En France, il est interdit de se passer des autres

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Bureaucracy illustration by Harald Groven(CC BY-SA 2.0)

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En France, il est interdit de se passer des autres

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 12 avril 2017
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La petite histoire du jour se déroule à Cercoux, dans le sud de la Charente Maritime. Comme toutes les petites histoires, celle-ci est à la fois banale, scandaleuse et symptomatique de la folie paperassière qui s’est emparée du pays.

À Cercoux, Guy Belmon est propriétaire d’un terrain boisé dans lequel il a eu l’impudence assez inconcevable de construire une cabane. Notre homme n’est pas exactement un petit trentenaire fringant : vieux retraité sans le sou, il a décidé de faire de cette cabane son habitation principale, loin du tumulte des autres. Sa maigre pension ne lui permet de toute façon pas, en l’état, d’envisager la location d’un appartement en bonne et due forme. En outre, son éducation ou, allez savoir, sa misanthropie, ne le pousse guère à demander l’une ou l’autre aide dont la République est à la fois si friande lorsqu’il s’agit de collecter et si avare lorsqu’il s’agit de distribuer.

Au bilan, notre vieil homme se la joue donc ermite, seul dans son bois.

Dans notre pays où la Loi est oubliée par les puissants mais reste indépassable pour tous les autres, c’est un véritable affront qui se joue là. Construire une cabane dans un terrain boisé, déclaré unilatéralement inconstructible par une Autorité certainement indispensable à la survie de la Nation, voilà déjà un premier motif de stupeur. Tenter de ne rien demander à personne, ermiter dans son coin, voilà encore un autre motif de grogne. S’opposer à la Sainte et Belle Planification Ordonnée du territoire national par ses Autorités tutélaires, bienveillantes et à l’efficacité maintes fois prouvées, voilà enfin la raison suffisante pour qu’un procès soit ouvert.

La Mairie, qui incarne fort heureusement cette Autorité, s’est déjà saisie du problème et animée du juste courroux que ces trop nombreux motifs déclenchent, entend bien mener tambour battant la réhabilitation du bois en poursuivant le vilain retraité ermite, jusque dans les chiottes s’il le faut. Eh oui : quand bien même il est le propriétaire du bois, quand bien même il ne dérange personne, quand bien même il ne souhaite pas profiter de la collectivité en puisant dans ses ressources, quand bien même !, la collectivité, elle, n’entend pas se faire ostraciser ainsi par un vieux retraité pauvre.

Du reste, un retraité qui commence à se débrouiller par lui-même sans rien demander à personne, s’il est laissé à ses lubies sans intervention, risque bien de provoquer un mouvement d’ensemble. Cela commence ainsi et, rapidement, le lendemain ou le surlendemain, voilà que des citoyens, par dizaines, centaines, milliers, que dis-je, millions, se retrouvent à s’occuper de leurs affaires au lieu de celles des autres, à essayer de survivre sans venir piocher dans les caisses sociales. Et ça, ma brave dame, mon bon monsieur, c’est le début de l’anarchie.

Sans compter l’inénarrable problème des sites classés, des lieux réputés inconstructibles et autres zones officiellement agricoles qui ne peuvent, en aucun cas, être reconvertis, jamais ! Si, maintenant, les propriétaires de terrains sont laissés à leur appréciation pour l’usage de leurs terres, il va sans dire que ce sera, forcément, le chaos tant il est manifeste que, avant l’invention des plans d’occupation, de la désignation de zones protégées et autres magies réglementaires indispensables dans ce pays, le Royaume de France n’était qu’un cloaque immonde où n’importe qui construisait n’importe quoi, n’importe où, comme des cathédrales, des châteaux, des villes entières en dépit du bon sens, de toute Sainte et Belle Planification Ordonnée du territoire national, et qui remplissent d’horreur les millions de touristes qui viennent justement pour voir les délires qui s’emparèrent du pays dans ces siècles maudits sans bureaucratie administrative rigoureuse !

Laisser papy Belmon dans la cabane au fond du jardin, c’est ouvrir la porte à toutes les fenêtres à colombage ; c’est implicitement autoriser des yourtes tragiques sur des terrains salubres et villageois, c’est sortir de la rue des individus qui ne demandent que ça pour les propulser dans les affres d’un chez soi construit de leurs propres mains au lieu de passer par les étapes indispensables de la Sainte et Belle Bureaucratie française qui tamponne, paraphe, vérifie, valide et broie tout ce qui lui passe entre les doigts. Laisser tranquille un petit retraité dans sa cabane, c’est interdire tout prurit aux hordes d’imbéciles psychorigides qui, choisissant toujours le délice de la responsabilité collective à l’individuelle, braieront interminablement que construire sans permis, c’est une hérésie qui n’entraînera que morts, famine, destruction et cors aux pieds, en dépit de 10.000 ans d’histoire humaine où ces putains de cerfas de merde amusantes contraintes n’existaient pas et où les gens faisaient à peu près ce qu’ils voulaient sur leurs terres.

Il faudra donc que justice passe, là aussi. Des bulldozers aplatiront consciencieusement la cabane. L’ermite ira se faire oublier sous un pont, comme tous les pauvres vieux que produit notre système de retraite que le monde nous envie mais se garde prudemment de nous copier. Il crèvera seul, ce qui permettra sans doute à la mairie de Cercoux de préempter le bois pour en faire, plus tard, un jour lointain ou pas, un terrain constructible.

Et tout retrouvera son calme au Royaume des Bisous.

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  • Que voulez-vous : papy Belmon n’est plus en âge de lancer des pavés. En conséquence, il n’a plus voix au chapitre. Ah notre belle république eugénique ou tout doit être parfait… non mais ❗

  • il ne faut pas s’étonner que 500 sdf soient morts en 2016 ; c’est tellement mieux de laisser des gens crever dehors même si ceux ci pourraient , par leurs actions , avoir un toit sur la tête , aussi petit soit il ; quand à certains maires , quand j’entend dire que ce sont ces politiciens qui sont le plus prés du peuple , certe , tant que l’on vote et que l’on reste à leur botte ; douce france , qu’ont ils fait de toi ;

  • Encore un exemple de l’étendue communiste de notre pays. En plus d’un gros piétinement de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, ce dont ce retraité bénéficie toujours, au « pays des Droits de l’Homme », vu qu’il est un Homme ET un Citoyen.

  • Quel bonheur de vous lire! Merci infiniment.

  • Ce qui est hallucinant, c’est que des centaines de personnes occupent des terrains qui ne leur appartiennent pas, y déversent matière fécale, déchets en tout genre, au point de se demander s’ils n’aiment pas vivre salement … partout, tout autour de nos villes cossues et proprettes, dans la plus parfaite impunité…. tant pis pour les voisins.

    PS : ce cas est loin d’être isolé, quand bien même ces occupations certes illégales, ne commettent aucune injure aux paysages, ni pollution particulière

  • La misanthropie est celle du groupe vis-à-vis de l’individu qui veut ETRE seul.

  • Même type d’anecdote dans un village du Berry : un vieil homme habite au bout du bout d’un chemin où les camions poubelles n’accèdent pas. Ce n’est pas grave : seul, habitué à une certaine autarcie, il se débrouille avec ses quelques ordures, peu abondantes puisqu’il vit chichement, entre son potager et son compost… De fait, ce monsieur était exonéré de taxe des ordures ménagères.
    Mais dernièrement, le SMIRTOM du coin s’est aperçu de son manque à gagner, et a envoyé sa facture au petit vieux. Celui-ci a eu beau protester, rien n’y fit ! Les poubelles ne sont donc toujours pas ramassées chez lui, mais dorénavant, il paie aussi !
    Ouf, le President du Smirtom peut dormir satisfait !

  • Et pendant ce temps là, à Notre-Dame-des-Landes . . .

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