables de changer pour de bon.

L’immobilisme actuel

Or si le système est tellement verrouillé que des traditions historiquement opposées (conservateurs versus progressistes) finissent par devenir interchangeables et garants de l’immobilisme actuel, c’est à cause de cet accord tacite devenu une culture politique selon lequel l’État est le mieux à même de faire les choix pour les citoyens.
C’est l’hétéronomie : l’individu est certes libre, mais libre de choisir entre un nombre limité d’offres, de sorte que son choix est en réalité dirigé et guidé par l’État. Un État qui grossit a besoin de s’entretenir, et prend des mesures pour grossir encore plus, mettant progressivement les citoyens à son service, alors qu’il devrait en être autrement.

Retour du débat d’idées

Aujourd’hui, l’atypie de cette campagne tient au fait qu’un vrai débat d’idées refait surface, dépassant le simple clivage Droite-Gauche. En réalité, il est largement temps que ce clivage artificiel disparaisse, car le vrai choix se fait désormais entre autonomie et hétéronomie, et entre globalisation et États-nations.
L’autonomie est la capacité d’un individu à effectuer ses propres choix, ce qui implique le respect des libertés individuelles. Les tenants de la globalisation assument le sens de l’Histoire orienté vers le progrès et l’avenir, tandis que les défenseurs de la souveraineté nationale et des frontières sont les héritiers des États-nations forgés à la fin du XIXe siècle.

Vers l’unité de l’Humanité

Le sens de l’Histoire va vers l’unité de l’humanité et non pas vers sa division : les royaumes sont assimilés dans des empires, une culture commune se développe, les dominants perdent peu à peu leur pouvoir au profit des peuples assimilés, et la culture commune continue de se développer et d’évoluer.
Lorsque les empires disparaissent, les anciens royaumes ont depuis longtemps cessé d’exister, leur culture originelle a disparu, et le vide laissé par l’empire déchu est souvent rapidement comblé par l’avènement d’un nouvel empire qui à son tour crée une unité culturelle nouvelle.
C’est ainsi que le Moyen-Orient n’a jamais cessé de passer d’un empire à l’autre depuis l’époque assyrienne au Ier millénaire avant J-C, jusqu’à la chute des empires coloniaux français et britanniques au XXe siècle ; là où une mosaïque de tribus et de cultures différentes régnaient sur l’Amérique avant Christophe Colomb, on ne dénombre aujourd’hui plus que deux pays en Amérique du Nord, et quatre langues sur l’ensemble du continent.

Des États-nations appelés à disparaître

De même, les États-nations sont à leur tour appelés à disparaître (la question est de savoir quand), pour laisser place a des unités supranationales, par exemple l’Union Européenne.
Comme on le voit dans cette campagne, on peut avoir une tendance pour l’hétéronomie sur le plan sociétal et pour l’autonomie sur le plan économique (Fillon) ; pour l’autonomie sur le plan sociétal et pour l’hétéronomie sur le plan économique (Mélenchon) ; pour l’hétéronomie sur le plan sociétal et sur le plan économique (Le Pen) ; ou bien tendre vers l’autonomie sur les plans économique et sociétal (Macron).
De plus, certains s’inscrivent dans une vision de globalisation du monde (Macron et Fillon, du moins sur le plan économique pour ce dernier), tandis que d’autres préfèrent la logique de l’État-nation (Le Pen avec son nationalisme habituel ; Mélenchon avec sa rhétorique selon laquelle un pays peut imposer sa volonté aux autres par la force du verbe et dans la totale méprise du fonctionnement du monde).
Cette nouvelle grille de lecture hétéronomie / autonomie et globalisation / États-nations déstabilise des électeurs qui traditionnellement s’inscrivent à Droite ou à Gauche, et qui se trouvent embarrassés par une bonne partie du programme pour lequel ils voteraient traditionnellement.
Au premier tour, faisons le choix de la globalisation plutôt que des États-nations, afin de ne pas amputer la France du sens de l’Histoire. Cela nous laissera le second tour pour débattre de la vision de la société que l’on souhaite pour le pays.
Pour en savoir plus :
– Gaspard Koenig, Le révolutionnaire, l’expert et le geek, Plon, 2015.
– Yuval Noah Harari, Sapiens : A Brief History of Humankind, Vintage, 2015.
Voir les commentaires (10)

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  • 40 ans de domination droite gauche….ben justement , y’en à marre de la droite gauche ;

  • Il faudra m’expliquer ce que signifie l’autonomie et l’hétéronomie sur le plan sociétal, dans un pays où la liberté est encadrée par la loi (article IV de la DDHC de 1789) afin que l’individu soit lui-même la source des lois qu’il s’impose : on marche sur la tête !

    On en revient à la vielle discussion entre Rousseau et Diderot sur la différence entre liberté et autonomie. Cette dichotomie est une vaste fumisterie qui essaie juste de faire la quadrature du cercle.

    Non, on voit deux mouvements nouveaux apparaître et deux mouvements conservateurs radicalisés faire leur baroud d’honneur :

    – Un parti hyper-étatiste ayant les étrangers comme bouc-émissaire (Le Pen)
    – Un parti hyper-étatiste ayant les capitalistes comme bouc-émissaire (Mélenchon)

    Ces deux partis étant les fossiles vivants et caricaturaux des pestes noires et rouges qui ont ravagées le XX° siècle.

    – Un balbutiement de parti libéral-conservateur (Fillon)
    – Un balbutiement de parti social-démocrate (Macron)

    Ces deux « nouveaux » partis n’étant qu’une tentative d’intégration à la sauce Franchouillarde de l’équilibre qui régit le monde anglo-saxon depuis 200 ans : et clairement … il était temps !

  • L’auteur développe une conception »post romantique » ou l’histoire aurais un sens.L’histoire a du sens mais n’est pas régie par un sens .La sempiternelle lecture des états nations coupables de toutes les misères depuis le 19eme et de l’horreur des frontières sont des poncifs que l’on retrouve chez des « libéraux » qui confondent les outils et ce que l’on en fait.L’état nation peut être une zone de liberté protégée par ses frontières(son armée) des menaces d’empires ou autres états.La globalisation (qui n’est pas malheureusement inexorable)est le fruit des échanges entre ces états nations et non pas le résultat d’une idéologie totalisante »soi disant bisounours » dépositaire d’un bonheur à priori.Pour le « problème gauche /droite, progressisme » voir Philippe Nemo : les deux républiques françaises(un éclairage).Cet article est d’une grande confusion.

    • Je me place dans un modèle où l’histoire des royaumes et des empires qui se font et se défont nous indique des mouvements reproduits d’une époque à l’autre, d’une région du monde à l’autre, une tendance qui va vers la réinvention continue des cultures dites « dominantes » de l’empire grâce aux apports des cultures « dominées ». En résumé, culture dominante + apports de la culture dominée = néo-culture qui sera perpétuée jusqu’à la chute de l’empire, éventuellement remplacé par un nouvel empire dominant qui va renouveler le cycle. Dans cet article je ne pose pas les états-nations comme responsables de tous les maux du XXe siècle – je pars du constat précédent sur les cultures pour suggérer que si l’on s’inscrit dans la suite de ce qui a été, il peut être légitime de s’attendre à une disparition des états-nations au profit d’une nouvelle culture dominante impériale. A la lumiere de l’histoire je pense que cet effacement se fera de facto, en dehors de toute volonté de bonheur ou de projet totalisant bisounours. La globalisation des modes de pensée, du mode de vie, de l’alimentation, etc., repose certes sur la liberté des échanges mais n’est pas obligatoirement liée aux états-nations. Je suis d’avis d’accompagner cette globalisation non seulement des échanges commerciaux, mais aussi culturelle, et d’assumer cette tendance vers l’unité de l’humanité que la lecture de l’histoire peut légitimer.

  • Je parle d’autonomie individuelle et non pas sociétale car à mes yeux ce qu’on appelle la société est composée d’individus, qui sont l’unité indivisible et à l’échelle desquels l’autonomie / hétéronomie fait sens.

    • Non, désolé, mais l’autonomie/hétéronomie sur le plan sociétal (je cite juste votre dernier chapitre) n’a aucun sens : une société est par définition composée de normes reliant des individus ensembles.

      La question étant de savoir si ces normes permettent la liberté ou l’empêche, la position des libéraux « classiques » étant de dire que les normes ne favorisent pas la liberté à l’inverse de la pensée sociale démocrate qui dit que l’Etat doit intervenir … article IV de la DDHC, Rousseau etc… Ce n’est pas une histoire d’autonomie/hétéronomie.

      • Je sors des grandes classifications historiques du libéralisme pour une considération plus pratique :
        – soit on considère que la société est une entité plus ou moins homogène qui a la légitimité d’imposer un minimum de normes via le pouvoir politique.
        – soit on considère que la société n’existe pas politiquement, et que l’individu est l’unité indivisible de l’humanité.
        La liberté individuelle au sens des libéraux classiques a un sens dans ce 2e cas, mais moins dans le premier, car il y a plusieurs dimensions à prendre en compte en plus de l’individu seul.
        Le paradigme autonomie/hétéronomie ne s’oppose pas à la liberté, celle-ci est même un préalable nécessaire. Mais s’arrêter à la liberté est moins commode à manier d’un point de vue intellectuel dès lors qu’il s’agit de caractériser la relation entre l’individu et la société. L’autonomie/hétéronomie permet de raisonner avec plus de degrés de liberté et de contourner le caractère binaire de la liberté individuelle. Il s’agit d’ailleurs d’une conception chargée d’une intentionnalité, tout comme le fonctionnement du cerveau qui, confronté à son environnement, doit effectuer des choix (préservation de la vie et recherche de la récompense).

        • Autant je vous suis complétement sur le plan économique, autant sur le plan sociétal cela n’a aucun sens : les droits naturels définissent une hétéronomie, l’autonomie serait absolument contraire à la liberté, car cela voudrait dire que chacun peut s’affranchir de la propriété, de la liberté et même de la vie des autres … ET ils définissent aussi une autonomie : l’hétéronomie signifiant alors qu’aucun peut légiférer la propriété, voire la vie d’autrui …

          Donc l’autonomie/hétéronomie n’a aucun rapport avec la liberté, sauf sur le plan matériel, économique : la liberté est un moyen pour augmenter l’autonomie de chacun, bien plus efficace que les normes … et l’hétéronomie matérielle signifie en clair l’asservissement, le nivellement par le bas, l’égalitarisme.

          Je suis désolé, mais la liberté d’opinion est un principe libéral et dans ce contexte, chacun a son propre référentiel de normes morales : libre à lui de croire que le monde est le fruit d’une création (ce qui définit une hétéronomie : la Loi des juifs et des chrétiens, la Charia des musulmans …), d’un matérialisme (ce qui définit également une hétéronomie scientifique, un positivisme …) ou tout simplement de suivre le common law.

          Je comprend votre intention, mais de mon avis ce qui est important est la finalité de l’action politique : soit celle-ci a comme finalité l’autonomie économique des individus, et elle est alors libérale, soit elle cherche à mettre en place une hétéronomie, et elle est alors social démocrate.

          Oui, la liberté est un concept difficile à manier, parce que contrairement à ce que l’on pense de prime abord, la liberté est un acquis, une « grace » naturelle qui n’a absolument rien à voir avec la société.

          Donc effectivement, raisonner sur la relation entre l’individu et la société en utilisant la liberté est compliqué, mais raisonner en terme d’autonomie/hétéronomie n’est pas plus simple : de nombreux auteurs libéraux ont critiqué sévèrement Rousseau et la Révolution Française justement pour cette intellectualisation de la liberté … car cela revient justement à écrire des normes qui ne tiennent pas debout, car elles essayent de réglementer la liberté 🙂

          L’article IV de la DDHC en est un bel exemple.

          Pour revenir à l’hétéronomie sociétale, elle existe quoi qu’on en dise, la seule question étant de se demander si cette hétéronomie doit être légale et progressiste (que l’Etat soit l’instrument de mise en place de cette hétéronomie) ou si les normes sont le fruit d’une évolution Darwinienne (utilitariste ou pragmatique) et que cette hétéronomie doit être judiciaire et conservatrice (que l’Etat soit l’instrument qui protège les individus de la société)

          Merci de la discussion

  • Enfin, concernant le clivage droite/gauche, cet article n’étant pas une thèse universitaire, vous ne pouvez pas balancer des références bibliographiques à la figure comme pour légitimer un argumentaire ad hoc que vous n’avez pas. Je peux aussi vous renvoyer à Classe, religion et comportement politique de Michelat et Simon. Il est certain que si l’on se restreint à votre point de vue, on peut trouver les choses confuses car on n’a en fait rien compris à la réflexion.

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