Crise en Guyane : quelles conséquences énergétiques ?

Voilà maintenant plusieurs jours que la Guyane est paralysée par un conflit social d’une vaste ampleur. Profitons-en pour faire la lumière sur le réseau EDF guyanais et les risques liés à ce mouvement de grève générale.

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Centrale thermique crédits Alpha du centaure (CC BY 2.0)

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Crise en Guyane : quelles conséquences énergétiques ?

Publié le 30 mars 2017
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Par Paul Van Migom.

Alors que « Les 500 frères contre la délinquance » ont instauré une grève générale illimitée ce mardi 28 mars sur le territoire guyanais, le risque de pénurie d’électricité commence à se faire craindre. En effet, voilà maintenant plusieurs jours que le territoire d’outre-mer de 250 000 habitants est paralysé par un conflit social d’une vaste ampleur. Nous profitons de cet événement pour faire la lumière sur le réseau EDF guyanais et les risques liés à ce mouvement de grève générale.

 

État des lieux de la consommation guyanaise

Étant électriquement isolés, les territoires comme la Guyane doivent être autosuffisants et produire eux-mêmes l’énergie qu’ils consomment.

Actuellement, on recense au total 15 sites de production d’électricité en Guyane. Le barrage de Petit-Saut, mis en service en 1994, assure à lui seul plus de la moitié de la production d’électricité consommée directement par les Guyanais. L’eau se veut donc être la première source d’énergie renouvelable et, contrairement aux autres départements d’outre-mer, la Guyane n’est que très peu dépendante de l’énergie fossile.

Celle-ci ne représente qu’un tiers de la production d’énergie, et est assurée par la centrale thermique au fioul de Degrad des Cannes à Remire-Montjoly. Le reste de la production provient quant à lui de moyens de production de plus petite capacité, à Kourou et Saint-Laurent ainsi, que dans les points d’habitat isolés. Ces derniers possèdent des alimentations en électricité indépendantes, qui ne sont généralement pas connectées au réseau électrique principal.

Concernant la répartition de la consommation, celle du secteur tertiaire représente 55 % (en 2013) de la consommation globale, mais elle s’explique en partie par la forte activité du centre spatial guyanais de Kourou.

 

Un territoire propice aux énergies renouvelables

On dénombre près d’une trentaine de cours d’eau traversant le territoire guyanais. Ceux-ci permettent de développer facilement la production hydroélectrique qui, rappelons-le, représente à l’heure actuelle deux tiers de la production d’électricité.

De ce fait, la répartition de la production électrique par type d’énergie est fortement liée aux conditions climatiques et varie selon la pluviométrie. On observe ainsi des pics de production d’énergie d’origine thermique lorsque les précipitations se font moins importantes.

Des variations allant jusqu’à 10 % ont d’ailleurs été observées en 2005 où la production d’origine hydroélectrique fut (seulement) de 50 %, alors qu’elle représentait en temps normal 60 % du mix électrique du territoire d’outre-mer.

Plus récemment, en 2015, EDF Energies Nouvelles a annoncé la mise en service d’une centrale photovoltaïque innovante dont la particularité est de pouvoir stocker  une partie de l’électricité qu’elle produit.

Située à Toucan, cette centrale d’une puissance de 5 mégawatts crête1 (MWc) compte 55 000 panneaux solaires reliés à des batteries pouvant stocker jusqu’à 4,5 mégawatts d’électricité. Cette capacité de stockage permet ainsi d’alimenter 4000 habitants sur une durée d’une heure. Étant situé à proximité de l’équateur, la Guyane offre un excellent rendement pour les centrales photovoltaïques.

 

Les difficultés rencontrées par EDF

L’isolement de la région et la capacité de production d’énergie restreinte pèsent aujourd’hui sur les coûts et les activités d’EDF en Guyane. Un arrêt d’une ou de plusieurs unités de production rendrait la fourniture d’électricité difficile et pourrait potentiellement provoquer des coupures sur le réseau.

N’étant pas interconnecté aux réseaux des pays voisins et fonctionnant en totale autonomie, le système semble vulnérable, notamment aux mouvements de grève généralisés.

La faible densité démographique du territoire contraint EDF à mettre en place et à entretenir un réseau étendu qui n’est relié qu’à peu de points de livraison d’électricité. À titre de comparaison, EDF-Guyane possède le plus grand réseau électrique des DOM mais aussi le plus petit nombre de clients.

L’environnement équatorial est aussi un facteur à prendre en compte dans les coûts d’entretien du réseau de distribution d’EDF. Celui-ci subit de nombreux dommages dus à la végétation ainsi qu’aux animaux et insectes dont les termites, qui sont à l’origine de nombreux dysfonctionnements.

De plus, les marchés parallèles, bien qu’illégaux, représentent un manque à gagner conséquent pour EDF.  Ils sont aussi souvent à l’origine d’accidents liés au non-respect des normes de sécurité.

 

Quel avenir pour le réseau guyanais ?

Pour parfaire et développer le réseau actuel, EDF-Guyane a missionné le Service des Communes de l’intérieur (SCI) chargé de garantir la qualité des installations ainsi que la continuité du service de la production à la distribution de l’électricité.

L’une des premières actions menées est la mise en service, en 2009, de la plus grande centrale solaire en site isolé de France située à Kaw. Première centrale électrique hybride photovoltaïque/diesel au monde, elle est à l’origine d’un projet visant à raccorder les zones plus enclavées du territoire.

Autre projet mené par EDF : l’interconnexion du réseau avec les pays frontaliers. Ce projet aurait pour avantage de limiter les risques de pannes ou coupures liées à l’isolement actuel du système.

Cette ligne à haute tension partirait de Boa Vista au Brésil pour rejoindre Georgetown à la Guyana, Paramaribo au Suriname puis Cayenne pour finir son tracé au Brésil, à Macapa.

Cet investissement, qui servirait en premier lieu, à assurer une sécurité énergétique pourrait aussi représenter un avantage commercial pour EDF, qui ouvrirait son marché aux pays voisins. L’importation et l’exportation d’électricité seraient ainsi envisageables tout comme la mise en place d’un nouveau barrage en Guyane.

sources : www.edf.gf et www.iedom.fr

Sur le web

  1. Production d’électricité dans des conditions normales pour 1000 watts d’intensité lumineuse par mètre carré à une température ambiante de 25°C.
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  • « cette centrale d’une puissance de 5 mégawatts crête1 (MWc) compte 55 000 panneaux solaires reliés à des batteries pouvant stocker jusqu’à 4,5 mégawatts d’électricité. Cette capacité de stockage permet ainsi d’alimenter 4 000 habitants sur une durée d’une heure. »
    Je n’ose pas imaginer le prix de revient du KW produit d’une telle installation.

    • Les batteries sont superflues ,qu’est-ce qu’une heure de consommation……Bah , l’importateur doit connaître de bonnes personnes ?

    • et en plus, toujours mauvais signe, ça veut dire quoi stoker 4,5 mégawatts? mais bon, si l’ensoleillement est bon , les batteries sont juste un appoint ici … dans certaines zones le solaire n’est pas idiot…du moins..en théorie.

  • Les commentaires sont fermés.

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